Risques liés à l`usage des antimicrobiens chez l`animal au

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Risques liés à l’usage
des antimicrobiens chez l’animal au niveau mondial
L’OIE a réalisé à ce jour l’évaluation
à cet effet n’est hélas pas l’apanage
sera long, difficile et controversé, voire
de la qualité des systèmes nationaux
des pays en développement ou
illusoire.
de santé animale, incluant les Services
émergents. Dans bon nombre des pays
vétérinaires dans plus de 120 pays.
de l’Organisation de coopération et de
de marchandises alimentaires,
développement économiques (OCDE),
du tourisme classique ou médical
majorité des pays en développement
l’accès direct aux antibiotiques,
permettent et permettront
et des pays émergents, ne disposent
notamment par internet, est très
malheureusement aux bactéries
pas encore de législation pertinente
facile et d’usage très fréquent par les
d’origine humaine et animale
relative aux conditions appropriées
producteurs agricoles. L’épandage de
résistantes existantes ou en devenir
d’importation, de fabrication,
certains antibiotiques sur les arbres
de coloniser facilement toute la
de distribution et d’usage des
fruitiers pour combattre certaines
planète quelles que soient les mesures
produits vétérinaires, y compris les
bactérioses végétales est toujours
préventives appliquées localement.
antimicrobiens. La législation est parfois
autorisé dans certains de ces pays,
totalement absente. Lorsqu’elle existe
ainsi que l’incorporation de certains
− L’OIE forme et met en réseau des
elle n’est très souvent pas appliquée
antibiotiques dans l’alimentation
Points focaux nationaux nommés
faute de moyens publics pour effectuer
des animaux comme promoteurs
par les Pays membres pour créer
les contrôles.
de croissance et à d’autres fins non
ou moderniser les législations en
Plus de 100 pays évalués, en
Dans ces pays les antimicrobiens
La mondialisation des échanges
Que faire, face à ces défis ?
thérapeutiques. L’action politique,
matière de production, d’importation,
sont le plus souvent directement ou
par exemple au niveau du G8 ou de
de distribution et d’usage de
indirectement accessibles à tous
l’Organisation mondiale du commerce
produits vétérinaires et réaliser entre
sans contrainte. Plus grave encore,
(OMC), pourrait permettre d’amener
autres le suivi des consommations
ces produits circulant comme des
cette catégorie de pays à changer ces
d’antibiotiques car on ne sait encore
marchandises courantes sont le plus
pratiques estimées comme étant à
que peu de choses sur la réalité de ce
souvent frelatés (dosage inférieur à la
risque par de nombreux scientifiques
qui se passe en termes de volumes
mention écrite sur le flacon, molécule
crédibles.
utilisés dans la majorité de nos
différente ou placebo intégral).
Dans le domaine de la prévention
178 Pays membres concernés par
Des milliers de tonnes de produits
de l’antibiorésistance chez l’animal
antimicrobiens frelatés destinés aux
(et de ses avantages potentiels pour
− Les Pays membres de l’OIE
animaux sont en circulation dans le
la santé publique), quelques pays
adoptent des normes internationales
monde (le problème est similaire pour
et régions ont d’ores et déjà pris des
sur l’usage prudent des antibiotiques
les produits destinés à l’homme).
précautions importantes, mais il est
et sur l’harmonisation des évaluations
probable que l’adoption de dispositions
du risque qu’ils s’engagent à mettre
efficaces par le reste de la planète
en œuvre. La solidarité internationale
L’usage des antibiotiques destinés à
l’animal par des personnes non formées
ce programme de l’OIE.
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s’exprimant par l’aide au développement
directement aux animaux, y compris les
sans scrupules notamment par internet).
est cruciale pour aider les pays en
antimicrobiens. Il existe donc quelque
Les risques liés à ces pratiques ont des
développement et même les pays
fois un apparent conflit d’intérêt potentiel
conséquences potentielles bien plus
émergents à appliquer ces normes,
qu’il convient de gérer. Notre Organisation
graves que d’éventuelles dérives de
d’autant plus qu’on s’attend à court terme
propose à cet effet :
prescription ou de délivrance par des
à plus de 50 % d’augmentation de la
a) des normes et des programmes
vétérinaires, qui sont bien plus faciles à
production animale par des systèmes
pour améliorer l’excellence de la
contrôler et à éviter. Plusieurs pays ayant
intensifs de production dans ces pays.
formation vétérinaire partout dans le
mis en œuvre le découplage ont assisté
− L’OIE préconise aussi des politiques
monde notamment en microbiologie,
à une augmentation de la consommation
permettant un maillage vétérinaire
pharmacologie et éthique,
générale d’antibiotiques (pour ne citer
minimal pour assurer une surveillance
b) des normes relatives à la
que ceux qui sont en mesure d’évaluer
zoosanitaire tout en garantissant grâce
constitution et au fonctionnement
les consommations). Il est à noter que
à ce dispositif la détection précoce des
d’organismes statutaires vétérinaires
la consommation d’antibiotiques chez
épizooties potentielles (y compris des
nationaux et régionaux (Ordres
l’homme continue à augmenter alors
zoonoses comme les grippes animales)
vétérinaires) disposant par la loi et
que le découplage est très répandu en
et la réaction rapide pour les cantonner à
par délégation de l’État des pouvoirs
médecine humaine.
Encadrer et limiter dans le monde les
pratiques estimées comme étant les
plus à risque (y compris leur usage en
production végétale) doit être inscrit
dans les priorités mondiales y compris
dans les pays développés
leur lieu d’émergence. Ce maillage permet
nécessaires pour garantir le contrôle
par ailleurs de garantir un niveau général
des diplômes, l’éthique, l’excellence
mesures à prendre pour limiter
de santé des animaux en permettant
professionnelle et la mise à l’écart de ceux
l’émergence de résistances chez l’animal,
l’utilisation judicieuse, appropriée et
dont la conduite n’est pas appropriée.
encadrer et limiter dans le monde les
limitée d’antibiotiques.
L’existence et la pérennité de ce
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Par ailleurs, le découplage
Enfin il apparaît que parmi les
pratiques estimées comme étant les
prescription–délivrance de certains
plus à risque (y compris leur usage en
maillage reposent entre autres sur les
médicaments vétérinaires, dont les
production végétale) doit être inscrit dans
ressources issues des prestations de ces
antibiotiques, expérimenté par quelques
les priorités mondiales y compris dans les
vétérinaires qui desservent souvent une
pays dans le monde peut poser entre
pays développés.
grande majorité de clients impécunieux
autres des problèmes logistiques
dans les zones isolées ou défavorisées
de réactivité face aux maladies
où ils exercent et où se trouvent de
notamment dans les fermes et peut
nombreux animaux à surveiller. Ces
faciliter des pratiques illégales (auto-
ressources proviennent notamment de la
approvisionnement direct et non contrôlé,
délivrance des produits qu’ils administrent
intervention de particuliers ignorants et
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Bernard Vallat
Directeur genéral de l’OIE
20 mars 2014
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