De la nécessité de bien définir les valeurs de référence des

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Article original
Ann Biol Clin 2011 ; 69 (1) : 77-83
De la nécessité de bien définir les valeurs de
référence des hormones thyroïdiennes
pour une meilleure interprétation clinique
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Necessity to define thyroid reference values
for better clinical interpretation
Élisabeth Plouvier1
Laurent Alliot2
Basile Bigorie3
Caroline Kowalski2
Virginie Medeau3
François Thuillier1
1 Laboratoire de biochimie,
Centre hospitalier, Meaux
<[email protected]>
2 Beckman Coulter France,
Villepinte
3 Service d’endocrinologie,
Centre hospitalier, Meaux
Résumé. De nouvelles valeurs de référence ont été établies pour la thyrotropine
(TSH), thyroxine libre (T4L) et triiodothyronine (T3L) dans une population
meldoise suite à des discordances observées avec celles d’un analyseur Access2
de Beckman Coulter (BCF). Ont été inclus 308 patients adultes (230 femmes, 78
hommes), âgés de 18 à 65 ans, normothyroïdiens, exempts de toute pathologie
thyroïdienne, répondant aux critères définis par la National Academy of Clinical
Biochesmistry (NACB). TSH, T4L, T3L, anticorps (Ac) anti-TPO et anti-TG
ont été mesurés. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS.
Après exclusion de 46 patients Ac positifs, les données de 262 patients ont servi
à établir les valeurs de référence définies par les percentiles 2,5 et 97,5 % selon
la NACB. Ce travail expose les difficultés rencontrées pour l’établissement de
valeurs de références utiles à l’investigation clinique des dysthyroïdies.
Mots clés : TSH, thyroxine libre, triiodothyronine libre, valeurs de référence,
thyroïde
Abstract. Discordances were observed with thyroid reference range from BCF
Access 2 analyser. The purpose of this study was to establish specific reference
range value for free thyroxine (FT4), free triiodothyronine (FT3) and thyrotropin
(TSH) in adult Meaux Hospital population. Samples from 308 adults aged from
18 to 65 years were studied. Patients (no pregnancy and no iodine contrast
media used) after informed consent, were exempted of thyroidal, cardiac, renal,
multiple-organ-failure illnesses. Thyroid assays, anti-TPO and anti-TG levels
were measured on the BCF Access2 immunoassay system. This work exposes
difficulties to define range values in order to better use the biomarker in the
clinical context.
doi:10.1684/abc.2010.0517
Article reçu le 31 mai 2010,
accepté le 21 octobre 2010
Key words: TSH, free thyroxin, free triiodothyronin, reference range, thyroid
L’évaluation du statut thyroïdien (hyperthyroïdie, hypothyroïdie, euthyroïdie) est largement répandue dans nos
laboratoires d’analyses médicales. Cette évaluation repose
sur la détermination de la thyrotropine ou thyréostimuline
(TSH) considérée actuellement comme test de référence,
associée en cas d’obtention d’un résultat pathologique à
celle de la thyroxine libre (T4L), et dans certaines circonstances, à la détermination de la triiodo-thyronine (T3L). Il
est d’une grande importance de garantir la continuité de
ces suivis en réalisant ces dosages par la même technique
et/ou sur le même automate. Les cliniciens interprètent les
résultats par rapport aux valeurs de référence données par le
laboratoire. Celles-ci sont souvent population et instrument
dépendants et devraient être représentatives de la population
d’un pays, voire locale.
Aujourd’hui, il n’est pas facile de déterminer ces valeurs
pour différentes raisons (pratiques, ethniques. . .). Les
valeurs fournies pour les paramètres d’un automate ont été
évaluées par le fournisseur sur une grande cohorte, souvent
sur une population nord-américaine. Donner des valeurs
de référence revient à préciser une borne supérieure et
une borne inférieure d’un intervalle de confiance défini par
Pour citer cet article : Plouvier É, Alliot L, Bigorie B, Kowalski C, Medeau V, Thuillier F. De la nécessité de bien définir les valeurs de référence des hormones
thyroïdiennes pour une meilleure interprétation clinique. Ann Biol Clin 2011 ; 69(1) : 77-83 doi:10.1684/abc.2010.0517
77
Article original
Tableau 1. Répartition des patients inclus dans l’étude.
Nombre de patients
n = 308 : 230 femmes (75 %) et 77 hommes (25 %)
Âge hommes : moyenne
(valeurs extrêmes (an))
39 (19-65)
Âge femmes moyenne
(valeurs extrêmes (an))
42 (19-65)
Volontaires provenant de :
Patients hospitalisés
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Origine des patients
61
ses percentiles et à considérer que quiconque se trouve en
dehors de ces valeurs est à même de bénéficier d’une action
thérapeutique. Cet intervalle est classiquement défini par
les 2,5 et 97,5 % percentiles d’une population présumée
indemne de pathologie. Par cette définition, 5 % de la population dite saine aura des résultats en dehors de ces bornes
et réciproquement certains patients porteurs d’une pathologie thyroïdienne pourront avoir des résultats inclus dans
cet intervalle.
Notre bilan thyroïdien est effectué sur un analyseur Access
2 de Beckman Coulter, France Diagnostic (BCF), et
les valeurs de référence utilisées sont celles du fournisseur ; elles ont été déterminées sur une population
nord-américaine [1-3]. Des discordances d’interprétation
biologique et clinique ont été remarquées et critiquées par
les cliniciens entre des résultats de TSH et de T4 libre, principalement pour la zone d’hyperthyroïdie. Notre objectif a
été d’établir nos propres valeurs de référence, ce qui devrait
être théoriquement systématiquement réalisé.
Médecine du
travail
Services ayant
pris part à
l’étude
210
37
Tableau 2. Liste des critères d’exclusion appliqués à la sélection
des patients.
Âge : < 18 ans, > 65 ans
Grossesse en cours
Antécédents connus de maladies thyroïdiennes (goitre, nodule,
hypothyroïdie, chirurgie thyroïdienne. . .)
Traitement thyroïdien (levothyrox, ATS. . .)
Injection de produits de contraste iodé datant de moins d’un mois
Pathologie et traitement cardiaque (Cordarone)
Insuffisance rénale sévère (créatinine > 200 ␮mol/L)
Défaillance multiviscérale, cancer stade terminal
cette étude ont exprimé en même temps leur consentement.
Les volontaires ont été recrutés par l’intermédiaire de la
médecine du travail ou au sein du personnel des services
participant à l’étude.
Méthodes
Patients et méthodes
Population étudiée
Cette étude a inclus 308 patients associant les prélèvements
de 61 patients hospitalisés et de 247 volontaires (tableau 1).
Les sujets sont composés de 230 femmes et 77 hommes,
âgés respectivement de 19 à 61 ans et de 19 à 65 ans,
normothyroïdiens, exempts de pathologie ou traitement thyroïdien et répondant aux critères de sélection de l’étude. Le
tableau 2 présente la liste des critères d’exclusion, correspondant aux critères de choix définis par les conférences
de consensus, la National Academy of Clinical Biochemistry (NACB) [4], l’American Thyroid Association (ATA) [5]
pour la détermination des valeurs de référence [6-8]. Le service prescripteur a fourni pour chaque patient une feuille
contenant un résumé du diagnostic principal et des traitements en cours. De plus, tous les sujets ayant intégré
78
La TSH, T4L et T3L ont été déterminées sur analyseur Access 2 (Beckman Coulter, France). Conformément
aux recommandations d’établissement des valeurs de référence en thyroïde par l’ATA et la NACB, des dosages
des anticorps (Ac) anti-thyroperoxydase (anti-TPO) et antithyroglobuline (anti-TG) ont été systématiquement réalisés
sur tous les échantillons de l’étude, dans le but d’exclure du
protocole les patients présentant un résultat positif d’antiTPO et/ou d’anti-TG (valeur seuil du fournisseur). Les
échantillons sanguins ont été recueillis dans des tubes héparinés et centrifugés. Les plasmas ont été immédiatement
analysés pour le bilan thyroïdien et congelés à –20 ◦ C pour
la détermination des anticorps anti-TPO et anti-TG.
Les dosages ont utilisé une technique immunoenzymatique
chimioluminescente, soit de type sandwich (TSH ultrasensible 3e génération [1], anti-TPO [9], anti-TG [10]), soit de
type compétitif en deux étapes (T4L [2], T3L [3]).
Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011
Valeurs de référence du bilan thyroïdien
Tableau 3. Prévalence des 46 patients porteurs d’Ac anti-TPO (seuil de positivité > 9 UI/mL), d’Ac anti-TG (seuil de positivité > 4 UI/mL)
et de ces deux Ac sur un effectif de 308 patients (78 hommes, 230 femmes) dans la population de l’Hôpital de Meaux.
Population globale (%)
Hommes
(7,7 %)
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Patients porteurs
d’Ac positifs (14,9 %)
Femmes
(17,4 %)
Anti-TPO
10,7
1,3
Anti-TG
7,8
1,0
Anti-TPO et anti-TG
3,6
0,3
12,6
9,1
4,3
Tableau 4. Valeurs de référence obtenues (2,5-97,5 percentiles).
Valeurs des fiches techniques de Beckman-Coulter
TSH (mUI/L)
FT4 (pmol/L)
FT3 (pmol/L)
0,34-5,60
7,90-14,4
3,8-6,0
Total
Notre population
Hommes
8,46-14,92
0,50-3,40
Femmes
Analyse statistique
L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel
SPSS (Statistical Package for Social Sciences, version 11.5,
Chicago, USA). Une analyse descriptive a été effectuée
pour chaque lot avec détermination de la distribution, des
intervalles de référence, de la médiane et des percentiles
(2,5e , 97,5e et 99e percentile). Les éventuelles différences
par âge et par sexe ont été recherchées par analyse de
variance (Anova) à un facteur de risque alpha de 5 %.
Résultats
Résultats des anticorps anti-TPO et anti-TG
Selon les instructions ou recommandations du constructeur, les patients sont considérés comme positifs lorsque les
concentrations d’Ac anti-TPO et anti-TG sont supérieures
à la valeur seuil. Le tableau 3 montre la prévalence des
Ac anti-TPO et anti-TG dans notre population. Quarantesix plasmas étaient TPO et/ou TG positifs (> 9 UI/mL et
> 4 UI/mL respectivement). La prévalence d’Ac anti-TPO
et anti-TG est de 14,9 % dans cette étude.
8,60-16,88
4,05-6,00
8,37-14,62
Les données de 262 patients ont été utilisées pour établir
les valeurs de référence du bilan thyroïdien (TSH, T4L,
T3L). La NACB et l’ATA recommandent les intervalles de
référence définis sur la base de l’intervalle de confiance à
95 % situé entre les percentiles 2,5 et 97,5 avec calcul de la
médiane. Le tableau 4 montre les valeurs de référence de
l’Access 2 et les nouvelles valeurs déterminées dans cette
étude.
TSH
La figure 1 présente la courbe de distribution log-normale et
les intervalles de référence pour la TSH chez les adultes. Les
percentiles 2,5 et 97,5 définissant 95 % des valeurs centrales
se situent entre 0,50 et 3,40 mUI/L avec une valeur médiane
à 1,37 mUI/L.
T4L
La figure 1 présente la courbe de distribution log-normale
et les intervalles de référence pour la T4L chez les adultes.
Les percentiles 2,5 et 97,5 définissant 95 % des valeurs
centrales se situent entre 8,46 et 14,92 pmol/L avec une
valeur médiane à 11,10 pmol/L.
Valeurs de référence pour la TSH et les hormones
thyroïdiennes
Dans cette étape ont été exclues toutes les données de
patients ayant une réactivité positive vis-à-vis des Ac antiTPO et/ou anti-TG et/ou des valeurs pathologiques pour le
bilan thyroïdien par rapport aux valeurs de référence données par le constructeur. Au total, 46 patients ont été exclus
du calcul des valeurs de référence.
Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011
T3L
La figure 1 présente la courbe de distribution log-normale et
les intervalles de référence pour la T3L chez les adultes. Les
percentiles 2,5 et 97,5 définissant 95 % des valeurs centrales
se situent entre 4,05 et 6,00 pmol/L avec une valeur médiane
à 4,87 pmol/L.
79
Article original
6
50
5
n = 262
moyenne : 1,51
médiane : 1,31
4
30
TSH mUI/L
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Fréquence %
40
20
3
2
10
1
0
,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00
,75 1,25 1,75 2,25 2,75 3,25 3,75 4,25 4,75
TSH mUI/L
0
40
20
18
16
T4 L pmol/L
Fréquence %
30
n = 262
moyenne : 11,33
médiane : 11,10
20
14
12
10
10
8
0
0
,5
18 0
,5
17 50
,
16 0
,5
15 0
,5
14 0
,5
13 0
,5
12 0
,5
11 0
,5
50
50
50
10
8,
7,
9,
6
T4L pmol/L
7,0
40
6,5
n = 262
moyenne = 4,91
médiane = 4,87
30
T3L pmol/L
Fréquence %
6,0
20
5,5
5,0
10
4,5
0
4,0
63
6,
38
6,
13
6,
88
5,
63
5,
38
5,
13
5,
88
4,
63
4,
38
4,
13
4,
88
3,
T3L pmol/L
3,5
Figure 1. Distributions et intervalles de référence des paramètres du bilan thyroïdien.
80
Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011
Valeurs de référence du bilan thyroïdien
Discussion
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Impact des anticorps anti-TPO et anti-TG
Pour établir des valeurs de référence pour une technique, il
paraît logique d’exclure de la population de référence tout
sujet pouvant potentiellement avoir une concentration plasmatique augmentée ou diminuée pour l’un des paramètres
du bilan thyroïdien, due soit à un dysfonctionnement et/ou
soit à la présence d’anticorps antithyroïdiens. La présence
d’anticorps est le premier critère d’exclusion utilisé pour
éliminer les sujets dans le calcul des valeurs de référence
(NACB–ATA).
Dans cette étude, de toutes les personnes examinées (308
patients), 10,7 % présentent une immunoréactivité antiTPO, 7,8 % une immunoréactivité anti-TG, et 3,6 %
une immunoréactivité pour les deux anticorps à la fois
(tableau 3). Nous observons que la concentration des antiTPO est plus forte lorsqu’elle est associée à des anti-TG que
lorsque les anti-TPO sont seuls (différence significative:
p < 0,001) ; cette différence, montrée par Spencer et al. en
2007 [11], est confirmée dans cette étude.
La prévalence d’Ac anti-TPO est supérieure à celle rapportée dans la littérature (5 % : [6, 12]). De même, la prévalence
d’Ac anti-TPO et anti-TG est importante (14,9 %). Nous
avons trouvé également plus de plasmas positifs anti-TPO
et anti-TG chez les femmes (17,4 %) que chez les hommes
(7,7 %). Cette prévalence a été retrouvée également dans le
travail de Friis-Hansen en 2008 [13]. Au total, 46 patients
ont été exclus de cette étude.
Il apparaît donc impératif de rechercher les Ac antiTPO et anti-TG lors de la détermination des valeurs de
référence. Celle-ci se révère être complexe pour de multiples raisons : outre l’obtention d’une population témoin
exempte de toutes pathologies avec détermination systématique des Ac antithyroïdiens, il y a un établissement des
valeurs à un moment donné, une possible modification dans
la composition du réactif ou des tampons par le fabricant
par exemple.
Valeurs de référence pour la TSH et les hormones
thyroïdiennes
Comme pour tout dosage biologique, l’établissement des
valeurs de référence pour la concentration plasmatique de
TSH, FT4 et FT3 a une importance majeure. Il faut toutefois
noter que l’on exclut de la population de référence les sujets
qui ont une immunoréactivité aux anticorps antithyroïdiens.
Les valeurs de référence déterminées dans cette étude sur
une cohorte de 262 sujets montrent un décalage par rapport
à celles proposées par le fabricant vers les valeurs basses
pour la TSH et vers les valeurs hautes pour la T4L. Il n’y a
pas de changement significatif pour la T3L.
Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011
L’analyse des variances effectuée entre les trois dosages
et le facteur âge ne montre aucune significativité pour un
échantillon d’âge compris entre 18 et 65 ans : p = 0,74
pour la TSH, p = 0,56 pour la T4L et p = 0,36 pour la T3L.
Cette analyse est comparable avec celle retrouvée dans la
littérature [14-16].
Il n’est pas trouvé de corrélation significative entre le sexe
et les concentrations de TSH et T3L (p = 0,140 et p = 0,140
respectivement). Par contre, il existe une différence significative entre le sexe et les valeurs de T4L (p < 0,001).
L’analyse de variance montre l’existence d’une différence
significative entre les sous-groupes des femmes et des
hommes pour la T4L que l’on retrouve dans les différentes
études [16]. Les valeurs de référence sont respectivement
de 8,37 à 14,62 pmol/L pour les femmes et de 8,60 à
16,88 pmol/L pour les hommes.
Certains auteurs [17-19] ont rapporté l’influence du
moment de prélèvement sur la valeur seuil de la TSH pour
définir l’état thyroïdien, sachant que la TSH a un cycle nycthéméral avec un pic la nuit diminuant progressivement au
matin. Tous nos prélèvements ont été effectués dans la journée, et ne sont pas influencés par le cycle nycthéméral de
la TSH. Il n’y a pas d’impact sur les valeurs des hormones
thyroïdiennes.
Nous comparons les valeurs de référence de notre population de référence à l’ensemble de notre cohorte (308
patients). En appliquant le concept d’exclusion, nous montrons que la limite des valeurs de référence de la TSH,
FT4 et FT3 passe successivement de 0,49 à 3,69 mUI/L,
de 8,39 à 15,00 pmol/L et de 4,05 à 5,97 pmol/L respectivement, valeurs établies sur l’ensemble de la population
(308 patients), à 0,50 à 3,40 mUI/L, 8,46 à 14,92 pmol/L et
4,05 à 6,00 pmol/L respectivement.
Il n’y a pas de différence significative des valeurs de référence pour les FT4 et FT3 dans les trois populations.
Les valeurs de référence dans la population avec ou sans
anticorps sont sensiblement les mêmes. Par contre, seule
est retrouvée une différence significative pour la TSH
(p < 0,001). L’analyse de variance Anova montre une différence significative dans la moyenne de la TSH. La moyenne
de la population de 46 patients avec présence d’anticorps
est de 2,12 mUI/L, alors que celle de la population sans anticorps est de 1,50 mUI/L (p < 0,001). Les percentiles 2,5 et
97,5 passent de 0,15 et 10,85 mUI/L à 0,50 et 3,40 mUI/L.
La différence est très marquée pour le percentile 97,5.
Une étude rétrospective des paramètres du bilan thyroïdien,
portant sur 777 patients sur une durée de trois mois consécutifs a été à l’origine de cette étude comme annoncée dans
l’introduction. La ligne (a) du tableau 5 montre le pourcentage de discordances clinicobiologiques observées avec les
valeurs de référence de BCF, soit 3,2 % pour des valeurs de
TSH inférieures à 0,34 mUI/L, et 27,3 % pour des valeurs
de TSH supérieures à 5,60 mUI/L. En appliquant les nou81
Article original
Tableau 5. Étude rétrospective des discordances clinicobiologiques observées sur une même population (n = 777) en appliquant
les valeurs de référence de BCF et les nouvelles valeurs de référence déterminées dans cette étude.
Patients (n = 777)
(a)
(c)
(d)
Pourcentage de
discordances
TSH > seuil de
référence
27,3
23,8
28,3
18,5
velles valeurs aux percentiles 2,5-97,5 %, on observe des
pourcentages du même ordre à la ligne (b), améliorés pour
les valeurs supérieures aux bornes de la TSH (respectivement 3,7 %-23,8 %). Ces discordances étudiées en fonction
du sexe ne s’améliorent pas pour les femmes (ligne (c) du
tableau 5).
Le calcul de nos nouvelles valeurs de référence montre
quelques limitations. Par exemple, dans notre population
étudiée, reflet du personnel hospitalier en majorité, le
nombre de femmes est nettement supérieur à celui des
hommes, ce qui est à la fois une faiblesse et une force,
la pathologie thyroïdienne touchant plus les femmes que
les hommes. Ceci peut expliquer que la prévalence des Ac
anti-TPO dans notre échantillonnage est plus élevée que
celui décrit dans la littérature [6, 12].
Dans un autre exemple, nous n’avons pas pu établir de
nouvelles valeurs de référence pour les Ac anti-TPO et
anti-TG à partir des recommandations [4-8, 20], car le
nombre d’hommes éligibles (hommes < 30 ans, exempts
600
Population tronquée
Anticorps antiTPO < 9 UI/L
500
70
400
60
Fréquence %
Anticorps antiTPO (UI/mL)
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(b)
Pourcentage de
discordances
TSH < seuil de
référence
Valeurs de référence 3,2
Beckman Coulter
Nouvelles valeurs de 3,7
référence (97,5 %)
Nouvelles valeurs
4,1
(femmes)
Nouvelles valeurs
2,8
(hommes)
de toute anomalie thyroïdienne) est trop bas pour une évaluation statistique. Nous avons voulu analyser les valeurs
dans l’ensemble de notre population. On constate que,
sur l’ensemble de notre population d’hommes (n = 77), les
valeurs des Ac anti-TPO sont inférieures à 6,9 UI/mL, sauf
trois valeurs qui sont hors limites (figure 2). Quand cette
population est tronquée de ces trois valeurs (n = 74), les
valeurs sont inférieures à 7 UI/mL (figure 2), alors que la
norme indiquée par le fabricant est inférieure à 9 UI/mL.
Il n’existe pas de variations importantes dans la population
tronquée quel que soit l’âge (< 30 A, < 40 A, < 70 A).
Il aurait été souhaitable de réaliser en parallèle une échographie de la thyroïde afin d’exclure les personnes ayant
une maladie thyroïdienne subclinique et des Ac antithyroïdiens encore négatifs. Kratzsch et al. [21] ont pu le faire
et cela leur a permis d’affiner leurs valeurs de référence.
Cette comparaison de résultats de valeurs de référence à
l’échographie peut être une aide pour mettre en évidence
les formes frustes des maladies thyroïdiennes [21, 22].
Le but de la détermination des valeurs de référence est de
définir les valeurs décisionnelles pour le diagnostic d’hyperou hypo-thyroïdie et se poser la question de savoir quels
seuils prendre, les seuils de la technique utilisée ou les seuils
recommandés par les consensus, et de faire une échelle de
correspondance entre les différentes techniques pour faciliter les interprétations et les diagnostics des anomalies
thyroïdiennes.
Le dosage de la TSH est primordial puisque c’est de ce
résultat que dépend la suite de l’investigation médicale.
Or, l’intervalle de normalité de la TSH obtenu est notablement plus étroit que celui défini dans une population
nord-américaine. On peut donc s’attendre à ce qu’un plus
grand nombre de patients sorte de ces nouvelles normes et
conduise à une investigation plus approfondie (contrôle de
la TSH, de la T4L, éventuellement de la T3L).
300
200
50
40
30
20
100
10
0
10
0
20
30
40
Age (ans)
50
60
70
,4 1,1 1,9 2,6 3,4 4,1 4,9 5,6 6,4 7,1
Anticorps antiTPO (UI/mL)
Figure 2. Répartition chez les hommes des anticorps Anti-TPO en fonction de l’âge avec l’histogramme des résultats inférieurs à 9 UI/mL.
82
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Valeurs de référence du bilan thyroïdien
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Conclusion
La sélection séquentielle des personnes saines selon les
critères de la NACB fournit une base nouvelle pour la détermination des valeurs de référence pour le bilan thyroïdien
(TSH, T4L et T3L) sur une population de 262 patients
adultes de l’hôpital de Meaux. Dans notre étude, les résultats de TSH et T3L ne semblent pas varier avec l’âge et le
sexe, tandis que les résultats de T4L sont fortement dépendants du sexe et non de l’âge. Dans l’interprétation des
résultats, des interférences particulières dues par exemple
à la présence d’anticorps anti-T4 (T4L), de Triacana (T3L)
ou anticorps anti-TSH ou hétérophiles pour la TSH, pourraient entraîner dans ces cas exceptionnels, des résultats
faussement augmentés. Ce travail, réalisé avant la parution
de l’ordonnance portant sur la réforme de la biologie médicale du 13 janvier 2010, est précurseur de ce qui nous est
maintenant demandé et sera utile pour la phase à venir de
l’accréditation (norme ISO 15189).
Remerciements. Les auteurs remercient Beckman-Coulter
France qui a aimablement fourni les réactifs nécessaires à
la conduite de cette étude. Ils remercient les techniciens et
les secrétaires de biochimie de l’hôpital de Meaux pour leur
aide.
Conflits d’intérêts : aucun.
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