l4r IILUIA. Ult-k! ttwith, ;v,vt pvul %home, le Beau Modèle La charia codifie les moindres faits et gestes du musulman n hadith (1) — un des dizaines de milliers de « faits et dires » de Mahomet — rapporte un dialogue entre l'archange Gabriel et l'Apôtre d'Allah : « Tout membre de la communauté qui mourra en professant l'unicité de Dieu entrera au paradis I », annonce l'archange. «Même s'il s'est rendu coupable d'adultère ou de vol ?», interroge Mahomet. «Même s'il s'est rendu coupable d'adultère ou de vol ! », confirme Gabriel. On ne peut mieux résumer la notion de péché dans l'islam. Il n'existe en effet sous le Croissant qu'un péché capital, irrémissible l'apostasie soit par négation du Créateur soit par idolâtrie. Le lot de l'apostat est terriblement simple : la mise à mort immédiate ici-bas et la relégation éternelle dans la fournaise de l'enfer. Si ce n'est cette monstrueuse rébellion, toutes les fautes commises par un croyant peuvent être remises pour peu que ce dernier s'en repente. L'islam, qui ignore la conception chrétienne du péché originel — autrement dit d'une faute commise par Adam et devant revenir en héritage à sa postérité — semble imperméable à l'idée même d'un péché susceptible d'offenser Dieu, qui demeure inaccessible à l'action humaine et ne s'implique point affectivement comme dans l'Ancien Testament aux côtés de son peuple, ou dans les Evangiles auprès de son Fils. Seule, donc, l'apostasie forcenée exclut l'individu de la communauté des croyants (oumma) et du paradis promis. Tant qu'il est dans le giron de la oumma, le croyant pécheur ne risque au pis qu'un séjour correctionnel en enfer. Grâce à une intercession expresse de Mahomet, il rejoindra, plus tard, l'Eden des élus : « Je n'intercède que pour les réprouvés de ma communauté. » Reste que la tradition sunnite majoritaire — qui se définit comme orthodoxe — confère à chacun des actes humains possibles et imaginables un statut spécifique. On y reconnaît ceux qui méritent récompense, d'une part, et ceux passibles de châtiment, d'autre part. Dans le premier cas, ils peuvent être « obligatoires » lorsqu'ils sont prescrits par le Coran et la sunna ; « recommandables » s'ils s'inscrivent dans le répertoire des bonnes oeuvres. Dans le deuxième cas, ils seront soit « blâmables », à l'opposé des recommandables, soit e interdits », à l'inverse des actes obligatoires. A cette grille d'appréciation des actions humaines se superpose une autre, nettement plus morale, qui évalue les e bonnes oeuvres » et les « fautes ». Beaucoup d'orientalistes assimilent, parfois hâtivement, ces dernières aux péchés des chrétiens. Or, si la faute (khatia) constitue littéralement un «faux pas», un égarementhors de la voie tracée par Dieu, elle n'est, au pis, qu'un acte de désobéissance aux injonctions divines. Elle ne remet pas en question la foi du délinquant ou, plus exactement, son appartenance à la oumma. Toutefois, ladite désobéissance se traduit concrètement par des e petites fautes » et des « grandes fautes », deux sortes de méfaits qu'il serait inexact de rendre par péchés véniels et péchés mortels. Qu'en est-il, ainsi, des péchés mortels de l'islam ? Il n'existe point de liste Erie iteteiceregei fr eni lob fArk, it. h Me etetV - th «ou. ee te(re, établie. Néanmoins, le grand théologien sunnite persan Ghazali (mort en 1111) dénombre sept péchés gravissimes commis par une partie du corps humain : l'idolâtrie par le coeur ; le faux témoignage, le parjure et la sorcellerie par la langue ; la consommation du vin, les revenus de l'usure et l'abus des biens de l'orphelin par le ventre; l'adultère et la sodomie par le sexe; la fuite devant l'ennemi mécréant sur le champ de bataille par les pieds et, enfin, la désobéissance aux parents par tout le corps. Mais, encore une fois, on est bien loin de la pénible annosphère de contrition qui se dégage des tableaux chrétiens du péché. Le péché musulman, à l'instar du péché juif (le même mot khatia désigne, en hébreu comme en arabe, l'écart, la bavure qui éloigne provisoirement le fidèle du sentier divin), se résume à une incartade. Le musulman dispose d'un corpus de prescriptions qui codifie les moindres faits et gestes de son existence—de la manière de déféquer jusqu'à l'art d'aimer. Il calque son comportement sur celui du Beau Modèle, Mahomet, la vertu faite homme. La sunna en fournit la clé. Mais la rémission d'un forfait abominable reste dans le champ du possible pour peu que le musulman ne lâche pas l'essentiel : sa foi en un Dieu unique. Le repentir, le fameux retour (taouba en arabe, techouva en hébreu) vers Dieu, fait tout pardonner, y compris l'idolâtrie, voire la négation de l'existence de Dieu. Cependant, le repentir sera toujours une démarche intérieure qui né supprime pas les peines prévues ici-bas. Prenons k cas d'un homme convaincu d'adultère. La charia prévoit à son encontre soixante-dix coups de fouet s'il est célibataire, la peine de mort s'il est ou a été,ne fût-ce qu'une heure, marié. La taouba du condamné n'aura aucun effet sur l'exécution de la sanction ici-bas. En revanche, elle pourrait aboutir à la rémission de la peine prévue dans l'au-delà. Pour ce faire, il y a lieu : de regretter la faute commise non sous l'empire de la crainte mais pour la face de Dieu ; de s'engager à ne plus se laisser tenter par le même forfait ; enfin, s'il s'agit d'un tort fait à une personne, de réparer scrupuleusement l'injustice. Contre les plus abjectes turpitudes, il existe des remèdes de cheval : la participation soit au djihad soit au pèlerinage de La Mecque, qui devrait laver le croyant de toutes les souillures d'une existence malhonnête. Il existe un autre moyen de se laver de certains péchés : les ablutions rituelles. De fait, l'éjaculation, mais aussi la miction, la défécation, voire la simple émission du moindre jet, rendent immédiatement impur le fidèle et donc lui interdisent d'entrer dans une mosquée, de toucher un Coran... jusqu'à ce qu'il s'en lave. Ainsi n'est-il pas rare de voir, au Maghreb, de braves pères de famille se rendre le vendredi matin au bordel, puis aller au hammam pour « passer l'éponge » sur cette faute, grave entre toutes, avant de se joindre à la prière collective prescrite en ce jour saint de l'islam... SLIMANE ZEGHLDOUR Auteur de « la Vie quotidienne à La Mecque de Mahomet à nos jours » (Hachette, 1989, prix Clio) et du « Voile et la Bannière » (Hachette, 1990). (1) La collection des hadiths forme la sunna, soit la « manière de vivre » du Prophète, laquelle constitue la deuxième source, après le Coran, du droit islamique (charia). 22-28 AOÛT 1991/13