2005-3
- L'origine commune des espèces. Après avoir étudié des espèces animales sur les îles d'un même
archipel, il a adopté l'idée que les nombreuses espèces voisines, parfois une espèce par île, sont nées d'un
ancêtre commun. Ce concept de la spéciation comme origine des espèces implique que toutes les espèces
sont finalement originaires d'un seul ou de peu d'êtres qui ont vécu il y a très longtemps. Une conséquence très
choquante de cette théorie est que l'espèce humaine, faisant partie de ce système, a un ancêtre commun avec
les singes. Darwin a, pour ainsi dire, détrôné l'homme comme créature unique.
Bien que les différences entre espèces soient normalement bien nettes, l'évolution est, selon Darwin,
graduelle. Pour résoudre cette contradiction apparente il faut concevoir qu'une espèce est subdivisée en
populations géographiquement éloignées: celles-ci peuvent indépendamment accumuler des différences
jusqu'à ce qu'elles ne soient plus interfertiles et soient donc devenues des espèces nouvelles.
- La sélection naturelle. Cette théorie consiste en trois déductions basées sur quatre faits observés.
Fait 1: Toutes les espèces montrent une grande fertilité potentielle. Leurs populations augmenteraient
exponentiellement si tous les individus nés se reproduisaient à leur tour.
Fait 2: En dehors de petites fluctuations entre années et des grandes fluctuations exceptionnelles, les
populations sont normalement de taille stable. C'est sans doute une conséquence du fait que les ressources
naturelles sont limitées et assez constantes dans un environnement stable.
Déduction 1:
Comme il y a beaucoup plus d'individus produits que les ressources disponibles ne le
permettent, tandis que la taille de la population reste stable, il y a forcément une forte compétition entre
individus d'une population. Il en résulte que ne survit qu'une partie, souvent très petite, des jeunes de chaque
génération.
Fait 3: Tous les individus sont différents; chaque population montre une variabilité énorme.
Fait 4: Une bonne partie de cette variabilité est héritable (les mécanismes de cette hérédité étaient
totalement inconnus à l'époque de Darwin)
Déduction 2:
La survie n'est pas aléatoire, mais dépend pour une part de la constitution héréditaire des
individus. C'est cette survie inégale qui est à la base de la sélection naturelle.
Déduction 3:
Au cours des générations le processus de la sélection naturelle amènera à un changement
graduel des populations, c'est à dire, à l'évolution (et sous certaines conditions à la naissance de nouvelles
espèces).
La "force interne" de Lamarck, qui pourrait être considérée comme faisant partie de la création, est
remplacée par l'explication matérialiste de Darwin. Darwin n'a donc pas uniquement détrôné l'homme comme
étant unique parmi les créatures mais il a aussi "détrôné Dieu comme créateur".
1.5. SOMA ET LIGNEE GERMINALE
L'idée que les espèces existantes ont des ancêtres communs a été acceptée assez rapidement par les
collègues biologistes de Darwin. C'était déjà moins le cas avec le concept des changements graduels; le
"saltationisme" était très populaire à l'époque (l'évolution se déroule essentiellement par sauts d'une génération
à une autre). La sélection naturelle, finalement, n'avait initialement quasiment pas de partisans. Le mécanisme
proposé par Lamarck était apparemment plus logique et acceptable. Il y avait deux raisons à cela:
premièrement, l'influence de l'environnement sur les individus est très nette. C'est ce que nous appelons
actuellement la plasticité phénotypique. Deuxièmement, personne ne connaissait encore le mécanisme de
l'hérédité. L'idée courante était celle de la "pangénèse": l'information vient de partout dans le corps et passe par
les gamètes (en particulier les gamètes mâles) proportionnellement avec l'importance des organes. Plus un
organe se développe, plus grande sera sa contribution à la transmission par les gamètes.
C'est par les résultats de l'allemand August Weismann (1834-1914) que l'hérédité des caractères acquis de
Lamarck a été démentie. Il a constaté que, chez les animaux, il existe des lignées de cellules qui restent
essentiellement séparées du reste de l'organisme et qui servent à la reproduction (la lignée germinale ou le
germen). Ces cellules sont capables de former des organismes complets, mais, par contre, l'ensemble des
cellules spécialisées, le soma, n'a pas d'influence sur la lignée germinale autre que sa conservation. Cette
séparation de soma et lignée germinale est visualisée par la figure 1.1A (G, la lignée germinale, passe de
génération en génération; S, le soma, meurt avec l'individu).