cesseur de Rémi à Reims : « Il s’avance, nou-
veau Constantin […] L’évêque de Reims l’in-
terpelle […] Dépose humblement tes colliers,
fier Sicambre! Adore ce que tu as brûlé, brûle
ce que tu as adoré! » Zemmour commente :
« La postérité a retenu la formule flamboyante
et impérieuse adressée au fier Sicambre. Je no-
terai plutôt la référence sous forme d’évidence
à Rome et au premier empereur christianisé :
Constantin ». De même Charlemagne, empe-
reur d’Occident, sacré à Rome par le pape, est
d’abord pour lui le nouveau Constantin. En
Clovis s’appuyant sur l’Église, s’alliant à la
bourgeoisie gallo-romaine, appliquant le droit
romain écrit, Zemmour voit ce qu’il croit être
les prémices de l’empire : « Un sans-faute.
D’emblée, Clovis imposait à la France et à ses
rois un objectif historique unique : devenir le
nouvel Empire romain ». (9)
Il me semble que Zemmour minore, en Clo-
vis, l’influence du christianisme. Ce qui
compte, pour lui, c’est Rome. Or, la religion
romaine – avant que le christianisme devienne
religion d’État – est moins une foi qu’une pra-
tique, tout ordonnée à la cité. Les mêmes per-
sonnes président à la religion et gouvernent
la République, les principaux prêtres sont sou-
vent membres du Sénat ou magistrats. Les Ro-
mains implorent les dieux moins pour les ho-
norer que pour se les concilier. Ils sont au
service de l’homme. Et il n’est pas étonnant
que, sous l’Empire, on ait élevé des autels à la
déesse Rome et à Auguste, et qu’après sa mort,
un décret sénatorial l’ait placé au nombre des
dieux. Rome confond le spirituel et le tempo-
rel, le religieux et le politique, avec le primat
du politique. Le christianisme au contraire
pose la distinction du spirituel et du temporel :
« Rends à César ce qui est à César et à Dieu
ce qui est à Dieu ». Cette primauté du spirituel,
cette autonomie du politique en son domaine
et sa priorité, mais sa subordination au spirituel
en matière morale et religieuse, sont déjà pré-
sentes avec Clovis.
Mais Zemmour date de Philippe Le Bel l’af-
firmation du pouvoir laïc, comme « extérieur
et antérieur au pouvoir de l’Église et du pape »
(10) et d’Henri IV « la séparation de la religion
et de l’État » : « La règle d’or était fixée : la re-
ligion doit s’incliner devant le politique, le sa-
cré doit céder le pas devant la paix civile. Une
« invention » inouïe : la loi de Dieu doit se
soumettre à la loi des hommes ». (11) C’est là
non pas une vision chrétienne des choses, mais
romaine, de la Rome d’avant le christianisme,
affirmant la primauté du politique.
Bainville est plus vrai. Il rappelle qu’à la
chute de l’Empire romain, l’autorité revient aux
évêques, devenus « défenseurs des cités ». Mais
l’Église n’exerce pas le pouvoir, pratique la dis-
tinction et non la séparation du temporel et du
spirituel, et cherche à rétablir en Gaule une
autorité politique qui fût chrétienne. « Deux
hommes d’une grande intelligence, le roi Clovis
et l’archevêque de Reims, se rencontrèrent pour
cette politique ». (12) Si le baptême de Clovis
peut être considéré comme le baptême de la
France, le pouvoir politique n’en garde pas
moins son autonomie. Plus tard, le conflit entre
Philippe Le Bel et le pape Boniface VIII vient
aussi, chez celui-ci, de la tentation de confon-
dre les pouvoirs : « je suis César », proclame-t-
il en plein Consistoire. Cette volonté du pape,
comme la théorie des deux glaives – selon la-
quelle reviennent à l’Église deux modes d’in-
tervention : spirituel, où elle intervient naturel-
lement, temporel, où elle intervient par
l’intermédiaire du bras armé séculier – ne pou-
vaient que s’opposer à la théorie que les légistes
de Philippe Le Bel concentrent en une formule :
« Le roi empereur en son royaume ».
Classement : 2Gf21 • 12/ 2016
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