apporte un peu de verdure. Le soleil et la chaleur
inhabituels renforcent l'impression de désert chaud et je
me croirais à nouveau sous les tropiques si je ne voyais à
l'ouest le Langjökull, le “long glacier”, se jeter dans le lac
Hvítárnes. Je campe seule ce soir-là, au bord de l'eau,
baignée de la douce lumière du nord.
Gullfoss Gýgjarfoss
Le lendemain est nuageux, la température basse. Les
glaciers et la neige, coincée dans les nervures des
collines, ne trompent pas: c'est un désert froid. La route
est mauvaise: graviers, zones de tôle ondulée où je me
sens comme un camionneur du Salaire de la peur. Dans
ces conditions, 35km prennent 5 heures, mais les
paysages, plus montagneux, ne déçoivent pas. Quand je
poursuis ma route, je découvre le désert dans sa version
mouillée. Ciel bas, horizon clos ; réparer une crevaison
dans la bruine, ce n'est pas très drôle.
Le désert, version humide
Ørkenen i sin våde form
Puis les nuages s'amincissent, l'orbe solaire se dessine
juste, les pierres, plus blanches, sont comme
luminescente. Au final, le désert n'est plus désert: il est
habité de lumière. Un peu de ciel bleu, un rideau de pluie,
du soleil qui éclate sur Hofsjökull, et les arcs-en-ciel. Le
premier, très large et s'étendant sur une dizaine de degrés
s'intensifie peu à peu. Puis nous jouons. “Et celui-là, tu le
vois?” dit la Lumière en plaçant de timides taches de
couleur sur un nuage. “Regarde, je peins où bon me
semble,” renchérit-elle en m'en montrant un, horizontal,
au milieu du ciel. Plus tard, durant mon séjour, j'ai
découvert des traces colorées plus subtiles encore et j'en
souriais, la lumière est espiègle.
Enfin, je quitte les hautes-terres et descends vers la côte
nord, retrouvant le goudron, les fermes, les chevaux,
l'océan.
ÞÞÞÞ
La côte est raide pour rejoindre Skagafjörður. Ondées,
nuages et soleil rivalisent pour caresser les collines
verdoyantes vers lesquelles je monte. Ce soir-là je campe
près de l'eau par une soirée humide et brumeuse.
L'écume balaye les gros galets de la plage ; les ternes
arctiques voient mon approche d'un mauvais oeil ; la tête
d'un phoque surgit d'entre deux vagues.
Le lendemain, après quelques kilomètres, j'entends un
sifflement qui ne trompe pas et en quelques secondes,
mon pneu arrière est plat. Il a une déchirure qui va
s'élargissant sur le côté et cela a finit par pincer la
chambre à air. Je fais une réparation de fortune,
colmatant la brêche avec du gros scotch et transférant du
poids vers les sacoches avant. Je poursuis mon chemin,
espérant que cela tienne, et ressent toutes les aspérités
de la route, pourtant bien goudronnée, telle une princesse
un petit pois.
A Siglufjörður, je visite le musée de l'ère du hareng,
“l'argent de la mer”, qui du début du XXème siècle au
années 60 a apporté travail et revenus au nord de
l'Islande. Dans un bâtimement construit en 1907, j'ai pu
visiter à l'étage les logements prévus pour les filles du
hareng qui venaient de tout le pays saler les prises dans
l'espoir de gains importants. Le lendemain je prends le
bus pour Akureyri, la deuxième ville d'Islande, pour
acheter un nouveau pneu et continuer mon périple.
Akureyri
ÞÞÞÞ
L'Islande est une terre volcanique du fait qu'elle se situe
sur la dorsale médio-atlantique qui sépare les plaques
techtoniques eurasiennes et nord-américaine. Il s'ensuit
qu'il y a une foule de phénomènes intéressants à
observer: des soulèvements rocheux (1) ; des champs de
lave encore fumants (2) ; des failles où se cachent des
piscines d'eau chaude (3) ; de la lave solidifié et plissée,
témoignant du passé liquide de la roche (4) ; des sources
chaudes dont les vapeurs sentent le souffre (5) et qui
déposent des minéraux de couleurs variées (6), des pieds
de colones de basaltes (7), et bien entendu les colonnes
elles-mêmes (8). L'activité géothermique est bien sûr
exploitée par l'homme et par endroit, des tuyaux d'eau
chaudes s'entrecroisent à flan de colline et on se croirait
presque sur Vinéa (9).
Vieille Morue n° 1 Page 2/5