Ségolène Royal,
Présidente de la COP21
Institut Polaire, Paul Emile Victor,
le samedi 20 août 2016
Les enseignements de l’expédition scientifique en Arctique
à laquelle j’ai participé, concernant les effets du
réchauffement climatique et de la pollution sur les glaciers
Vendredi 19 août 2016, Base AWIPEV Ny Alesund puis Base Corbel
Je me suis rendue sur l'embarcation
de l'Institut Polaire au fond du fjord
Kongsfjorden pour observer le front
d’un des immenses glaciers marins
qui s’écoulent de la calotte glaciaire.
Au niveau du front, le glacier libère
des icebergs par l’écroulement de la
grande falaise de glace.
Avec le réchauffement climatique,
ce glacier a reculé de plus de quatre
kilomètres depuis 1964 et plusieurs
centaines de mètres dans les
dernières années, ce qui représente une masse considérable d’eau douce stockée depuis
plusieurs centaines de siècles (entre 200 et 500 siècles) qui a rejoint l’océan et a contribué
à la hausse de son niveau.
La fonte des glaciers n’est pas la seule manifestation du changement, c’est en effet
l’ensemble du système qui subit des bouleversements extrêmement rapides.
Ainsi, j’ai pu constater les effets cumulés de l’épisode de pluie intense qui s’était produit la
veille à Ny-Alesund. Avec un air beaucoup plus chaud que dans le passé, l’atmosphère
contient plus de vapeur d’eau engendrant des pluies plus fortes, auxquelles s’ajoutent deux
autres phénomènes :
- la fonte du glacier pendant la pluie plus chaude est plus intense et augmente le débit
des rivières ;
- la limite pluie-neige est plus élevée si bien que c’est une surface bien plus grande du
bassin versant glaciaire qui collecte la pluie.
Embarcation dans le fjord Kongsfjorden
Tout ceci a engendré un débit de la rivière exceptionnellement fort, dont le lit, tracé dans
la moraine, n’est pas encore adapté. Par conséquent, la rivière charrie une quantité
considérable de sédiments gris jaunes, dont on a pu voir la couleur s’étendre dans le fjord,
loin de l’embouchure.
Les impacts de la répétition de ce phénomène sont multiples, avec notamment l’extension
de la côte sur plusieurs dizaines de mètres ces dernières années par le dépôt de sédiments
et le changement profond de la qualité des eaux du fjord qui peut favoriser ou au contraire
défavoriser le développement de certaines espèces de planctons et de poissons.
Je me suis ensuite déplacée vers le
site de la falaise aux oiseaux à Corbel,
niche une colonie de mouettes
tridactyles, étudiée depuis de
nombreuses années par une équipe
ornithologique française de Chizé. Les
chercheurs étudient les effets des
contaminants d’origine anthropique
(mercure et polluants organiques
persistants, POPs) chez les oiseaux.
En Arctique, on observe une très
forte contamination chez les
prédateurs supérieurs notamment les oiseaux marins, mais on ne sait que peu de choses
sur les conséquences d’une telle exposition.
Le programme vise à comprendre comment les contaminants utilisés plus au sud (PCB, DDT,
composés perfluorés, mercure...) contaminent les pôles par la redéposition des
contaminants apportés par les masses d’air parfois 50 ans après leur utilisation beaucoup
plus au sud. On mesure ainsi de dramatiques impacts des usages inconsidérés de produits
toxiques des dizaines d’années après leur usage dans des territoires extrêmes où ils n’ont
jamais été utilisés. Ces contaminants perturbent les mécanismes endocriniens impliqués
dans la reproduction des oiseaux marins du Svalbard.
Les résultats ont identifié les mécanismes complexes d’interactions entre les polluants
(POPs, mercure) et les systèmes hormonaux liées à la reproduction et au stress, ainsi que
les conséquences négatives de la présence de ces perturbateurs endocriniens sur la
mortalité.
Grâce à des GPS miniaturisés, les déplacements des oiseaux peuvent être maintenant suivis
sur une année entière et il devient possible de comprendre quand (reproduction ou
hivernage) et où les oiseaux se contaminent.
Jeudi 18 août 2016, Base AWIPEV Ny Alesund
J’ai passé la journée à la station de recherche
AWIPEV : échanges au laboratoire marin,
rencontre avec le Directeur de la station, Ole
Oyset, exposés du Directeur, puis de Pascal
Morin pour présenter AWIPEV. Le directeur est
revenu sur l’organisation de la station de Ny
Alesund et sur le fonctionnement de la base avec
les apports et accords entre les différentes
communautés (dix nations : Norvège, France,
Sonde à CO2
Allemagne, Corée du sud, Chine, Inde, Hollande, Japon, Italie et Grande Bretagne). Un
Conseil scientifique tente de jeter des ponts entre les recherches et d’éviter de doublonner
de projets.
Je suis montée au Mont Zeppelin avec le
professeur Kim Holmen : présentation du
matériel remarquable (sondes à CO2,
radioactivité, pesticides, mesure de
l’acidification de l’océan…, entreposages
d’échantillons d’air pour expédition à
Boulder au Colorado…). Une courbe
d’augmentation du CO2 est disponible
dans l’eau et dans l’air, et la station fait
partie des 5 points de référence au
monde sur la mesure de la qualité de l’air.
Pour le CO2, le grand avantage est qu’il n’y a pas de production locale comme par exemple
pour les volcans d’Hawaï. Une semaine après l’accident de Fukushima, la station décelait
déjà l’augmentation de la radioactivité.
Deux exposés à l’Observatoire m’ont donné un éclairage supplémentaire sur l’histoire et
l’organisation de la station (V. Mohaupt), et sur l’intégration des programmes
internationaux à Ny Alasund (K. Holmen) en matière de climat, de glaciologie, de biologie
marine, de physiologie, d’écotoxicologie et de contaminations (160 paramètres mesurés
dans l’air) et dans le suivi du rayonnement UV.
A l’Observatoire, j’ai procédé au lâcher d’un ballon sonde
dont a ensuite été suivi l’évolution et les mesures. J’ai
ensuite visité le LASER : mesures d’aérosols dans
l’atmosphère et épaisseur de la couche d’ozone.
Au centre de géodésie à Kartwerket, je me suis rendue sur le
chantier en cours pour l’installation de deux nouvelles
antennes (radiotélescopes). Ces systèmes seront
opérationnels dans un an et serviront à améliorer la
précision des données GPS grâce aux connections avec
toutes les stations au monde, permettant de très
précisément mesurer le mouvement des Svalbard (7 mm
par an vers le NW).
Mercredi 17 août 2016, Institut Polaire Longyearbyen
Rencontre avec la Gouverneure du
Svalbard, Kjerstin Askholt, à
Longyearbyen. Exposé des
caractéristiques et de l’organisation
de l’archipel, point sur la situation
environnementale.
Je me suis rendue à l’Université du
Svalbard et à l’Institut polaire
international, avec les professeurs
Frank Nilsen, océanographe,
physicien et Directeur de l’Université,
Matériel de mesure d’écotoxicologie
Lâcher d’un ballon sonde
Institut polaire Longyearbyen
et Kim Holmen, Directeur de l’Institut Polaire. J’ai participé à une conférence sur
l’organisation scientifique et éducative, et sur l’intérêt du Svalbard pour l’étude du
changement climatique.
L’exposé du professeur Nilsen a apporté des éléments d’organisation de l’Universidu
Svalbard et son implication dans la formation d’étudiants internationaux sur les
caractéristiques de l’Arctique, en matière de géologie, de glaciologie, de géophysique,
d’écologie, de biologie et de sciences humaines et sociales.
L’exposé du professeur Holmen, très complet et imagé, reprenait une analyse
multidisciplinaire de la pertinence de l’étude de l’Arctique et de l’importance d’y
maintenir des bases avancées. Il est revenu sur les impacts du changement climatique en
Arctique et sur les niveaux de contaminations exceptionnels mesurés dans la flore et la
faune locale. Il a présenté de belles simulations animées de la fonte des glaces arctiques et
a particulièrement insisté sur les interrelations entre l’ours polaire, son rôle d’indicateur
et la fonte des glaces. Son mode de vie, très lié à la capture de phoques sur le rivage ou en
mer, nous questionne aujourd’hui sur sa capacité à réagir face aux changements actuels. Il
ne s’est toujours pas adapté à la vie sur la côte de Norvège en dehors de la zone du Svalbard
3 000 individus ont été recensés, 1 000 de plus qu’il y a 30 ans, depuis l’interdiction totale
de la chasse. J’ai échangé avec cinq étudiants français.
Mardi 18 août 2016, Olso Norvège
Derniers préparatifs de l’expédition
Joints à ce dossier :
présentation de la station internationale AWIPEV
présentation de Ny Alesund
Présentation des exposés des professeurs Nilsen et Holmen
Fjord Kongsfjorden, Svalbard
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