Article original Ann Biol Clin 2011 ; 69 (1) : 77-83 De la nécessité de bien définir les valeurs de référence des hormones thyroïdiennes pour une meilleure interprétation clinique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Necessity to define thyroid reference values for better clinical interpretation Élisabeth Plouvier1 Laurent Alliot2 Basile Bigorie3 Caroline Kowalski2 Virginie Medeau3 François Thuillier1 1 Laboratoire de biochimie, Centre hospitalier, Meaux <[email protected]> 2 Beckman Coulter France, Villepinte 3 Service d’endocrinologie, Centre hospitalier, Meaux Résumé. De nouvelles valeurs de référence ont été établies pour la thyrotropine (TSH), thyroxine libre (T4L) et triiodothyronine (T3L) dans une population meldoise suite à des discordances observées avec celles d’un analyseur Access2 de Beckman Coulter (BCF). Ont été inclus 308 patients adultes (230 femmes, 78 hommes), âgés de 18 à 65 ans, normothyroïdiens, exempts de toute pathologie thyroïdienne, répondant aux critères définis par la National Academy of Clinical Biochesmistry (NACB). TSH, T4L, T3L, anticorps (Ac) anti-TPO et anti-TG ont été mesurés. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS. Après exclusion de 46 patients Ac positifs, les données de 262 patients ont servi à établir les valeurs de référence définies par les percentiles 2,5 et 97,5 % selon la NACB. Ce travail expose les difficultés rencontrées pour l’établissement de valeurs de références utiles à l’investigation clinique des dysthyroïdies. Mots clés : TSH, thyroxine libre, triiodothyronine libre, valeurs de référence, thyroïde Abstract. Discordances were observed with thyroid reference range from BCF Access 2 analyser. The purpose of this study was to establish specific reference range value for free thyroxine (FT4), free triiodothyronine (FT3) and thyrotropin (TSH) in adult Meaux Hospital population. Samples from 308 adults aged from 18 to 65 years were studied. Patients (no pregnancy and no iodine contrast media used) after informed consent, were exempted of thyroidal, cardiac, renal, multiple-organ-failure illnesses. Thyroid assays, anti-TPO and anti-TG levels were measured on the BCF Access2 immunoassay system. This work exposes difficulties to define range values in order to better use the biomarker in the clinical context. doi:10.1684/abc.2010.0517 Article reçu le 31 mai 2010, accepté le 21 octobre 2010 Key words: TSH, free thyroxin, free triiodothyronin, reference range, thyroid L’évaluation du statut thyroïdien (hyperthyroïdie, hypothyroïdie, euthyroïdie) est largement répandue dans nos laboratoires d’analyses médicales. Cette évaluation repose sur la détermination de la thyrotropine ou thyréostimuline (TSH) considérée actuellement comme test de référence, associée en cas d’obtention d’un résultat pathologique à celle de la thyroxine libre (T4L), et dans certaines circonstances, à la détermination de la triiodo-thyronine (T3L). Il est d’une grande importance de garantir la continuité de ces suivis en réalisant ces dosages par la même technique et/ou sur le même automate. Les cliniciens interprètent les résultats par rapport aux valeurs de référence données par le laboratoire. Celles-ci sont souvent population et instrument dépendants et devraient être représentatives de la population d’un pays, voire locale. Aujourd’hui, il n’est pas facile de déterminer ces valeurs pour différentes raisons (pratiques, ethniques. . .). Les valeurs fournies pour les paramètres d’un automate ont été évaluées par le fournisseur sur une grande cohorte, souvent sur une population nord-américaine. Donner des valeurs de référence revient à préciser une borne supérieure et une borne inférieure d’un intervalle de confiance défini par Pour citer cet article : Plouvier É, Alliot L, Bigorie B, Kowalski C, Medeau V, Thuillier F. De la nécessité de bien définir les valeurs de référence des hormones thyroïdiennes pour une meilleure interprétation clinique. Ann Biol Clin 2011 ; 69(1) : 77-83 doi:10.1684/abc.2010.0517 77 Article original Tableau 1. Répartition des patients inclus dans l’étude. Nombre de patients n = 308 : 230 femmes (75 %) et 77 hommes (25 %) Âge hommes : moyenne (valeurs extrêmes (an)) 39 (19-65) Âge femmes moyenne (valeurs extrêmes (an)) 42 (19-65) Volontaires provenant de : Patients hospitalisés Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Origine des patients 61 ses percentiles et à considérer que quiconque se trouve en dehors de ces valeurs est à même de bénéficier d’une action thérapeutique. Cet intervalle est classiquement défini par les 2,5 et 97,5 % percentiles d’une population présumée indemne de pathologie. Par cette définition, 5 % de la population dite saine aura des résultats en dehors de ces bornes et réciproquement certains patients porteurs d’une pathologie thyroïdienne pourront avoir des résultats inclus dans cet intervalle. Notre bilan thyroïdien est effectué sur un analyseur Access 2 de Beckman Coulter, France Diagnostic (BCF), et les valeurs de référence utilisées sont celles du fournisseur ; elles ont été déterminées sur une population nord-américaine [1-3]. Des discordances d’interprétation biologique et clinique ont été remarquées et critiquées par les cliniciens entre des résultats de TSH et de T4 libre, principalement pour la zone d’hyperthyroïdie. Notre objectif a été d’établir nos propres valeurs de référence, ce qui devrait être théoriquement systématiquement réalisé. Médecine du travail Services ayant pris part à l’étude 210 37 Tableau 2. Liste des critères d’exclusion appliqués à la sélection des patients. Âge : < 18 ans, > 65 ans Grossesse en cours Antécédents connus de maladies thyroïdiennes (goitre, nodule, hypothyroïdie, chirurgie thyroïdienne. . .) Traitement thyroïdien (levothyrox, ATS. . .) Injection de produits de contraste iodé datant de moins d’un mois Pathologie et traitement cardiaque (Cordarone) Insuffisance rénale sévère (créatinine > 200 mol/L) Défaillance multiviscérale, cancer stade terminal cette étude ont exprimé en même temps leur consentement. Les volontaires ont été recrutés par l’intermédiaire de la médecine du travail ou au sein du personnel des services participant à l’étude. Méthodes Patients et méthodes Population étudiée Cette étude a inclus 308 patients associant les prélèvements de 61 patients hospitalisés et de 247 volontaires (tableau 1). Les sujets sont composés de 230 femmes et 77 hommes, âgés respectivement de 19 à 61 ans et de 19 à 65 ans, normothyroïdiens, exempts de pathologie ou traitement thyroïdien et répondant aux critères de sélection de l’étude. Le tableau 2 présente la liste des critères d’exclusion, correspondant aux critères de choix définis par les conférences de consensus, la National Academy of Clinical Biochemistry (NACB) [4], l’American Thyroid Association (ATA) [5] pour la détermination des valeurs de référence [6-8]. Le service prescripteur a fourni pour chaque patient une feuille contenant un résumé du diagnostic principal et des traitements en cours. De plus, tous les sujets ayant intégré 78 La TSH, T4L et T3L ont été déterminées sur analyseur Access 2 (Beckman Coulter, France). Conformément aux recommandations d’établissement des valeurs de référence en thyroïde par l’ATA et la NACB, des dosages des anticorps (Ac) anti-thyroperoxydase (anti-TPO) et antithyroglobuline (anti-TG) ont été systématiquement réalisés sur tous les échantillons de l’étude, dans le but d’exclure du protocole les patients présentant un résultat positif d’antiTPO et/ou d’anti-TG (valeur seuil du fournisseur). Les échantillons sanguins ont été recueillis dans des tubes héparinés et centrifugés. Les plasmas ont été immédiatement analysés pour le bilan thyroïdien et congelés à –20 ◦ C pour la détermination des anticorps anti-TPO et anti-TG. Les dosages ont utilisé une technique immunoenzymatique chimioluminescente, soit de type sandwich (TSH ultrasensible 3e génération [1], anti-TPO [9], anti-TG [10]), soit de type compétitif en deux étapes (T4L [2], T3L [3]). Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011 Valeurs de référence du bilan thyroïdien Tableau 3. Prévalence des 46 patients porteurs d’Ac anti-TPO (seuil de positivité > 9 UI/mL), d’Ac anti-TG (seuil de positivité > 4 UI/mL) et de ces deux Ac sur un effectif de 308 patients (78 hommes, 230 femmes) dans la population de l’Hôpital de Meaux. Population globale (%) Hommes (7,7 %) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Patients porteurs d’Ac positifs (14,9 %) Femmes (17,4 %) Anti-TPO 10,7 1,3 Anti-TG 7,8 1,0 Anti-TPO et anti-TG 3,6 0,3 12,6 9,1 4,3 Tableau 4. Valeurs de référence obtenues (2,5-97,5 percentiles). Valeurs des fiches techniques de Beckman-Coulter TSH (mUI/L) FT4 (pmol/L) FT3 (pmol/L) 0,34-5,60 7,90-14,4 3,8-6,0 Total Notre population Hommes 8,46-14,92 0,50-3,40 Femmes Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS (Statistical Package for Social Sciences, version 11.5, Chicago, USA). Une analyse descriptive a été effectuée pour chaque lot avec détermination de la distribution, des intervalles de référence, de la médiane et des percentiles (2,5e , 97,5e et 99e percentile). Les éventuelles différences par âge et par sexe ont été recherchées par analyse de variance (Anova) à un facteur de risque alpha de 5 %. Résultats Résultats des anticorps anti-TPO et anti-TG Selon les instructions ou recommandations du constructeur, les patients sont considérés comme positifs lorsque les concentrations d’Ac anti-TPO et anti-TG sont supérieures à la valeur seuil. Le tableau 3 montre la prévalence des Ac anti-TPO et anti-TG dans notre population. Quarantesix plasmas étaient TPO et/ou TG positifs (> 9 UI/mL et > 4 UI/mL respectivement). La prévalence d’Ac anti-TPO et anti-TG est de 14,9 % dans cette étude. 8,60-16,88 4,05-6,00 8,37-14,62 Les données de 262 patients ont été utilisées pour établir les valeurs de référence du bilan thyroïdien (TSH, T4L, T3L). La NACB et l’ATA recommandent les intervalles de référence définis sur la base de l’intervalle de confiance à 95 % situé entre les percentiles 2,5 et 97,5 avec calcul de la médiane. Le tableau 4 montre les valeurs de référence de l’Access 2 et les nouvelles valeurs déterminées dans cette étude. TSH La figure 1 présente la courbe de distribution log-normale et les intervalles de référence pour la TSH chez les adultes. Les percentiles 2,5 et 97,5 définissant 95 % des valeurs centrales se situent entre 0,50 et 3,40 mUI/L avec une valeur médiane à 1,37 mUI/L. T4L La figure 1 présente la courbe de distribution log-normale et les intervalles de référence pour la T4L chez les adultes. Les percentiles 2,5 et 97,5 définissant 95 % des valeurs centrales se situent entre 8,46 et 14,92 pmol/L avec une valeur médiane à 11,10 pmol/L. Valeurs de référence pour la TSH et les hormones thyroïdiennes Dans cette étape ont été exclues toutes les données de patients ayant une réactivité positive vis-à-vis des Ac antiTPO et/ou anti-TG et/ou des valeurs pathologiques pour le bilan thyroïdien par rapport aux valeurs de référence données par le constructeur. Au total, 46 patients ont été exclus du calcul des valeurs de référence. Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011 T3L La figure 1 présente la courbe de distribution log-normale et les intervalles de référence pour la T3L chez les adultes. Les percentiles 2,5 et 97,5 définissant 95 % des valeurs centrales se situent entre 4,05 et 6,00 pmol/L avec une valeur médiane à 4,87 pmol/L. 79 Article original 6 50 5 n = 262 moyenne : 1,51 médiane : 1,31 4 30 TSH mUI/L Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Fréquence % 40 20 3 2 10 1 0 ,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00 ,75 1,25 1,75 2,25 2,75 3,25 3,75 4,25 4,75 TSH mUI/L 0 40 20 18 16 T4 L pmol/L Fréquence % 30 n = 262 moyenne : 11,33 médiane : 11,10 20 14 12 10 10 8 0 0 ,5 18 0 ,5 17 50 , 16 0 ,5 15 0 ,5 14 0 ,5 13 0 ,5 12 0 ,5 11 0 ,5 50 50 50 10 8, 7, 9, 6 T4L pmol/L 7,0 40 6,5 n = 262 moyenne = 4,91 médiane = 4,87 30 T3L pmol/L Fréquence % 6,0 20 5,5 5,0 10 4,5 0 4,0 63 6, 38 6, 13 6, 88 5, 63 5, 38 5, 13 5, 88 4, 63 4, 38 4, 13 4, 88 3, T3L pmol/L 3,5 Figure 1. Distributions et intervalles de référence des paramètres du bilan thyroïdien. 80 Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011 Valeurs de référence du bilan thyroïdien Discussion Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Impact des anticorps anti-TPO et anti-TG Pour établir des valeurs de référence pour une technique, il paraît logique d’exclure de la population de référence tout sujet pouvant potentiellement avoir une concentration plasmatique augmentée ou diminuée pour l’un des paramètres du bilan thyroïdien, due soit à un dysfonctionnement et/ou soit à la présence d’anticorps antithyroïdiens. La présence d’anticorps est le premier critère d’exclusion utilisé pour éliminer les sujets dans le calcul des valeurs de référence (NACB–ATA). Dans cette étude, de toutes les personnes examinées (308 patients), 10,7 % présentent une immunoréactivité antiTPO, 7,8 % une immunoréactivité anti-TG, et 3,6 % une immunoréactivité pour les deux anticorps à la fois (tableau 3). Nous observons que la concentration des antiTPO est plus forte lorsqu’elle est associée à des anti-TG que lorsque les anti-TPO sont seuls (différence significative: p < 0,001) ; cette différence, montrée par Spencer et al. en 2007 [11], est confirmée dans cette étude. La prévalence d’Ac anti-TPO est supérieure à celle rapportée dans la littérature (5 % : [6, 12]). De même, la prévalence d’Ac anti-TPO et anti-TG est importante (14,9 %). Nous avons trouvé également plus de plasmas positifs anti-TPO et anti-TG chez les femmes (17,4 %) que chez les hommes (7,7 %). Cette prévalence a été retrouvée également dans le travail de Friis-Hansen en 2008 [13]. Au total, 46 patients ont été exclus de cette étude. Il apparaît donc impératif de rechercher les Ac antiTPO et anti-TG lors de la détermination des valeurs de référence. Celle-ci se révère être complexe pour de multiples raisons : outre l’obtention d’une population témoin exempte de toutes pathologies avec détermination systématique des Ac antithyroïdiens, il y a un établissement des valeurs à un moment donné, une possible modification dans la composition du réactif ou des tampons par le fabricant par exemple. Valeurs de référence pour la TSH et les hormones thyroïdiennes Comme pour tout dosage biologique, l’établissement des valeurs de référence pour la concentration plasmatique de TSH, FT4 et FT3 a une importance majeure. Il faut toutefois noter que l’on exclut de la population de référence les sujets qui ont une immunoréactivité aux anticorps antithyroïdiens. Les valeurs de référence déterminées dans cette étude sur une cohorte de 262 sujets montrent un décalage par rapport à celles proposées par le fabricant vers les valeurs basses pour la TSH et vers les valeurs hautes pour la T4L. Il n’y a pas de changement significatif pour la T3L. Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011 L’analyse des variances effectuée entre les trois dosages et le facteur âge ne montre aucune significativité pour un échantillon d’âge compris entre 18 et 65 ans : p = 0,74 pour la TSH, p = 0,56 pour la T4L et p = 0,36 pour la T3L. Cette analyse est comparable avec celle retrouvée dans la littérature [14-16]. Il n’est pas trouvé de corrélation significative entre le sexe et les concentrations de TSH et T3L (p = 0,140 et p = 0,140 respectivement). Par contre, il existe une différence significative entre le sexe et les valeurs de T4L (p < 0,001). L’analyse de variance montre l’existence d’une différence significative entre les sous-groupes des femmes et des hommes pour la T4L que l’on retrouve dans les différentes études [16]. Les valeurs de référence sont respectivement de 8,37 à 14,62 pmol/L pour les femmes et de 8,60 à 16,88 pmol/L pour les hommes. Certains auteurs [17-19] ont rapporté l’influence du moment de prélèvement sur la valeur seuil de la TSH pour définir l’état thyroïdien, sachant que la TSH a un cycle nycthéméral avec un pic la nuit diminuant progressivement au matin. Tous nos prélèvements ont été effectués dans la journée, et ne sont pas influencés par le cycle nycthéméral de la TSH. Il n’y a pas d’impact sur les valeurs des hormones thyroïdiennes. Nous comparons les valeurs de référence de notre population de référence à l’ensemble de notre cohorte (308 patients). En appliquant le concept d’exclusion, nous montrons que la limite des valeurs de référence de la TSH, FT4 et FT3 passe successivement de 0,49 à 3,69 mUI/L, de 8,39 à 15,00 pmol/L et de 4,05 à 5,97 pmol/L respectivement, valeurs établies sur l’ensemble de la population (308 patients), à 0,50 à 3,40 mUI/L, 8,46 à 14,92 pmol/L et 4,05 à 6,00 pmol/L respectivement. Il n’y a pas de différence significative des valeurs de référence pour les FT4 et FT3 dans les trois populations. Les valeurs de référence dans la population avec ou sans anticorps sont sensiblement les mêmes. Par contre, seule est retrouvée une différence significative pour la TSH (p < 0,001). L’analyse de variance Anova montre une différence significative dans la moyenne de la TSH. La moyenne de la population de 46 patients avec présence d’anticorps est de 2,12 mUI/L, alors que celle de la population sans anticorps est de 1,50 mUI/L (p < 0,001). Les percentiles 2,5 et 97,5 passent de 0,15 et 10,85 mUI/L à 0,50 et 3,40 mUI/L. La différence est très marquée pour le percentile 97,5. Une étude rétrospective des paramètres du bilan thyroïdien, portant sur 777 patients sur une durée de trois mois consécutifs a été à l’origine de cette étude comme annoncée dans l’introduction. La ligne (a) du tableau 5 montre le pourcentage de discordances clinicobiologiques observées avec les valeurs de référence de BCF, soit 3,2 % pour des valeurs de TSH inférieures à 0,34 mUI/L, et 27,3 % pour des valeurs de TSH supérieures à 5,60 mUI/L. En appliquant les nou81 Article original Tableau 5. Étude rétrospective des discordances clinicobiologiques observées sur une même population (n = 777) en appliquant les valeurs de référence de BCF et les nouvelles valeurs de référence déterminées dans cette étude. Patients (n = 777) (a) (c) (d) Pourcentage de discordances TSH > seuil de référence 27,3 23,8 28,3 18,5 velles valeurs aux percentiles 2,5-97,5 %, on observe des pourcentages du même ordre à la ligne (b), améliorés pour les valeurs supérieures aux bornes de la TSH (respectivement 3,7 %-23,8 %). Ces discordances étudiées en fonction du sexe ne s’améliorent pas pour les femmes (ligne (c) du tableau 5). Le calcul de nos nouvelles valeurs de référence montre quelques limitations. Par exemple, dans notre population étudiée, reflet du personnel hospitalier en majorité, le nombre de femmes est nettement supérieur à celui des hommes, ce qui est à la fois une faiblesse et une force, la pathologie thyroïdienne touchant plus les femmes que les hommes. Ceci peut expliquer que la prévalence des Ac anti-TPO dans notre échantillonnage est plus élevée que celui décrit dans la littérature [6, 12]. Dans un autre exemple, nous n’avons pas pu établir de nouvelles valeurs de référence pour les Ac anti-TPO et anti-TG à partir des recommandations [4-8, 20], car le nombre d’hommes éligibles (hommes < 30 ans, exempts 600 Population tronquée Anticorps antiTPO < 9 UI/L 500 70 400 60 Fréquence % Anticorps antiTPO (UI/mL) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. (b) Pourcentage de discordances TSH < seuil de référence Valeurs de référence 3,2 Beckman Coulter Nouvelles valeurs de 3,7 référence (97,5 %) Nouvelles valeurs 4,1 (femmes) Nouvelles valeurs 2,8 (hommes) de toute anomalie thyroïdienne) est trop bas pour une évaluation statistique. Nous avons voulu analyser les valeurs dans l’ensemble de notre population. On constate que, sur l’ensemble de notre population d’hommes (n = 77), les valeurs des Ac anti-TPO sont inférieures à 6,9 UI/mL, sauf trois valeurs qui sont hors limites (figure 2). Quand cette population est tronquée de ces trois valeurs (n = 74), les valeurs sont inférieures à 7 UI/mL (figure 2), alors que la norme indiquée par le fabricant est inférieure à 9 UI/mL. Il n’existe pas de variations importantes dans la population tronquée quel que soit l’âge (< 30 A, < 40 A, < 70 A). Il aurait été souhaitable de réaliser en parallèle une échographie de la thyroïde afin d’exclure les personnes ayant une maladie thyroïdienne subclinique et des Ac antithyroïdiens encore négatifs. Kratzsch et al. [21] ont pu le faire et cela leur a permis d’affiner leurs valeurs de référence. Cette comparaison de résultats de valeurs de référence à l’échographie peut être une aide pour mettre en évidence les formes frustes des maladies thyroïdiennes [21, 22]. Le but de la détermination des valeurs de référence est de définir les valeurs décisionnelles pour le diagnostic d’hyperou hypo-thyroïdie et se poser la question de savoir quels seuils prendre, les seuils de la technique utilisée ou les seuils recommandés par les consensus, et de faire une échelle de correspondance entre les différentes techniques pour faciliter les interprétations et les diagnostics des anomalies thyroïdiennes. Le dosage de la TSH est primordial puisque c’est de ce résultat que dépend la suite de l’investigation médicale. Or, l’intervalle de normalité de la TSH obtenu est notablement plus étroit que celui défini dans une population nord-américaine. On peut donc s’attendre à ce qu’un plus grand nombre de patients sorte de ces nouvelles normes et conduise à une investigation plus approfondie (contrôle de la TSH, de la T4L, éventuellement de la T3L). 300 200 50 40 30 20 100 10 0 10 0 20 30 40 Age (ans) 50 60 70 ,4 1,1 1,9 2,6 3,4 4,1 4,9 5,6 6,4 7,1 Anticorps antiTPO (UI/mL) Figure 2. Répartition chez les hommes des anticorps Anti-TPO en fonction de l’âge avec l’histogramme des résultats inférieurs à 9 UI/mL. 82 Ann Biol Clin, vol. 69, n◦ 1, janvier-février 2011 Valeurs de référence du bilan thyroïdien Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Conclusion La sélection séquentielle des personnes saines selon les critères de la NACB fournit une base nouvelle pour la détermination des valeurs de référence pour le bilan thyroïdien (TSH, T4L et T3L) sur une population de 262 patients adultes de l’hôpital de Meaux. Dans notre étude, les résultats de TSH et T3L ne semblent pas varier avec l’âge et le sexe, tandis que les résultats de T4L sont fortement dépendants du sexe et non de l’âge. Dans l’interprétation des résultats, des interférences particulières dues par exemple à la présence d’anticorps anti-T4 (T4L), de Triacana (T3L) ou anticorps anti-TSH ou hétérophiles pour la TSH, pourraient entraîner dans ces cas exceptionnels, des résultats faussement augmentés. Ce travail, réalisé avant la parution de l’ordonnance portant sur la réforme de la biologie médicale du 13 janvier 2010, est précurseur de ce qui nous est maintenant demandé et sera utile pour la phase à venir de l’accréditation (norme ISO 15189). Remerciements. Les auteurs remercient Beckman-Coulter France qui a aimablement fourni les réactifs nécessaires à la conduite de cette étude. Ils remercient les techniciens et les secrétaires de biochimie de l’hôpital de Meaux pour leur aide. Conflits d’intérêts : aucun. 7. d’Herbomez M, Ingrand J, Sapin R, Schlienger JL, Wemeau JL. Biopathologie thyroïdienne : éléments utiles pour l’exploration fonctionnelle, le diagnostic et le suivi du traitement des cancers. Paris : Bioforma, 2009. 8. Baskin HJ, Cobin RH, Duick DS, Gharib H, Guttler RB, Kaplan MM, et al. American Association of Clinical Endocrinologists medical guidelines for clinical practice for the evaluation and treatment of hyperthyroidism and hypothyroidism. Endocr Pract 2002 ; 8 : 457-69. 9. Access TPO Antibody® . Test en une étape de détection de type sandwich des Ac anti-TPO. Notice d’utilisation N◦ A35487D. BeckmanCouter France, Villepinte France. 10. Access Thyroglobulin Antibody II® . Test en une étape de détection de type sandwich des Ac anti-TG. Notice d’utilisation N◦ A38171 A. Beckman-Coulter France, Villepinte France. 11. Spencer CA, Hollowell JG, Kazarosyan M, Braverman LE. National Health and Nutrition Examination Survey III Thyroid-Stimulating Hormone (TSH)–Thyroperoxidase antibody relationships demonstrate that TSH upper reference limits may be skewed by occult thyroid dysfunction. J Clin Endocrinol Metab 2007 ; 92 : 4236-40. 12. d’Herbomez M, Jarrige V, Darte C. Reference intervals for serum thyrotropin (TSH) and free thyroxine (FT4) in adults using the Access Immunoassay System. Clin Chem Lab Med 2005 ; 43 : 102-5. 13. Friis-Hansen L, Hilsted L. Reference intervals for thyreotropin and thyroid hormones for healthy adults based on the NOBIDA material and determined using a Modular E170® . Clin Chem Lab Med 2008 ; 46 : 130512. 14. Davey R. Thyroxine, thyrotropin, and age in a euthyroid hospital patient population. Clin Chem 1997 ; 43 : 2143-8. 15. 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