Crise économique II : Cassandre ou Zadig?
Thierry Warin
École Polytechnique de Montréal
Middlebury College (USA)
Fellow CIRANO
Arrive ces jours-ci toute une série d'informations positives sur les économies des pays développés. La
croissance du PIB est en hausse un peu partout, et les analystes sont agréablement surpris, l'inflation
est légèrement en hausse et c'est la preuve que les politiques de relance ont bien fonctionné, seul
hic au tableau : les taux d'intérêt vont devoir augmenter.
Sans être fausses, ces analyses montrent de vieux réflexes et font penser que l'analyse économique
est très mécanique : l'inflation baisse, on diminue les taux d'intérêt; l'inflation est en hausse et on
augmente les taux d'intérêt. Quant au PIB, on a l'impression qu'il évolue dans une direction ou une
autre un peu de façon aléatoire sans trop que l'on sache vraiment ce qui le fait augmenter ou pas.
Évidemment, c'est plus compliqué que cela sinon tout le monde pourrait être banquier central.
Un peu de recul est nécessaire : oui le PIB est en hausse et non ça n'est pas surprenant étant donné
que les dépenses publiques ont explosé. Rappelons que les dépenses publiques entrent dans le calcul
de l'indicateur PIB. Oui l'inflation est en hausse et non ça n'est pas surprenant étant donné les
injections de monnaie des banques centrales. Et oui, les taux d'intérêt vont monter sur les marchés -
et donc oui les banques centrales vont devoir suivre sinon les pressions inflationnistes seraient
encore plus fortes - étant donné les montants de déficits et de dettes des pouvoirs publics. Est-ce
que cela nous permet de conclure pour autant que nous sommes sortis de crise et que tout va pour
le mieux dans le meilleur des mondes? Assurément non. Encore une fois, ces indicateurs sont des
construits, et même s'ils sont importants pour le moral des entrepreneurs et des consommateurs, ils
sont aujourd'hui plus le résultat des politiques publiques (monétaires et budgétaires) massives et
moins le fruit d'une amélioration de l'économie réelle, ou dite autrement de l'économie structurelle.
Pour autant, ce sont quand même des signes encourageants. Quelles sont les mauvaises nouvelles
néanmoins : il faudra payer la dette ou en tout cas l'écart de dette par rapport aux autres pays. Tout
sera fait pour que cela se passe en douceur : une dose de politique monétaire donc un peu plus
d'inflation qu'avant la crise, c'est pour cela que certains parlent en Europe de relâcher la pression sur
la Banque centrale européenne en termes de cible d'inflation; ensuite un peu de politique fiscale :
une augmentation des impôts pour payer les intérêts de la dette et peut-être rembourser une partie
de cette dette et des taux d'intérêt plus élevés en raison de la dette et pour attirer l'épargne.
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Si l'on veut vraiment accompagner la sortie de crise, il faudra aussi réformer à travers des politiques
structurelles. Cela demandera de la volonté politique. Mais soyons réalistes : en sortie de crise,
lorsque la facture arrivera, il sera très difficile pour les gouvernements de réformer leurs politiques :
dans les pays développés, des tensions sociales exacerbées par la crise apparaîtront. Ces tensions
risquent de se traduire par la montée des extrémismes et des replis nationalistes aux différentes
élections nationales. Mais ceci n'est rien par rapport aux pays en voie de développement qui feront
face à de nouvelles difficultés économiques : difficultés de refinancement de leurs dettes, baisse de
la demande provenant des pays développés, etc. Des tensions existantes (ethniques, sociales,
religieuses, etc.) risquent de ressortir. Toutes les révolutions ne se terminent pas par la démocratie.
Certaines bien souvent passent par des phases où les minorités souffrent grandement.
En conclusion, pour jouer les Zadig, même si cela fait très plaisir de voir que les politiques mises en
place commencent à porter leur fruit, cela ne veut pas dire que la crise est finie, mais plutôt qu'on a
amorti la chute et qu'il faut rester très vigilant. Le monde d'après la crise sera un peu plus compliqué
que le monde d'avant la crise. Mon espoir : les pays émergents!
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