42 - Le Commerce du Levant - Août 2010
financesplacements
sombres du côté des pays émergents d’Asie
et d’Amérique latine, considérés comme le
chevalier blanc de la reprise. « L’attention
se concentre sur la consommation des pays
émergents, note Frédéric Lamotte, qui main-
tient à flots de nombreuses entreprises occi-
dentales. » Le FMI a ainsi relevé ses pers-
pectives de croissance de 6,3 % en avril à
6,8 %. Les projections concernant le Moyen-
Orient restent inchangées, avec 6 % de crois-
sance au Liban. Si la croissance (à 10,3 %) de
la Chine a été légèrement en dessous des pré-
visions au second trimestre, le pays vient
d’annoncer un vaste programme de déve-
loppement d’infrastructures qui « tire la
reprise et engendre une forte demande en
matières premières », précise Albert
Letayf. Le Brésil affiche également une
bonne santé économique.
Mais c’est en Europe que les inquiétudes se
concentrent. Dégradation de la note de la
dette du Portugal de AA2 à A1, dette record
en Italie à 118 % du PIB, procédures pour
déficit excessif contre Chypre, la Finlande, le
Danemark et la Bulgarie : le Vieux Continent
va mal. Pourtant de cette série noire pointent
quelques signes encourageants : les appels
aux marchés de trois des cinq pays dont la
dette souveraine est sérieusement menacée
(la Grèce, le Portugal et l’Italie) ont rassuré
les investisseurs. La BCE a également
annoncé le ralentissement dans son pro-
gramme d’achat de dette des pays de la
zone euro, signe d’une accalmie des ten-
sions sur les marchés. Les Américains ten-
tent eux de gérer le surplus généré par leur
politique monétariste. « Aujourd’hui, les
États-Unis tentent de canaliser l’expansion
monétaire, notamment avec une nouvelle loi
qui vise à interdire les activités spéculatives
des banques. Cela permettrait d’injecter la
création monétaire dans l’économie et non
dans le secteur financier », explique Albert
Letayf.
COMMENT GÉRER SON PORTEFEUILLE ?
« La bonne nouvelle, c’est que tout le monde est
en train de se redresser. La mauvaise, c’est que
le redressement prendra du temps », résume
David Wyss, chef économiste chez Standard &
Poor’s. Alors face à ce mélange d’enthousias-
me et de frilosité, comment bien placer son
argent ? Pour Youssef Kamel, qui dirige Future
Trend Capital Fund avec Edmond Asseily, il faut
avant tout « identifier les conditions monétaires,
expansionnistes ou restrictives, pour déterminer
quand prendre des risques et quand réduire la
voilure ». Si les conditions monétaires sont
expansionnistes, « miser sur davantage de leve-
rage, de volatilité sur certains marchés ». Dans
le cas de conditions monétaires restrictives, « se
concentrer sur les actifs moins risqués et
conserver des liquidités en dollars ».
SPECTRE DE L’INFLATION
La crise des liquidités appelle logiquement le
spectre de l’inflation. Une crainte qui n’est
pourtant pas à l’ordre du jour, selon les éco-
nomistes. La zone euro est même en des-
sous des niveaux anticipés : Eurostat a
annoncé 1,4 % en juin contre 1,5 % atten-
du. Le phénomène n’est pourtant pas à
écarter, mais ne devrait pas atteindre le pla-
fond fixé par la BCE à 2 %. La Fed américai-
ne s’inquiète même du taux d’inflation parti-
culièrement bas aux États-Unis, actuelle-
ment à 1 %. Les professionnels n’attendent
donc pas de hausse des taux, ni de la Fed ni
de la BCE, avant mi-2011 selon la parution
Survey of Fund Managers
de Merrill Lynch.
Mais les scénarios catastrophes ne sont pas
encore totalement mis de côté par les finan-
ciers. « On peut encore assister à une crise
souveraine aux États-Unis, des États comme
la Californie et l’Illinois sont en mauvaise
santé financière. Dans ce cas, de nouvelles
liquidités vont être injectées qui généreront
une inflation significative, qui serait renfor-
cée par la politique actuelle de maintien des
taux bas », projette Youssef Kamel.
Pour Toufic Aouad de la banque privée Audi-
Saradar, « une fois que la nervosité des mar-
chés se calmera, la faiblesse des taux d’inté-
rêt favorisera une reprise de la spéculation ali-
mentée par l’effet de levier, ce qui provoquera
également un gonflement des prix des actifs
financiers ». Une hausse des prix qui touche-
ra également les biens réels selon le banquier,
du fait de l’aggravation des déficits budgé-
taires des pays développés qui entraîne une
dévalorisation de leurs monnaies et donc une
dépréciation du pouvoir d’achat. « C’est pour-
quoi, il nous semble indispensable que les
investisseurs se protègent contre l’inflation et
contre la dépréciation du pouvoir d’achat des
monnaies, ceci en augmentant leur allocation
en biens réels, en matières premières et en
actions, et en réduisant leurs positions en obli-
gations et en cash », conclut Toufic Aouad.
Un positionnement que partage Youssef
Kamel. « L’inflation comme accroissement de
la masse monétaire augmente en moyenne de
10 à 12 %. Si un investisseur n’arrive pas à
gagner plus de 12 % sur ses placements, en
réalité il perd de l’argent », ajoute-t-il.
Toufic Aouad : « Une fois que la nervosité des marchés
se calmera, la faiblesse des taux d’intérêt favorisera
une reprise de la spéculation. »
Frédéric Lamotte : « L’attention se concentre
sur la consommation des pays émergents qui maintient
à flots de nombreuses entreprises occidentales. »
Pour Tarek al-Ahdab, l’intérêt des obligations d’entreprises
par rapport aux bons d’État se justifie d’abord par
les politiques d’austérité pratiquées par les États.
C