mettre en avant la fonction « réparatrice » de la responsabilité civile, face à une
atteinte grave et non consentie à l’intégrité physique du patient, en insistant sur
l’importance d’indemniser des victimes durement atteintes dans leur chair, ou de
prôner l’avènement d’une législation spécifique relative aux accidents médicaux
procédant d’un risque thérapeutique ou consécutifs à la réalisation d’un aléa,
les propositions novatrices ont toutefois peiné à se faire entendre.
Lorsque le monde politique s’est décidé à prendre le relais de ces doléances – bran-
dies concurremment par des associations de patients ou de consommateurs –,
plusieurs projets et propositions de lois furent déposés en vue d’instaurer une col-
lectivisation des risques thérapeutiques par la mise sur pied d’un système d’in-
demnisation no fault, voire entièrement détaché des mécanismes de responsabi-
lité 5. Ces initiatives n’ont cependant pas abouti. Les réflexions ont fort logiquement
pris un nouveau tour lorsque la jurisprudence française s’est cristallisée, au plus
haut niveau des deux ordres juridictionnels, dans un sens favorable aux victimes
– dont l’on déplorait qu’il ne paraisse pas possible de l’emprunter en Belgique –,
avant que ces solutions soient intégrées dans les lois françaises n° 2002-303, du
4 mars 2002 (relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé),
et n° 2002-1577, du 30 décembre 2002 (relative à la responsabilité civile médicale
et à l’assurance de la responsabilité médicale), qui ont connu un écho certain en
Belgique 6.
Cet intérêt soutenu, doublé de critiques de plus en plus vives adressées à un
droit de la responsabilité civile (nécessairement) enserré dans une gangue rigou-
reuse l’empêchant de répondre à de légitimes prétentions indemnitaires impos-
sibles à rattacher à une faute ou à un autre fait générateur de responsabilité clai-
rement identifié, n’a rien d’étonnant. C’est que les infections nosocomiales, et
plus largement les accidents thérapeutiques, constituent bien davantage qu’un
terrain juridique mouvant et instable, aux chausse-trappes diverses : c’est d’un
véritable problème de société, de solidarité, de santé publique qu’il s’agit ici.
LE NOUVEAU RÉGIME BELGE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES RÉSULTANT DE SOINS DE SANTÉ
271 Revue générale de droit médical
n° 38 mars 2011
5. V. le rapport de H. DIERICKX,Auditions sur les aléas thérapeutiques et la responsabilité médicale. Rap-
port fait au nom de la Commission de la santé publique, de l’environnement et du renouveau de
la société, « Doc. Parl. », Chambre, session 2003-2004, 27 avril 2004, document n° 51-1052/001,
ainsi que l’étude très complète de C. DELFORGE, « Vers un nouveau régime d’indemnisation des
accidents médicaux ? », Revue de droit de la santé, 2004-2005, p. 86, qui examine ces propositions
de lois à la lumière des solutions retenues en droit comparé.
6. V. notre article « Faute, risque, aléa, sécurité », in Droit médical, Y.-H. LELEU (dir.), Bruxelles, Lar-
cier, coll. « Commission Université-Palais », 2005, vol. 79, spéc. p. 111-160 ; sur le régime mis en
place par les lois françaises des 4 mars et 30 décembre 2002 quant aux infections nosocomiales
et aux risques thérapeutiques au sens large, tel qu’il a été présenté par la doctrine facilement
accessible en Belgique, v. not. Y. LAMBERT-FAIVRE, « La responsabilité médicale et sa garantie d’assu-
rance dans la législation française de 2002 », in Mélanges offerts à Marcel Fontaine, Bruxelles, Lar-
cier, 2003, p. 808 ; dans le même ouvrage, G. VINEY, « L’originalité du régime d’indemnisation
des risques sanitaires en droit français », p. 851 ; D. MARTIN, « Le dispositif français d’indemnisa-
tion des victimes d’accidents médicaux, par la voie du règlement amiable », in Évolution des droits
du patient, indemnisation sans faute des dommages liés aux soins de santé : le droit médical en mou-
vement, G. SCHAMPS (dir.), Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 2008, p. 473.
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