Bien sûr, il existe des raisons non scientifiques à cette situation dramatique, l’insuffi-
sance des structures médicales dans les pays pauvres, les pressions économiques et
culturelles pour une transmission sexuelle non protégée, la difficulté d’accès aux médi-
caments et aux tests de dépistage et de suivi… Mais la communauté scientifique n’a
pas été suffisamment innovatrice et n’a pas ou peu recherché de solutions médicales
adaptées aux millions de patients des pays du Sud. Une abondance de preuves montre
que le virus découvert en 1983 est l’agent causal du sida. Il est normal que l’effort
principal de recherche thérapeutique se concentre sur la découverte d’un vaccin.
Toujours est-il que cet effort n’est pas suffisant et apparaît scientifiquement trop réduc-
teur pour nous permettre d’éradiquer cette infection à caractère multifactoriel.
Les fondements de nos connaissances médicales sur cette maladie sont vieux de
vingt ans. Sur le plan biologique, cette maladie se caractérise par un déclin du
système immunitaire. […] Mais ce déclin est progressif et il faut compter plusieurs
années, dix ans en moyenne, entre le moment où une personne est infectée par le
virus et celui où apparaissent les signes cliniques de la maladie, caractérisée par des
infections « opportunistes » ou des cancers. Aux débuts des années 1980, deux
maladies dominaient chez les patients du Nord: la pneumocystose et le sarcome de
Kaposi alors que dans le Sud prévalait la tuberculose. Le sida est donc un syndrome
bien défini… […] Mais si nous connaissons bien ce virus, je dirais à 90%, nous ne
comprenons qu’à 60 % les mécanismes par lesquels il détruit progressivement le
système immunitaire; il reste aux chercheurs un long chemin à parcourir! Bien des
mystères nous barrent la route. Il n’en reste pas moins que la trithérapie a été un
énorme progrès en permettant aux patients infectés de vivre la plupart du temps en
absence d’infections opportunistes ou de cancers. Mais le fait est qu’elle n’éradique
pas l’infection et qu’au moindre arrêt du traitement, surtout chez les jeunes patients
des pays pauvres, la multiplication du virus reprend de plus belle. De plus, il sera de
plus en plus difficile de maintenir à vie un tel traitement surtout chez les jeunes
patients des pays pauvres. En fait, la trithérapie serait beaucoup plus acceptable, si
donnée dans un temps limité, elle permettait, sinon d’éradiquer le virus, du moins de
le stabiliser à un niveau très faible sans dommage pour l’organisme. Hélas, ce n’est
pas le cas. Même après dix ans de traitement, le virus revient en quelques semaines
si ce dernier est interrompu… […] Cette résurgence du virus en cas d’arrêt du traite-
ment implique qu’il existe des formes du virus inaccessibles au traitement, une sorte
de réservoir inattaquable […] qui reste un mystère pour la médecine.
ENTRAÎNEMENTS
561