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pied d’égalité procèdent à des transferts de biens et de services. Ainsi, il semble comme une
évidence que l’ensemble de l’activité économique est fondée sur des opérations de troc, qui
considérées du point de vue de « la théorie de l’économie pure »3 seraient neutres quant à
l’organisation de la société et plus ou moins perturbées ou masquées par des phénomènes
monétaires et financiers. Sur les marchés, tout échange réalisé entre deux individus, sans
violence ni contraintes, se traduit par ce que chacun des intervenants cède l’équivalent de ce
qu’il reçoit et reçoit l’équivalent de ce qu’il apporte. Cette relation d’équivalence étant elle-
même déterminée de manière relative aux quantités physiques échangées, la monnaie est
supposée ne jouer qu’un simple rôle transitoire d’intermédiaire facilitant les transferts de
biens et services réels entre les deux agents. L’équilibre général des marchés serait donc un
état où les vocables de justice sociale et de justice économique deviendraient synonymes,
parce que serait réalisée une juste répartition des richesses entre les individus participant à ces
mêmes marchés. L’équilibre des opérations de troc est une situation où non seulement chacun
retrouve l’équivalent de ce qu’il cède et vice versa, mais qui correspond aussi à la réalisation
des anticipations des participants (Phelps, 1985/2006, p. 67et sui.). Après l’échange, les
dotations initiales des échangistes sont réputées équivalentes à ce qu’elles étaient avant. La
propriété change de forme mais pas de mains. Si l’on en croit les premiers chapitres de la
plupart des manuels d’économie, la satisfaction des besoins humains s’articule sur des
relations de troc4 qui, si elles n’étaient perturbées par des facteurs extérieurs au modèle idéal
sans monnaie, conduiraient au bonheur individuel et, grâce au libre jeu des lois du marché, au
bonheur de la collectivité.
Il semble bien, pourtant, comme un fait avéré, que nous ne réalisons pas des
opérations de troc de façon ordinaire et quotidienne, et que nous vivons dans des économies
monétaires. Quand nous nous procurons des produits physiques, ce n’est pas en transférant
d’autres produits physiques, mais en payant avec de la monnaie bancaire. Alors qu’un troc est
une opération d’individu à individu, dans nos économies, les transactions commerciales ne
s’organisent pas entre deux individus, mais entre trois catégories d’agents économiques aux
fonctions bien déterminées et non interchangeables : un payeur, un système monétaire
(bancaire) et un payé. Le payeur et le payé ne sont pas autonomes et séparés
économiquement, ils sont fonctionnellement liés par le système bancaire qui, donc, ne peut
être considéré comme neutre. Il s’ensuit que la monnaie n’est pas neutre non plus et que,
3 Cf. notamment la « 4ème leçon » des Eléments d’économie politique pure de Walras,
4 Que l’on pense à la théorie fondée sur les courbes d’indifférence où les échanges ne sont que des substitutions
au sein des dotations initiales.