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D I T O R I A L
Macro- et micro-analyses de la résistance
aux antimicrobiens
" M.H. Nicolas-Chanoine*
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u égard aux bienfaits apportés par les antibiotiques,
et plus récemment par les antiviraux, vouloir maîtriser la résistance que les microbes développent vis-àvis de ces molécules mobilise la réflexion.
DU BON USAGE DES ANTIMICROBIENS
Le constat étant qu’il y a une relation entre la (forte) consommation des antimicrobiens et l’augmentation de la résistance,
le fait de restreindre leur utilisation, c’est-à-dire de ne les
employer que dans des situations appropriées, est de l’ordre du
bon sens.
Ainsi, faire bon usage des antibiotiques est devenu une recommandation. À l’hôpital, où tout acte médical est assisté de façon
pluridisciplinaire et où le malade séjourne, une telle recommandation est envisageable et peut même faire partie d’un point
du programme de la qualité des soins. En ville, où le médecin
est seul face à un malade qui vient consulter pour que sa vie
quotidienne ne soit plus entravée par la “maladie”, et ce au plus
vite, l’application de la recommandation est, non pas médicalement impossible, mais socialement difficile. En effet, dans
certaines circonstances (rhinopharyngite virale, par exemple),
un certain nombre de soins utiles pour éviter la surinfection
bactérienne remplacent la prise d’antibiotiques. L’application
de ces soins exige plus du malade que la simple prise d’un médicament, et requiert du médecin qu’il surveille l’évolution de
l’infection pour s’assurer de l’absence de surinfection bactérienne. Se profile donc là, pour l’infection traitée en ville, la
nécessité d’accompagner la recommandation du bon usage des
antibiotiques d’un guide pratique, afin de soutenir la prise de
conscience quant au fait que la résistance est une affaire de santé
publique.
Reste l’utilisation des antibiotiques dans le monde animal. Estce faire bon usage des antibiotiques que de les utiliser comme
promoteurs de croissance ? Au regard de l’économie, c’est un
usage qui s’avère profitable, mais, comme l’explique A. Andremont (page 268), la résistance est venue quelque peu le remettre
en question.
*Service de microbiologie, hôpital Ambroise-Paré, 92100 Boulogne-Billancourt.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 7 - septembre 2000
La résistance n’est pas propre aux bactéries, elle touche les
virus, et notamment le VIH, vis-à-vis duquel de multiples thérapies ont été développées. Comme personne, cela va de soi,
ne prescrit les thérapies anti-VIH à mauvais escient, leur bon
usage au regard de la résistance ne se pose pas en termes quantitatifs, mais qualitatifs : quand et comment les donner ?
En matière de virus comme en matière de bactéries, la réponse
médicale pour éviter, au niveau individuel, la sélection de
mutants résistants est d’utiliser plusieurs antimicrobiens simultanément. Cette prévention individuelle et circonstanciée n’est
possible que pour des populations microbiennes où dominent
les souches sensibles. Or, le monde microbien est multiple
(populations sensibles et résistantes) et évolutif. Prévenir la résistance de façon globale exige de mieux connaître la vie des
microbes, ou plus exactement leur génome, car, tout compte fait,
c’est là que s’inscrit ou se désinscrit leur devenir.
BACTÉRIEN OU VIRAL, LE GÉNOME EST LE MAÎTRE D’ŒUVRE
Comprendre comment fonctionne le génome bactérien et viral
fait partie intégrante de la stratégie médicale en matière de résistance. En effet, comme l’expliquent les articles de V. Perrot
(page 273), F. Clavel (page 279), F. Van Bambeke et P. Courvalin (page 285), le génome a sa dynamique propre, dont la
modulation peut tenir compte du contexte dans lequel l’agent
microbien évolue. Le but est d’analyser cette dynamique au
regard de l’émergence des populations résistantes et de définir
les processus génétiques par lesquels les microbes résistants
peuvent se maintenir ou, au contraire, disparaître.
MODÉLISATION MATHÉMATIQUE
L’analyse de la dynamique génomique va bien au-delà de l’intérêt scientifique dans la mesure où les données acquises peuvent être intégrées en tant que paramètres dans des équations
mathémathiques, comme nous l’explique P.Y. Boëlle (page 298).
On peut donc s’attendre à ce que la prévention de la résistance
se fonde sur la prédiction issue de la modélisation mathématique de l’évolution adaptative des micro-organismes.
CONCLUSION
Comme le suggère ce numéro de La Lettre de l’Infectiologue,
maîtriser la résistance aux antimicrobiens est un vaste projet
dont le succès tient certainement à l’alliance dynamique de
multiples compétences.
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