perception consciente de la douleur implique la mise
en jeu de phénomènes complexes au niveau du cortex
cérébral et en particulier un apprentissage préalable pour
identifier et reconnaître la douleur. Pour certains auteurs,
la douleur serait perçue à partir du moment où les fibres
thalamocorticales parviennent au cortex, soit entre
26 et 34 semaines de grossesse. Selon Fitzgerald [8], la
barrière de la 26
e
semaine de gestation semblerait
représenter le point de repère après lequel on peut parler
de douleur. Par ailleurs, la surface des champs de
projection des neurones sensoriels impliqués dans la
nociception est plus importante chez le fœtus, les conne-
xions centrales étant d’abord diffuses, suggérant que
le fœtus ne distingue pas un stimulus nociceptif d’un
stimulus non nociceptif ainsi que sa localisation précise.
Cependant, alors que la conscience n’est pas encore
développée, le fœtus peut se trouver dans un état de
stress négatif et souffrir alors qu’il ne perçoit pas encore
consciemment la douleur en réponse à un stimulus
nociceptif, comme en témoignent certains marqueurs
de stress tels que les perturbations hémodynamiques
cérébrales détectables dès 16 SA et les sécrétions
hormonales consécutives à la mise en jeu de l’axe
hypothalamohypophysosurrénalien et le système nerveux
autonome, détectées dès 20 SA. Ces réactions sont
considérées comme un phénomène adaptatif et consti-
tueraient un mécanisme d’épargne central [2, 5, 7, 15].
La conscience résulte d’une combinaison d’activités
cérébrales permettant à l’individu de donner une signifi-
cation et d’apporter une réponse appropriée à des
stimulations variées, visuelles, auditives, tactiles, qu’elles
soient nociceptives ou non. Elle permet de procéder
àl’analyse du vécu et de se projeter dans l’avenir,
grâce à la mise en jeu de compétences intellectuelles et
psychoaffectives personnelles [16, 20]. L’acquisition
de la conscience survient lorsque les circuits sont
totalement développés et fonctionnels et lorsque la
composante psychologique (émotions et sensations) est
en place, ce qui nécessite que la mémoire représentative
(faculté de répondre et d’apprendre à partir d’une
information stockée) soit développée [5]. Pour certains,
elle constituerait la pierre angulaire du développement
de la conscience et apparaît lorsque le cortex frontal se
développe. Elle nécessite en outre que l’hippocampe
qui facilite la formation, le stockage et le maintien des
souvenirs soit également fonctionnel [7].
Perception consciente de la douleur
Les différentes composantes participent aux circuits
constituant la conscience (cortex somatosensoriel, cortex
cingulaire antérieur, cortex insulaire antérieur et aire
prémotrice ventrale) et ont été dénommées global
neuronal workspace, représentation théorique de l’état
de conscience et théorie développée par Lagercrantz et
Changeux, appelée de façon métaphorique par Baars
« théâtre de l’esprit » [16]. Dans ce contexte, les percep-
tions multimodales, les émotions et les sentiments ainsi
que la mémoire et la motricité sont intégrés subjective-
ment dans un flux de conscience dynamique correspon-
dant au contenu de l’expérience consciente. Ces états de
la conscience sont contrôlés par le tronc cérébral, le
diencéphale et sont médiés par des interactions thalamo-
corticales (aires associatives supérieures, cortex préfron-
tal, cortex cingulaire et cortex pariétotemporal). La
mobilisation de ces circuits représente le signe objectif
d’accès à la conscience, et est détectée dans le cortex
préfrontal. Le global neuronal workspace est connecté
àd’autres systèmes spécialisés impliqués dans l’activité
motrice, l’attention, la mémoire, les facultés d’évaluation
et les perceptions. Ces dernières ne sont pas toutes
fonctionnelles au même moment chez le fœtus ou chez
le nouveau-né : l’audition se développe à partir de
16 semaines, la cochlée est structurée à 18 semaines,
le cortex auditif répond aux stimulations auditives à
partir de 26 semaines. Les potentiels évoqués auditifs
au niveau du tronc cérébral sont enregistrés à partir de
28 semaines et l’activation corticale est détectée à partir
de 33 semaines. L’olfaction se développe à partir de
20 semaines. La vision, quoique non développée, permet
de répondre à des stimuli visuels au moment de la
naissance. Chez le fœtus, une stimulation douloureuse
induit l’activation du cortex somatosensoriel, du cortex
cingulaire antérieur, du cortex insulaire antérieur et
de l’aire prémotrice ventrale (composantes du global
neuronal workspace) après 25 semaines [2, 16], suggé-
rant que la perception consciente est fonctionnelle
peu après le début de la seconde moitié de la gestation.
Conflit d’intérêts : aucun.
Références
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chez le foetus et le nouveau-né. XIV
e
journée de techniques
avancées en gynécologie obstétrique PMA et pédiatrie. Paris, 1999.
2. Lee SJ, Ralston HJ, Drey EA, Partridge JC, Rosen MA. Fetal pain: a
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the heart of pain perception. Med Sci 2006 ; 22 : 396-404.
4. Derbyshire SW. Can fetuses feel pain? BMJ 2006 ; 332 : 909-12
[BMJ 2006; 332(7548) : 1036].
5. Derbyshire SW, Furedi A. Do fetuses feel pain? “Fetal pain”is a
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6. Cahana A, Jones D. Neurobiology of the chronicisation of pain in
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Anesth Reanim 2007 ; 26 : 540-5.
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mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 12, n° 2, avril-mai-juin 2010
Congrès de médecine fœtale 2010, Morzine
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