CHAPITRE XIX Approche pragmatique (fin) du groupe sur l’insertion I. Extrait de la réunion du 20 avril 1999 Cette réunion est la dernière du groupe créé quatre mois plus tôt. Aucune autre réunion ne n’aura lieu par la suite. Nous extrayons les interventions finales de la séance. Re est absent, il n’a pas donné d’excuse particulière. Chacun reprend et note les chiffres annoncés par Amon. 174. AMON. Qui précise que : « C’est(1a) complètement atypique, par rapport, je crois(1m) à certaines agences du département et complètement atypique par rapport à d’autres départements. « 175. ISIS : « Pourquoi ? » 176. AMON : « Ah, ça je ne sais(2m) pas, je sais(3m) que j’ai(2a) trop de module 3. » 177. ISIS et THOT : « Trop de module 3 ! ? » 178. THOT : « C’est(3a) à dire, appui à la recherche d’emploi. » 179. ISIS : « Alors attends(4a), tu veux dire(5a) que par rapport au public ciblé, l’accompagnement est(4m) minoritaire sur les autres ? »… Amon : « oui »… alors là je comprends(5m) plus. » 180. AMON : « Non, mais il y a(3a) du public ciblé et pas les autres. On a(7a) quatre tranches de public, alors chacun a fait(8a) ses choix… » 181. ISIS ne comprend plus : « Attends(9a) là » 182. Amon reprend doucement : « On a(10a) 4 tranches de public, donc on n’a(11a) pas les mêmes choix. » 183. ISIS : « Ha, oui, tu veux dire(12a) que, peut-être qu’il y en a qui ont commencé(13a) par le préventif, d’autres par le curatif, d’accord, d’accord. » AMON : « Voilà » 184. THOT : « Ah, oui, c’est cela… » 185. GEB : « Ha, oui d’accord, il siffle…. » 186. Amon : « Ca vous l’entendez(6m), mais il ne faut pas en tirer(7m) des conclusions, moi, je vous dis(8m) que moi, à ce que j’arrive(9m). Il faudrait voir(14a) plus loin, ce que l’on met(15a) dans le module 3, et comment on le diagnostique (16a)?. » 187. MAAT- : « Et oui, c’est(17a) tout le problème du diagnostic, voilà ! » 188. AMON : « Ce qui n’est(18a) pas anormal dans une phase de lancement, je crois(10m) qu’il ne faut suspecter(19a) personne, mais il faut(20a) à partir(11m) des premiers résultats, infléchir(12m), corriger(13m). » 189. ISIS : « Oui, et c’est pour cela qu’il faut coordonner(14m) et gérer(15m), parce que si on laisse(16m) le bateau là… » 190. AMON : « Et la difficulté, c’ est(21a) qu’entre 4 agences du département, tout le monde n’a(22a) pas les mêmes résultats, donc il faut aussi avoir(17m) une, si ce n’est(18m) une stratégie commune, une orientation, une démarche un peu… » 191. GEB : « Oui, oui, » 613 192. ISIS ; : « Pour, comment dirai(19m)-je, pour acter(20m) au fur et à mesure un peu les choses, alors on peut se dire(21m), que ce qu’on vient de se dire(21bism) là, 1, on vous propose(22m) lors de la prochaine réunion le projet de collaboration de l’espace jeunes et moi, dans l’optique du PNAE, sur un suivi du public particulier, sur un mode de financement. 2, dans le cadre du PLIE, techniquement, je vais écrire(23m) à RE, officiellement dans le cadre de l’Agence de Paris, pour savoir comment mettre(24m) en place la coordination, pour que le volet V soit(23a) opérationnel, pour être opérationnel pour le post- suivi des module 3 vers le PLIE, ou de l’envoi en direct sur du diagnostic. C’est clair là ?…AMON : « Non, répète(24a) là ».. on avait dit(25m) qu’on allait intégrer(26m) la coordination pour l’envoi vers l’ASI, pour le PLIE, soit après un module 3, (ISIS parle naturellement très vite, ici, elle prend son temps en vérifiant que Amon la suit bien lorsqu’elle parle), la personne va sortir(25a), cela ne peut être fait(27m) qu’à l’occasion des réunions de coordination, on est(28m) bien d’accord ? » 193. AMON : « Cela ne peut se faire(29m) qu’au bilan à 3 mois, qu’une suite de parcours peut être décidée(30m). » 194. ISIS - : « Voilà, on est(31m) d’accord, sur ce schéma là, on était déjà tombés d’accord(32m) il y a au moins, trois semaines. » 195. AMON : « Non, mais c’est(26a) normal, ISIS, tant qu’il n’y a pas eu(27a) de bilan. » 196. ISIS : « Amon, je veux anticiper(33m), tu me dis(28a) le bilan va bientôt être fait(34m). » 197. Amon : « Bon, tu parles(29a) du PLIE, particulièrement. Ce qui m’intéresserait(30a) ce serait(31a) que quelqu’un soit en mesure de dire(34m) c’est(32a) de l’ASI, c’est (32a)de l’EI, c’est(32a) ceci…. » 198. ISIS : « C’est(33a) impossible. » 199. THOT : « Oui, à l’issue des trois mois . » 200. ISIS : « Non, c’est(34a) trop long. » 614 II. Analyse pragmatique et commentaire de la réunion du 20 avril 1999 Observations sur le corpus « Diathèse » Catégorie selon Benveniste Inter- N° locuteur AMON 174 Groupe nominal Locution verbale C’ est AMON 174 je crois 1 croire AMON 176 je (ne) sais (pas) 2 savoir Groupe nominal Locution verbale Interlocu- N° Actif Moyen Actif selon Récanati Actes de langage Déclaratif 1 être Moyen Herméneutique Promissif Promissif Actes de langage Commentaires sémantiques Après avoir fait lecture d’un bilan chiffré des premières actions, Amon donne son point de vue personnel. L’acte de langage est tout de même déclaratif, en disant cela, RE sait qu’il fait exister une réalité, pour lui-même, mais aussi pour l’ensemble des personnes présentes. Amon, s’engage à propos de ce qu’il a à dire. Il donne sa représentation des résultats obtenus. Après un acte déclaratif, il nuance son propos en indiquant le cadre de référence de son énonciation. C’est-à-dire sa propre pensée, sa propre croyance. Nous pouvons penser que Amon a l’intention de laisser paraître une grande humilité. A la demande de ISIS, qui s’interroge sur les raisons de cet états des choses, Amon dit ne pas savoir pourquoi ses résultats sont très différents de ceux des autres structures (surtout de celle de RE absent ce jour là). En énonçant cela, il a un mouvement de recule sur sa chaise et baisse les yeux sur le document, il renforce ainsi la modestie de sa position. Commentaires sémantiques 615 teur AMON 176 je sais AMON 176 j’ ai THOT c’ est à dire 178 3 savoir 2 avoir 3 être à dire Interlocuteur N° Groupe nominal Locution verbale Actif Moyen Primissif En revanche, il sait ce sur quoi ses actions sont différentes de celles des autres. Amon renforce son positionnement d’humilité en énonçant ce qui peut être considéré comme « sa faute », ou sa dissidence. Déclaratif Amon parle à la première personne, il endosse ainsi l’entière responsabilité des actions, et par conséquent des « erreurs commises » si c’est la cas. Il laisse entendre l’existence d’une instance (a priori supérieure ) qui pourrait lui demander des comptes sur les actions entreprises et les résultats. Cette instance entre implicitement en jeu comme cadre de référence. Nous pensons que Amon joue sur une fausse attitude d’humilité qui cache une grande fierté à propos des actions menées depuis quatre mois.Nous émettonsl’hypotèse que Amon recherche le soutient de l’ensemble des membres du groupe, en se plaçant comme victime d’une injustice, ou de quelque chose de cet ordre, il attire les attitudes de sauvetage de la part des autres membres du groupe. Il énonce avoir « trop » travaillé sur un type d’action, alors que les autres ne l’ont pas encore lancée. Son discours et son attitude d’humilité sont en contradiction avec son intention. Il connaît bien ISIS et sait qu’elle va entrer dans son jeu pour le défendre. L’exclamation qu’elle émet confirme qu’elle y est bien entrée. non Thot a besoin de comprendre ce qui se passe. Il demande à ce que les représentatif choses soient reformulées. C’est une fonction déictique du syntagme verbal « être à dire ».Cette volonté d’avoir un discours clair pour chacun est l’indice de la recherche, au sein de ce groupe, d’une qualité d’énonciation. (principe de coopération de Grice) Actes de langage Commentaires sémantiques 616 ISIS 179 ISIS 179 attends tu veux dire 4 attendre 5 vouloir dire ISIS Interlocuteur 179 l’accompagnement N° Groupe nominal est Locution verbale 4 être Actif Moyen Non ISIS, elle aussi, cherche à ralentir le discours, elle demande à Amon représentatif de prendre le temps pour que chacun comprenne bien les enjeux de ce qui se joue ici. Cette forme impérative , a une fonction indexicale qui renvoie au présent de l’énonciation. Le moment est important, il faut le suspendre, prendre le temps de le vivre et de le comprendre ensemble. Non ISIS utilise le pronom « tu », qui la rapproche de Amon. représentatif Nous pensons que cela répond à l’intention de celui-ci de faire entrer les personnes dans son jeu. ISIS reprend les propos de Amon, elle les fait siens en les reformulant elle-même devant les autres. L’association entre elle et Amon est celée ainsi par cet acte de langage. L’acte de discours est difficile à catégoriser, nous le classons comme non représentatif car il est plus une attitude sociale désignant le contexte de l’énonciation elle- même. Constatif Ce que tente d’expliquer ISIS, et que voulait faire entendre Amon est bien ce constat des faits : le travail d’accompagnement des personnes qui entrent dans le dispositif n’a été effectué que par la Banlieue, c’est-à-dire uniquement par Amon. Les autres organisations professionnelles ne l’ont pas fait. Implicitement, lorsque Amon compare ses résultats aux autres, il met en question RE et sa structure professionnelle, rappelons qu’elle représente un petit pourcentage des résultats du département. Actes de langage Commentaires sémantiques 617 ISIS je comprends AMON 180 il y a AMON 180 on a Groupe nominal Locution verbale Interlocuteur 179 N° 5 comprendre Constatif 6 avoir Constatif 7 avoir Actif Déclaratif Moyen Actes de langage ISIS déclare alors, ne plus comprendre. En réalité, elle ne comprend que trop bien. Le ton exclamatif nie l’incompréhension énoncée dans le discours. Il n’y a pas contradiction entre l’énoncé et le contexte de l’énoncé qui est aussi très clair. Amon a obtenu ce qu’il voulait, ISIS est venu le défendre et commence à se confronter à une instance sous-entendue depuis le début, cette instance a priori supérieure à laquelle il faut rendre des comptes peut être le Ministère du Travail, la Préfecture, via les instances départementales. A ce moment de la conversation, le reste des participants est attentif. On peut penser que l’ensemble du groupe est d’accord, mais Amon doit s’en assurer Amon semble constater très objectivement par l’utilisation du pronom indéfini « il », un état des choses. Il n’adopte plus la position d’humilité précédente, il ne s’engage plus dans le discours. Son acte de langage est intentionnellement entré dans une neutralité objective. Le pronom « on » est là aussi indéterminé, Amon constate les faits. Il rappelle le cadre institutionnel dans lequel les participants sont amenés à agir. Commentaires sémantiques 618 AMON 180 chacun a fait Déclaratif Cette dernière phrase, prononcée calmement, sans ironie ni agressivité, est lourde de conséquence. Les trois points de suspension indiquent cette lourdeur. Nous relevons là encore la contradiction entre la neutralité de l’énonciation et le contenu de l’énoncé d’une part et l’intention de Amon d’autre part. Il est clairement entendu de tous, que Amon remet en cause les choix des autres partenaires des actions. Il ne nie pas le fait que chacun avait toute liberté dans ce choix, mais il garde le silence sur l’appréciation qu’il pourrait en faire. Ne rien dire, laisse entendre les critiques qui pourraient être faites. La portée de cette suspension de parole est plus forte que son énonciation. Non ISIS, qui réagit très vite, demande encore à prendre le temps de représentatif comprendre. Le ton de voix de Amon est très doux, à peine audible, ce qui force l’auditoire à écouter. Nous pensons que Amon maîtrise parfaitement la situation de l’énonciation, il rappelle de nouveau le cadre institutionnel de l’application du Plan par le pronom « on » . Cette fois-ci ,Amon a rassemblé, dans l’écoute de son discours l’ensemble du groupe. 8 avoir fait ISIS 181 AMON 182 Interlocuteur N° attends on a Groupe nominal Locution verbale 9 attendre 10 avoir Actif Moyen Actes de langage Commentaires sémantiques 619 AMON 182 on n’ a pas Déclaratif Amon énonce ensuite l’association de chacun des membres du groupe présents, en prononçant le pronom « on » qui désigne les participants. Amon déclare ainsi, l’existence d’une réalité de groupe. Elle s’énonce au présent. Contrairement aux autres énonciations de « on » des trois premières réunions, l’indice de cohésion n’est pas associé à un conditionnel ou à un chiffre, un pourcentage ou bien encore à un positionnement sur une échelle de grandeur. Le pronom est cependant utilisé à la forme négative. Nous interprétons cela comme une déclaration d’existence liée à un processus d’opposition à une instance externe, différente du groupe lui-même. Doise et Mugny nous ont montré des phénomènes de structuration de groupe par opposition à ce qui était considéré par les membres du groupe, comme instance « non-groupe » Le syntagme verbal («ne pas avoir les mêmes choix ») sous-entend que la naissance de ce groupe est concomitante avec la décision de ne pas faire comme les autres. Nous pourrions ajouter le verbe d’action qui est sous-entendu ici : « ne pas avoir fait les mêmes choix ». Il se passe à ce moment de la conversation un phénomène important de structuration du groupe. L’acte d’énonciation d’existence d’un groupe, est ici un acte de dissidence. Nous pourrions appeler cela un acte d’autonomisation. La réalité du groupe dépend de son degré d’opposition à ce qu’il considère comme n’étant pas lui-même. Non ISIS, contextualise l’énonciation de Amon, elle dit avoir enfin représentatif compris ce qu’il énonce et le reformule. De nouveau comme lors de l’intervention 179, elle reprend à son compte ce que déclare Amon. 11 ne pas avoir ISIS 183 tu veux dire 12 vouloir dire Interlocuteur N° Groupe nominal Locution verbale Actif Moyen Actes de langage Commentaires sémantiques 620 ISIS 183 qui ont commencé (il y en a) Constatif 13 avoir commencé AMON 186 Interlocuteur N° vous entendez Groupe nominal Locution verbale Actif 6 entendre Directif Moyen Actes de langage ISIS décrit la différence des choix d’action entre les structures. Le principe de respect des principes de l’énonciation, permet à ISIS d’éclaircir parfaitement le propos de Amon. Elle permet ainsi à Thot d’affirmer avoir compris, ( « ah oui ! », intervention 184 ) et à GEB de tomber d’accord lui aussi sur cette représentation de la réalité (« d’accord » intervention 185. ) On peut ici deviner l’émergence d’une représentation collective. Celle-ci est le cadre référentiel dans lequel sont rappelées les règles de fidélité à ce qu’il a été décidé de faire « on fait ce qu’on dit. », et la règle d’honnêteté. «on dit ce qu’on fait » , règle déjà édictée par GEB (intervention 75, réunion du 26 mars) Remarquons que l’absence de RE participe à cette autonomisation du groupe. L’organisation professionnelle de RE est visée en premier lieu comme opposante à cette constitution de groupe. Amon est maintenant certain d’avoir constituer autour de lui un groupe solidaire. Il va alors émettre une nouvelle règle. Elle porte sur les actes de discours. Il laisse entendre que ce qui vient d’être dit ici et maintenant, ne peut pas être entendu par tout le monde. Nous assistons là à un exercice de réflexion du groupe sur luimême. La parole du groupe appartient au groupe et à lui seul. Ce discours renforce sa cohésion. Commentaires sémantiques 621 AMON 186 il faut en tirer 7 falloir en tirer Directif AMON 186 je, moi dis 8 dire Promissif AMON 186 j’ arrive 9 arriver Promissif AMON 186 il faudrait voir Directif 14 falloir voir Interlocuteur N° Groupe nominal Locution verbale Actif Moyen Actes de langage L’énonciation de la règle arrive ensuite. Amon dicte les règles de maintient du groupe par les modalités logiques de nécessité. Amon énonce d’abord ce qu’il ne faut pas faire. IL laisse entendre que pour préserver le groupe, tel qu’il vient de se constituer, les paroles prononcées appartiennent à celui qui les énonce. Il n’est pas nécessaire de généraliser ce qui se dit ici et maintenant. Nous pourrions interpréter cette règle de groupe comme une interdiction de donner un statut de savoir à ce qui s’échange. Généraliser, conclure trop rapidement est source de contrevérité, aussi, Amon préconise-t-il la prudence. Amon ne parle qu’en son nom et dit ne pas avoir de vérité absolue. Amon rappelle qu’il ne donne que ses propres conclusions, rappelant qu’elles sont peut-être fausse. Le contexte épistémique est ici en question. Maintenant que le groupe a exprimé sa réalité d’existence. Quel est le statut des connaissances qu’il construit ? Amon estime que pour le moment seules ses connaissances personnelles sont en jeu. Elles peuvent être remises en cause. Pour valider les connaissances du groupe, Amon propose une autre règle de survie et de maintien de l’organisation groupale. Celle de prédire, d’anticiper. Les connaissances du groupe doivent aussi permettre d’anticiper les actions. C’est le sens de « voir plus loin », utilisé par Amon. Nous retrouvons là , le processus d’autorégulation du système cognitif piagétien. Le principe de maintien du groupe est lié à sa capacité d’adaptation à l’environnement externe. Il est intéressant de retrouver, dès l’émergence d’une structuration de groupe, des processus identiques à ceux que nous avions relevés lors de l’observation du premier groupe qui avait déjà un long passé Commentaires sémantiques 622 AMON 186 on met AMON 186 on diagnostique Directif 15 mettre Directif 16 diagnostiquer MAAT 187 c’ est AMON 188 ce n’ est pas Déclaratif 17 être Déclaratif 18 ne pas être Interlocuteur N° Groupe nominal Locution verbale Actif Moyen Actes de langage Amon décrit deux types d’action sur lesquelles portera l’attention du groupe : Quel type de public peut faire l’objet d’un accompagnement ? Amon se positionne comme voulant faire réagir le goupe.La préoccupation des trois réunions précédentes portait sur cette construction de connaissance. C’est-à-dire « le public du Plan » Amon emploie le pronom « on », le groupe dans son ensemble est bien le référent collectif du pronom. La seconde action est aussi une des préoccupations principales des participants. Il s’agit de la qualité du diagnostic. Amon résume ainsi les préoccupations du groupe, celles auxquelles RE n’a pas répondu. Il parle toujours au nom du référent collectif dont l’indice est « on ». Il se positionne comme leader du groupe Maat rappelle, lui aussi que lors des autres séances de travail, aucune avancée n’a eu lieu à propos de cette préoccupation. Jusqu’ici MAAT ne s’était pas associé ouvertement au groupe, il énonce sa position par cet acte déclaratif qui est ponctué par un « voilà », qui pose là l’existence ferme d’une volonté de changement. L’ensemble des membres du groupe semble maintenant faire front à une instance floue, indéfinie, mais dans laquelle on présuppose l’implication de RE. Nous supposons que Amon pense être allé trop loin dans la remise en cause du travail de son confrère RE. Il semble opérer un retour en arrière. Amon rappelle aux autres participants que les opérations commencent à peine, et qu’il est possible de les améliorer. Commentaires sémantiques 623 AMON 188 je crois AMON 188 il faut suspecter 10 croire Promissif Directif 19 falloir suspecter AMON 188 Interlocuteur N° il faut Groupe nominal Locution verbale Directif 20 falloir Actif Moyen Actes de langage Amon parle maintenant à la première personne. Nous avons montré les diverses intentions de ses actes de paroles . Tout d’abord, son attitude d’humilité attire la compassion de certains des membres du groupe. Puis il réunit autour de lui l’ensemble des participants. Enfin, il édicte des règles de conduite du groupe qui forment une organisation groupale ferme. Il sous-entend que ses règles excluent toute personne absente de ce groupe. Ce qui oppose RE au reste du groupe. Maintenant, Amon doit donner une autre règle d’existence . Amon énonce cette règle qui veut qu’on ne suspecte personne, sousentendu RE absent ce jour là. Nous repérons une contradiction entre ce que Amon laisse entendre et ce qu’il énonce ici. Amon laisse entendre les propositions suivantes : Pour appartenir au groupe il faut : Faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait. RE ne fait pas ce qu’il dit et ne dit pas ce qu’il fait. Alors RE déroge aux règles du groupe, et donc n’appartient pas au groupe. Puis Amon énonce une règle qui veut que : On ne doit pas suspecter quelqu’un. Par cette injonction paradoxale, il semble que Amon mette en situation aliénante, les membres du groupe. Amon donne encore une nécessité pour le groupe de réguler les actions et pour le maintenir comme système. Commentaires sémantiques 624 AMON 188 à partir AMON 188 infléchir 11 partir 12 Directif L’action de régulation doit porter sur les actions réalisées. Directif Les deux verbes infléchir et corriger correspondent à des actions de régulations du système groupe. Par feed-back, on agit sur les entrées pour modifier les sorties. directif Nous pouvons discerner ici, la fonction de contrôle décernée au groupe par Amon. Cela donne à penser l’existence d’une représentation collective partagée qui projette une image globale à la fois des actions de contrôle et du groupe. ISIS précise la règle que Amon commence à faire émerger . La nécessité d’existence, exprimée par le verbe falloir est associée au verbe coordonner Ce qui légitime l’existence du groupe est sa capacité à coordonner l’ensemble des actions . infléchir AMON 188 corriger 13 corriger ISIS 189 il faut coordonner 14 Directif coordonner ISIS 189 ISIS 189 Interlocuteur N° gérer 15 gérer Directif on laisse 16 laisser Directif Groupe nominal Locution verbale Moyen Actes de langage Actif Coordonner les actions et les gérer, sont les impératifs d’action qui donneront une existence dans le temps au groupe. La menace proférée par ISIS est marquée ici par la suspension de la phrase. Si le groupe ne se maintient pas dans sa réalité grâce à ses actes de coordination et de gestion, alors il sera, « à l’image d’un bateau sans commandement », en danger de sombrer. Le « on » désigne bien l’ensemble des membres du groupe. Commentaires sémantiques 625 AMON 190 la difficulté c’ AMON 190 est a Déclaratif 21 être AMON 190 tout le monde il faut avoir 17 falloir avoir Directif AMON 190 ce est 18 être Déclaratif 19 dire Promissif Moyen Actes de langage ISIS 192 je dirai Interlocuteur N° Groupe nominal Locution verbale Constatif 22 avoir Actif Il semble que ce groupe a un problème de leader. Ce rôle a été dévolu par l’ensemble des membres du groupe à RE durant les trois premières séances de travail. Mais celui-ci ne souhaite pas endosser cette fonction. Aujourd’hui, RE est remis en cause, et le groupe trouve une cohésion, une autonomie, par ce renvoi de RE en dehors de ce rôle. Cependant cette situation est ressentie comme angoissante, et l’image du « bateau à la dérive » révèle cette angoisse. Amon insiste sur la difficulté que rencontre le groupe, car à l’échelle du département, il faut coordonner quatre pratiques différentes. Amon renvoie à l’ensemble des quatre structures du département, et à la disparité de leurs résultats. Amon sait que sa structure est trop insignifiante, en terme de poids d’activité, sur le département pour prendre lui-même les commandes du bateau. Pourtant il exprime le besoin fondamental d’avoir une direction à suivre et ne pas être laisser à l’abandon. Nous pensons que se révèle là, un sentiment d’abandon de la part de RE, qui n’est pas là, n’a pas donné de signe de vie au groupe en s’excusant. L’angoisse du groupe est celle du démantèlement, Amon reprend l’idée qu’a exprimée ISIS du bateau qui ne sait quel cap suivre. L’imagination prend le relais dans l’énonciation. Amon cherche à qualifier précisément ce qui manque au groupe, ce qui risque de lui faire défaut et de l’entraîner vers sa dissolution. C’est une finalité, une intention collective. L’image est constitante ISIS marque un moment important du groupe. Elle donne une tournure très officielle à ce qui vient d’être exprimé par tous. Elle se fait le porte parole du groupe et cherche à être claire et précise dans cet acte déclaratif d’énonciation. La réalité se dessine grâce à l’image du bateau. c’est l’immédiate organisation du réel (Durand) Commentaires sémantiques 626 ISIS 192 ISIS 192 Interlocuteur N° pour acter 20 acter Directif on peut se dire ce qu’on vient de se dire 21 pouvoir se dire ce qu’on vient de se dire Directif Groupe nominal Locution verbale Moyen Actes de langage Actif L’intention de ISIS est de donner aux actes de discours un statut très particulier d’objet écrit. Rappelons que le terme de « pragmatique » était à ses débuts un acte faisant loi d’application d’une décision du Roi. Nous assistons peut–être ici, à la transformation d’une conversation ouverte et libre en un acte d’écriture qui formalise ce discours, le fixe et le clos par des signes inscrits sur du papier.ISIS propose de suivre tout de même la logique du discours, elle parle de « au fur et à mesure ». Ainsi se propose-t-elle d’être la mémoire de ce qui se dit. Elle prend acte des actes de langage. ISIS laisse entendre que ce texte écrit pourra être lu. Une fois de plus RE absent, est cette instance de référence à laquelle ISIS renvoie pour l’ensemble du groupe. L’emploi du pronom « on » est l’indice qui désigne l’ensemble des participants présents. ISIS donne non plus une règle mais une possibilité du groupe à exister dans une autre réalité. Il est dans l’ordre du possible, et non plus de la nécessité, non seulement de se parler, mais aussi de parler de ce que l’on vient de dire. Le fait d’acter les actes de discours, donne à supposer que le groupe vient d’atteindre un niveau logique supérieur. Cette réflexion ( au sens de retour sur soi, ou de miroir) du groupe sur lui-même, peut être l’indice d’une réflexion ( au sens de réfléchir) collective, énoncée par ISIS. Nous renvoyons au processus « d’abstraction réfléchissante » qui chez Piaget se rapporte à l’individu, mais qui ici, se rapporte au référent collectif indiqué par « on ». Commentaires sémantiques 627 ISIS 192 on vous propose 22 proposer ISIS 192 je vais écrire 23 aller écrire à Déclaratif ISIS 192 savoir mettre 24 savoir mettre Directif Interlocuteur N° Moyen Actes de langage Groupe nominal Locution verbale Actif ISIS utilise toujours le pronom collectif « on », la proposition émise par le groupe est adressée à RE. C’est la seule allusion directe faite à RE. L’utilisation du pronom « vous » n’est pas à référent plural, c’est le vous de politesse qui s’adresse à une personne. Nous notons la diathèse en « moyen ». La proposition implique tous les participants au delà de l’objet proposé c’est l’équipe qui décide et expose son désire par la voix de ISIS. ISIS utilise le futur immédiat, elle fait ce qu’elle a dit, et cette fois prononce le nom de RE explicitement. ISIS insiste sur le fait d’officialiser cet acte d’écriture, elle désigne le cadre de référence institutionnel dans lequel elle projette cette lettre ouverte du groupe à RE. L’acte de parole est déclaratif car il pose la réalité de ce qui se vit au présent. ISIS somme RE, par cet acte d’écriture, de prendre son rôle de leader et de décider des modalités de mise en œuvre de la coordination des actions. Le groupe vit dans l’ambivalence. Son acte d’émancipation posé, il a du mal à gérer son angoisse de mort. Par la voix de ISIS, il énonce sa volonté d’être « repris en main » par RE tout en le renvoyant au cadre institutionnel. L’absence de RE l’empêche de se positionner dans le contexte interactionnel du groupe. Pourtant sa présence comme instance de référence intervient à tout moment comme facteur de cohésion du groupe. La présence / absence de RE permet la cohésion du groupe. Lorsqu’il est présent, aucun indice de cohésion n’apparaît si ce n’est dans le futur ou le conditionnel . S’il apparaît c’est comme groupe-objet, lorsque lui est associé un chiffre. Lorsqu’il est absent, les indices de cohésion désigne un groupe-sujet qui accède à son autonomie. Commentaires sémantiques 628 ISIS 192 le volet V AMON 192 soit répète Directif 23 être 24 répéter ISIS 192 on avait dit 25 avoir dit ISIS 192 on allait intégrer 26 aller intégrer ISIS 192 la personne ISIS 192 cela peut être fait ISIS 192 on est d’accord cela peut se faire AMON 193 AMON 193 Interlocuteur une suite de parcours N° Groupe nominal va sortir peut être décidée Locution verbale 25 aller sortir 27 Pouvoir être fait 28 être Actif 29 pouvoir se faire 30 pouvoir se décider Moyen ISIS énonce l’ensemble des exigences que le groupe attend de RE. IL doit donner les orientations officielles, coordonner les actions, répartir les champs de responsabilité de chacun, il doit faire en sorte que les opérations soit effectives. IL semble que la charge qui incombe à RE, soit celle qui doit revenir à l’ensemble du groupe. Il peut y avoir là, un déplacement des responsabilités. Non Amon n’a pas le temps de suivre ISIS, il est, lui aussi, en train représentatif d’écrire ce qui se dit. Comme lors de l’événement du compte rendu pour le groupe sur l’alternance, l’opérateur qu’est l’écriture organise le groupe autour de l’acte d’écrire, et, en retour permet l’apprentissage collectif. directif ISIS emploie toujours les référents collectifs « on », elle rappelle ce que le groupe a déjà énoncé, et donc doit être fait. Directif ISIS rappelle que l’ensemble des structures sont concernées par ce qui vient d’être écrit, elle associe ainsi GEB et THOT. Constatif Les personnes entrées dans le dispositif peuvent être réorientées. Constatif Déclaratif Directif Directif Actes de langage Les décisions ne peuvent être que collectives. La capacité à faire est bien en désinence moyenne. ISIS clos sa lettre en demandant l’assentiment de tous. Elles s’assure de l’accord de l’ensemble des participants. Le « on » est l’indice d’une forte cohésion, puisqu’il déclare son existence et sa cohésion : « on est bien d’accord » La possibilité d’existence du groupe dans cette nouvelle réalité potentielle est rappelée par Amon. Là encore il s’agit d’une potentialité d’existence du groupe. Commentaires sémantiques 629 ISIS 194 on ISIS 194 on est d’accord était tombé AMON 195 c’ est AMON 195 il y a eu ISIS 196 je veux anticiper ISIS 196 tu dis ISIS 196 le bilan va être fait AMON 197 tu parles AMON 197 ce qui intéresserait AMON 197 ce serait Groupe nominal Locution verbale Interlocuteur N° 31 être Déclaratif 32 être tombé Déclaratif Déclaratif 26 être Constatif 27 avoir eu 33 vouloir anticiper Promissif ISIS officialise l’accord de toutes les personnes présentes, elle prononce de nouveau l’accord collectif, et l’écrit noir sur blanc. Elle précise que cet accord n’est pas né ici. Mais pourtant il advient par l’énonciation. Le groupe avait déjà une existence, mais elle est reconnue et officialisée par l’acte de langage lui-même et confirmé par l’acte d’écriture qui lui succède. ISIS adopte un ton d’impatience, elle laisse apercevoir son sentiment de perte de temps, elle est agacée. Amon semble vouloir apaiser ISIS. Il lui semble que les faits se déroulent à un rythme normal. Amon renvoie au contexte situationnel de la conversation du jour. ISIS parle de nouveau à la première personne, elle explique son impatience et son désire d’anticiper sur le futur. Acte déictique qui indique l’énonciation en cours. non représentatif 34 aller être Constatif ISIS prend en compte ce que laisse supposer Amon à propos du fait contexte, elle conclut qu’un bilan est sur le point d’être fait. L’accès à la connaissance du contexte élargi de la conversation, permet à ISIS de se calmer non Amon s’adresse à ISIS à son tour, pour exprimer son désire 29 parler représentatif personnel. Promissif Amon a ses propres préoccupations, ses intérêts personnels. Ses 30 intéresser désires s’expriment aux conditionnel, comme si envisager l’avenir devenait problématique. Promissif Amon exprime son désire de voir dans le groupe la capacité de 31 être nommer les actes. 28 dire Actif Moyen Actes de langage Commentaires sémantiques 630 AMON 197 quelqu’un soit en mesure de dire AMON 197 c’ est est est N° Inter- Groupe nominal Locution verbale 34 être en mesure de dire Directif Déclaratif 32 être 32’ être 32’’ être Actif Moyen Actes de langage Amon dit qu’il est à la recherche de « quelqu’un ». Il fait un appel à l’ensemble des membres présents. Si l’un d’entre eux est en capacité de nommer. C’est-à-dire de donner des noms aux choses, le groupe sera en capacité d’exister. Peut-être y a–t-il ici un fantasme de toute puissance. Ou un aveu d’impuissance, ce qui reviendrait au même. Nous pouvons interpréter ces dernières phrases du groupe comme l’énonciation d’une impossibilité à exister. « L’annonce d’une mort annoncée… » En effet quoi de plus puissant que le verbe qui donne existence aux choses. Le Créateur n’est il pas celui qui fait advenir le réel par le souffle du logos ? Or cette quête restera vaine. Nous pensons qu’en disant cela Amon annonce la « mort symbolique» du groupe. Amon décrit et précise son fantasme de « toute puissance » : une personne du groupe qui soit capable de « dire : cela est, ceci est… » Amon sait qu’il exprime l’impossible, mais il n’est sans doute pas conscient qu’en l’exprimant il tue la possibilité d’être du groupe. Nous pensons que l’acte de langage n’est pas descriptif, comme pourrait le laisser supposer le démonstratif « c’ ». Ce qui est en jeu est l’existence d’une réalité pour l’instant fantasmée. Commentaires sémantiques 631 locuteur ISIS 198 c’ est ISIS 200 c’ est 33 être 34 être Déclaratif Déclaratif ISIS confirme cette impossibilité qu’a le groupe à être tellement puissant. THOT lui, l’envisage, mais avec un délai, ISIS déclare presque solennellement, cette potentialité impossible. Il est probable que cette déclaration soit aussi celle de l’impossibilité du groupe à être. Nous supposons que le groupe-sujet qui vient à peine de se constituer comme entité propre, se ressente comme en danger. Ses membres ressentent que cette existence est illégitime. L’organisation groupale émerge de son opposition au statut de groupe-objet qui lui est imposé de l’extérieur. Seulement, si l’on se réfère au travail de Max Pagès, à propos de l’émergence d’une organisation qui masque une contradiction sociale, nous sommes ici en présence d’une organisation groupale qui refuse cette fonction et donc n’obtiendra pas sa légitimité socio-professionnelle. C’est peut-être une des causes pour laquelle les membres de ce groupe ne se réuniront plus par la suite. 632 633