La fonte du glacier de Blomstrand est l’un des nombreux 
chapitres de cette histoire agitée.  
Lorsque j’ai découvert la baie il y a onze ans, le fjord était intégralement 
gelé l’hiver, on pouvait le traverser sans problème en motoneige, 
témoigne Sébastien Barrault, scrutant les flots depuis la salle 
panoramique du laboratoire d’étude de l’écosystème marin, basé à Ny-
Alesund. Deux ans plus tard, il ne gelait que très partiellement et depuis 
le fjord n’est plus pris dans la glace. Dans leurs récits, les trappeurs 
évoquaient parfois des saisons sans glace, mais cette fois, il n’y a plus 
une seule année de glace en hiver. »
En 2004, Sébastien Barrault s’installe six mois à Longyearbyen pour 
étudier la glaciologie à l’université du Svalbard (UNIS), puis découvre la 
Baie du roi, 100 kilomètres plus au nord. Cet exilé volontaire ne l’a plus 
quittée depuis, captivé par les grands espaces, le silence et une forme 
d’aventure. Conseiller scientifique de la Kings Bay, la compagnie 
administrant la base de Ny-Alesund, le Suisse dresse un autre constat : 
« L’étude des bancs de poissons révèle la présence dans le fjord 
d’espèces qu’on n’avait pas l’habitude de voir jusqu’ici, des 
maquereaux par exemple. La hausse de la température de l’eau 
confère à la baie des conditions atlantiques, au point que certains
scientifiques vont chercher plus au nord un environnement plus 
représentatif de l’Arctique. »
Pourtant, pas de doute, à 1 231 kilomètres du pôle Nord, Ny-Alesund est
bien la communauté la plus septentrionale du monde et son mode de vie
reste calqué sur le rythme des saisons polaires. Dès la fin mai, où la 
température de l’air ne descend plus en dessous de – 5 °C, les quelque 
60 résidents de la base (ils sont jusqu’à 180 l’été, quand l’activité 
scientifique bat son plein) profitent du soleil de minuit pour veiller tard, 
après quatre mois de nuit polaire – dont deux dans l’obscurité totale.
Si un tapis neigeux recouvre pour quelques semaines encore la toundra 
de la plaine, la nature reprend peu à peu ses droits. Les eiders et les oies
sauvages font leur retour dans le fjord, précédant les sternes arctiques. 
Le bélouga aperçu près du port, où accoste deux fois par mois un cargo 
de ravitaillement, annonce l’arrivée prochaine des baleines et des 
colonies de phoques. Il faudra bientôt redoubler de vigilance face à 
la menace des ours blancs, qui migrent l’été des côtes froides de 
l’est du Spitzberg, où la couche de glace se réduit de plus en 
plus, vers l’ouest, à la recherche de nouveaux territoires de 
chasse.
Mi-juin, la revue Polar Research a rapporté une scène inédite. Au 
cours de ses recherches dans l’archipel, le zoologiste norvégien 
Jon Aars a observé un ours se repaissant de dauphins à nez