ANNALES DE L’ÉPREUVE DE CULTURE GÉNÉRALE ENTRAÎNEMENT 4 Sujet Sujet donné à la Prépa Grenoble et rédigé par Mme Salloum, professeur à Cours Galien, Marseille. • MONTAGNIER (Luc), Les Combats de la vie, Lattès, juin 2009, p. 82-88. Le syndrome d’immunodéficience acquise a suscité des dizaines de milliers de publications et de communications scientifiques. Malgré cela, la pandémie continue et nous n’avons toujours pas de vaccin. Un quart de siècle après les premières victimes fauchées aux Etats-Unis, depuis le premier cas de sida diagnostiqué en 1981, quelque 25 millions d’hommes, de femmes et d’enfants en sont morts. Comment est-il possible d’expliquer cette situation ? Il est clair que bien des facteurs extrascientifiques ont joué mais nous, scientifiques, devons tout de même nous poser la question : quelle est notre part de responsabilité ? Avons-nous vraiment percé les mystères de cette maladie complexe ? Si les chercheurs ont réalisé d’immenses progrès dans la connaissance du virus et la mise au point de médicaments – en un temps record par rapport à bien d’autres maladies – nous sommes loin d’en avoir terminé avec le sida. La terreur qu’il suscita dans nos pays avancés jusqu’à l’apparition des trithérapies s’est estompée, d’autres menaces plus immédiates l’ont remplacée. La pandémie n’en a cure, poursuivant sa route au Nord comme au Sud, se propageant à des rythmes rapides sur tous les continents. La tragédie africaine s’étend dans les pays d’Asie, la péninsule indienne et la Chine en tête, en Europe de l’Est. En 2006, près de 40 millions d’humains vivaient avec le VIH dont une majorité de femmes. Et selon l’Onusida, le programme commun des Nations unies sur le VIH, si l’année 2005 a montré un apparent tassement de cette progression, un pic historique avait été enregistré l’année précédente avec plus de 3 millions de décès… La France compte plus de 150 000 séropositifs déclarés. Pas d’accalmie de ce côté-là… Le plus dur n’est pas forcément derrière nous, comme on pourrait le penser, cette pandémie est encore jeune et des épidémiologistes prévoient que le pic de mortalité ne sera atteint qu’aux alentours de 2040. Si rien ne bouge, le sida sera alors l’une des toutes premières causes de mortalité dans le monde, sinon la première. 560 ENTRAÎNEMENTS Bien sûr, il existe des raisons non scientifiques à cette situation dramatique, l’insuffisance des structures médicales dans les pays pauvres, les pressions économiques et culturelles pour une transmission sexuelle non protégée, la difficulté d’accès aux médicaments et aux tests de dépistage et de suivi… Mais la communauté scientifique n’a pas été suffisamment innovatrice et n’a pas ou peu recherché de solutions médicales adaptées aux millions de patients des pays du Sud. Une abondance de preuves montre que le virus découvert en 1983 est l’agent causal du sida. Il est normal que l’effort principal de recherche thérapeutique se concentre sur la découverte d’un vaccin. Toujours est-il que cet effort n’est pas suffisant et apparaît scientifiquement trop réducteur pour nous permettre d’éradiquer cette infection à caractère multifactoriel. Les fondements de nos connaissances médicales sur cette maladie sont vieux de vingt ans. Sur le plan biologique, cette maladie se caractérise par un déclin du système immunitaire. […] Mais ce déclin est progressif et il faut compter plusieurs années, dix ans en moyenne, entre le moment où une personne est infectée par le virus et celui où apparaissent les signes cliniques de la maladie, caractérisée par des infections « opportunistes » ou des cancers. Aux débuts des années 1980, deux maladies dominaient chez les patients du Nord : la pneumocystose et le sarcome de Kaposi alors que dans le Sud prévalait la tuberculose. Le sida est donc un syndrome bien défini… […] Mais si nous connaissons bien ce virus, je dirais à 90 %, nous ne comprenons qu’à 60 % les mécanismes par lesquels il détruit progressivement le système immunitaire ; il reste aux chercheurs un long chemin à parcourir ! Bien des mystères nous barrent la route. Il n’en reste pas moins que la trithérapie a été un énorme progrès en permettant aux patients infectés de vivre la plupart du temps en absence d’infections opportunistes ou de cancers. Mais le fait est qu’elle n’éradique pas l’infection et qu’au moindre arrêt du traitement, surtout chez les jeunes patients des pays pauvres, la multiplication du virus reprend de plus belle. De plus, il sera de plus en plus difficile de maintenir à vie un tel traitement surtout chez les jeunes patients des pays pauvres. En fait, la trithérapie serait beaucoup plus acceptable, si donnée dans un temps limité, elle permettait, sinon d’éradiquer le virus, du moins de le stabiliser à un niveau très faible sans dommage pour l’organisme. Hélas, ce n’est pas le cas. Même après dix ans de traitement, le virus revient en quelques semaines si ce dernier est interrompu… […] Cette résurgence du virus en cas d’arrêt du traitement implique qu’il existe des formes du virus inaccessibles au traitement, une sorte de réservoir inattaquable […] qui reste un mystère pour la médecine. 561 ANNALES DE L’ÉPREUVE DE CULTURE GÉNÉRALE 1. Présentez l’auteur de ce document. Identifiez le thème central du texte et dégagez les idées principales. (5 points) 2. Déterminez et expliquez les causes de la recrudescence du sida. (6 points) 3. Décrivez et comparez les politiques de prévention. (6 points) Orthographe, grammaire, syntaxe (3 points). Proposition de corrigé 1. L’auteur de ce document est le professeur Luc Montagnier, chercheur à l’Institut Pasteur et prix Nobel de médecine en 2008 pour ses découvertes sur le sida. En 1984, avec son collaborateur, Simon Wain Hudson, il fut le premier à identifier le virus du sida. Actuellement, il est le président de la Fondation mondiale recherche et prévention sida, fondée par l’ONU. Dans cet extrait, l’auteur dresse un bilan négatif de la situation du sida. Il s’inquiète pour l’avenir et pousse un cri d’alarme afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des populations sur les dangers du sida. Dans un premier temps, le professeur Luc Montagnier évoque l’évolution de la maladie : celle-ci s’est développée sur tous les continents et entraîne des conséquences considérables sur la population mondiale. Depuis l’apparition des premières victimes du sida en 1981, le virus a tué plus de 25 millions d’individus et près de 40 millions de personnes seraient contaminées. Comme le montrent ces chiffres, le virus s’est propagé rapidement et a entraîné une augmentation du taux de mortalité. Il représente une menace pour la population mondiale si les autorités publiques et sanitaires ne mettent pas en place des mesures pour limiter son essor. Dans un deuxième temps, l’auteur fait allusion au problème de la recherche : il dénonce l’immobilisme des chercheurs qui n’ont pas su sensibiliser les pouvoirs publics aux dangers du sida. Il reproche aussi aux scientifiques de ne pas avoir fait de nouvelles découvertes, de ne pas être parvenus à une meilleure connaissance du virus et surtout de ne pas avoir trouvé de vaccin et de nouveaux traitements. Dans un dernier temps, le professeur Montagnier insiste sur l’échec des médecins qui n’ont pas réussi à trouver un traitement pour éradiquer le sida. Il souligne aussi leurs difficultés à élaborer des traitements moins lourds et moins contraignants que la trithérapie. 562