LE MONT CAMEROUN Mythes et réalités © L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-12331-1 EAN : 9782296123311 Evelyne Ngono à Ribama LE MONT CAMEROUN Mythes et réalités REMERCIEMENTS Je tiens à remercier sincèrement : His Royal Highness Samuel Moka Lifafa Endeley, paramount ruler of Buea, Mes confrères Timothée Metomo et Killian Ndah, Ma sœur Awa Sima Diakité, enseignante, Pour leur soutien multiforme. TEMOIGNAGE «En décembre 2005, je suis parti avec ma classe de BTS Tourisme pendant trois semaines en voyage au Cameroun. Après onze heures de vol via Bruxelles et plus de six heures d’attente dans les aéroports, nous arrivâmes enfin à l’aéroport de Douala au Cameroun… Nous avons roulé deux longues heures avant d’arriver à notre hôtel à Buea. Nous avons été accueillis à bras ouverts, à l’inverse de Douala, dans un joli petit hôtel. Nous avons fait connaissance avec les universitaires de la ville avec qui nous suivions les cours d’histoire du Cameroun… Ce furent de fantastiques journées dont l’une consacrée à l’ascension du mont Cameroun, magnifique, majestueux, surplombant la ville… Un jour j’y retournerai !!!» Un touriste français Carte de localisation du mont Cameroun INTRODUCTION Le mont Cameroun dévoile toute sa splendeur à travers les lueurs d’un soleil radieux. Il se dresse majestueusement au-dessus du Cameroun, Afrique en miniature, transcendant le temps et l’espace. Dans le fond et sur la forme, la montagne exerce sur l’homme un magnétisme envoûtant, une fascination irrésistible ; elle charme et séduit. C’est à la fois une alchimie de réalité et de mystère. Par ses attraits pluriels, rien d’étonnant que les explorateurs l’aient baptisé «Char des Dieux». «Le mont Cameroun : mythes et réalités» est une fantastique exploration au cœur des trésors, des mystères et des réalités dont regorge cette montagne. Ce sont d’immenses curiosités culturelles et touristiques. Curiosités naturelles par sa flore constituée d’une grande diversité et dont de nouvelles espèces sont découvertes chaque année. La faune avec des espèces rares comme l’antilope et l’éléphant de forêt. Le relief spectaculaire à l’état naturel ou ayant été transformé par les éruptions. Curiosités architecturales, vestiges de la colonisation, avec en prime la somptueuse résidence «The Prime Minister’s Loge», véritable attraction de la ville aux allures britanniques. Diverses autres attractions touristiques à l’instar de la Fontaine de Bismarck, la longue piste du thé qui relie Buea à Limbe complètent ce tableau panoramique. Le mont Cameroun est aussi une excursion plaisante et édifiante sur les pistes des meilleurs coureurs : Timothy Lekunze, Essoka Reginal, Sarah Liengu Etonde couronnée 13 reine de la montagne. Donc, s’y engager est une épreuve d’endurance, de résistance et de dépassement de soi… Sans prétention d’exhaustivité, «Le mont Cameroun : mythes et réalités» offre au lecteur du beau, du bon et du bien-être sur Buea et le mont Cameroun. Un atout de plus pour accroître le rythme de fréquentation de cette région aux importantes ressources attractives. On y vient par curiosité et on y retourne par plaisir ! Fontaine de Bismarck1 1 Otto Von Bismarck : l’un des gouverneurs allemands inhumé à Buea. 14 PRESENTATION GEOGRAPHIQUE Le mont Cameroun est le plus haut volcan d’Afrique centrale et occidentale. Situé à une vingtaine de kilomètres de l’océan Atlantique, il domine le Golfe de Guinée de sa masse volcanique. Avec ses 4070 mètres, il se dresse à Buea dans la région du Sud-Ouest, département du Fako dont il porte le nom. Il représente le point culminant de la zone formée le long de la fracture géologique appelée ligne du Cameroun. C’est le point de cassure survenu entre l’Amérique du Sud et l’Afrique il y a des millions d’années. Le mont Cameroun est toujours en activité. Les premières éruptions recensées par les scientifiques remontent aux années 450 ; s’en sont suivies celles de 1650, 1807, 1838, 1852, 1865, 1866, 1871, 1909, 1922, 1925, 1954, 1959, 1982,1995 et les toutes dernières datent d’avril 1999 et de mai 2000. Lors de la récente éruption, la coulée incandescente s’était dirigée vers les villages de Wokpwaongo, Bwasa et Likombe. Si au plan humain aucune vie n’a été déplorée, l’on a par contre enregistré des dégâts matériels importants : destruction des habitations et des plantations par le tremblement de terre et coupure de la route vers Bakingili par la coulée de laves. Cette région volcanique est l’une des plus fertiles du Cameroun. La pluviométrie y est l’une des plus élevées d’Afrique. Particulièrement dans la région de Debundscha, on enregistre jusqu’à 8000 millimètres d’eau par an. Ce qui en fait la deuxième zone au classement de la pluviométrie mondiale après la ville de Chirapunji en Inde avec 11130 millimètres. 15 Coulée de laves au mont Cameroun 16 APERÇU HISTORIQUE L’histoire du mont Cameroun remonte au VIe siècle, lorsque les navigateurs phéniciens abordèrent les côtes de l’Afrique. L’un d’eux, Hannon, un Carthaginois, fut frappé par un grand volcan en éruption. Fasciné, il le baptisa le «Char des Dieux». Les marins qui auraient assisté à cette éruption en ont fait le récit. Le mont a donc, depuis l’ascension par l’Anglais Richard Borton en 1861, toujours attiré les explorateurs occidentaux comme un instrument de dépassement de soi. Par la suite cette région est restée longtemps ignorée du reste du monde. C’est à partir du XVIe siècle que les marchands européens commencent à fréquenter les côtes du Golfe de Guinée. Les missions exploratoires vont sillonner toute la côte ouest-atlantique, y installer des comptoirs, créer des stations missionnaires et annexer d’immenses régions dont celle du mont Cameroun. Le mont Cameroun a toujours eu pour nom Fako. Il le tient depuis des siècles des autochtones. Il fait sens parce qu’aux alentours et au fur et à mesure qu’on progresse vers le sommet, on rencontre la savane appelée Fako en Bakweri. Par contre le nom «mont Cameroun», lui, a été choisi pour des raisons politiques. Dans l’histoire du Cameroun, c’est en 1884 avec l’arrivée des Allemands que le nom «Kamerun» apparaît. Il résulte également de l’appellation du fleuve Wouri baptisé auparavant par les Portugais : «Rio dos Camaroes»2 et «Camarones» par les Espagnols. Ayant subi de nombreuses modifications, le même nom est devenu Cameroon en anglais et Cameroun en français. Et si le mont porte ce nom, c’est sans doute 2 Rio dos Camaroes : Rivière des crevettes. 17 parce qu’il domine tout le territoire camerounais. Mais bien avant, le mont existait déjà et les riverains continuent à l’appeler Fako. Il a aussi inspiré le nom du chef-lieu du département de la région du Sud-Ouest. Volcan en éruption 18 EPHASA-MOTO, UN MYTHE ETERNEL Au fil des ans, des mythes ont circulé autour du mont Cameroun qui est l’un des principaux symboles des Bakweri. A un moment, on a même raconté qu’il y avait un être vivant dont une partie était un animal. La rumeur fait aussi état de ce qu’une fois au sommet, on peut sucer des cannes à sucre qui y poussent, mais sans rien emporter à la descente, sinon le risque de s’égarer est grand. Certaines personnes pensent qu’il y a beaucoup de mystères qui lient le peuple Bakweri au mont Cameroun. Ce qui n’est pas faux. Dans chaque pays du monde qui a une configuration géographique singulière, il y a toujours quelque chose de mystique qu’on raconte. Et si l’on parle beaucoup plus du mont Cameroun, c’est parce que c’est le sommet le plus élevé d’une longue chaîne de montagnes. Ces éléments mystiques ne sont pas seulement dans le Fako, mais un peu partout au Cameroun, en Afrique et dans le monde. On les note par exemple sur les monts Koupé, Manengouba et Mandara pour ce qui est du Cameroun, ainsi que dans les grands lacs d’Ecosse et les chaînes montagneuses de la Suisse pour l’Europe. Des initiés peuvent commander le mont à partir des pratiques mystiques. Ces pratiques sont appelées Hidene. Les chefs traditionnels Bakweri reconnaissent que tous leurs pouvoirs sont liés à la montagne et sont contrôlés par l’être suprême : Dieu en qui ils croient. Ils croient que Dieu est esprit. Des anthropologues religieux suisses qui ont étudié leurs cultes, ont découvert que c’est un peuple qui croyait effectivement en Dieu avant même l’arrivée du christianisme. C’est pourquoi ils ont appelé ces cultes, des religions africaines. La fabuleuse légende d’Ephasa-Moto, le Dieu du mont dans l’appellation locale, est bien vivante 19 dans les esprits des Bakweri. C’est lui qui prend soin de tous ceux qui vont sur la montagne en pourvoyant à leurs besoins en eau, en nourriture et en gîte. La seule condition à laquelle le visiteur est astreint est qu’il doit récolter tout ce qui lui est nécessaire pour son bien-être là- haut et rien de plus. Rien ne doit en descendre. Le mont qui vomit du magma depuis des siècles, est, chose plutôt curieuse, aussi amical avec les gens qui habitent tout autour. Après les éruptions, il laisse un sol fertile, un climat frais et un extraordinaire sentiment de quiétude à vivre au pied du massif. Une équipe de scientifiques a mené des études sismographiques sur le phénomène. Celles-ci visent à prévenir les éventuelles éruptions afin de mettre les populations riveraines à l’abri d’éventuels dangers. 20