Le darwinisme à l`ère du client

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Introduction
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I n t r o d u c t i o n
Inspirez-vous de Darwin
Crise économique, perte de confiance politique et sociale, nouvelle psychologie et nouveaux comportements des consommateurs, suprématie galopante de
la technologie, tous ces éléments se combinent aujourd’hui pour créer un point
de bascule.
En un mot : il n’a jamais été plus difficile pour une entreprise de s’adapter
et de survivre dans le monde actuel.
◆◆Un monde d’accélération, où les cycles commerciaux traditionnels (R&D,
production, marketing, distribution, vente, après-vente) ont été fondamentalement remodelés. Alors qu’il fallait autrefois deux ans pour passer d’une
idée à un produit commercialisable, il ne faut plus aujourd’hui que deux
semaines, voire moins dans certains secteurs.
◆◆Un monde marqué par un transfert de pouvoir, où ce sont désormais les
consommateurs – et non plus les entreprises – qui prennent l’initiative,
qui décident et qui gèrent la relation.
◆◆Un monde de rareté, où ce ne sont plus les capacités de production qui
font figure de ressource rare. Tout repose au contraire sur des qualités
immatérielles comme la « confiance » – longue à gagner et facile à perdre.
◆◆Un monde de l’accès « à la demande », où les consommateurs cherchent
plutôt à accéder à une expérience qu’à simplement « posséder » les produits.
On citera comme exemple le mode de consommation des films, de la
musique ou des jeux vidéo.
La sélection naturelle ne s’est jamais montrée aussi rapide que dans le
monde actuel, régi par les consommateurs. De grandes entreprises installées
de longue date – des dinosaures ? – disparaissent en l’espace de quelques
© 2014 Pearson France – Repenser la relation client : s'adapter pour survivre – Erik Campanini, Kyle Hutchins
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Repenser la relation client : s’adapter pour survivre
semaines, tandis que les plus grandes réussites commerciales s’imposent en un
claquement de doigt. Les consommateurs sans cesse plus exigeants sont en
quête de variété, obligeant les entreprises à inventer et à lancer autant de
nouveaux produits que possible, dans un processus d’innovation sans fin. Certaines réussissent, mais beaucoup d’autres échouent.
Il s’agit là d’une nouvelle étape majeure dans l’évolution économique que
les entreprises doivent parvenir à négocier pour espérer survivre.
Un monde gouverné par le consommateur
Au xixe siècle, Darwin a présenté une vision radicalement nouvelle de l’évolution, des écosystèmes, des espèces animales, de l’être humain et de la culture.
De la même manière que Darwin a porté un regard neuf sur son environnement, les entreprises peuvent-elles aujourd’hui revoir leur manière d’envisager
la gestion clients, afin d’appréhender les changements intervenus dans une
époque régie par les consommateurs ?
Dans cet ouvrage, nous allons nous inspirer de la nature et de la théorie
de l’évolution de Charles Darwin. Prenant appui sur ses idées, nous décrirons certains des moyens mis en œuvre par des entreprises florissantes dans
le but de nouer une relation nouvelle avec leurs clients. Tout comme Darwin
constatait l’existence d’un lien étroit entre une espèce donnée et son environnement, nous observons l’existence d’une relation particulière entre
l’entreprise et ses clients, facteur le plus influent de son environnement.
Cet environnement connaît des changements fondamentaux. À mesure que
les modes de consommation évoluent, la concurrence interentreprise opère
différemment et de nouveaux modèles d’avantages concurrentiels doivent
être élaborés.
L’évolution agit-elle plus subtilement que la force brute ?
« Dans la longue histoire du genre humain (et aussi animal), ce sont ceux qui ont
appris à collaborer et à improviser efficacement qui l’ont emporté. »
Charles Darwin
Il est important de noter que la théorie de l’évolution de Darwin a souvent
été mal comprise de ses contemporains (voir l’encadré « L’avis d’un sceptique »). On l’a trop souvent interprétée comme s’il s’agissait simplement
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Introduction
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d’une question de concurrence – la survie du plus apte, du plus fort, du plus
agressif et du plus puissant.
L’avis d’un sceptique
Par Michael Shermer
Le 2 juillet 1866, Alfred Russel Wallace, co-découvreur de la sélection naturelle,
écrivit à Charles Darwin : « Frappé à maintes reprises par la totale incapacité d’un
grand nombre de personnes, pourtant intelligentes, à percevoir clairement ou
même un tant soit peu les effets autonomes et nécessaires de la sélection naturelle, j’en arrive à la conclusion que le terme lui-même et la manière dont vous
l’illustrez, avec tant de clarté et d’élégance pour beaucoup d’entre nous, ne sont
toutefois pas les plus adaptés pour pénétrer l’esprit du grand public naturaliste. »
L’origine de cette incompréhension, poursuivait Wallace, résidait dans le nom
même de « sélection naturelle », en ce sens qu’il laissait supposer « la vigilance
constante d’un “sélectionneur” intelligent, comme dans la sélection humaine à
laquelle vous la comparez si souvent », et qu’il donnait à penser que « réflexion
et dessein étaient essentiels à son action. » Wallace proposa d’abandonner ce
terme et d’adopter à la place l’expression d’Herbert Spencer : « la survie du plus
apte. »
C’est hélas ce qui se produisit, entraînant l’éclosion de deux mythes qui perdurent
aujourd’hui encore : l’idée d’une orientation presciente de l’évolution et le fait que
la survie dépende entièrement d’une compétitivité impitoyable.
À l’encontre du premier, la sélection naturelle ne décrit pas l’action d’une « force »
mais le déroulement d’un processus.
Le darwinisme, lorsqu’il est bien compris, donne à voir une disposition duelle entre
égoïsme et altruisme, entre compétition et coopération.
Source : Scientific American, 19 janvier 2009
(http://www.scientificamerican.com/article/darwin-misunderstood).
Darwin a démontré que la collaboration entre espèces différentes – grandes
et petites, fortes et faibles – pouvait constituer un avantage décisif en termes
de survie. Partant de là, il faut donc que les entreprises repensent leurs interactions avec les consommateurs, mais aussi avec leurs partenaires et leurs
concurrents. Aujourd’hui, la vision darwinienne de la collaboration incite à
tirer parti de certaines opportunités commerciales telles que la co-création,
l’innovation ouverte et le financement participatif. De même, les nouvelles
technologies et le développement de l’Internet des objets permettent de renforcer l’interaction entre les clients et l’entreprise, de contextualiser l’expérience et de stimuler encore davantage la collaboration.
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Repenser la relation client : s’adapter pour survivre
L’évolution ne se résume pas à la disparition des dinosaures
Une autre méprise porte sur le processus même de l’évolution. Les gens avaient
coutume d’interpréter la vision de Darwin comme l’idée d’une évolution par
grandes étapes successives, où chaque espèce se voyait remplacée par une espèce
plus forte. La réalité s’avère plus subtile et plus complexe (cf. figure I.1). En
effet, sur une période donnée, différentes espèces coexistent, dont certaines
prospèrent davantage que d’autres.
SÉLECTION NATURELLE
Étapes de
l’évolution
La compréhension
traditionnelle de Darwin
La véritable vision
de Darwin
Figure I.1 Comprendre le processus de l’évolution selon Darwin
D’un point de vue commercial, se focaliser uniquement sur les produits
qui se vendent le mieux ou sur le consommateur lambda ne constitue pas
forcément une garantie de succès. Dans un monde régi par le consommateur,
il devient possible de créer des produits spécifiques s’adressant à de petits
groupes et permettant de dégager une marge importante (par le biais notamment de la co-création, de l’impression 3D et de la distribution digitale). Les
méthodes traditionnelles de retour sur investissement (ROI) font courir le
risque de se concentrer à l’excès sur les « mastodontes », au lieu de s’intéresser
à des initiatives de coexistence ou de niche susceptibles d’accroître la satisfaction des clients et d’augmenter les revenus de l’entreprise.
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La clé du succès réside donc dans la capacité à lancer de multiples initiatives
et à s’en remettre à la sélection naturelle opérée par l’environnement. Il s’agit
là d’un profond changement d’approche en matière de gestion clients. Au
niveau de l’entreprise, cette vision ne signifie pas que les firmes traditionnelles
incapables de franchir cette étape soient nécessairement appelées à disparaître
du jour au lendemain. Mais les dernières études économiques montrent que
dans un monde régi par le consommateur, l’écart entre les entreprises gagnantes
et perdantes va croissant, ouvrant la voie d’un commerce à deux vitesses. La
coexistence d’espèces plus ou moins prospères est un fait biologique. La bonne
question, c’est se demander quelle direction vous voulez que votre entreprise
emprunte.
Le paradoxe d’un monde gouverné par le consommateur
Pour réussir dans un monde régi par le consommateur, il faut savoir gérer le
paradoxe suivant : jamais les entreprises n’avaient pu jusqu’ici accéder à tant
de données individuelles sur leurs clients actuels et potentiels, jamais elles
n’avaient bénéficié d’autant de points de contact avec les consommateurs – des
canaux traditionnels jusqu’à l’Internet des objets et aux capteurs sensoriels –,
mais jamais non plus elles ne s’étaient trouvées aussi « perdues » et mises en
danger en termes de gestion clients. Il y avait près de 10 milliards d’objets
connectés en 2010, essentiellement des téléphones mobiles. Les différentes
études montrent qu’il y en aura près de 80 milliards en 2020 (chaque produit
de consommation courante devenant un objet connecté).
Les données en question sont de types très divers, et comprennent notamment les lieux visités par les clients, leurs actions dans l’environnement physique, leurs communications, leurs activités de réseautage social en ligne, leurs
historiques de transactions, de recherches Internet et de voyages, leurs soins
médicaux, les aliments et les boissons qu’ils consomment, les contenus médias
qu’ils recherchent, visualisent et achètent, etc. – la liste est infinie. D’importantes questions se font jour : comment analyser les données adéquates, comment repérer les signaux les plus ténus mais ô combien significatifs, comment
gérer la personnalisation et le respect de la vie privée, tout en évitant les
poursuites pour utilisation imprévue et frauduleuse des données ?
Outre la masse phénoménale des données disponibles, se pose aussi le problème de l’évolution des comportements de consommation et des attentes des
consommateurs quant à leurs relations avec les entreprises. Celles-ci se doivent
désormais de bien comprendre cette nouvelle espèce de consommateurs : ceux
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Repenser la relation client : s’adapter pour survivre
que nous qualifions de « consommateurs hybrides », créatures à la fois humaines
et digitales, constamment actifs et en quête d’expériences présentant une grande
richesse contextuelle. La frontière entre l’humain et le numérique devient en
effet de plus en plus ténue.
Sur la base de nos études et de nos projets les plus récents, nous décrirons
ici les changements survenus dans ce monde régi par le consommateur.
L’adaptabilité, c’est la clé !
Face à ces différents défis, des questions évidentes se posent :
◆◆Quelles caractéristiques clés les entreprises doivent-elles posséder pour
évoluer ?
◆◆Comment les entreprises peuvent-elles libérer le potentiel de leurs clients
digitaux ? Quelle est la différence qui fera la différence ?
◆◆Comment peuvent-elles passer d’une défense « acharnée » du digital à un
juste équilibre entre les opportunités qu’il offre et les modèles fondamentaux de l’entreprise ?
◆◆Comment les entreprises peuvent-elles devenir « digitales par nature » sans
perdre leur culture, leur dimension humaine et leurs facteurs de différentiation essentiels ?
De façon plus générale, la question est de savoir comment l’entreprise peut
mieux collaborer et improviser pour survivre.
En nous inspirant de Darwin et des caractéristiques non concurrentielles
de l’évolution qu’il a mises en évidence (variation, hérédité et symbiose), et
en tirant parti des recherches et des projets d’envergure internationale menés
par BearingPoint and West Monroe Partners (englobant des études de sociologues, d’anthropologues et de biologistes), nous avons identifié quatre modèles
clés tirés de la nature qui envisagent sous un nouveau jour la gestion de la
relation client :
1. Développer la « symbiose » pour libérer le potentiel de vos clients.
La manière dont la nature soutient la collaboration entre espèces suggère
de nouvelles façons d’identifier les opportunités commerciales possibles
entre les consommateurs, l’entreprise et l’environnement.
2. Aiguiser votre « instinct » pour identifier les risques et les opportunités
habituellement imprévisibles. L’exploitation d’outils centrés sur l’analyse
du « big data » et des causes profondes supplante les méthodes statistiques
traditionnelles.
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3. Développer les capacités de « migration » pour explorer de nouveaux
habitats. Le fait que la recherche de nouveaux habitats fasse partie intégrante du cycle de vie de certaines espèces laisse entrevoir comment les
entreprises pourraient exploiter les opportunités nouvelles offertes par les
ruptures technologiques.
4. Tirer parti de la « sélection naturelle » qui permet, si elle est bien comprise et correctement utilisée tant sur le plan interne que sur le plan externe,
d’interroger certaines priorités commerciales et certains processus d’innovation actuels en matière de gestion clients.
Ce livre se présente comme un guide pratique, compilé par nos praticiens.
Nous allons explorer ici les limites de ce nouveau monde régi par le consommateur et le puissant impact des quatre modèles énoncés ci-dessus, en sélectionnant des exemples de projets de transformation parmi les plus pertinents
et en identifiant pour chacun les points clés à retenir.
À l’image de Darwin parcourant de nouvelles frontières à bord de son
navire, le Beagle, et profitant des enseignements de la nature pour identifier
de nouveaux modèles, nous espérons que vous apprécierez de glisser vos pas
dans ceux d’un biologiste. C’est en tout cas le moment de rafraîchir vos idées
sur la gestion clients et de tirer le meilleur de ce monde régi par le consommateur.
« Ce n’est pas l’espèce la plus forte qui survit, ni la plus intelligente, mais celle qui
sait le mieux s’adapter au changement. »
Charles Darwin
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