Éditorial Hématologie 2008 ; 14 (2) : 99-100 IKAROS (IKZF1) trouve sa leucémie humaine Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. IKAROS (IKZF1) alterations and human leukemias doi: 10.1684/hma.2008.0256 François Sigaux (Rédacteur en chef) L a famille Ikaros comprend cinq membres dont trois sont exprimés dans les cellules hématopoïétiques. Parmi eux, IKAROS (IKZF1) a été le plus étudié dès les années 1990. A cette période, le groupe de Georgopoulos ainsi que d’autres groupes de recherche ont montré son rôle majeur dans l’hématopoïèse murine par des expériences de génétique chez la souris. Ces résultats ont été largement étendus par la suite (pour une revue : Gerogopoulos, Nat Rev Immunol 2002 : 162-74). Le gène IKAROS est un régulateur transcriptionnel qui peut agir comme un répresseur, et dans certains cas comme un activateur. La protéine ikaros complète comporte un motif qui lie une séquence d’ADN incluant fréquemment des nucléotides communs avec les sites de liaisons des produits des gènes ETS, EBF ou encore de CSL (voie Notch). La protéine ikaros comporte ses propres domaines de régulation de la transcription et un domaine C terminal d’homo- ou d’hétérodimérisation. Elle peut former des complexes avec des protéines de remodelage de la chromatine. Elle s’accumule dans les régions d’héterochromatine péricentromérique où elle colocalise avec des gènes dont la transcription est éteinte. De nombreuses isoformes sont obtenues par épissage alternatif ; certaines, qui ne comportent pas le domaine de liaison à l’ADN, ont un effet dominant négatif. L’apparition de lymphomes/leucémies T chez la souris porteuse d’une délétion hémizygote aboutissant à l’expression d’un dominant négatif d’IKAROS (Winandy et Georgopoulos, Cell 1995 ; 83 : 289-99) a suscité de nombreux travaux cherchant un lien entre l’inactivation d’IKAROS et la leucémogenèse depuis les années 1990. S’il est fermement établi que le défaut d’expression d’IKAROS est leucémogène chez la souris (par exemple, Dumortier et al. Mol Cell Biol 2006 ; 26 : 209-20), il restait à trouver une forme de leucémie humaine dans laquelle une altération génétique touchant ce gène pourrait représenter une altération majeure. C’est actuellement chose faite avec le travail du groupe de Downing (St Jude Children’s Research Hospital, Menphis) publié récemment (Mullighan et al. Nature doi :10.1038/nature06886). Dans cet article les auteurs rapportent une analyse de profilage chromosomique à haut débit (technologie Affymetrix, 500K) de 304 cas de leucémies aiguës, dont 36 expriment le gène de fusion BCR-ABL1. Une altération génétique d’IKAROS a été retrouvée dans 84 % des cas et est fréquemment associée à une inactivation de CDKN2A (p16INK4a/p14ARF). Il s’agit le plus souvent d’une délétion hémizygote, médiée par une erreur de la recombinase lymphoïde. L’anomalie chromosomique aboutit souvent à l’expression d’un transcrit et d’une protéine dépourvue de son domaine de liaison à l’ADN et dont on sait qu’elle agit comme un dominant négatif (isoforme ik6). La production d’ik6 n’est pas due à un épissage alternatif comme cela avait été suggéré (par exemple, Klein et al. Oncogene 2006 ; 25 : 1118-24). Aucune mutation ou méthylation anormale du promoteur d’IKAROS n’a été retrouvée dans les cas où elles ont été recherchées. Une altération d’IKAROS n’est pas retrouvée dans les cas de LMC en phase chronique mais survient fréquemment dans les transformations 99 Hématologie, vol. 14, n° 2, mars-avril 2008 de transcription sont à préciser. Ces résultats devraient susciter de nouveaux travaux dans ce domaine. Comme il a été suggéré que la protéine ikaros pourrait être délocalisée dans le cytoplasme dans certaines formes de leucémies T (exprimant la protéine de fusion calm-AF10), il est clair que seule une approche globale analysant le génome, l’expression des différentes formes d’ARN et la nature et la localisation des protéines produites permettra de délimiter le contour exact de l’inactivation d’IKAROS dans les hémopathies humaines. ■ Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. aiguës lymphoïdes. Elle reste rare dans les LAL T. Les rôles de l’inactivation d’IKAROS dans la transformation tumorale restent mal compris mais on sait qu’IKAROS joue un rôle important dans la régulation de la différenciation précoce B (Thompson et al. Immunity 2007 ; 26 : 335-44). La place tenue par les conséquences transcriptionnelles directes de cette inactivation, celles liées plus indirectement à l’altération des complexes protéiques incluant IKAROS où encore celles résultant de la libération de sites d’interaction à l’ADN pour d’autres facteurs 100 Hématologie, vol. 14, n° 2, mars-avril 2008