Joseph Ratzinger, Paolo Flores d`Arcais EST

publicité
18-repe?res-01-2007:Mise en page 1
21/12/06
16:30
Page 202
Repères
tant sur des questions vraies, rarement
traitées, concernant la vie privée de ces
auteurs qui ont choisi, de façon volontariste et en le théorisant, de ne rompre
ni avec leur « enfance » (un mot-clef
très important pour eux), ni avec leur
foi chrétienne, ni avec la vie de famille
dite « traditionnelle ». Péguy et Bernanos ont dû faire vivre leurs familles
dans de grandes difficultés matérielles : ces écrivains engagés dans
leurs œuvres et dans leurs combats,
reconnus par leurs pairs et ayant un
vrai public, ont vécu, et sont morts,
dans la pauvreté. Mauriac, lui, a cherché à asseoir sa propre carrière littéraire avant de s’engager, mettant sa
notoriété au service de causes qui lui
ont valu la haine de son milieu d’origine ; mais on sait qu’il a vécu douloureusement des affres privées. Si Claire
Daudin trouve dans leurs essais théoriques leurs convictions politiques,
morales et religieuses, c’est avec justesse qu’elle lit leurs poèmes ou leurs
romans pour y décoder les tragédies
intérieures de ces écrivains (les récits
de Bernanos et Mauriac sont souvent
des romans noirs à sous-entendus
cachés) qui n’avaient pas choisi la facilité en restant fidèles à la morale de
leur enfance.
comme vérité absolue et intouchable,
la lecture du débat entre le cardinal
Joseph Ratzinger et le philosophe athée
Paolo Flores d’Arcais est instructive
comme effet miroir de cette crise. Le
débat et les conférences (une par interlocuteur) portent essentiellement sur
ce que le cardinal, devenu pape, revendique comme la légitime « prétention
à la vérité » du christianisme. Prétention que Flores d’Arcais dénonce
comme stratagème politique de l’Église
contre la liberté des croyances, signe
de son « impossibilité de renoncer à
son pouvoir mondain ». La tension
entre liberté et vérité n’oppose pas seulement l’Islam à l’Occident, mais, en
celui-ci, une Église catholique qui se
considère religio vera à une philosophie athée qui réfute cette prétention
comme une imposture, déplorant que
l’Église et la culture catholiques éludent
désormais systématiquement les objections sceptiques ou athées élaborées par
la modernité.
La question débattue ici à travers le
catholicisme est cependant plus large.
C’est le problème du statut de la religion dans la modernité qui se trouve
posé, puisque celle-ci refuse à la religion ce qu’elle considère être sa vocation fondamentale : énoncer non seulement un sens possible de l’être, une
herméneutique de l’existence, mais la
vérité objective, fondée sur le Verbe
créateur. Flores d’Arcais reconnaît luimême que
Jean-Paul Louis
Joseph Ratzinger,
Paolo Flores d’Arcais
EST-CE QUE DIEU EXISTE ?
Dialogue sur la vérité, la foi
et l’athéisme
Paris, Payot/Rivages, 2006, 183 p.
toute religion veut être vérité et ne peut
renoncer à cette prétention. Elle doit
être vérité […] Ce que beaucoup de philosophie herméneutique peut permettre
et même théoriser de l’extérieur, la religion ne peut l’accepter de l’intérieur.
Mais quel type de vérité puisque,
toujours selon Flores d’Arcais, l’athéisme moderne ne saurait admettre que la
religion se prétende « vérité démontrable », vérité de raison ? Quels discours de vérité restent possibles pour
Alors que la controverse politicoreligieuse née de l’affaire des caricatures du prophète Mahomet vient de
retomber, l’islam ayant montré une fois
de plus qu’il se considère trop souvent
202
Téléchargement