pourquoi Clausewitz me passionne et m’effraie
à la fois ». (6)
La guerre n’effraie pas Zemmour. Il reproche
à Napoléon non pas sa démesure, mais de
n’être pas allé au bout de sa logique. Il pourrait
souscrire à l’affirmation de François Thual :
« La géopolitique, c’est l’histoire de la dévora-
tion des sociétés entre elles ». Car si Philippe
Auguste, Louis XIV, Napoléon, Clemenceau
n’ont pu toucher au but, c’est qu’à chaque fois,
un croc-en-jambe les a fait chuter.
Le « duel à une plus vaste échelle », c’est
celui de Carthage et de Rome, c’est l’affronte-
ment « entre terre et mer, entre mondialisation
et unification du continent européen ». (7)
« Votre livre, c’est sur nous », disait un Anglais
à Zemmour qui lui répliquait : « Oui, parce
que vous nous avez empêchés d’atteindre notre
destin ».
Or la vocation très consciente de la France
à partir de Louis XIV, c’était, selon Zemmour,
d’unifier l’Europe autour d’elle ; et le traité de
Westphalie, en 1648, lui promettait cette uni-
fication. Mais, en 1651, l’édit de navigation
par lequel l’Angleterre s’octroyait le droit de
contrôler toutes les routes maritimes, en obli-
geant tout le commerce mondial à passer par
ses bateaux, lui donnait l’hégémonie impériale
sur la mer. « Trois petites années pour que la
nouvelle Rome ait trouvé sa Carthage », (8) et
que celle-ci retourne l’antique imprécation :
«Roma delenda est ». En évoquant une nou-
velle guerre de Cent ans, entre 1689 et 1815,
sans doute Zemmour a-t-il songé à Bainville :
« l’Angleterre s’oppose à la politique française
et prend la tête des coalitions », elle ouvre
ainsi « une sorte de nouvelle guerre de Cent
ans qui ne se terminera qu’à Waterloo ». (9)
Plus sensible à la politique extérieure qu’à
l’intérieure, Zemmour structure son livre par
les traités qui ont jalonné l’histoire de France
et programmé son avenir. Désastreux traité de
Verdun (843) qui fait éclater l’empire carolin-
gien et lance la question d’Occident, cause de
« guerres, massacres, conquêtes, désolations,
génocides, alpha et oméga de notre histoire ».
Heureux traité de Westphalie (1648) qui assure
la domination de la France sur l’Europe conti-
nentale. Malheureux traité d’Utrecht (1713) où
l’Angleterre se voit reconnaître la possession
du rocher de Gibraltar. « L’équilibre européen
signifiait que la France renonce au nom de la
paix à son rêve historique : remplacer l’Empire
romain ». (10) Funeste traité de Paris (1763)
par lequel la France perd son bel empire colo-
nial : Canada, Indes. Et de citer Michelet :
« que perd la France ? Rien, si ce n’est le
monde ». La France perd alors la bataille de la
mondialisation. Mortel traité de Vienne (1815)
qui pérennise, après Waterloo, la mondialisa-
tion sous domination anglaise. La guerre de la
terre et de la mer s’achève avec la chute de
Napoléon.
Zemmour évoque peu la rupture absolue
de la Révolution et la France meurtrie par elle.
Ce qui compte pour lui, c’est qu’alors, « la
France républicaine achève à la hussarde le
destin romain rêvé par les rois : rive gauche
du Rhin, Belgique, républiques Cisalpine, Li-
gurienne, Piémont et Turin, annexés en 1801 ».
(11) Louis XIV avait œuvré pour donner à la
France une ceinture solide et ses conquêtes
étaient en harmonie avec le système de Vau-
ban, qui « désignait les lieux et les lignes d’où
la France était plus facile à défendre ». (12)
Grâce à Bonaparte premier consul, elle
s’agrandit jusqu’à « ses frontières naturelles »,
la mer et le Rhin, les Alpes et les Pyrénées,
soit « forger une nouvelle Rome dans les li-
mites de la Gaule romaine ». (13) Bainville
Classement : 2Gf22 • 01/ 2017
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