Le petit botaniste Groupe Solabia Clin d’œil ethnobotanique Oct. 00 – N° 25 Dans sa collection “Découvertes et invitation aux voyages”, Le petit botaniste vous annonce la prochaine parution de : “Il était une fois la Route des Epices...” L es Epices…Existe-t-il mot plus magique que celui-là ? A peine prononcé, il évoque instinctivement pour la majorité d’entre nous tout un monde de saveurs et d’exotisme, rythmé par un univers de couleurs chatoyantes et d’odeurs ô combien envoûtantes. Vous seriez toutefois bien en peine d’en donner une définition exacte tant la limite entre les épices, les aromates et les condiments est peu précise. D’ailleurs y voyez-vous une quelconque distinction ? Pour cela il faut se plonger dans le passé et remonter aux sources… Le mot épice est apparu en France vers 1150 et vient du latin species, “espèces”, pour désigner les denrées alimentaires stimulantes et les drogues médicinales d’origine exotique. On trouvait les épices chez les apothicaires de l’époque et les italiens nomment encore le pharmacien “speziale”. Très vite particularisé à certaines denrées, ce mot “épice” fut ensuite appliqué aux substances exotiques dont la saveur, à la fois agréable et forte, souvent piquante, permet de rehausser le goût des aliments, les rendant plus appétissants et digestes. En cela, l’épice se distingue de l’aromate (du grec « aroma » ou odeur), pour lequel compte davantage la suavité du parfum que la force de la saveur, et du condiment (du latin “condimentum, condire” ou confire), banal assaisonnement destiné à relever la saveur des aliments. Cette mise au point culinaire étant faite, le Petit Botaniste vous invite maintenant à découvrir la fabuleuse histoire des épices, jalonnée de portraits d’aventuriers hors du commun qui ont pris des risques insensés en parcourant le globe à la recherche de ces quelques graines de luxe… Les régions tropicales, chaudes et humides de l’Asie, telles que le sud de la Chine et de l’Inde sont considérées comme le berceau de la plupart des épices. L a plus ancienne mention de l’utilisation des épices remonte à l’Epopée de Gilgamesh, héros du déluge babylonien. Mais c’est véritablement en Egypte que se développèrent le commerce et l’utilisation des épices. Les prêtres des temples, fervents adeptes des épices, furent parmi les premiers à les utiliser : la cardamome, la cannelle et le poivre étaient brûlés avec la myrrhe et l’encens afin d’établir un lien entre les hommes et les Dieux grâce à la fumée odorante dégagée. Les épices étaient également utilisées lors de la momification, pour embaumer l’air et parfumer l’haleine. Les épices faisaient aussi partie des habitudes alimentaires de la Grèce Antique. Les conquêtes d’Alexandre le Grand permirent l’établissement de routes entre l’Europe et l’Orient et facilitèrent l’introduction des épices en Occident. A Rome, on utilisait les épices rapportées d’expéditions d’Asie, en médecine et en cuisine. Ce furent les arabes, grands navigateurs et grands conquérants, qui servirent de trait d’union entre l’Orient et l’Occident, et firent découvrir à leurs contemporains le poivre, la cannelle et le gingembre. 1/4 Le petit botaniste Groupe Solabia Clin d’œil ethnobotanique C’ est donc bien en grande partie grâce aux arabes que la plupart des épices et aromates parvinrent jusqu’à nous, par l’intermédiaire des Croisés qui, au XIIème siècle, rapportèrent en Europe ces substances inconnues. Un tel engouement pour ces valeurs marchandes incita les gouvernements du MoyenAge à s’affranchir du monopole arabe et à lancer des expéditions à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement et de nouvelles routes… Marco Polo fut le premier grand navigateur du Moyen-Age à se lancer sur les traces des épices et son premier voyage, en 1271, depuis Venise vers la Chine fut d’une importance capitale. Le célèbre vénitien partit à la découverte de l’Asie par voie terrestre, poussé par le désir d’y jeter les bases d’un négoce nouveau et infiniment fructueux et sous l’emprise d’une curiosité insatiable pour ces terres lointaines encore si peu connues. Son voyage devait durer 24 ans et le manuscrit dans lequel il conta ses récits “Le Livre des Merveilles”, révéla à ses contemporains un nouveau continent peuplé de mystères. Premier européen à visiter Java, il est émerveillé par la richesse des habitants qui “… ont poivre noir, noix de muscade, galanga, cubèbe, girofle et autres épices”. Marco Polo, dont la ville natale, Venise, était déjà détentrice du monopole des épices grâce à son commerce avec le monde arabe et à ses nombreux comptoirs, se garda bien de révéler les lieux exacts d’où provenaient les épices qu’il rapporta… Oct. 00 – N° 25 Or au Moyen-Age, on raffole des épices ! A cette époque, offrir des épices étaient un geste généreux, apprécié à sa juste valeur, et un luxe peu abordable. Les épices servaient essentiellement à inciter à boire et à atténuer les saveurs trop prononcées. Quand les épices atteignaient les marchés de l’Europe médiévale, leurs prix étaient astronomiques du fait de l’itinéraire long et hasardeux qu’elles empruntaient. Leur valeur était telle que l’on s’en servait de monnaie, d’où est tirée l’expression “payer en espèces” qui vient de “payer en épices”. Afin de concurrencer la toute-puissance commerciale des vénitiens, les espagnols et les portugais se mirent alors en quête d’une autre route permettant de gagner les Indes. De plus, le souvenir du “merveilleux” voyage de Marco Polo brillait encore d’un vif éclat et de nombreux navigateurs étaient irrésistiblement attirés vers ces contrées lointaines et mystérieuses. Le génois Christophe Colomb, pour le compte de la reine d’Espagne, fut le premier conquistador qu’attirèrent l’or, les parfums et les épices des pays exotiques. Christophe Colomb partit vers l’Inde et Cipango (le Japon) en 1492 et découvrit… l’Amérique, persuadé d’avoir atteint ces terres d’Extrême Orient tant espérées ! Cinq ans plus tard, le portugais Vasco de Gama embarque à son tour et passe en 1498 le Cap de Bonne-Espérance. Longeant le Mozambique, il atteint la côte de Malabar. Il ouvre ainsi la voie directe par l’Atlantique et l’océan Indien, sans passer par les marchands arabes et italiens : la Route des Epices était née ! 2/4 Le petit botaniste Groupe Solabia Clin d’œil ethnobotanique Oct. 00 – N° 25 Chine Inde ar la b Ma Moluques Mo za m biq ue Ceylan Madagascar Cap de Bonne Espérance La Route des Epices Plusieurs expéditions suivront, les portugais se rendent maîtres des Iles Moluques, les “Iles des Epices”, et poursuivent leur route jusqu’à Ceylan. Magellan quant à lui, en cherchant la route des épices vers l’Ouest, accomplit le premier tour du monde maritime et prouva ainsi que la Terre est ronde ! Par la suite, d’autres pays européens entrent dans la course aux épices. Parmi eux, la France, l’Angleterre, la Suède, le Danemark, la Prusse organisent des expéditions mais seule la Hollande, au XVIIème siècle, parvient à détrôner les portugais du règne qu’ils exercent sans partage sur le commerce des épices. Le XVIIème siècle est plus que jamais celui des épices, il verra naître les grandes compagnies épicières : la Compagnie hollandaise des Indes occidentales, l’East India Company (anglaise) et la Compagnie française des Indes orientales. Les enjeux sont tels que la rivalité qui oppose les puissances européennes les conduira à la guerre. C’est par un épisode plutôt rocambolesque que prend fin cette course aux épices. Le français Pierre Poivre, au nom prédestiné, parvient à briser le monopole hollandais en dérobant vers 1770 quelques plants de girofliers, canneliers, muscadiers et poivriers. La France acclimata alors ces espèces dans ses possessions de la zone intertropicale (Antilles, Guyane, Ile Maurice, Réunion…). De là, les épices libérées du joug hollandais, gagneront les îles voisines et d’autres horizons. La démonstration est donc faite, si besoin en était, que la quête des épices s’est bien souvent confondue avec l’Histoire avec un grand H. Il est fabuleux de constater l’attrait, la convoitise et la fascination qu’ont pu provoquer ces substances végétales à travers les siècles. 3/4 Le petit botaniste Groupe Solabia Clin d’œil ethnobotanique P assionné par cette fantastique épopée à travers les temps et les océans, le Petit Botaniste a souhaité vous faire participer à cette formidable aventure en vous conviant, dans les mois à venir, à découvrir ces fameuses épices, en suivant la route tracée, il y a quelques 500 ans, par Vasco de Gama… A tout seigneur tout honneur, le Petit Botaniste vous emmène en Chine, berceau des épices… Les chinois ont toujours considéré qu’il existe un compromis entre se soigner et se nourrir, ils associent donc systématiquement le pouvoir thérapeutique des plantes et l’alimentation. Fort de ces préceptes, le Petit Botaniste a rapporté de Chine trois épices, dont les propriétés cosmétiques ont été associées afin d’obtenir une combinaison active optimale (Sébustop®), destiné au traitement des peaux grasses à tendance acnéique. L a pimprenelle, Sanguisorba officinalis, fait partie des nombreuses plantes utilisées depuis des siècles par la médecine chinoise. De la famille des Rosacées, la pimprenelle est une espèce herbacée vivace, aux feuilles vertes ovales et aux fleurs rouge pourpre. Dans la pharmacopée chinoise, les racines de pimprenelle sont préconisées pour rafraîchir le sang, éliminer la chaleur et dégager les toxines. Sa composition riche en tanins et en saponosides triterpéniques lui confère des propriétés hémostatiques et astringentes. L a cannelle, Cinnamomum cassia, est la doyenne de nos épices : on la retrouve mentionnée en Chine dans des traités de médecine datant de – 4000 ans avant J.-C. et était déjà À très bientôt sur la Route des Epices, Oct. 00 – N° 25 évoquée dans la Bible. Elle fit même partie de notre langage courant puisque d’anciennes expressions l’utilisent, comme “tomber en cannelle”, qui signifie tomber en lambeaux, à l’instar de son écorce. De la famille des Lauracées, le cannelier de Chine, est un arbuste à feuilles persistantes pouvant atteindre plus de 10 mètres de haut. Son écorce, la cannelle, est arrachée en Chine à la saison des pluies puis mise à sécher ; ses bords se recourbent alors et l’écorce prend sa forme en tuyau bien connue. Riche en tanins et en huiles essentielles, la cannelle a des propriétés antiseptiques et astringentes. L e gingembre, Zingiber officinalis, est originaire de Chine et d’Inde. Ses vertus sont connues depuis des temps très anciens puisque Dioscoride, médecin et botaniste grec, mentionne déjà au 1er siècle après J.-C. ses vertus médicinales dans son traité Materia medica. De la famille des Zingibéracées, le gingembre est une plante vivace à la racine rhizomateuse rampante. La réputation du gingembre comme stimulant, antiseptique et purifiant n’est plus à faire. Son rhizome est utilisé en médecine traditionnelle chinoise pour éliminer les toxines de l’organisme, réchauffer l’estomac et tous les organes abdominaux. On lui attribue également des propriétés antitussives et antiseptiques. pour d’autres découvertes botaniques… Le petit botaniste 4/4