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[GRANT INSTITUTE SCHOOL OF GEOSCIENCE ]
STAGE MASTER
Étude paléoclimatique dans une zone de la
Nouvelle-Calédonie
Gaelle PARARD
31/08/2007
Maître de stage : Mary Elliot
Enseignant tuteur : Laurent Labeyrie
Remerciements
Je voudrais tout d’abord remercier Mary Elliot sans qui ce stage n’aurait pu être
possible et également pour son aide et ses conseils précieux. Je souhaiter également
adresser un grand merci à Laetitia Pichevin pour son encadrement et ses explications et
sa gentillesse pendant toute la durée de mon stage.
M erci aussi à Tom Russon pour son aide et son intérêt pour mon travail.
Je voudrais remercier Elsa Arellano Tores pour le temps qu’elle m’a accordée et pour
m’avoir guidée dans mes réflexions.
Enfin un merci particulier à Colins Chilcott pour son aide avec le spectromètre de masses
et sa disponibilité.
M erci à tous pour l’accueil chaleureux au sein du Grant Institut School of Geoscience.
Enfin, je remercie vivement Laurent Labeyrie qui m’a permis de rencontrer Mary Eliot et
de vivre cette e xpérience.
1
Présentation du laboratoire
Le laboratoire School of Geoscience de l’Université d’Edimbourg explore les
facteurs qui forment l’environnement dans lequels nous vivons. Il est formé d’un groupe
interdisciplinaire qui cherche à comprendre l’interaction entre la géologie de la Terre,
l’atmosphère, les océans, la biosphère, les réponses humaines et le rôle de cette
interaction.
Un grand nombre de personnes participent à ce travail. En effet plus de 80 universitaires
et 70 spécialistes de la recherche mais aussi plus de 130 étudiants en thèse.
Le laboratoire se divise en 5 groupes de recherche :
-
« Earth Subsurface Science » : propriétés chimique et physique, origine et histoire
des minéraux, pierres… et leurs interactions à tout échelle.
« Global Changes » : étude de la dynamique et les interactions océan
atmosphère, cryosphère…
« Human Geography » : Science sociale et interface entre science et géographie
humaine.
« Edinburgh Earth Observatory » : télédétection et science géographique de
l’information.
« Centre for Environmental Change & Sustainability » : les causes et les impacts des
changements environnementaux.
J’ai pour ma part eu l’occasion de travailler dans le groupe de recherche « Global
Changes » qui étudie la glace, les océans , l’atmosphère pour savoir comment la surface
de la biosphère ont agit dans le passé. Ce groupe est organisé autour de 5 programmes.
-
biosphére
cryosphere
Ocean
Continents
Atmosphere
2
Résumé
La paléoceanographie est une science qui permet d’obtenir à partir de différents
matériaux (carottes de glaces, de sédiments, diatomées…) des informations sur le climat
passé. Cette étude est basée sur une carotte de sédiments extraite du bassin de la
Nouvelle-Calédonie.
De nombreuses informations sont accessibles à partir d’une carotte de sédiments en
particulier la composition isotopique en carbone, oxygène et azote permettant de
reconstruire la circulation passée. La composition isotopique de l’azote est une mesure
obtenue sur la matière organique. Elle n’a jamais était effectuée dans cette zone et elle
nous a permis de montrer que, dans ce cas, elle ne reflétait pas la productivité mais
pouvait servir de marqueur de circulation.
Une autre partie de cette étude concerne la dernière transition glacière et interglacière
avec la composition isotopique de l’oxygène et du carbone. La composition isotopique
de l’oxygène donne des informations sur le volume des glaces, la température et la
salinité et le carbone sur les masses d’eau. Ces données sont obtenues avec des
foraminifères planctoniques qui vivent en surface et benthiques qui vivent en profondeur.
Avec ces trois séries de renseignements, des informations ont été obtenues sur toutes les
couches de l’océan : dans la zone en surface avec les planctoniques, en zone
intermédiaire avec la matière organique et en profondeur avec les foraminifères
benthiques.
3
Table des matières
I. Introduction ................................................................................................5
II. Zone d’étude ................................................................................................6
1.
2.
3.
4.
5.
VARIATIONS CLIMATIQUES ET CIRCULATION : POURQUOI ETUDIER LA MER DE CORAIL ................................. 6
LES COURANTS DE SURFACE ............................................................................................................................... 7
MASSES D’ EAU PROFONDE ................................................................................................................................. 8
SYSTEME DE VENTS............................................................................................................................................. 9
UPWELLING .......................................................................................................................................................11
III.
Outils et méthodes ...............................................................................14
1.
a.
b.
2.
FORAMINIFERES ................................................................................................................................................14
δ18O et variations glacio-eustatiques .........................................................................................................14
Le cycle du carbone.....................................................................................................................................15
CYCLE DE L’AZOTE : UTILISATION DU SIGNAL ISOTOPIQUE ............................................................................16
IV. Matériels et Méthodes..............................................................................17
1.
2.
MATERIELS ........................................................................................................................................................17
METHODES ........................................................................................................................................................17
V. Résultat .....................................................................................................19
RESULTATS δ18O ET δ13C..................................................................................................................................19
RESULTATS δ15N ...............................................................................................................................................21
MODELE D’AGE .................................................................................................................................................22
1.
2.
3.
VI. Discussion .................................................................................................23
1.
δ15N MARQUEURS DE PRODUCTIVITE OU DE CIRCULATION ? ........................................................................23
Dénitrification et fixation ............................................................................................................................23
L’impact de l’upwelling ..............................................................................................................................24
L’océan Australe..........................................................................................................................................25
2. ZOOM SUR LA DERNIERE TRANSITION : TIMING ...............................................................................................28
a. Généralité.....................................................................................................................................................28
b. Volume des glaces, température et salinité...............................................................................................30
c. Masses d’eau ................................................................................................................................................30
a.
b.
c.
VII.
Conclusions .......................................................................................31
VIII.
Bibliographie .....................................................................................32
IX.
Annexes..................................................................................................34
1.
2.
ANNEXE 1 : δ13C PLANCTONIQUE ....................................................................................................................34
ANNEXE 2: CONCENTRATION EN AZOTE ..........................................................................................................35
4
I.
Introduction
La Terre est la seule planète de notre système solaire ayant des climats vivables pour
les hommes. Cela s’explique par la configuration des astres de ce système. La chaleur est
le moteur des climats. Elle provient d’une source principale qui est le Soleil. Avec ses
6000°C, il rayonne un flux d’énergie dans toutes les directions du système solaire et de
façon constante. La distance au Soleil permet de recevoir un apport équilibré en chaleur
et sa rotation contribue à des échanges de chaleur au sein de l’atmosphère.
M ais la Terre a connu de nombreux changements climatiques durant son histoire.
Certaines périodes ont été beaucoup plus froides, d’autres beaucoup plus chaudes
qu’aujourd’hui. En 1837 Lous Agassiz est le premier à émettre l’hypothèse d’une
glaciation, sa théorie se basait sur le déplacement des grands blocs erratiques. Entre 1901
et 1909, deux scientifiques A.Penck et E.Brueckner ont émis une théorie pluriglacialiste. La
théorie sera poussée plus loin avec l’astrophysicien Milankovitch qui publiera une théorie
astronomique du climat admise en 1976 . Cette théorie affirme que les grandes
glaciations sont enclenchées par des paramètres orbitaux et que la quantité de flux
solaire est déterminante.
La paléoclimatologie est une science qui permet d’étudier ces ères passées et de
comprendre plus facilement le système climatique en comprenant son évolution. Elle a
permis de confirmer la théorie de Milankovitch à l’aide d’archives (glaces, sédiments,
arbres…) et différentes techniques géochimiques et magnétiques. Elle fournit ainsi des
indicateurs globaux ou locaux du climat passé.
Dans cette étude, nous nous intéresserons à l’aide de la chimie isotopique à
l’évolution à l’échelle glaciaire et interglaciaire du cycle de l’azote (nutriment essentiel
dans l’océan), de l’oxygène et du cycle du carbone dans une carotte de sédiments
extraite dans la mer de Corail.
Ceux-ci nous permettront ainsi de comprendre les changements locaux dans la zone
étudiée mais également des changements globaux. Cette étude a pour but dans un
premier temps l’étude de la composition isotopique de l’azote dans la mer de Corail qui
n’a jamais encore été faite afin de comprendre le rôle de celui-ci comme marqueur de
productivité ou comme marqueur de circulation. Dans un deuxième temps, l’intérêt est
d’étudier différents marqueurs comme l’oxygène le carbone et l’azote pendant la
dernière déglaciation afin de comprendre le timing entre chaque phénomène comme la
fonte des glace et les changements de circulation.
5
II.
Zone d’étude
1. Variations climatiques et circulation : pourquoi étudier la mer de
corail
Suite à une campagne de recherche franco-australienne AUSFAIR – ZoNéCo 12 qui
s’est déroulée en mer de Tasmanie en février 2006, des carottages profonds ont été
effectués à bord du navire de recherche le Marion Dufresne. La carotte MD06 3018 a été
prélevée dans le bassin de Nouvelle Calédonie a une latitude 23°00.19' S et une
longitude 166°08.97' E, de profondeur 2470m et de longueur de 28.71 m.
Figure 1 : localisation de la carotte MD06-3018 dans l’océan près de la Nouvelle-Calédonie.
La zone dans laquelle se situe la carotte est la gyre centrale Pacifique Sud (figure 2), c'està-dire une boucle fermée formée par les courants. Cette gyre est décrite comme une
zone fortement oligotrophique avec une forte limitation de substances nutritives comme
le fer ou l’azote (Charpentier, Farias et al. 2007; J Charpentier 2007)
Figure 2 : distribution des courants de
surface
représentant
les
gyres
présentes dans l’océan en particulier
la gyre pacifique sud dans la zone
étudiée représentée par le carré noir.
La concentration de la chlorophylle dans la zone étudiée, est faible entre 0,08 et 1 mg.m-3
ce qui confirme le fait que cette zone oligotrophique ( figure 3).
6
Figure
3:
Concentration
de
la
chlorophylle dans la gyre sud pacifique
représentée par les flèches rouges NASA
(http://reason.gsfc.nasa.gov/OPS/Giov
anni/ocean.sea w ifs.shtml)
2. Les courants de surface
Les courants de surface sont produits directement ou indirectement par la différence
du bilan radiatif solaire à la surface du globe. Les radiations solaires générant des
différences de température vont créer des vents qui vont entraîner la surface de l'eau par
friction induisant des déplacements horizontaux. Par réchauffement ou par
refroidissement des masses d'eau, par évaporation ou par précipitation, ces mêmes
radiations, en changeant la température et la salinité vont provoquer des modifications
de densité qui induiront des déplacements verticaux.
Le courant Est australien (EAC) forme l’une des caractéristiques dynamiques
prédominants dans la région. Sa circulation est compliquée par les nombreuses îles, les
bassins et les arêtes qui forment une topographie complexe à la frontière océanique du
sud-ouest. Le second courant principal de surface dans cette zone est le courant sud
équatorial (SEC). Ce courant vient du Nord Est et amène de l’eau chaude et peu saline
(Vega, Ganachaud et al. 2005). L’afflux de celui-ci en mer de Corail bifurque en trois jets,
déterminés principalement par la localisation des îles Fiji, Nouvelles Calédonie et Vanuatu.
La partie qui traverse la zone étudiée est le jet Sud calédonien (SCJ,24°S) (Ganachaud ,
Kessler et al. 2007). Il y a également le jet nord Caledonien (NCJ,18°S) et jet Nord
Vanuatu ( (NVJ,13°S)(figure 4) . Le NCJ bifurque sur la cote Est de l’Australie et rejoins l’EAC
et le courant des côtes de la Nouvelle Guinée (NGCC).
La circulation océanique près des îles dans cette zone est très complexe. La couche de
surface est formée de l’eau de surface tropicale (TSW) avec une haute température
autour e 25°C et une faible salinité moins de 35,1.
7
Figure 4: système majeur du
pacifique Sud Ouest représenté par
les lignes rouges. Le courant
équatorial du Sud (SEC) est divisé
en
jet
Nord
/Sud
Vanuatu
Jet(NVJ/SVJ) et Jet Sud / nord
Calédonien
(SCJ/NCJ).
Ils
alimentent le système actuel des
frontières : Courant Queensland
nord (NQC), Cote de la nouvelle
Guinée (NGCC /NGCUC) et le
courant Est Australien (EAC). Du
nord on a le Courant Equatorial
sous-jacent (EUC) et au Sud le
contre courant Subtropical (STCC)
le front Tasmanie (TF) et le courant
Auckland Est( EAUC) (Ganachaud
et Al 2007) Le carré bleu
représente la lieu d’e xtraction de
la carotte MD063018. L’échelle
représente la hauteur dynamique
entre 0 et 2000 m (m3/s²) (CARS )
Entre la surface et 200m de profondeur se trouvent les eaux basses subtropicales (SLW).
Elles ont une salinité maximale (35,7 ‰), une densité entre 24,4 et 24,8 et une
température entre 21et 25°C (Sokolov and Rintoul 2000).
3. Masses d’eau profonde
Les vents n'ont plus d'influence en dessous de 800m de profondeur, ils ne peuvent être
les moteurs des circulations océaniques profondes. Celles-ci sont générées par des
masses d'eaux profondes identifiées en fonction de leur température, de leur salinité et
qui acquièrent leurs caractères en surface suite à l'évaporation, aux précipitations, à
l'arrivée d'eaux douces continentales et à la congélation de l'eau de mer. Ces courants
basés à la fois sur des différences de température (l'eau froide est plus dense que l'eau
chaude) et sur des différences de salinité (l'eau salée est plus dense que l'eau douce)
vont se répartir en différentes couches dans les océans.
L’océan du Sud est la formation de plusieurs masses d’eau qui ventilent le fond et les
profondeurs intermédiaires de l’océan mondial. (Tomczak and Liefrink 2005).
Dans la zone d’étude, les eaux profondes et les eaux de subsurface viennent du Sud. Tout
d’abord les masses d’eau qui circulent dans le Sud Ouest Pacifique sont différentes selon
les profondeurs ( figure 5)
Sous les eaux de surface, on trouve les eaux mode subantarctique (SAMW) qui sont des
eaux caractérisées par leur forte teneur en ox ygène (4,5 ml/l dans la zone étudiée )
avec des températures entre 8 et 9.5 °C et une salinité entre 34,60 et 34,75 ‰.
8
Ensuite on trouve les eaux antarctiques intermédiaires (AAIW) ayant une salinité minimum
et occupe les couches intermédiaires juste en dessous de SAMW. Dans la zone étudiée, la
salinité est entre 34,44 et 34,38 ‰.
Autour d’une profondeur de 2000 m, ce sont les eaux profondes circumpolaires
supérieures et inférieures (U/LCDW) qui représentent la masse majeure . Elle est formée à
partir des eaux profondes Nord Atlantique modifiées par le mélange avec les eaux
profondes indiennes et pacifiques. UCDW est caractérisé par un minimum en oxygène et
un maximum en nutriments ; LCDW est caractérisé par une très forte salinité ( 34,7 ‰)
(Tomczak and Liefrink 2005).
La dernière masse d’eau est représentée par les eaux de fond antarctique (AABW) à
0,17 °C et 34,7 ‰ de salinité, et s'écoule le long de la pente antarctique depuis la mer de
Weddell. (Sokolov and Rintoul 2000)
Figure 5 : représentation des courants en fonction de la profondeur dans la mer de Tasmanie, SAMW
subantarctique mode water, CSTW cool subtropical water , AAIW antarctic intermediate water, u/l
CPDW upper/lower circumpolar deep water, AABW Antarctic Bottom Water. Le cercle bleu
correspond à la localisation de la carotte. (Cooke, Nelson et al. 2004)
4. Système de vents
Dans cette région, les vents principaux sont les alizés venant du Sud-Est. Ils sont
presque parallèles à la cote ouest de la Nouvelle Calédonie, et représentent 70% des
vents dans cette zone (figure 6 ). Il existe également des vents venant d’ouest qui sont
beaucoup moins importants. (Alory et Al, 2006). Les alizés dominent largement le signal
de vent en surface observé par satellite.(Vega, Ganachaud et al. 2005).
9
La direction des vents a un caractère saisonnier. En effet, de juin à octobre, suite à un
déplacement de la zone de convergence du pacifique sud, les vents augmentent leur
intensité vers le Nord par rapport au vent moyen de surface (figure 7 ). Pendant
novembre et décembre, il y a une phase de transition, l’intensité des vents est alors
spatialement homogène.
De janvier à mai , la distribution des vents est inversée , les plus fort se trouvent plus au
Sud. (Vega, Ganachaud et al.
2005)
Figure
6
Représentation
de
la
circulation des vents par rapport à la
côte ouest e la Nouvelle Caledonie
représentée par la flèche noir (Alory,
Vega et al. 2006)
Figure 7 : Moyenne sur la période totale de
1992 à 2005 pour la tension de vent de
surface. (Vega, Ganachaud et al. 2005) Les
vecteurs moyennes sont calculés à partir des
données provenant des satellite ERS1 pour la
période de 1992-1996, ERS2 pour la période
1997-2000 et Quickscat pour la période 20002005. Les données sont distribuées par le
CERSAT
(http://www.ifremer.fr/cersat/en/index.htm).
10
5. Upwelling
La Nouvelle-Calédonie présente le long de la côte ouest une bonne configuration
pour les remontées d’eau froide appelées aussi upwellings .
L’upwelling est un phénomène qui se produit lorsque de fort vent marin poussent l’eau
de surface laissant ainsi un vide ou peut remonter les eaux de fond et avec elles une
quantité de nutriments. Ils sont favorisés par des vents parallèles à la côte qui permettent
d’avoir un vent de dérive plus important et donc de pouvoir déplacer les masses d’eau
proches de la côte.
Un upwelling dans une zone oligotrophique engendre des changements importants sur la
productivité, le cycle des nutriments... L’apport de nutriments dans la zone euphotique
(zone de surface jusqu'à 120 m de profondeur) par l’upwelling peut avoir une importante
implication biologique. En effet dans la zone euphotique, la lumière qui pénètre rend
l’activité de la photosynthèse possible, il y a donc dans cette zone une riche activité
biologique.
Les upwellings, dans cette région, sont associés a des forts événements d’alizés (Alory,
Vega et al. 2006). Ils se passent surtout pendant la période hivernale c'est-à-dire de juin à
octobre. Ceci est confirmé par le caractère saisonnier des vents mentionnés
précédemment.
Ces événements sont marqués au niveau de la température (figure 8), on peut observer
que, lors d’upwelling la température de surface (SST) diminue avec la remontée des
eaux profondes plus froides. Des événements d’upwelling se sont produits un peu avant
les 20 et 30 novembre on peut voir que la température (environ 22°C) est plus froide que
le 20 décembre où il ne s’est rien passé (environ 26 à 28°C) (figure 8).
Figure 8 : image satellite (Alory, Vega et al. 2006) représentant l’évolution de température après un
upwelling 20 et 30 novembre et sans upwelling 20 décembre
11
Lorsqu’on s’intéresse aux changements de la SST au cours de l’année sur une zone un peu
plus large (figure 9), on peut noter que les changements de température dans la zone
semblent globaux. Effectivement on note un refroidissement des eaux pendant les
périodes hivernales de 4 °C environ mais ceux-ci semblent provenir des courants marins et
non être liés à l’upwelling.
Figure 9 : SST pendant juin 2004 en haut et pendant février 2004 en bas. Le rond noir représente la
carotte MD06 3018 et les flèches moires le vecteur vent durant cette période .(NASA PO.DAAC
Ocean ESIP Tool),
12
En étudiant la concentration de chlorophylle proche de la localisation de MD06 3018, on
note un changement pendant les refroidissements. En effet, en juin, la concentration en
chlorophylle dans la zone étudiée est supérieure de l’ordre de 0,1-0,2 mg.m-3 à celle de
février 2007 de l’ordre de 0,08-0,1 mg.m -3 (figure 10).
Figure 10 : Concentration de la chlorophylle dans la zone d’étude en juin 2004 ( dessus) en février
2004 (dessous) (NASA) le point noir correspond à la localisation de la carotte MD06 3018
Les différences de température pendant les upwellings ne sont pas importantes, les
différences sont inférieures à 4°C. De plus l’upwelling engendre une différence de
productivité très proche de la côte soit 0 ,2 mg/m3 soit entre 0,5 et 0,6 mg/m3 en février et
0,7 à 1 mg/m3 en juin. Proche de la location de la carotte, la différence est plus faible
que 0,1 mg/m3 comme le montre le taux de chlorophylle dans la zone.
Cet upwelling ne provoque pas de fort accroissement de chlorophylle dans la région.
13
De plus la différence de SST est faible et peut également être liée aux saisons , cet
upwelling engendre peut de changement dans la zone.
Cette zone oligotrophique est située prés d’une zone d’upwelling qui engendre peu de
changement et subit des courants de surface du Nord-Est en particulier le courant sud
équatorial et des courants de fond du Sud.
III.
Outils et méthodes
1. Foraminifères
Les
foraminifères
se trouvent dans
les environnements marins et sont des
protozoaires. Il en existe deux types : les benthiques et les planctoniques. Les premiers
vivent en profondeur sur et dans le sédiment et les seconds vivent entre 0 et 200 m dans
la colonne d’eau dans la zone euphotique (Lecointre and Le Guyader 2001). Ils sont
formés d’une coquille appelée le test comprenant une ou plusieurs chambres et muni
d'un ou plusieurs foramen (orifice). Ils ont un cycle de vie court et réagissent rapidement à
leur environnement (1 à 3 mois, 1 an maximum). Ce sont d’e xcellents marqueurs
biostratigraphiques.
a. δ18O et variations glacio-eustatiques
L'oxygène possède trois isotopes (16O=99,76%, 17O=0,04%, 18O=0,20%), tous stables.
Lorsque les foraminifères construisent leur tests, ils incorporent un certain nombre
d'éléments présents dans l'eau de mer, dont l'ox ygène. Cet oxygène possède un certain
rapport 18O/160 qui est intégré dans la calcite du test des foraminifères non pas tel quel,
mais avec un fractionnement dépendant de la température de l'eau environnante. La
notation δ18O est utilisée pour représenter ce rapport. Une augmentation du δ18O mesuré
dans la calcite correspondra donc à un enrichissement de cette calcite en 18O par
rapport au 16O.
Des variations climatiques importantes, comme des glaciations par exemple, ont un
impact non seulement sur la température des eaux marines de surface, mais également
sur le δ18O de l'eau de mer. En effet, les calottes polaires sur les continents de haute
latitude sont très appauvries en 18O (et enrichies relativement en 16O), et ont un δ18O très
négatif (de l'ordre de -40‰) par rapport à celui de l'océan global actuel (0‰). Ainsi, lors
d'une glaciation, le volume des calottes glaciaires augmente, et une quantité plus
importante de 16O est ainsi " stocké " sous forme de glace en haute latitude. Ce 16O est
soustrait de l'océan, qui est donc appauvri relativement en 16O, et enrichi relativement en
18
O. Le δ18O de l'eau de mer augmente donc en période glaciaire. Et inversement, durant
les périodes interglaciaires, le 16O des glaces est libéré dans l'océan, dont le δ18O diminue.
(figure 11)
14
Figure 11 : Représentations de l’évolution du δ 18O dans l’eau de mer.
http://step.ipgp.jussieu.fr/wiki/images/b/b1/Benzerara_biogeopal_cours2a.pdf)
Il est donc possible d'avoir accès, en mesurant les δδ8O des tests de foraminifères, aux
variations de température et/ou de δ18O de l'eau de mer (qui peut donc être relié au
volume des calottes glaciaires).
Les foraminifères benthiques et planctoniques ne vivant pas à la même profondeur
apportent des informations différentes.
b. Le cycle du carbone
Le carbone est le constituant majeur de deux gaz à effet de serre, CO2 et CH4. Son
recyclage influence particulièrement la productivité biologique et le climat. Le cycle
global du carbone implique des processus qui agissent en milieu terrestre et en milieu
océanique et où interviennent des réactions chimiques biologiques et non-biologiques.
Le carbone se retrouve sous deux formes: le carbone organique (Corg) et le carbone
inorganique (Cinorg). Le Corg est celui qui est produit par des organismes vivants et qui est
lié à d'autres carbones ou à des éléments comme l'hydrogène (H), l'azote (N) ou le
phosphore (P) dans les molécules organiques ou les hydrocarbures. Le Cinorg est celui qui
est associé à des composés inorganiques, c'est-à-dire des composés qui ne sont pas et
n'ont pas été du vivant et qui ne contiennent pas de liaison C-C ou C-H, par exemple le
carbone
du
CO2
atmosphérique
ou
celui
des
calcaires
CaCO3
(http://w w w.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s3/cycle.carbone.html)
Les eaux dans l'océan sont au moment où elles amorcent leur plongée, relativement
riches en 13C. En circulant cette teneur en carbone diminue. En effet la matière organique
tombe depuis la surface au fond de l’océan, les bactéries agissent dessus et l’oxydent en
libérant du carbone. La matière organique contient moins de 13C , on constate une
15
diminution de la concentration de 13C le long de la circulation de l'Atlantique Nord à
l'Océan Austral puis dans le Pacifique. (Duplessy 1992)
La teneur en 13C des foraminifères nous renseigne sur la teneur en 13C de l'eau de mer.
2. Cycle de l’azote : utilisation du signal isotopique
L’azote est l’un des composants fondamentaux pour la biomasse et c’est un
nutriment essentiel pour beaucoup de processus biologiques, c’est également un
nutriment limitant la production. L’azote est un constituant important de l’atmosphère
soit 78%, il se trouve alors sous la forme diatomique N2. Les organismes ne peuvent pas
utiliser pour la plupart cette forme de l’azote. La forme utilisable est surtout le NO3.
Il existe deux isotopes stables de l’azote, le 15N et 14N. Cette différence de masse crée
une différence de propriétés physico-chimique. Celles-ci peuvent entraîner au cours d’une
réaction faisant intervenir les deux isotopes une préférence avec un des isotopes. C’est
ce qu’on appellera le fractionnement isotopique.
La quantité d’azote assimilable (NO3) est régulée par deux processus dans l’océan :
- La dénitrification, principale puit d’azote dans l’océan, est un processus bactérien
pouvant avoir lieu dans la colonne d’eau ou dans le sédiment. C’est le processus de
réduction des nitrates : les formes oxydées de l’azote, disponibles pour la consommation
par de nombreux groupes d‘organismes sont transformées en azote gazeux dans
l’atmosphère. La dénitrification s’accompagne d’un alourdissement des nitrates restants.
En effet il y a un fractionnement élevé isotopique en faveur de 14N (isotope léger) durant
la réduction bactérienne de NO3- en N2 dans les colonnes d’eau laisse ainsi un résidu de
NO3- enrichi en N15. Les zones de dénitrification ont donc un δ15Nnitrate > δ15Nglobal soit entre 9 et
18‰ par rapport aux 5‰ du delta global .(Galbraith, Kienast et al. 2004). Ce NO3- est
alors remonté a la surface par des upwellings, NO3- est alors consommé par les
phytoplanctons et ainsi transféré aux sédiments. Ce qui a pour conséquence de donner
un fort δ15N aux sédiments. La dénitrification n’a lieu qu’en quasi-absence d’oxygène. La
concentration dans ces zones est inférieure à 5 µmol.kg -1. Ce sont ce qu’on appelle des
zones d’o xygène minimum (Galbraith, Kienast et al. 2004).
- La fixation principale source d’azote, dans l’océan, est la réduction par catalyse
enzymatique de N2. C'est-à-dire la conversion par des planctons marins, en particulier les
cyanobactéries qui peuplent les eaux chaudes de surface à de basse latitude, de l’azote
atmosphérique (N2) en composés utilisables comme matière nutritive par les organismes.
Ces bactéries peuvent exploiter le réservoir de N2 mais leur croissance est souvent limitée
par la rareté d’autres éléments nutritifs comme le fer ou le phosphore (Capone and
Knapp 2007). Le fractionnement isotopique accompagnant la fixation est faible voire
inexistante. L’azote fixé dans l’eau de mer a une signature proche de 0‰.
Ces deux phénomènes se produisent à différentes profondeurs. La dénitrification se
produit entre 200 et 700m de profondeur et la fixation à la surface. L’abondance relative
des isotopes stables de l’azote 15N et 14N peuvent permettre d’identifier les sources
utilisées par les phytoplanctons et les transformations dans la colonne d’eau.
Le budget entre la dénitrification et la fixation peut être connu par l’étude du δ15N vu
qu’ils ont des signatures différentes. De plus on pense que ce budget a changé à
16
l’échelle glaciaire/ interglaciaire et ceci a été mis en évidence par l’étude du δ15N des
sédiments. (Galbraith, Kienast et al. 2004)
IV.
Matériels et Méthodes
1. Matériels
La carotte MD06 3018 est un carottage Calypso dans le bassin de la Nouvelle
Calédonie, elle représente une profondeur dans la colonne d’eau de l’ordre de 2000 m
soit 2470 m de profondeur et à une longueur de 28,71 m. Il faut noter que cette carotte
a été prélevée dans une zone à faible pente apparemment protégée d’apports de la
Grande Terre. La carotte est très homogène et constituée d’une argile carbonatée à
foraminifères de teinte brune. (Foucher, Charlou et al. 2006).
2. Méthodes
L’échantillonnage de la carotte a été effectué par Tom Russon tous les centimètres.
Pour l’étude, un échantillon a été prélevé tous les 10 cm et chacun a été divisé ( ¼ pour
les mesures de l’azote, le reste pour les foraminifères)
La première partie du travail était de mesurer la composition isotopique de l’azote dans
les sédiments δ15N. On effectue les mesures sans décarbonner au préalable nos
échantillons, on peut obtenir une mesure simultanée de l’azote et du carbone organique,
mais la quantité de carbonates est trop importante par rapport à la quantité de carbone
organique présent.
Dans un premier temps on s’est intéressé à l’évolution du δ15N à l’échelle glaciaire et
interglaciaire, on a fait des mesures tous les 10 cm jusqu'à 615 cm de profondeur. Puis
avec une résolution tous les 2 cm, pour la dernière déglaciation.
Le δ15N a été obtenu par spectromètre de masse en phase gazeuse. Après avoir fait
sécher le sédiment dans le lyophilisateur qui permet baisser la température et
d’augmenter la pression pour sublimer l’eau de l’échantillon, 70 mg de l’échantillon est
introduit dans le spectromètre de masse.
La mesure de la composition isotopique se fait à l’aide de la formule suivant et s’exprime
en ‰ : δ15N= ((14N/15N)échantillon/(14N/15N)standard -1)*100%.
L’analyse des échantillons permet d’obtenir directement la concentration d’azote dans
les sédiments et la concentration isotopique.
L’erreur sur la mesure est liée au spectromètre de masse, et selon les mesures de mai et
juin 2007 l’écart type est de 0,14‰ pour les mesures du δ15N et 3 .3% pour l’azote.
Pour obtenir les stades glaciers et interglaciers il a fallu travailler sur le reste des sédiments,
on sèche les échantillons comme précédemment afin de faciliter le lavage de
l’échantillon. On les tamise afin d’enlever toute la matière organique et de ne garder
que les foraminifères. On sèche de nouveau l’échantillon pour ne plus avoir d’eau, et à
l’aide d’un microscope on choisit les foraminifères.
17
Deux types de foraminifères ont été utilisés : une sorte parmi les benthiques et une parmi
les planctoniques. Les Cibicides Wuellerstorfi (figure 12) est l’un des foraminifères
benthiques les plus utilisés, il permet d’avoir un enregistrement du δ18O et δ13C des eaux
de fond. Les Globigerinoide Ruber (figure 13) sont des foraminifères planctoniques
vivants dans les 50 m supérieurs de la colonne d’eau, ils ont un cycle de vie de 2
semaines.(Bostock, Opdyke et al. 2006)
Figure 12 : photo de Cibicides Wuellerstorfi , foraminifère benthique
(http://palaeoelectronica.org/2001_2/foram/gen_plan.htm )
Figure 13 : Globigerinoide Ruber foraminifère planctonique
(http://www.ucl.ac.uk/GeolSci/micropal/foram.html#preptech à gauche
http://noorderlicht.vpro.nl/artikelen/18630613/ à droite )
Les Globigerinoides sont prélevés dans une fraction entre 250 et 315 µm et les Cibicides
Wuellerstorfi dans la fraction supérieure à 250 µm. Une fois les foraminifères sélectionnés
on obtient la composition isotopique en oxygène et carbone par spectrométrie de
masse en phase gazeuse.
Le δ18O des Cibicides doit être corrigé de + 0,64‰ pour ramener le δ18O à l’équilibre avec
l’eau de mer (Shackleton and Hall 1984). Une correction est nécessaire pour le δ13C des
Ruber soit +0,94‰ (Spero, Mielke et al. 2003).
18
V.
Résultat
1. Résultats δ 18O et δ 13C
Des mesures de δ13C et δ18O ont été faites avant mon arrivée ce qui nous a permis
d’établir une chronologie pour la carotte et d’identifier les cycles glacier –
interglacier.(données de Tom Russon). Pour compléter ces résultats, une étude à plus
haute résolution a été faite pour la dernière déglaciation (tous les 2 cm). Les données de
δ13C obtenues pour les foraminifères planctoniques n’ont pas été utilisées dans cette
étude mais sont disponibles en annexe 1.
Le δ18O planctonique varie entre -1, 5 et 0,2 ‰ on note clairement les 7 premiers stade
glacier et interglacier comme pour le δ18O des benthiques qui lui varie entre 2,5 et 5 ‰.
L’amplitude du δ18O benthique est de 1, 3‰., et celle du δ18O des planctonique est de 1,5
‰. (figure 14)
On peut noter que le δ13C des benthiques est très bruité en effet la variation glaciaire interglaciaire est d’environ 1‰ et la variation à plus petite échelle de temps est de 0,5‰.
Ces nombreuses variations peuvent être dues à un phénomène de bioturbation (figure
14). Il faut noter que certains échantillons ont été préparés pour confirmer le bruitage du
signal mais suite a une panne du spectromètre de masse, ces mesures n’ont pas pu être
faites.
19
Figure 14 : Représentations de haut en bas du δ 18O des Ruber Globigerinoide , δ 18O des Cibicides
Wuellerstorf et du δ 13C des Cibicides Wuellerstorfi. L’axe des abscisses est la profondeur en cm, l’axe
des ordonnées la concentration en ‰. Les cadres noirs représentent les stades glaciers, les
différents stades glaciers /interglaciers sont numérotés en haut.
20
2. Résultats δ 15N
Les évolutions du δ15N auraient une évolution globale couplée avec les périodes
glaciaire et interglaciaires (Galbraith, Kienast et al. 2004). Afin de voir s’il y avait une
concordance entre les différentes périodes glaciaires et interglaciaires, les mesures de δ15N
ont été comparées directement avec les mesures de δ 18O qui nous donne une
chronologie pour la carotte et permet d’identifier les cycles glaciers et interglaciers . Le
δ15N global dans l’océan de nos jours est de l‘ordre de 5‰. Dans notre cas, il oscille entre 5 et
9‰ donc il y a un apport significatif de 15N dans les sédiments. De plus il varie de façon
significative, en effet on peut voir une différence dans le signal de 2 à 3 ‰. (figure 15)
De plus, on peut voir que les premières mesures suivent clairement l’évolution glaciaire et
interglaciaire. Les δ15N mesurés dans différents sites de l’océan mondial sont élevés
pendant les périodes interglaciaires et faibles pendant les périodes glaciaires (Galbraith,
Kienast et al. 2004). Dans notre cas, les périodes interglaciaires sont marquées par des
plus forts δ15N et inversement les périodes glaciaires par des δ15N plus faibles.
Figure 15 :Superposition de l’évolution du δ
de 610 cm tous les 10 cm
18O
et δ 15N du jusqu'à une profondeur dans la carotte
On peut noter comme pour le δ 13C, l’évolution du δ15N durant la déglaciation est très
bruitée. Des mesures d’azote ont été obtenues et se trouvent en annexe 2.
21
3. Modèle d’age
A l’aide du δ18O, il est facile d’obtenir un modèle d’âge afin d’avoir une
correspondance avec la profondeur de la carotte. Ce modèle est approximatif mais
donne une idée de l’age des stades glaciers. On utilise les données de δ18O des
foraminifères planctoniques de MD06-3018 et on compare les différents stades
glaciers/interglaciers à une moyenne de δ18O obtenue à l’aide de plusieurs courbes et
qui est datée. On compare sur plusieurs points significatifs et on obtient une
correspondance en age. (figure 16). On obtient ainsi une correspondance entre la
profondeur dans la carotte et l’âge
Figure 16: En haut en rouge donnée moyenne de foraminifères plantoniques et bleu donnée de
MD06-3018 (http://www1.ncdc.noaa.gov/pub/data/paleo/paleocean/specmap/specmap1/ ) en bas
on a la relation entre la profondeur en cm et l’âge dans la carotte MD06-3018.
22
VI.
Discussion
1. δ15N marqueurs de productivité ou de circulation ?
a. Dénitrification et fixation
On a pu voir précédemment que la dénitrification dans la colonne d’eau requière
une très faible concentration d’oxygène. La zone où se situe la carotte est bien
oxygénée, de l’ordre de 4 à 5 ml.l-1(figure 17). En effet, les eaux de fond qui arrivent
viennent en particulier du Sud (figure 5) et viennent de plonger prés de l’Antarctique
donc ce sont des eaux relativement oxygénées.
Figure 17 :Répartition de l'oxygène en ml/l dans la colonne d’eau indiqué par le flèche noire dans la
zone d’étude entre 150 et 170 ° E
On sait que la dénitrification a lieu dans des zones de faible teneur en oxygène et que le
δ15N qui caractérise ces zones est très élevé, entre 9 et 18 ‰ (Galbraith, Kienast et al.
2004). Dans notre cas le δ15N est plus faible de l’ordre de 5 à 7‰ ,dans une zone très
oxygénée, et oligotrophe où il y a peu de production. On peut donc dire de façon assez
certaine que la dénitrification n’est pas responsable du signal du δ15N dans la zone.
La fixation est fortement liée spatialement et temporellement à la disparition de l’azote
(Deutsch, Sarmiento et al. 2007). En effet, il y aurait un couplage entre la dénitrification et
la fixation, s’il n’y a pas de dénitrification il n’y a pas de fixation. D’après un modèle basé
sur les circulations océaniques, une représentation des zones de fixation a pu être
obtenue. Il permet de représenter spatialement le taux de fixation à partir du rapport de
Redfield, ( figure 18) qui est un rapport constant entre l’azote et le phosphore dans
l’océan et qui est perturbé par la fixation et la dénitrification. Pour ce modèle différents
paramètres sont pris en compte : l’équilibre de la masse matière nutritive, les modèles de
circulation, et des modèles biogéochimiques. (Deutsch, Sarmiento et al. 2007)
23
Figure 18 : Taux de fixation de N2 à partir d'un modèle numérique avec la zone
étudiée indiqué par le cercle gris.
Dans la zone étudiée le taux de fixation est très bas, entre 0 et 20 mmol N m-2 yr-1, et on
pourrait donc déduire de cette carte et du couplage entre les zones de dénitrification
que la fixation n’intervient pas dans cette zone, aujourd’hui. Mais au nord de la zone de
carottage, le taux de fixation est plus élevé, de l’ordre de 60 à 100 mmol.N.m-2 yr-1. Ceci
lié avec les courants de surface venant de l’équateur peut avoir un impact mineur sur le
δ15N même si celui-ci est difficile à quantifier et à vérifier. Il est donc difficile de rejeter
totalement la fixation mais il est peu probable que celle-ci ait un rôle important car les
zones de forte fixation ont un δ15N proche de 0‰. Dans notre cas on se trouve avec des
valeurs proches de 7‰ ce qui montre que la fixation n’est pas le phénomène principal
dans cette zone.
Sachant que la dénitrification et la fixation ne joue pas ou peu de rôle dans le signal du
δ15N, il est intéressant d’étudier si l’upwelling peut lui jouer un rôle.
b. L’impact de l’upwelling
L’upwelling de la Nouvelle Calédonie est faible de nos jours , mais celui-ci à pu varier à
l’échelle glaciaire/interglaciaire avec les vents.
L’évolution des vents entre les périodes glaciaires et interglaciaires (Bostock, Opdyke et
al. 2006) montre que les alizés (trade Wind) sont plus forts de nos jours et que les vents
d’ouest était plus importants pendant l’ère glaciaire. Ceci peut aurait pu avoir un impact
sur l’intensité de l’upwelling de Nouvelle-Calédonie.(figure 19).
24
Figure 19 : Evolution des vents de surface entre les périodes glaciaires (carte 2) et maintenant (carte
1) (Bostock, Opdyke et al. 2006)
Les alizés étant plus importants aujourd’hui, ceci implique que l’upwelling serait
également plus important que pendant les périodes glaciaires. Par rapport à la dernière
ère glaciaire, il y a plus de nutriments qui remontent à la surface, et donc moins
d’utilisation relative conduisant a un signal de δ15N plus faible. C’est-à-dire moins de
consommation par rapport à l’ère glaciaire.
On a estimé que la dénitrification et la fixation ne jouaient pas un rôle majeur dans le
signal et que l’upwelling pouvait jouer un rôle mais qui est actuellement difficile à
comprendre.
c. L’océan Australe
Dans la partie précédente, on a noté que les masses d’eau profondes dans la mer de
Tasmanie sont les courants venant du Sud. (figure 5) Il est donc primordial de s’intéresser
au δ15N dans l’océan Australe.
Le δ15N dans deux carottes situées toutes deux dans l’océan Antarctique une dans le
secteur Indien (56°40’S,160°14’E) et la seconde dans le secteur Atlantique
(52°02’S,20°47’E) a été mesuré sur des diatomées. (figure 20).
Les résultats pour le δ15N sont identiques dans les deux cas, c'est-à-dire une diminution du
δ15N
durant les périodes interglaciaires et une augmentation durant les périodes
glaciaires. Pour le secteur Indien, les valeurs sont d’environ 8 ‰ durant les périodes
glaciaires et de 4‰ durant les interglaciaires. Dans la partie Atlantique, les valeurs sont
autour de 6 ‰ durant les périodes glaciaires et 2,5 ‰ durant les périodes interglaciaires.
(figure 21)
25
Figure 20: Localisation de carottes du secteur Indien et Atlantique en bleu
turquoise et en bleu marine MD06-3018
Des données liées à des diatomées sont comparables à celles de la matière organique si
le taux de sédimentation ne varie pas. En effet, les diatomées ne sont pas modifiées par
la diagenèse contrairement à la matière organique qui se tombe au fond. Si le taux de
sédimentation varie beaucoup, il est possible que les mesures obtenues soient modifiées
par la diagenèse.(Lehman, Bernasconi et al. 2002). Le taux de sédimentation représente
le dépôt de sédiments (cm/kan), il est très dépendant de la méthode utilisée pour aire le
modèle d’âge ici approximatif. (figure 21)
Le taux de sédimentation est élevé aujourd’hui (4,4 cm/kan) mais ceci peut venir du type
de carottage qui entraîne une erreur importante sur le taux de sédimentation. Le taux de
sédimentation est constant entre 2 et 2 ,4 cm/kan au long de période glaciaire
/interglaciaire donc si la matière organique a subit des modification liées à la diagenèse,
elles sont constantes à l’échelle glaciaire /interglaciaire. Les données de δ15N de MD063018 sont comparables avec les données de diatomées.
Figure 21:Représentation du taux de sédimentation comparés avec le d18O wuellerstorfi axe des
abscisse en kan
26
Dans notre cas on s’intéresse plus particulièrement au secteur Indien/ Pacifique qui se
trouve une longitude similaire de la carotte étudiée. Le δ15N de la carotte étudiée a une
évolution similaire à celle de l’océan Australe. On remarque que durant les âges glaciers
on a bien une augmentation du δ15N dans les deux cas.(figure 22)
Figure 22 : en haut représentation du δ 15N obtenu (Crosta and Shemesh 2002) en bas représentation
du δ 15N à partir de la carotte MD06 3018 axe des abscisses en cm. Les carrés représentent les
stades glaciers.
Il existe de nombreuses singularités en particulier l’amplitude du signal qui est plus
importante dans les plus hautes latitudes (Crosta and Shemesh 2002). En effet le signal est
maximum autour de 9 ‰ pendant les périodes glaciaires alors que pour les même stades
glaciers on trouve un δ15N décroissant d’environ 8,75 ‰ durant le stade 2 à moins de 7,5
‰ durant le stade 6, on peut donc noter une décroissance dans les résultats du δ15N .
De plus on peut noter une différence assez marquée au niveau du passage du stade 4 au
5, en effet dans la carotte MD06-3018 cette transition se produit de façon plus
progressive que dans de l’océan Australe plus abrupte et plus marquée.
27
On peut dire que l’apport pour le δ15N est fortement lié aux masses d’eau qui circulent
dans cette zone.
Le signal dans ce cas n’est pas un marqueur de productivité suite au comparaison avec
l‘océan Australe le signale de δ15N pourrait être un marqueur de masse d’eau.
2. Zoom sur la dernière transition : timing
a. Généralité
Une haute résolution de la dernière transition glacière /interglacière permet d’avoir
une idée sur les relations entre les différents phénomènes qui se produisent et de
déterminer la progression des événements. On utilisera les 4 traceurs cités
précédemment le δ18O benthique / planctonique , le δ13C benthique et le δ15N. (figure 23) .
Le δ18O benthique permet d’avoir des informations sur le volumes des glaces et δ18O planctonique
permet d’avoir des informations sur le volume des glaces et la température et la salinité
des eaux de surface . (http://w w w. whoi.education/class742/lecture4/stable_iso.htm)
Le δ13C benthique permet de reconstruire la distribution et les masses d’eau profondes (LynchStieglitz). Le δ13C benthique décroît des plus hautes valeurs dans la mer Norvegienne et baisse
dans l’Atlantique Sud et passe aux valeurs les plus faibles dans le Pacific Est.
On a vu précédemment que le δ15N ne pouvait être utilisé en marqueur de productivité
mais à la rigueur en marqueur de masses d’eau dans le cas de cette étude.
On peut noter que la transition est particulièrement bruitée pour ces 4 facteurs . On peut
noter une différence de timing entre les différents facteurs , Le δ15N diminue à partir de 80
cm dans la carotte et jusqu'à 32 cm alors que le δ18O benthique / planctonique varie à partir de 61
cm dans les deux cas jusqu'à 24 cm. Le δ13C benthique marque un retard il commence à
augmenter à partir de 64 cm jusqu'à 20 cm (figure 23).
Donc le δ15N est affecté avant le début de la fonte des glaces alors que le δ13C benthique lui
est affecté après la diminution du volume des glaces.
28
Figure 23 : Dernière transition glacière/ interglacière axe des abcisses : profondeur dans la carottes
en cm
29
b. Volume des glaces, température et salinité
Le δ18O planctonique a une amplitude entre la phase glacière et interglacière plus faible
soit 1,5 ‰ que le δ18O benthique avec 2 ‰ soit 0,5 ‰ d’écart.
Pour obtenir une information sur la température et la salinité, il faut soustraire les deux δ18O
afin de voir comment elles ont pu varier.
Figure 24 : différence entre δ 18O entre les foraminifère benthique et planctonique
La différence des δ18O n’est pas constante : elle varie entre –4,5 et -5 ‰. En moyenne,
elle est plutôt constante et il y a des points en hors de cet écart mais ces points n’ont pas
été vérifiés (figure 24). La température et la salinité n’ont pas été beaucoup modifiés.
c. Masses d’eau
Le δ13C est très variable, le signal est plus négatif durant la période glacière ceci peut être
lié à un changement des eaux de sources des eaux profondes ou alors à un
remplacement des masses d’eau. Mais on peut noter un possible événement à 40 cm,
cet événement n’a pas pu être vérifié suite à des problèmes avec le spectromètre de
masse.
Il varie entre O,6 ‰ durant l’Holocéne ce qui est en accord avec le δ13C d’aujourd’hui
dans les eaux profondes (2000 m) qui est de 5 ,5 ‰ et 0,2 ‰ durant la période glaciaire
(Bostock, Opdyke et al. 2004). Durant la déglaciation il y a une forte variabilité et au
début autour de 16 cm de profondeur il y a une abrupte augmentation de 0,4 ‰ sur 3
cm.
30
VII.
Conclusions
La paleocéanographie permet l’étude du climat passé à l’aide de nombreux outils
géochimiques. Dans cette étude, un outil a été étudié en particulier : l’azote .
Cette étude avait un intérêt majeur : en effet aucune mesure de la composition
isotopique dans cette région n’avait encore était faite. Celle-ci nous a permis de savoir
que dans la zone de la Nouvelle-Calédonie il y a un signal de δ15N en opposition avec le
signal de δ18O, contrairement à toutes les mesures dans l’océan mondial. Dénitrification et
la fixation ne sont pas les facteurs principaux de ce signal l’upwelling de la NouvelleCalédonie est faible. Le signal semble provenir de l’océan Australe.
Dans cette zone le δ15N est donc relié aux masses d’eau intermédiaires qui circulent.
La transition interglacière-glacière, montre un faible changement de la salinité et de la
température entre les phases glaciaires et interglacières. Le δ13C montre un changement
des eaux profondes ou un remplacement des masses d’eaux.
Cette étude pourrait être poussée plus loin : des mesures de Mg/Ca permettraient
d’obtenir la température de surface durant la déglaciation. Pour confirmer la possibilité
que le signal isotopique de l’azote donne des informations sur les masses d’eau, il serait
judicieux d’avoir d’autres données isotopiques de l ‘azote proches de la zone .
31
VIII.
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33
IX.
Annexes
1. Annexe 1 : δ 13C planctonique
Une donnée supplémentaire pour les foraminifères planctoniques a été obtenue, elle
n’est pas utilisée pour l’étude.
Figure 25 : δ 13C planctonique et δ 18 O planctonique phase glacière et interglacière, les carrés
marquent les phases glacières.
34
2. Annexe 2: Concentration en azote
Une donnée supplémentaire avec le spectromètre de masse est la quantité d’azote
dans l’échantillon. (figure 24). On peut voir que la concentration d’azote dans les
échantillons est très faible, de l’ordre de 0,035 à 0,010%.avec 3 ,3% d’incertitude. De plus
la concentration de celui-ci a très peu variée au fil du temps. De plus les concentrations
état très faible il est difficile d’obtenir une information avec cette donnée.
La faible concentration d’azote dans les sédiments et les écarts significatif dans le δ15N
nous conduit à comprendre les différents mécanismes qui peuvent mener dans des zone
olligotrophique a de telles données.
Figure 26 : Représentation de la concentration d’azote le long de la carotte de sédiments
35
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