Homélie pour la fête de la Croix glorieuse
Jn 3, 13-17
Frères et sœurs,
Il y a quelque chose d’un peu surprenant dans l’Evangile que nous venons de
proclamer et d’acclamer : cette comparaison entre le serpent de bronze et le Christ
en croix est-elle pertinente, est-elle-même possible ?
Peut-on mettre en parallèle, cet objet inanimé de bronze et un homme plein de vie
cloué au bois de la Croix ?
Peut-on, comme le fait l’évangéliste en utilisant la formule « de même que…,
ainsi… », comparer le serpent symbole de l’adversaire et de l’accusateur et le
Sauveur !
C’est que le parallèle ne porte pas sur ce et Celui qui ont été élevés sur le bois mais
sur le fait d’être élevé et de devoir lever les yeux vers le haut, vers le ciel. Il me
semble que la comparaison nous invite justement à comprendre le contraste.
● d’un côté un objet de bronze
de l’autre un homme
● d’un côté l’accusateur, le serpent, le satan, le tueur…
de l’autre, notre défenseur, notre sauveur.
● d’un côté le symbole du mal vaincu
de l’autre la réalité et la personnr-même du vainqueur du mal
● d’un côté une idole,
de l’autre le Dieu vivant
Le geste est le même « lever les yeux » et le but de ce geste est le même « pour être
sauvé », mais le contexte est différent.
● d’un côté des serpents à la morsure brûlante,
de l’autre le Fils de Dieu, à l’amour brûlant, le Sauveur lui-même offrant sa
vie, car il s’agit d’un don !
Tout, dans ce passage de l’Evangile de Jean, est marqué par cette idée d’un don
gratuit. Avez-vous remarqué dans le texte tous ces verbes dont le sujet est Dieu :
il a aimé
il a donné
il a envoyé
il a sauvé
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Tout est là. La source de notre joie, de notre action de grâce. C’est à cause de cela
que nous venons de célébrer l’Eucharistie !!! Dans un instant, au début de la prière
eucharistique, nous dirons :
« Tu es vraiment saint, Dieu de l’univers,
et toute la création proclame ta louange,
car c’est toi qui donne la vie,
c’est toi qui sanctifie toute chose
par Jésus-Christ ton Fils notre Seigneur
avec la puissance du Saint Esprit.
Et tu ne cesses de rassembler ton peuple
afin qu’il te présente
partout dans le monde une offrande pure ».
Or, il n’y a pas d’autre offrande pure que celle du Christ et la nôtre, « par Lui,
avec Lui et en Lui », par d’autre offrande que la réalité de la Croix et ce qu’elle
symbolise : le don de soi-même.
Mais que faire et comment faire ?
Ce passage de l’Evangile conclut le dialogue de Jésus avec Nicodème. Vous vous
rappelez il s’agit de ce pharisien, membre du Sanhédrin, qui vient trouver sus de
nuit pour lui dire qu’il le considère comme un maître et pour l’écouter. Et vous vous
rappelez qu’ils entrent tous les deux dans un dialogue sur le fait de naître à nouveau,
de naître d’en haut, de naître de l’eau et de l’Esprit.
C’est ce même Nicodème qui, un jour, parmi les pharisiens prêts à mettre la main
sur Jésus et à le condamner, prit la défense de sus en disant : « Notre Loi peut-
elle condamner un homme sans l’avoir entendu et sans savoir ce qu’il a fait ? ». Il se
fit traiter de Galiléen pour avoir dit cela.
C’est lui aussi qui fut présent pour l’ensevelissement de Jésus et qui apporta un
mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres ! 32 kilos, ce qu’on apporte pour
un roi !
Le nom Nicodème signifie la victoire, la victoire du peuple. Il nous représente donc
tous, nous qui par la croix du Christ sommes bénéficiaires de sa victoire et victorieux
avec lui.
Toute la discussion avec Nicodème porte, nous l’avons dit, sur la naissance d’en bas
et d’en haut. Or le discours conclusif de Jésus parle aussi de montée et de descente.
« Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ».
Or, c’est précisément là la question :
- le haut et le bas
- la terre et le ciel
L’homme est écartelé entre les deux. Il a beaucoup de difficulté à vivre
simultanément l’en bas et l’en haut de son horizon, autrement dit sa vocation
humaine et sa vocation divine.
3
Jésus a conduit Pierre, Jacques et Jean sur le Tabor de la Transfiguration, mais les
a ensuite invités à redescendre. Puis il s’est avancé avec eux dans l’impasse de
l’échec.
L’homme navigue, souvent perdu, entre l’en bas et l’en haut, sans arriver à en faire
l’harmonie.
Ses besoins sont satisfaits par les biens d’en bas qu’il acquiert et consomme. Ses
désirs le portent au-delà et ne sont assouvis que s’il s’ouvre aux réalités d’en haut.
Jésus, tout homme et tout Dieu, quant à lui, est à l’aise, chez lui - « at home » dirait-
on en anglais - dans l’en haut divin et l’en bas humain.
En lui, l’en haut devient un lieu pour l’homme puisque l’en bas est un lieu pour Dieu.
La croix manifeste l’union de ces deux dimensions : Dieu en nous et nous en Dieu !
La croix manifeste ce mouvement paradoxal de descente, d’humilité, et de
redressement, ce mouvement d’humiliation et d’exaltation comme le chantait la
lettre aux Philippiens que nous avons entendu comme deuxième lecture.
Le ciel est caché dans l’en bas, enfoui au cœur de l’humain. La terre est cachée,
enfouie dans le cœur de Dieu qui nous aime.
Plus encore, l’homme découvre des traces de son péché, sa bassesse, dans ses
victoires et ses réussites. L’homme trouve aussi la grâce et la générosité qui
l’habitent et marquent son cœur, il trouve sa propre dignité et sa grandeur dans ses
échecs et son péché.
Ainsi, rien n’est jamais perdu. Rien n’est définitivement condamné. Pécheurs et
justes sont à l’aise sous la croix.
« Dieu n’a pas envoyé son Fils pour condamner le monde, mais pour que le monde
soit sauvé par lui. »
Et toi, frère chrétien, sœur chrétienne, si tu prends conscience de cela, appuie-toi
sur la miséricorde de Dieu et laisse-la faire son œuvre en toi. Mais, en même temps,
prends tes responsabilités d’homme et d’enfant de Dieu. En d’autres termes, prends
ta croix et suis-moi.
Frère Eric T. de Clermont-Tonnerre, o.p.
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Prière universelle
Pour les hommes, les femmes et les enfants de ce monde qui sont chassés de chez
eux, poursuivis, emprisonnés, torturés, égorgés, violés…
et pour nous-mêmes, pour que nous renoncions, dans nos familles, nos communautés,
nos milieux de vie, à juger, à condamner, à classer et à exclure.
Prions le Seigneur !
Pour les hommes politiques et tous ceux qui nous gouvernent, qui, avec générosité,
sont au service du bien commun dans la société française, en Europe et ailleurs et
dans l’Eglise…
et pour nous-mêmes, pour que nous renoncions, dans nos affaires personnelles,
familiales, professionnelles, communautaires, à toutes formes d’arrangements en
notre faveur, aux dépends des règles, de la ontologie, du droit et des biens des
autres,
Prions le Seigneur !
Pour nos familles et nos communautés afin qu’elles soient, malgré les épreuves, des
lieux de vie, de bonheur, d’épanouissement et de liberté,
et pour nous-mêmes pour que nous comprenions que les alliances conjugales,
communautaires, associatives et amicales ne sont pas des lieux où l’on peut prendre
et se servir, sans rien donner et sans servir, mais des lieux marqués par la croix, des
lieux de conversion et de combat les premières places doivent toujours être
données à Dieu et à l’autre.
Prions le Seigneur !
Seigneur notre Dieu écoute nos prières pour ton Eglise et pour le monde. Apprends-
nous à nous convertir. Nous te le demandons par la grâce de la Croix glorieuse de
ton Fils Jésus Christ quigne avec toi et le saint Esprit pour les siècles des siècles.
Amen !
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