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Pratiques psychologiques 17 (2011) 153–172
Dossier
Utilité des modèles théoriques pour la conception et
l’évaluation de programmes en prévention
et promotion de la santé
Importance of theoretical models in conceiving and assessing
health prevention and promotion programmes
R. Shankland a,∗ , B. Lamboy b
a
b
EA4145, laboratoire interuniversitaire de psychologie, université Pierre-Mendès-France, Grenoble-2,
BP 47, 1251, avenue Centrale, 38040 Grenoble cedex 09, France
EA4145, laboratoire interuniversitaire de psychologie, institut national de prévention et d’éducation à la santé,
université de Savoie, Paris, France
Reçu le 17 octobre 2010 ; accepté le 4 novembre 2010
Résumé
À l’heure où l’on constate une augmentation de l’intérêt des chercheurs et des praticiens pour la promotion
des comportements de santé et le développement des compétences psychosociales, il importe de réfléchir
aux liens unissant théorie et pratique dans ce champ. En effet, la référence à différents modèles issus de la
psychologie constitue une dimension structurante des pratiques professionnelles en prévention/promotion
de la santé qui mérite d’être davantage développée. De plus, les études et interventions de prévention dans
les domaines de la santé physique et mentale semblent s’être développées séparément et gagneraient à être
articulées afin de permettre une compréhension plus complète des facteurs protecteurs. L’objectif de cet
article est donc de proposer une revue sélective et à visée pratique de la littérature sur ces questions, à partir
des théories sur lesquelles s’appuient les programmes validés au niveau international.
© 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Prévention ; Promotion de la santé ; Changement de comportements ; Programmes validés ; Modèles théoriques
Abstract
Researchers and field workers are increasingly interested in health behaviour promotion and in the development of psychosocial competencies. It therefore becomes necessary to reflect on the links between theory
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (R. Shankland).
1269-1763/$ – see front matter © 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.prps.2010.11.001
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and practice in this domain. Indeed, referring to different psychological models constitutes a structuring
dimension for professional interventions in prevention and health promotion which needs to be further developed. Moreover, research studies and interventions in the field of physical and mental health prevention
seem to have grown separately and could become better articulated in order to foster greater comprehension
of the protective factors. Thus, the aim of this article is to propose a selective revue of these questions,
aimed at practical interventions and their assessment. It is based on the theories referred to by international
evidence-based programmes.
© 2010 Société française de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Prevention; Health promotion; Behaviour change; Evidence-based programmes; Theoretical models
1. Introduction
L’apport de la psychologie au champ de la prévention et de la promotion de la santé se situe
à plusieurs niveaux : la compréhension des facteurs impliqués dans les comportements de santé,
la conception et la validation de modèles conceptuels en lien avec la prévention et la promotion
de la santé, la conception de méthodes appliquées aux interventions de prévention et de promotion de la santé et l’évaluation standardisée de ces interventions. Cependant, le potentiel des
modèles et des théories issus de la psychologie reste encore insuffisamment exploité. Par exemple,
lors de validations de programmes de prévention, le lien entre l’efficacité de l’intervention et
les moyens psychologiques ayant permis d’obtenir un changement de comportement en faveur
d’une meilleure santé physique, psychologique ou sociale sont rarement mis en lumière. Par
ailleurs, en psychologie comme en santé publique, le champ de la prévention/promotion de la
santé manque d’articulation entre les questions de santé physique et celles de santé mentale qui
constituent deux domaines de recherche qui semblent s’être développés en parallèle, effectuant
peu de rapprochements.
La prévention des troubles de santé mentale a principalement été étudiée par la psychologie
clinique, la psychologie du développement et la santé publique, notamment en s’appuyant sur
les études épidémiologiques permettant de déterminer les facteurs de risque et les facteurs protecteurs, tandis que la prévention des troubles de santé physique a principalement intéressé la
psychologie sociale qui a fait appel aux différentes théories de changement du comportement. Il
s’agit de modèles permettant de comprendre les raisons pour lesquelles les individus s’engagent
ou non dans des comportements de santé spécifiques et comment ils en viennent à modifier
leurs comportements dans le but d’améliorer leur état de santé (Noar et al., 2007). La littérature
dans le champ de la prévention/promotion de la santé est particulièrement fournie ; elle inclut
des approches fondées sur des théories diverses et s’intéresse à des niveaux multiples, allant de
l’individu jusqu’à la communauté (Glanz et al., 2002). Dans ce contexte, comment mettre en
lumière l’utilité des modèles théoriques au regard des interventions pratiques dans le champ de
la prévention/promotion de la santé ?
L’objectif de cet article est de proposer une réflexion sur l’apport de la psychologie au champ de
la prévention/promotion de la santé physique et mentale, tout en soulignant les manques actuels
dans le domaine de l’articulation théoricopratique et la nécessité de recherches permettant de
tester l’utilité des modèles dans le cadre des actions. L’intérêt d’offrir ici un état des lieux des
modèles actuels de santé physique et mentale est de favoriser les passerelles entre ces champs,
notamment pour l’étude des comportements qui appartiennent aux deux domaines comme c’est
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le cas pour les conduites addictives. Nous présenterons tout d’abord les modèles à l’origine des
programmes de prévention/promotion de la santé physique, puis ceux en lien avec la santé mentale,
en exposant l’état des connaissances concernant le lien entre les pratiques fondées sur des théories
psychologiques et l’efficacité des interventions.
2. Prévention, éducation à la santé et promotion de la santé
2.1. La prévention
La prévention est à distinguer de la promotion de la santé physique, mentale et sociale, même
si ces deux domaines sont, dans la pratique en particulier, considérablement intriqués. Le terme
« prévention » vient du latin praevenire qui signifie « prendre les devants, anticiper ». La prévention
consiste donc à anticiper des phénomènes qui risqueraient d’entraîner des problèmes de santé
physique ou mentale. Elle vise à produire un changement de comportement susceptible d’entraîner
une réduction du nombre et de la gravité d’un trouble. Si l’on considère la santé physique, il
s’agit par exemple de réduire la prévalence et l’incidence des cancers du poumon en réduisant
les comportements tabagiques. Dans le domaine de la santé mentale, l’objectif est d’essayer de
modifier les dynamiques qui mènent à l’émergence des problèmes de santé mentale et de réduire
ainsi l’apparition de troubles psychiques telle que la dépression, les troubles anxieux, les troubles
du comportement alimentaire, etc.
La prévention elle-même se subdivise en trois types : la prévention « universelle » qui s’adresse
à toute la population, la prévention « sélective » qui cible les personnes à risque du fait de facteurs familiaux ou environnementaux et la prévention « indiquée » qui s’adresse aux personnes
présentant des facteurs de risque individuels ou/et manifestant des premiers symptômes. Ainsi,
la prévention s’adresse, le plus souvent, à des publics spécifiques, considérés comme à risque
(d’être confrontés à un problème de santé), se rapprochant ainsi d’une attitude protectionniste de
la société.
2.2. L’éducation à la santé
Le mouvement des acteurs de prévention s’est progressivement orienté vers une approche plus
globale de l’humain, dont l’objectif ne serait pas de se centrer sur la réduction des risques–ou pas
uniquement–mais de développer des connaissances permettant à chacun de mieux gérer sa santé.
L’éducation à la santé désigne ainsi toute pratique associant des expériences d’apprentissage ayant
pour objet de faciliter les actions volontaires conduisant à une meilleure santé (Green et Kreuter,
1999). Il ne s’agit pas de prévenir un trouble en particulier, mais d’apporter des connaissances
favorisant le développement de comportements de protection pour la santé. Le comportement de
santé préventif a été défini comme « toute activité développée par une personne avec l’objectif de
prévenir des maladies » (Kasl et Cobb, 1966). Ainsi, l’adoption d’une alimentation équilibrée, la
réduction de l’ingestion d’alcool ou l’arrêt de la consommation de tabac sont des comportements de
santé préventifs. Les déterminants des changements de comportements de santé individuels ont été
étudiés et théorisés par nombre de chercheurs dans les domaines de la médecine comportementale,
la psychologie cognitive, sociale et clinique, la santé publique, l’épidémiologie. . . Il ne sera pas
possible dans cet article de présenter les différents modèles du changement de comportement en
psychologie, nous développerons davantage les aspects de promotion de la santé visés par les
programmes validés.
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2.3. La promotion de la santé
La promotion de la santé s’est développée à la suite de l’éducation à la santé qu’elle complète.
Elle peut être définie comme le processus permettant aux populations d’améliorer leur propre santé
en leur donnant les moyens d’un plus grand contrôle sur celle-ci par le biais d’une augmentation
des connaissances, mais surtout des compétences personnelles et collectives. Ainsi la prévention
peut être considérée comme un des objectifs et des résultats d’une stratégie plus globale de
promotion de la santé (Hosman et Jané-Llopis, 1999). Pour reprendre une métaphore proposée
par Antonovsky en 1987, il ne s’agit plus de construire des ponts pour éviter que les gens se
noient dans le fleuve, mais plutôt de leur apprendre à nager. Cette approche plus globale a donc
pour objet d’augmenter les compétences permettant de gérer au mieux les situations difficiles
rencontrées au cours de la vie. L’éducation à la santé, puis la promotion de la santé sont donc nés
de cette orientation (Eriksson et Lindström, 2008a). La promotion de la santé peut être développée
par le biais d’interventions environnementales, sociales, politiques et individuelles. Concernant
l’individu, il s’agit du processus par lequel les individus améliorent leur santé en mobilisant leurs
propres ressources, leur permettant ainsi d’accéder à une meilleure qualité de vie.
Néanmoins, si, dans leur définition, la prévention et la promotion de la santé apparaissent
comme deux concepts distincts, en pratique les composantes de la prévention et de la promotion
sont souvent présents au sein des mêmes programmes et utilisent parfois des stratégies et des
interventions similaires (OMS, 2004). C’est pourquoi nous aurons recours aux deux termes accolés
dans cet article pour faire référence à ce domaine d’intervention : prévention/promotion de la santé.
3. La position particulière de la psychologie dans le champ de la prévention
La prévention et la promotion de la santé regroupent des pratiques ayant des implications
importantes en termes de santé des populations et sont parfois sujettes à controverse en raison
du risque « normatif » de la maîtrise des comportements de santé, comme le craignait Michel
Foucault il y a quelques décennies. La prévention/promotion de la santé vise une augmentation
des connaissances et des compétences, afin de permettre à l’individu de faire des choix éclairés et
d’avoir une action délibérée sur sa santé. Par ailleurs, la prévention/promotion de la santé ne doit
pas être confondue avec le repérage et le dépistage précoce des troubles qui relèvent davantage de
la médecine et du soin. Les interventions en prévention/promotion de la santé ont lieu en amont
des troubles. En augmentant les facteurs de protection et en diminuant les facteurs de risque, ces
interventions cherchent à réduire la probabilité d’apparition et de chronicisation de troubles. Elles
impliquent donc une bonne connaissance des publics, des facteurs de risque et de protection des
problèmes ciblés et des stratégies susceptibles d’influencer ces facteurs.
Ce domaine se caractérise ainsi par une forte articulation entre la recherche et la pratique, ainsi qu’un transfert et une utilisation des connaissances scientifiques importants ; on
parle alors d’interventions fondées sur les données probantes (evidence-based interventions) ou
d’interventions validées. Ces dernières, qui sont élaborées à partir des connaissances scientifiques,
doivent avoir fait la preuve de leur efficacité par l’intermédiaire de recherches évaluatives. Les
effets positifs sont alors démontrés empiriquement par des protocoles de recherche expérimentaux et doivent être maintenus à long terme (au moins un an) et répliqués dans au moins deux
sites différents. Les données des recherches évaluatives doivent être disponibles, de même que
les modalités d’intervention qui sont consignées dans un manuel et rattachées à des modèles
théoriques de référence.
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4. Théories et modèles en prévention/promotion de la santé physique
Les théories de la psychologie constituent une contribution essentielle au champ de la prévention/promotion de la santé, notamment en ce qui concerne l’adoption de comportements
favorables à la santé. Dans le cas présent, la théorie pourrait être définie comme un ensemble de
concepts reliés entre eux permettant d’avoir une compréhension systématique globale de situations ou de comportements, en spécifiant les relations entre les différentes variables observées, afin
d’expliquer et de prédire des situations ou des comportements (Glanz et al., 2002). D’après Earp et
Ennett (1991), un « modèle » diffère d’une théorie en ce sens qu’il ne s’intéresse pas à l’explication
de phénomènes comportementaux en général, mais à la compréhension d’un comportement ou
d’une situation spécifique. Un modèle conceptuel s’appuie souvent sur plusieurs théories et sur des
données empiriques, en les adaptant à la situation étudiée. La conception de modèles apparaît donc
nécessaire au développement du champ de la prévention/promotion de la santé et devrait faire partie des compétences à enseigner aux futurs psychologues se spécialisant en promotion de la santé.
Les théories et modèles les plus utilisés dans le champ de la prévention/promotion de la santé
ont pu être identifiées, notamment grâce la revue de question réalisée par Glanz et al. (2002) et
par les recherches ayant porté principalement sur les comportements favorables à la santé (Dean,
1996). On retrouve fréquemment les théories et modèles suivants, que nous ne pourrons présenter
de manière détaillée dans le présent article : le Modèle des croyances relatives à la santé (Becker,
1974), la Théorie de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1980), la Théorie du comportement
planifié (Ajzen et Madden, 1986), la Théorie sociale cognitive (Bandura, 1986) et le Modèle
transthéorique du changement (Prochaska et DiClemente, 1983).
La pertinence des théories du changement de comportements utilisées en prévention/promotion
de la santé physique a été démontrée par certaines études, mais réfutée par d’autres, étudiées
individuellement lors de recherches évaluatives (Michie et Abraham, 2004). La question se pose
alors de savoir comment choisir parmi ces modèles celui qui serait le plus utile à la conception
d’une intervention donnée. Noar et Zimmerman (2005) rapportent les résultats d’une étude menée
par Nigg et al. en 2002 sur les choix de théories de référence effectués par les concepteurs de
programmes, ce choix ayant rarement été conduit par le fait de considérer une théorie comme étant
supérieure à une autre théorie du même champ. Les choix de théorie pourraient alors être effectués
par ignorance d’autres théories ou par facilité de compréhension de l’une des théories existantes,
ce qui ne constitue pas une garantie de sa validité ou de son utilité dans un contexte donné. Il
s’agit là d’une limite qui sera discutée en fin d’article. Plus que la question du choix, les difficultés
dans le champ de la prévention/promotion de la santé mentale concernent davantage le manque
de modèles conceptuels explicites solides (Institut National de Santé Publique du Québec, 2008).
5. Les fondements conceptuels en prévention et promotion de la santé mentale
Les interventions validées en prévention et promotion de la santé mentale sont étroitement
liées aux connaissances scientifiques mais, paradoxalement, les théories sous-tendant le processus d’action sont rarement objectivées et les modèles d’intervention font souvent défaut. Les
concepteurs de programmes s’appuient donc principalement sur des données empiriques issues
de trois sources : l’épidémiologie des troubles de santé mentale, les résultats des recherches expérimentales et l’évaluation de l’efficacité des programmes de prévention/promotion de la santé
mentale.
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5.1. Les données épidémiologiques
La compréhension des problèmes de santé mentale s’appuie en premier lieu sur des données
issues d’enquêtes épidémiologiques et sur une modélisation du phénomène à l’aide du poids
respectif des différents facteurs de risque et de protection. Ainsi l’Institut National de Santé
Publique du Québec (2008), cherchant à développer un modèle conceptuel en promotion de la santé
mentale, ont fait appel au modèle d’Albee et Finn (1993) pour la prévention des troubles mentaux
et au modèle de McDonald et O’Hara (1998) pour la promotion de la santé mentale. Dix catégories
de facteurs (cinq facteurs de risque et cinq facteurs de protection) sont ainsi à la base du modèle
bio-psychosocial proposé. Dans une perspective de prévention-promotion de la santé mentale,
l’idée centrale est d’agir sur ces différents déterminants, en diminuant les facteurs de risque
comme le stress, les inégalités socioéconomiques, les environnements défavorables et l’exclusion
sociale, et en augmentant les facteurs de protection que sont les ressources personnelles, l’estime
de soi, les environnements favorables et le soutien social.
Si nous nous intéressons, à titre d’exemple, à l’un des problèmes de santé mentale que représente
la consommation de substances psychoactives, Kumpfer a proposé un modèle conceptuel en vue
de construire un programme de prévention efficace. Elle s’est appuyée, notamment, sur de vastes
recherches regroupant près de 8500 jeunes à haut risque aux États-Unis pour élaborer un modèle
explicatif identifiant les facteurs menant à la consommation de drogues (Kumpfer et al., 2003).
Ce modèle suggère que l’influence négative des pairs est la raison principale qui mène à la
consommation de drogue chez les jeunes ; en revanche, un contexte familial positif est le facteur
le plus déterminant pour éviter la consommation. Ce modèle montre aussi que les trois facteurs
familiaux de protection les plus importants qui fondent un climat familial constructif sont les
relations et les liens affectifs parents-enfants, la supervision des parents (être au courant de ce que
fait l’enfant, de ses relations, activités, etc.) et la transmission de valeurs, de normes et d’attentes de
la part de la famille. Nous comprenons ainsi comment les interventions de prévention/promotion
de la santé mentale sont modélisées à l’aide des différents facteurs de risque et facteurs protecteurs
associés au comportement étudié et de leur importance respective.
5.2. Les résultats des recherches en psychologie
La compréhension des phénomènes de santé mentale est aussi complétée par l’apport des
résultats de recherche accumulés dans les domaines de la psychologie et de la psychopathologie
du développement ainsi que de la neuropsychologie. Par exemple, les programmes de soutien
à la parentalité sont élaborés à partir des données mettant en avant l’influence de la qualité
des interactions parent–enfant sur le développement social, cognitif et émotionnel de l’enfant
(e.g., Landry et al., 2003). Les interactions parent–enfant sont elles-mêmes, en grande partie,
dépendantes de certaines pratiques parentales. Ainsi, la qualité relationnelle parent–enfant est
influencée par certaines attitudes parentales et ce, en fonction des différentes périodes du développement (Stewart-Brown, 2008). L’accordage affectif, l’empathie, la sensibilité, l’écoute des
besoins et la capacité à y répondre adéquatement seraient des attitudes particulièrement déterminantes durant la petite enfance (e.g., Eshel et al., 2006). Elles influenceraient en grande partie le
type d’attachement développé par l’enfant et auraient donc un impact important sur son développement futur (e.g., Desjardins et al., 2008). De plus, la régulation des comportements, une
discipline constructive et des renforcements positifs joueraient un rôle crucial durant l’enfance
(Stewart-Brown, 2008). Il est à noter que la supervision aurait un impact particulièrement fort
durant l’adolescence (Stewart-Brown, 2008).
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Pour résumé brièvement les principaux résultats des recherches dans le champ de la prévention/promotion de la santé en lien avec les compétences parentales, à tout âge, les pratiques
parentales protectrices impliqueraient d’être chaleureux, d’offrir un soutien affectif, une absence
d’hostilité et de rejet, de présenter de bonnes capacités de résolution de problèmes et de conflits
ainsi qu’un niveau de contrôle approprié du côté des parents (Stewart-Brown, 2008). Ces
comportements protecteurs qui permettent d’accroître la qualité des interactions parent–enfant
et qui, par conséquent, permettent de réduire des problèmes de santé mentale, sont essentiels
puisqu’ils seraient relativement indépendants des autres facteurs de risque (Gardner et al., 2004).
Ils peuvent ainsi devenir une cible privilégiée des actions de prévention et promotion de la santé
mentale (Hutchings et Lane, 2005).
5.3. L’évaluation des actions de prévention/promotion
En plus d’une connaissance approfondie des problèmes de santé mentale ciblés, les interventions en prévention/promotion de la santé mentale s’appuient aussi largement sur les résultats de
recherches évaluatives. Ces données produites par des protocoles de recherche expérimentaux
permettent de déterminer le degré d’efficacité des programmes et des stratégies d’intervention, et
ce, en fonction des publics et des conditions d’implantation. De cette manière, un grand nombre
d’études empiriques d’évaluation et des méta-analyses ont permis, par exemple, de démontrer
l’efficacité des programmes de soutien à la parentalité fondées sur une approche psychoéducative (e.g., Kaminski et Valle, 2008). L’évaluation de ces programmes a permis de démontrer leur
efficacité en termes de réduction d’un nombre important de problèmes affectifs et comportementaux chez les jeunes (e.g., Barlow et Parsons, 2003), d’amélioration de la santé psychosociale
des mères en réduisant en particulier leur niveau d’anxiété et de dépression et en augmentant
leur estime de soi (e.g., Sanders et Wooley, 2005), de réduction des pratiques parentales problématiques comme la discipline coercitive et les relations conflictuelles (e.g., Kaminski et Valle,
2008) et d’augmentation du sentiment d’efficacité parentale (e.g., Sanders et Wooley, 2005). Ces
recherches évaluatives permettent aussi d’identifier les modalités d’intervention les plus efficaces.
Nous voyons ainsi que les interventions validées en prévention et promotion de la santé mentale sont construites en étroite articulation avec les connaissances scientifiques, connaissances
qui proviennent principalement des recherches épidémiologiques portant sur le problème de
santé mentale et des recherches évaluatives visant à objectiver l’efficacité des programmes et
des modalités d’intervention.
5.4. L’apport de la psychologie positive
Plus récemment, des modèles de promotion de la santé mentale se sont développés grâce aux
travaux issus de la psychologie positive (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000). Ces recherches
ont montré l’importance du développement des caractéristiques positives des personnes comme
l’optimisme ou la créativité et s’appuient sur une « théorie des ressources » (assets model, Morgan
et Ziglio, 2007) et non sur une théorie des manques ou des déficits. Les ressources dans ce contexte
sont considérées comme des ressources individuelles et/ou communautaires permettant de promouvoir un meilleur état de santé. Ces ressources peuvent être physiques, sociales, financières,
environnementales, etc. Les recherches sur ces questions se sont multipliées ces dernières années,
montrant un effet notoire des actions de promotion de la santé mentale visant le développement
des « forces de caractère » (e.g., Park et al., 2004) ou des « ressources générales de résistance »
(Antonovsky, 1996), selon la terminologie utilisée. On constate, par exemple, une réduction des
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symptômes anxieux et dépressifs, ainsi que de meilleures capacités de résilience face à l’adversité,
celles-ci pouvant également avoir un impact sur la santé physique (e.g., Fredrickson et al., 2003).
Ainsi, l’une des premières théories développées dans ce domaine était celle de la
« salutogénèse » (Antonovsky, 1996) orientée vers les ressources, les potentialités et le sens de la
cohérence de l’individu (perception de l’existence comme étant prévisible et porteuse de sens).
Les résultats des travaux faisant référence à cette théorie indiquent qu’il existe des corrélations
positives significatives entre ce sens de la cohérence et de nombreuses mesures de bien-être autorapporté (Eriksson et Lindström, 2008b). Le développement accru des travaux dans le champ de
la psychologie positive a permis d’aller au-delà des études corrélationnelles pour mettre en place
des recherches expérimentales validant les modèles proposés (Shankland, 2009).
6. Intérêt et limites des modèles théoriques
6.1. La multiplicité des théories
L’analyse de la littérature a permis de constater qu’il existe aujourd’hui une multiplicité de
théories et de modèles de prévention/promotion de la santé, qui ne s’articulent pas nécessairement
entre eux, et qui représente un frein à la compréhension plus globale des déterminants du changement dans le champ de la santé physique, mentale et sociale (Michie et al., 2008a). Il y a plus de
dix ans, Weinstein (1993) soulignait déjà la nécessité de réaliser des études empiriques comparant
l’apport de différentes théories à la conception de programmes de prévention/promotion de la
santé. En effet, de nouvelles théories sont formulées, sans nécessairement expliquer en quoi
les théories précédentes étaient insatisfaisantes. Il serait donc nécessaire de réaliser des études
comparant des interventions fondées sur des théories différentes auprès d’une même population,
afin d’évaluer la supériorité d’une théorie par rapport aux autres. Cela permettrait d’augmenter
l’efficacité des actions menées et de valider des modélisations causales des comportements de
santé (Hardeman et al., 2005).
Ces études sont encore rares, mais commencent à être développées. La revue de question
réalisée par Weinstein en 1993 indique que sur 205 programmes évalués, fondés sur des théories de référence, seuls dix présentaient une comparaison empirique. Plus récemment, Noar et
Zimmerman (2005) se sont attelés à la remise à jour de cette revue de question. Ils montrent que la
majorité des études continuent à s’appuyer seulement sur une théorie, sans la comparer à une intervention qui serait fondée sur une autre théorie explicative : 80 recherches sur les 2901 référencées
contenaient plus d’une théorie, dont 26 ont été conduites après 2000. Cette observation révèle une
prise de conscience récente de l’importance de ces comparaisons dans le but de participer à la
progression de ce champ d’intervention et de recherche. Cependant, la plupart de ces 80 articles ne
présentaient pas de comparaison empirique, mais proposaient une réflexion sur l’utilité de l’une
ou l’autre théorie pour prédire des comportements de santé. Après analyses détaillées, seuls 0,4 %
de l’ensemble des 2901 articles concernaient des comparaisons empiriques. Au vu de ce constat,
Noar et Zimmerman (2005) proposent une méthodologie de comparaison empirique détaillée afin
d’encourager la mise en œuvre de ce type de recherche.
6.2. Le conservatisme théorique
Parmi les limites observées dans le cadre de la validation d’interventions fondées sur des théories, on constate également que lorsque l’évaluation d’un programme de prévention/promotion de
la santé ne présente pas de résultats concluants, les auteurs incriminent rarement la faiblesse du
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modèle théorique lui-même. En effet, Ogden (2003) a récemment réalisé une revue systématique
de 47 études portant sur les changements de comportements. Elle indique que les auteurs mettent
en avant de multiples explications possibles, mais aucune étude ne remet en question la théorie de
référence utilisée (ou son absence) pour la conception de l’intervention. Elle précise même que
certaines théories ne peuvent être testées empiriquement. De plus, nous manquons particulièrement de modèles validés permettant d’expliquer et de prédire le maintien des comportements une
fois modifiés.
Ainsi, la littérature scientifique, bien que pléthorique, ne permet pas, à ce jour, de mettre en
avant les modèles les plus appropriés pour expliquer certains comportements ou pour comprendre
les situations observées, alors qu’il s’agit bien de l’une des potentialités de la recherche. Les
études empiriques permettent notamment d’apporter un éclairage précis concernant l’utilité des
modèles en fonction du contexte et du comportement visé. Certaines recherches ont montré, par
exemple, que le modèle transthéorique du changement (Prochaska et DiClemente, 1983) s’avère
plus utile pour expliquer des comportements délibérés et complexes comme pratiquer une activité
physique, mais moins utile pour expliquer les comportements automatiques et simples comme le
port de la ceinture de sécurité (Noar et Zimmerman, 2005).
6.3. L’utilité des modèles théoriques
Menées de manière plus rigoureuse et concertée (ce qui implique une collaboration étroite
entre praticiens et chercheurs), les études fondées sur des théories de référence en psychologie
pourraient participer à la consolidation et à la structuration du champ de la prévention/promotion
de la santé en rendant plus explicite les mécanismes du changement impliqués dans un programme
donné, grâce à l’articulation des différentes variables mesurées. En effet, certaines études centrées
sur cette question montrent des effets plus importants et plus durables à la suite d’interventions
explicitement fondées sur des théories issues de la psychologie (e.g., Kinmonth et al., 2008).
Les auteurs soulignent également l’importance de l’utilisation d’une combinaison de plusieurs
modèles théoriques afin de concevoir et d’évaluer des programmes qui ont souvent des objectifs
de changement de comportements multiples (Noar et Zimmerman, 2005). L’apport des théories
est ainsi d’assurer une meilleure efficacité des interventions, car elles seraient fondées sur des
données probantes.
Prenons l’exemple de l’utilité du modèle du sens de la cohérence (Antonovsky, 1987) pouvant
permettre d’augmenter l’efficacité d’une intervention. Une étude contrôlée, randomisée, ayant
pour objet d’étudier l’effet d’une intervention sociale d’une durée de trois ans sur la santé physique
et mentale de personnes âgées a été menée par Clarke et al. (1992), en s’inspirant du modèle de
soutien social. L’hypothèse formulée postule que le soutien matériel et affectif (soins à domicile,
soutien financier, etc.) a un impact positif sur la santé physique et mentale des participants.
L’ensemble des résultats ne peut être présenté ici, mais un élément intéressant a été relevé par
Antonovsky (1996) concernant le refus de l’offre d’aide à domicile par la moitié des participants.
Ce dernier formule l’hypothèse suivante qui souligne l’intérêt de l’utilisation de théories multiples
en promotion de la santé, celles-ci pouvant s’articuler et se compléter : si les chercheurs s’étaient
appuyés sur le développement du sens de la cohérence des participants, ils auraient peut-être pu
augmenter l’acceptation de l’offre d’aide et, par là, l’efficacité du dispositif conçu.
Il revient donc aux concepteurs des recherches-actions de sélectionner les modèles qui
paraissent les plus appropriés pour guider l’intervention, en combinant plusieurs modèles
de manière explicite, afin de participer à l’évolution des connaissances et à une meilleure
compréhension des phénomènes en jeu dans la promotion de la santé. Les théories pourraient
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alors être validées ou invalidées et s’inscrire au sein de modèles progressivement plus intégratifs.
C’est ainsi que Ajzen et Madden (1986) ont constaté, grâce à leurs recherches, que le fait
d’ajouter le sentiment de contrôle perçu face au comportement à modifier permettrait une
meilleure prédiction des comportements de santé. La théorie de l’action raisonnée a ainsi pu
évoluer vers de nouvelles théories (Théorie de l’action planifiée) dont l’utilisation a fait ses
preuves dans le cadre d’interventions de terrain (Hardeman et al., 2002).
Dans les faits, on constate que les programmes sont plus souvent « inspirés » des théories que
« fondés » sur des théories, c’est-à-dire que l’articulation précise entre la théorie et la méthode
utilisée est rarement détaillée, et les liens causaux entre les différentes actions proposées et les
changements de comportements attendus ne sont pas toujours explicités (Michie et Abraham,
2004). Ce manque de rigueur au niveau de la conceptualisation des interventions réduit la probabilité d’efficacité de celles-ci (Hardeman et al., 2002). Il ressort de ces conclusions une nécessaire
orientation des recherches vers la mise en œuvre d’études expérimentales portant sur les théories
et les techniques afin de déterminer de manière plus systématique les combinaisons de modèles
et de formes d’intervention permettant d’optimiser l’efficacité des actions.
7. Le dialogue entre théorie et pratique : exemples dans le champ de la santé mentale
7.1. Interventions fondées sur des données probantes
La prévention/promotion de la santé implique une action planifiée, c’est pourquoi plusieurs
modèles ont été élaborés pour faciliter la mise en place d’interventions fondées sur des données
probantes ou interventions validées (evidence-based interventions). Ces interventions sont élaborées à partir de connaissances scientifiques et doivent avoir fait la preuve de leur efficacité par
l’intermédiaire de recherches évaluatives. Des effets positifs doivent avoir été démontrés empiriquement par des protocoles de recherche expérimentaux et doivent être maintenus à long terme (au
moins un an) et répliqués dans au moins deux sites différents. De plus, les données des recherches
doivent être disponibles, de même que les modalités d’intervention qui sont consignées dans des
manuels et rattachées à des modèles théoriques de référence.
Les interventions validées peuvent être répliquées ou adaptées dans d’autres contextes ou
d’autres pays augmentant ainsi leur efficacité (e.g., Connor et Norman, 1996 ; Delhomme et al.,
2000). Cependant, cela est uniquement le cas lorsque les théories et les modèles d’intervention
sont réellement articulés et en lien avec le contexte d’intervention (e.g., Hausenblas et al., 1997).
Cela implique une maîtrise des modèles théoriques sans laquelle toute référence à un modèle
perd son utilité en termes d’augmentation de l’efficacité de l’action menée (Kok et al., 2004).
Les enseignants-chercheurs présentent ainsi aux étudiants de psychologie de la prévention et
d’éducation à la santé les différentes théories auxquelles ils peuvent se référer. En pratique, les
psychologues et les éducateurs de santé sont confrontés à des situations concrètes et doivent
choisir par eux-mêmes la théorie qui semble la plus appropriée pour comprendre les phénomènes
observés et pour proposer une intervention permettant un changement de comportement dans le
sens attendu (Kok et al., 1996). Il arrive alors qu’ils ne prennent pas en compte certains facteurs
clés, réduisant par là l’efficacité de leur intervention.
Prenons l’exemple des interventions de prévention de l’abus de substances psychoactives. On
constate que nombre d’interventions en milieu scolaire font appel à d’anciens dépendants venant
témoigner des difficultés rencontrées et des risques inhérents à la consommation de drogues (Kok
et al., 2004). Pourtant, les évaluations de ce type action ont montré qu’elles étaient rarement
efficaces et comportaient même un risque incitatif (De Haes, 1987). Grâce à l’apport de certaines
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théories de la psychologie sociale, il est possible de comprendre les raisons d’un tel résultat.
Tout d’abord, les anciens dépendants représentent un modèle de rôle qui n’est pas approprié
étant donné qu’ils montrent que l’on peut s’en sortir et même occupé une position respectable
en tant qu’intervenant dans un établissement scolaire. Par ailleurs, le message est centré sur
les risques liés à l’usage de produits, alors que les déterminants les plus cruciaux concernent la
résistance à la pression, le sentiment d’efficacité personnelle en lien avec le refus de consommer, la
capacité à prendre des décisions et les relations familiales. Ainsi, afin de favoriser la mise en place
d’actions efficaces, il est important que les intervenants puissent s’appuyer sur les connaissances
scientifiques et les modèles théoriques disponibles.
7.2. Une aide méthodologique
En vue d’accroître l’articulation entre théorie et pratique, Michie et al. (2008b) ont récemment
publié une première taxonomie des différentes techniques de changement de comportements
de santé reliées aux théories. Il s’agit d’un premier travail exploratoire dont la réflexion pourra
se poursuivre au cours des années à venir afin de préciser les descriptions exactes et les liens
spécifiques entre chaque technique, la théorie sur laquelle elle s’appuie et le comportement qui
pourrait s’en trouver modifié.
D’autres auteurs ont cherché à optimiser les recherches évaluatives dans le champ de la prévention/promotion de la santé en proposant une méthodologie de conception de programmes fondés
sur la théorie. La méthode qui, à ce jour, semble la plus aboutie a été conçu par un groupe de
chercheurs aux États-Unis et aux Pays-Bas (Bartholomew et al., 2001). Cette méthode de conception de programmes a pour objet d’accroître le nombre d’interventions efficaces fondées sur la
théorie et sur les programmes validés. Il s’agit ici d’un processus en cinq étapes. La première étape
consiste à définir les objectifs de l’intervention à partir d’une analyse des connaissances scientifiques sur le problème de santé mentale et des variables impliquées dans cette problématique.
Nous ajoutons qu’il serait intéressant de prendre aussi en compte l’analyse des points forts des
individus et de leur environnement en termes de facteurs protecteurs. La deuxième étape consiste à
sélectionner des méthodes d’intervention fondées sur des théories des sciences sociales et comportementales portant sur les déterminants du changement. Nous pouvons aussi ajouter l’importance
de prendre connaissance et de sélectionner des interventions validées empiriquement. À partir de
ces interventions sélectionnées, il s’agit d’élaborer un nouveau programme adapté au contexte,
à la culture, à la demande formulée par les futurs participants. . . La quatrième étape consiste à
anticiper les difficultés potentielles de la mise en œuvre du programme (prévoir une coordination solide, une répartition des rôles organisée, etc.). La dernière étape porte sur la prévision de
l’évaluation de processus (acceptabilité du programme par les participants et par les intervenants,
interventions adaptées au public. . .) et l’évaluation de résultats (efficacité de l’action). Il est également intéressant de mesurer l’impact de l’action au-delà des résultats escomptés. Par exemple, si
une réduction de l’anxiété est prévue et mesurée, elle pourrait aussi s’accompagner d’autres effets
imprévus comme la réduction des difficultés scolaires ou la diminution des altercations au sein de
l’établissement. Ces différentes étapes du montage de projet ne doivent pas nécessairement être
suivies de manière linéaire, mais peuvent être travaillées en parallèle.
Dans le cadre de cette conception d’actions, la revue de question est nécessaire (les revues de
littérature et les méta-analyses s’avèrent particulièrement utiles en cela), apportant une liste de
réponses possibles à la problématique observée. Il est possible qu’il puisse manquer des informations essentielles pour analyser la situation. Il importe alors d’élargir le recueil de données auprès
de la communauté concernée, lorsque cela est possible. Si l’on se réfère au cas du modèle trans-
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théorique du changement (Prochaska et DiClemente, 1983) appliqué à une situation de réduction
des consommations d’alcool chez les lycéens, il importera de vérifier si ces adolescents sont
conscients des risques personnels encourus avant de concevoir une intervention destinée à favoriser le passage du stade de contemplation (être conscient qu’il y a un problème), au stade de
l’action (mise en place d’un comportement de réduction des consommations).
L’objectif de l’aide méthodologique à la conception d’interventions est d’améliorer la qualité et
l’efficacité des actions dans le champ de la prévention/promotion de la santé. Ces interventions sont
en augmentation, encouragées notamment par les politiques publiques. Il devient donc nécessaire
de mieux structurer l’élaboration et l’évaluation des programmes et de promouvoir une plus grande
cohérence dans la mise en œuvre des interventions.
8. Les interventions validées en prévention et promotion de la santé mentale
L’efficacité des interventions se mesure en termes de changement de comportements, d’états et
de processus psychiques allant dans le sens d’une meilleure santé physique et/ou d’un mieux être
psychologique grâce à des mesures valides, réalisées dans le cadre d’études contrôlées et randomisées (Michie et Abraham, 2004). Parmi les interventions validées en prévention et en promotion
de la santé mentale, il est possible de distinguer les interventions « macro » et les interventions
« micro » (OMS, 2005). Les interventions « macro » validées s’articulent autour de plusieurs stratégies. Il s’agit principalement de mettre en œuvre des moyens visant à diminuer la précarité par
des interventions permettant d’améliorer les conditions de logement et l’accès à l’éducation, de
diminuer la fragilité économique, d’augmenter les liens sociaux et de réduire la consommation
problématique de substances psychoactives, notamment par le biais de l’augmentation des prix des
produits, la réduction de l’accès aux produits, le développement de campagnes de sensibilisation
et la réduction des espaces de consommation.
Les interventions « micro » ayant été validées jusqu’à présent concernent, le plus souvent, sur
des interventions de proximité, c’est-à-dire des actions coordonnées (programmes) qui ciblent
un petit groupe de personnes et visent à modifier ou à développer de nouveaux comportements,
attitudes et compétences par l’intermédiaire d’autres personnes. Quatre catégories de population
sont majoritairement ciblées par les programmes validés en fonction de leur âge ou de leur activité.
Ces programmes peuvent donc être regroupés selon la typologie des publics destinataires : (1) les
programmes orientés vers le milieu du travail comme la prévention et la gestion du stress au travail
ou du retour à l’emploi, (2) les programmes à destination des personnes âgées tels que les actions
qui favorisent l’activité physique ou qui permettent le développement du soutien social, (3) les
programmes qui ciblent les enfants et les jeunes tels que les interventions portant sur l’hygiène de
vie ou la prévention des consommations à risque, et (4) les programmes ayant pour but de soutenir
la parentalité tels que les ateliers de développement de la communication au sein des familles.
8.1. L’exemple des programmes qui ciblent les enfants et les adolescents
Les interventions qui ciblent les enfants peuvent concerner trois niveaux : le développement
des compétences psychosociales des enfants, le développement des compétences éducatives des
enseignants et/ou des parents et la modification de l’environnement scolaire (Inserm, 2002). Les
programmes visant à développer les compétences psychosociales des enfants sont les programmes
les plus anciens et les plus développés ; ce sont ceux qui ont été le plus souvent étudiés. De nombreux programmes développant les compétences psychosociales ont été validés et ce, dans le
cadre de la prévention de différents troubles psychiques (Tableau 1). Ces programmes peuvent
Promoting Alternative
Thinking Strategies
(États-Unis) (CPPRG,
1999)
Montreal prevention
experiment (Canada)
(Tremblay et al.,
1996)
Fast track (États-Unis)
(CPPRG, 1999)
Compétences psychosociales des
enfants
Compétences des enfants et des
parents
Environnement scolaire
School Transitional
Environment Project
(États-Unis) (Felner
et al., 1993)
FRIENDS (Australie)
(Farrell et Barrett,
2007)
Compétences psychosociales des
enfants
Compétences des enfants, parents,
enseignants et amélioration de
l’environnement scolaire
Nom du programme
Types de programme
Tableau 1
Exemples de programmes validés à destination des enfants.
10–16
6–1011–16
7–9
6–10
7–16
Âge ciblé
(ans)
Développement des compétences
cognitives et émotionnelles : gestion
de l’anxiété, résilience, résolution de
problème. . . (10 sessions)
Développement des compétences
émotionnelles et sociales: contrôle de
soi, estime de soi, résolution de
problème, habiletés relationnelles
(151 sessions sur 5 ans)
Enfants : développement des
compétences sociales (19 sessions)
Parents : renforcement positif,
gestion des crises (20 sessions)
Enfants : développement des
compétences sociales, tutorat,
pairs. . .
Parents : formation, visite, soutien. . .
Enseignants : formation...
Environnement scolaire :
amélioration
Petits groupes de travail, tuteurs,
conseillers. . .
Méthodes de prévention
Réduction : délinquance, stress,
anxiété, dépression
Augmentation : estime de soi
Réduction : comportement agressif,
orientation en éducation spécialisée
Augmentation : résultats scolaires,
développement sociale
Réduction : comportements agressifs,
hyperactivité, symptômes dépressifs
Augmentation : atmosphère positive
en classe, résolution de problèmes,
connaissance émotionnelle
Réduction : comportements agressifs,
délinquance, vols, abus de substance
(à long terme)
Réduction des symptômes et troubles
anxieux
Principaux résultats
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être unimodaux et ne cibler que les enfants, ou encore bi- ou multimodaux, en proposant des interventions auprès des parents (formation aux habiletés éducatives : discipline positive, gestion de
la colère, de l’anxiété, communication, renforcement positif. . .) et/ou des enseignants (enseignement coopératif, management proactif, organisation et discipline adaptée, renforcement positif,
résolution de problèmes. . .). D’autres programmes à destination des enfants agissent au niveau de
l’environnement scolaire dans son ensemble en proposant, par exemple, du tutorat, une formation
pour les professionnels, des activités dans l’école, le développement des liens parents-enfants.
Le Tableau 1 présente un ensemble de programmes validés, reconnus au niveau international,
caractéristiques des différentes formes de programme de prévention à destination des enfants.
Différents types de compétences peuvent ainsi être travaillées comme les compétences sociales
(résolution de problème, stratégies d’ajustement, comportements pro-sociaux. . .) ou les compétences cognitives (gestion des pensées négatives, raisonnement. . .). Cependant, les études ont
montré que les interventions orientées également vers le développement des compétences des
adultes (parents et/ou éducateurs) étaient plus efficaces en termes de prévention des troubles de
santé mentale chez les jeunes. Il apparaît donc essentiel d’inclure un soutien à la parentalité dans
la conception de programmes.
9. L’exemple des programmes de soutien à la parentalité
Les programmes qui visent à soutenir la parentalité sont des programmes plus récents qui
semblent particulièrement prometteurs. En effet, ils sont susceptibles d’avoir un impact particulièrement important, car ils sont mis en place bien en amont du trouble de l’enfant (e.g., programmes
de visites à domicile en période périnatale), impliquent les parents et les enfants, et agissent sur de
nombreux facteurs de risque et de protection. De façon générale, ces programmes se présentent
sous forme d’interventions structurées qui aident les parents à faire face au développement
émotionnel et comportemental de leurs enfants et visent à améliorer les pratiques parentales
et le fonctionnement familial en favorisant la communication parent–enfant et l’acquisition de
nouvelles habiletés parentales (Barlow et al., 2005 ; Kaminski et Valle, 2008 ; Kane et al., 2007).
Parmi les programmes validés par des études d’efficacité standardisées ayant des résultats à long
terme, trois types d’intervention semblent se dessiner (Hutchings et al., 2004) : les interventions
précoces fondées sur des visites à domicile, les programmes de prévention dont le soutien à la
parentalité représente une composante et les programmes centrés exclusivement sur le soutien à la
parentalité.
9.1. Les programmes de soutien à la parentalité fondé sur des visites à domicile
Les programmes de soutien à la parentalité fondés sur des visites à domicile ciblent les familles
d’enfants en bas âge (jusqu’à trois ans) et s’adressent généralement aux populations dites « à
risque » : jeunes mères, milieux socioéconomiques défavorisés, mères souffrant de toxicomanie. . .
Plusieurs études montrent, par exemple, que les visites à domicile, avec ou sans programme
éducatif précoce pour l’enfant, présentent des effets à long terme sur la manifestation de conduites
agressives, les activités délinquantes et les facteurs de risque qui leur sont liés (Department of
Health and Human Services, 2001). Cependant, l’efficacité de cette stratégie de prévention soit
dépendante de la durée de l’intervention, du type de professionnel impliqué et du moment de
l’implantation. Ainsi, les programmes répartis sur plusieurs années, faisant appel à des infirmières
et commençant très tôt au cours du développement de l’enfant seraient les plus efficaces.
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Le programme de visites à domicile validé le plus célèbre est l’Elmira Home Visitation Study
(Olds et al., 1997 ; Olds, 1998). Au cours des visites réalisées par des infirmières trois thématiques
principales sont abordées avec la mère : les comportements de santé positifs durant la grossesse
et pendant les premières années de l’enfant, les soins adaptés à l’enfant et le développement
personnel de la mère (planning familial, retour aux études, participation à des groupes de travail).
Les infirmières facilitent aussi le lien avec les services de santé et les organismes sociaux et
tentent d’impliquer des membres de la famille ou des amis autour de la grossesse et de la venue
de l’enfant. Ce programme a été mis en place dans l’état de New York et proposé à 116 femmes
âgées de moins 19 ans, non mariées et d’un niveau socioculturel faible. Une évaluation sur 15 ans
après l’intervention a permis de mettre en évidence des résultats intéressants aussi bien pour la
mère que pour l’enfant : comparativement aux mères ayant eu un suivi classique, on observe
moins de maltraitance et de négligence, moins de consommations d’alcool et de drogues et moins
de comportements antisociaux (arrestations, prison. . .) chez les femmes ayant bénéficié de ce
programme. En outre, les enfants de ces mères présentent également moins de comportements
antisociaux (arrestations, condamnations, fugues) et moins de consommations d’alcool et de
tabac (Olds, 1998). Le programme Elmira a donc été reconduit dans d’autres régions des ÉtatsUnis (Kitzman et al., 1997) et une adaptation de ce programme est actuellement en cours en
France (programme CAPEDP, hôpital Bichat-Claude-Bernard et Établissement Public de Santé
Maison-Blanche).
9.2. Les programmes centrés exclusivement sur le développement des compétences
parentales
D’autres programmes de soutien à la parentalité n’impliquent que les parents, Ils peuvent avoir
recours à des modalités d’interventions multiples et peuvent s’adresser à différents publics. Un
des programmes multi-niveaux validés les plus connus a été développé en Australie ; il s’intitule
Triple P – Positive Parenting Progam (Sanders et al., 2002). Ce dernier vise à soutenir les parents
dans l’éducation de leur enfant et à prévenir les problèmes développementaux, comportementaux
et émotionnels des enfants en augmentant les connaissances, les compétences et la confiance
en soi des parents. Ce programme, qui s’adresse à des parents d’enfants de la naissance à
l’adolescence, comprend cinq niveaux d’intervention qui augmentent en intensité en fonction
des problématiques des parents et des enfants. Le premier niveau du programme prend la forme
d’une campagne de communication réalisée en population générale. Celle-ci vise à diffuser des
informations sur la parentalité, le développement de l’enfant, les pratiques parentales et les ressources disponibles via différents supports : télé, journaux, brochures, site Internet, vidéos. Les
niveaux suivants s’adressent aux parents dont les enfants présentent des problèmes de comportement. Des interventions brèves, en groupe et en individuel, sont proposés en fonction de l’intensité
des troubles. Le niveau 5 du programme cible les familles dont les problèmes de parentalité sont
couplés à d’autres difficultés (conflits conjugaux, dépression maternelle, maltraitance. . .). Il s’agit
d’interventions intensives composées de modules qui comprennent des visites à domicile favorisant l’apprentissage de nouvelles pratiques parentales, la régulation des émotions, la gestion
du stress et des conflits. Plusieurs études d’efficacité ont été menées et ont révélé des résultats
positifs : diminution des problèmes de comportements chez l’enfant, amélioration des interactions parent–enfant, augmentation du sentiment d’efficacité parentale (Bodenmann et al., 2008 ;
Sanders et al., 2002). Grâce à ces études de validité, Triple P a pu être implanté dans de nombreux
pays (Bodenmann et al., 2008 ; Suchocka et Kovess-Masféty, 2006).
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9.3. Les programmes impliquant les enfants et les parents
Certains programmes de soutien à la parentalité comportent différents modules qui s’adressent
à la fois aux parents, mais aussi aux enfants. À ce jour, un des programmes le mieux validé est le
programme de soutien aux familles et à la parentalité ou Strengthening Families Program (SFP)
qui a été développé au début des années 1980 par une psychologue américaine, Karol Kumpfer
(université d’Utah, États-Unis). Ce programme de soutien à la parentalité s’organise sous forme
de séances en trois types de groupes qui se réunissent à raison d’une fois par semaine pendant
une heure sur 14 semaines : le groupe de parents (environ dix familles), le groupe d’enfants, et le
groupe des familles qui regroupe les parents et les enfants à la suite de leur rencontre en petits
groupes. L’objectif est de développer de nouvelles compétences chez les différents membres
de la famille et de favoriser une meilleure communication au sein de celle-ci. Ce programme
fut développé à l’origine pour prévenir la consommation de substances psychoactives auprès de
populations à risques (jeunes ayant des parents consommateurs). Il a ensuite été adapté et implanté
dans de nombreux contextes et a fait l’objet de nombreuses études.
Plus de 150 études évaluatives standardisées réalisées par des évaluateurs externes, ont permis de démontrer l’efficacité du SFP à différents niveaux : réduction de la consommation et
de l’initiation de substances psychoactives (alcool, tabac, drogues illicites) chez les jeunes et
les parents, diminution des problèmes psychiques (trouble des conduites, dépression, anxiété,
trouble de personnalité, phobies) et des problèmes de comportements (violence, délinquance),
diminution des plaintes somatiques, amélioration du climat et de la communication familiale,
augmentation de la confiance et du sentiment d’efficacité en matière de parentalité, amélioration des résultats scolaires. Des évaluations économiques du SFP ont estimé à 9,60$ pour
1$ dépensé le ratio du coût/bénéfice (Spoth et al., 1999 ; Spoth et al., 2002). Une métaanalyse réalisée récemment (Foxcroft et al., 2002) a démontré que le SFP était environ deux
fois plus efficace que les autres programmes visant à prévenir les consommations abusives
d’alcool.
10. Les caractéristiques des interventions efficaces
Concernant les interventions de proximité de façon générale, les données de recherches accumulées ces 20 dernières années dans le domaine de la prévention/promotion de la santé mentale
ont permis de dégager certaines caractéristiques associées aux programmes efficaces. Les interventions efficaces utilisent des méthodes interactives et expérientielles (jeux de rôles, mises en
situation, travaux pratiques sur le ressenti et les émotions). Ces actions s’inscrivent dans la durée :
Webster-Stratton et Taylor (2001) parlent d’un minimum de 20 heures par an et Jané-Llopis et al.
(2003) évoquent la nécessité de programmes répartis sur plusieurs années avec, au minimum, huit
sessions par an de 60 à 90 minutes. Les interventions efficaces agissant sur plusieurs facteurs et
à plusieurs niveaux (compétences psychosociales des enfants, des parents, des enseignants). Par
ailleurs, le type d’intervention doit être adapté en fonction de la population cible (exemple : gestion de la colère et capacité d’autorégulation en prévention sélective ou indiquée des troubles
des conduites). De plus, les programmes s’assurant de la qualité de l’implantation s’avèrent
plus efficaces (e.g., Lipsey, 1992 ; Petersilia, 1990). Enfin, et c’est sans doute l’un des points
essentiels à retenir, les interventions de prévention/promotion de la santé mentale contenant
un axe de soutien à la parentalité sont les plus efficaces en termes de promotion de la santé
mentale.
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11. Conclusion
Bien qu’il y ait un grand nombre de théories disponibles au sein des sciences sociales et
psychologiques, l’application de ces théories au champ de la prévention/promotion de la santé
reste un défi à relever par les concepteurs de programmes. Le champ de la prévention et de
la promotion de la santé s’est, en partie, développé en dehors du milieu de la recherche – ce
qui est particulièrement vrai en France. Ainsi, la validation de programmes n’est pas ancrée
dans les pratiques et les travaux d’évaluation des actions sont parfois refusés par les acteurs de
terrain ou par les commanditaires de ces interventions. L’évaluation des actions ne fait donc pas
encore partie des mœurs. De plus, celle-ci requiert des compétences spécifiques. De ce fait, même
lorsque les éducateurs de santé tentent d’évaluer les interventions, nombre de programmes ne
peuvent aboutir à une validation en raison des limites du protocole d’évaluation mis en œuvre.
Ces limites sont fréquemment observées, malgré la mise à disposition de conseils et de méthodes
d’évaluation réalisée par les articles théoriques et méthodologiques (e.g., Kok et al., 2004). De
plus, les méta-analyses réalisées sur les interventions validées soulignent l’absence de description
des actions elles-mêmes, ce qui ne facilite pas la réplication de l’intervention par d’autres équipes
indépendantes (e.g., Michie et Abraham, 2004). Des directives sont aujourd’hui proposées aux
éditeurs des revues scientifiques pour encourager la mise en ligne des programmes détaillés afin
qu’ils puissent être répliqués par d’autres équipes. Ainsi, un certain nombre de chercheurs réalisent
des études de validité d’interventions qui permettent de consolider ce champ d’application et
d’orienter les professionnels de prévention et de promotion de la santé.
Conflit d’intérêt
Les auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt.
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