LE CONCILE D’AMOUR
DE MICHEL MUSSEAU
JEAN-PIERRE LARROCHE
Et FRÉDÉRIC RÉVÉREND
D’après Le Concile
d’amour, tragédie céleste
en cinq actes de
OSKAR PANIZZA
Opéra pour voix, instruments, marionnettes et machineries
Tout public à partir de 14 ans
Les 17 et 18 avril 2010
Dans le cadre du Festival Les Musiques, organisé par le GMEM
Théâtre Massalia Tel. : 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com
La Friche la Belle de Mai 41 rue Jobin 12 rue François Simon Marseille 13003
© Denis Grégoire
DOSSIER DE PRESSE
1
On tient concile restreint au Paradis ! C’est qu’il y a péril en la
demeure chrétienne depuis que le pape Alexandre VI, le trop célèbre
Rodrigo Borgia, s’enlise avec délice dans l’immoralité. Aiguillonné par
Marie et Jésus, entouré d’une foule d’anges, archanges, martyrs et
apôtres, Dieu le Père convoque le Diable pour qu’il remédie aux
orgies terrestres. Le Malin choisit Salo dans son catalogue
infernal, lui fait une belle succube qu’il expédie sur terre. Ne reste
plus à la sulfureuse créature que de contaminer tous les libidineux
qui succombent à ses charmes, et le divin tour est joué.
Acte I
Nous sommes au Ciel. Dieu, vieillard amnésique et maladif est conduit par
une procession d’anges. Il fait une attaque et se plaint auprès d’un
chérubin.
Un messager ailé arrive pour lui dire que la ville de Naples, assiégée par le
roi des Français, s’adonne aux plus ignobles vices. A cette annonce, Dieu
se met dans une colère terrible et fait appeler Marie et le Christ. Ils
décident ensemble de punir les hommes et commencent par descendre sur
terre pour assister au spectacle du festin de Pâques chez le Pape
Alexandre VI.
Acte II
Jour de Pâques 1495 au Palais du Pape Alexandre VI, Rodrigo Borgia,
à Rome. Le pape est entouré de ses neuf enfants (dont Lucrèce Borgia),
de ses belles-filles et beaux-fils, de ses neveux et parents, de ses deux
maîtresses, des archevêques, cardinaux, soldats, dignitaires et
domestiques...
Acte III
Retour au Ciel. Dieu a convoqué le diable pour lui confier une « mission
particulière qui réclame une particulière habileté » : il s’agit de trouver
comment punir les hommes, les ramener au strict usage du sexe en vue de
la procréation.
Trouver une vigoureuse punition. Le diable suggère d’empoisonner la
sécrétion au moment de l’acte sexuel.
Mais la difficulté vient du fait que Dieu demande que les hommes ne
meurent pas et restent propres à la rédemption. Il faut pouvoir les racheter
après qu’ils aient bien souffert. Sinon la race sera éteinte et pas question
de recommencer la Création, Dieu n’en a plus la force. Le Diable part
« chez lui », aux enfers, réfléchir.
Acte IV
Chez le Diable. L’acte commence par une lamentation du Diable sur sa
condition. Puis il se ressaisit et décide de se mettre au travail pour inventer
2
la terrible punition. Ce sera la syphilis, un poison qu’il instillera dans le sang
d’une femme qui sera sa fille. Le Diable sombre à nouveau dans la
dépression et s’étouffe, pris de dégoût. Le Diable va chercher ensuite dans
une foule d’héroïnes célèbres celle qui engendrera, à la suite de leur union,
la créature maléfique porteuse du poison. Ainsi défilent des grandes
amoureuses comme Hélène de Troie, Phrynée d’Athènes, l’Héloïse
d’Abelard, Agrippine... Chacune subit un rapide interrogatoire. Le Diable
finit par choisir Salomé.
Acte V
Le Diable est avec sa fille. La Vierge Marie leur rend visite et découvre
pour la première fois la jeune femme d’une grande beauté.
Si Le Concile d’amour séduisit tant André Breton, ainsi qu’il le révéla dans
sa préface, c’est que la pièce de Oskar Panizza ouvrait « l’abîme du Mal en
tant que problème » et qu’au lieu de virer au drame elle voulait que ce soit
« la dérision qui mène le jeu ». Le chef de file des surréalistes ne pouvait
que fendre ardemment le délire poétique qui se cachait derrière l’excès,
le grotesque et la charge de l’œuvre. Mieux, l’idée que cette poésie
iconoclaste puisse armer la libre pensée contre les croyances aliénantes
devrait le réjouir si fort qu’il salua cet « esprit de sédition » qui brave de tels
interdits que, de nos jours encore, il est présumable que la réaction des
spectateurs imposerait le baisser du rideau avant la fin de la première
scène. »
André Breton savait comment cette géniale bouffonnerie, découverte en
France par hasard avant de devenir culte après la mise en scène de Jorge
Lavelli en 1969, avait ésaisie, interdite dès sa parution en Allemagne
soixante-dix ans plus tôt, vendue à prix d’or sous le manteau, achetée en
nombre par des proches espérant ainsi détruire l’objet du scandale et
condamner son auteur à l’oubli. Et comment l’écrivain allemand, qui avait
fait imprimer son texte en Suisse pour le sauver, avait été emprisonné un
an pour blasphème, poursuivant ainsi sa propre « tragédie céleste »
commencée dès l’âge de deux ans, quand il avait échappé de peu à la
bigoterie catholique par la mort de son père d’origine italienne pour tomber
sous la coupe du protestantisme rigide d’une mère d’origine française qui le
rêvait pasteur.
3
De la pièce d’Oskar Panizza à l’opéra de Michel
Musseau et Jean-Pierre Larroche
Le Concile d’Amour, tragédie céleste, est la mise en scène blasphématoire
de l’assemblée de Dieu vieillard amnésique et cacochyme -, de Marie
érotomane rouée -, du Christ poitrinaire demeuré -, convoquée au Ciel
pour statuer sur le châtiment que mérite la dépravation des hommes. À
court d’idées, ils font appel au Diable, seul à même d’inventer la terrible
punition…
Le Concile d’Amour est une œuvre « irréalisable » sur scène parce qu’elle
est excessive, énorme, bavarde, parce qu’elle convoque des dizaines de
personnages, figures subtiles et caricaturales. (quarante-six principaux
dont Dieu le Père, Marie, Jésus, le Diable et une centaine de figurants dont
le Saint-Esprit, quelques archanges, amours, Marie-Madeleine, des
martyrs, les ombres des morts…), des décors de péplums… C’est une
œuvre irréalisable avec les outils «classiques » du théâtre mais nous la
réaliserons avec nos outils musicaux et scéniques !
Ecrire un opéra à partir du Concile d’Amour suppose l’adaptation.
L’auteur est iconoclaste, nous le serons avec lui : il autorise et requiert des
ellipses et des coupes.
Cette pièce est un chef-d’œuvre de la littérature satirique, burlesque et
tragique. C’est une pièce allégorique, excentrique, écrite en réaction à
l’autorité et à la pensée autoritaire, la censure et l’autocensure.
Elle dénonce le pouvoir de l’Église, souligne l’absurdité de ses dogmes,
dénie la faute originelle. Son écriture est souvent débridée, dévastatrice.
Oskar Panizza y a « fourré» toute son immense culture du XVIe italien
étudiée pour objectiver peut-être la haine huguenote et maternelle qui a
déchiré son enfance, c’est un hurlement désordonné et féroce, déséquilibré
comme son auteur.
Notre projet n’est pas d’abord musical, ou visuel ou théâtral, il articule
véritablement les trois domaines sans en mettre un au premier plan. Les
écritures musicale et scénique s’élaborent ensemble pour inventer une
forme opératique, un théâtre musical, cinématographique et radiophonique.
Notre Concile nous le rêvons tranché, éclaté, grotesque, râpeux, chantant,
ironique, brut, malin comme le diable, roué comme la Vierge Marie, multiple
et saturé comme la guitare électrique, tragique et violent comme la fureur
de Panizza
Jean-Pierre Larroche : Est-ce qu’on peut entendre le Mal en musique ?
Michel Musseau : Oui. A certaines époques le Mal pouvait s’exprimer en
transgressant les règles harmoniques et mélodiques, il suffisait d’utiliser
certains intervalles interdits pour qu’apparaisse le méchant, que l’on devine
les mauvaises intentions, que l’on ait peur…C’était très codé dans la
musique médiévale et plus tard dans l’harmonie tonale.
J-P. L : Et maintenant ?
4
M. M : À partir du XXe siècle, l’oreille s’est peu à peu habituée à tout
entendre. Le mal en musique peut se faire entendre par des sons violents,
stridents, par des accords dissonants, mais aussi par contraste,
oppositions de timbres, d’intensités, par polytonalités, par toutes sortes de
nuances raffinées, d’effets sonores inattendus. Dans l’opéra, basé sur le
langage du livret, la musique a le pouvoir de pervertir le sens des mots,
exprimer un Mal en douceur, un Mal caché, un Mal qui se dévoile petit à
petit…
J-P. L : Que penses-tu du Diable ?
M. M : Le Diable, nous l’avons inventé, c’est notre part triste à mourir. C’est
l’instinct de mort en nous, indéboulonnable. Si le Diable est l’incarnation de
la mélancolie, sa boiterie en témoigne. Le Diable, par sa boiterie est
déséquilibré, oblique. Le Diable c’est la pensée libre, le Mal inévitable et
connu. Il représente notre part d’inventivité, de nos intuitions, de notre
vérité. Il est l’adulte qui est resté lié à l’enfance, en cela il est un artiste.
Chez Panizza, le diable est lucide. Il connaît la vérité, fait son travail en
professionnel, il est franc, ne cache rien de ses mauvaises intentions, ses
commanditaires sont les plus pervers.
J-P. L : Alors, trombone, violon, guitare électrique, est-ce un assemblage
diabolique ?
M. M : Je ne pense pas qu’il y ait à proprement parler d’instruments
diaboliques, mais il peut y avoir une manière diabolique de les faire sonner,
de les agencer, de composer, d’associer les instruments entre eux et de
leur donner par l’écriture un caractère musical diabolique. Je me souviens
que le trombone, dans l’Orféo de Monteverdi, symbolise le monde
souterrain des morts, de l’enfer. En ajoutant une guitare électrique saturée,
et un violon « râpeux, légèrement désaccordé » je constitue un « continuo
» partenaire diabolique idéal, tissage harmonique dans lequel le Diable
peut épancher sa mélancolie, la Vierge sa perversité, Dieu son ignorance
d’amnésique, Jésus sa platitude niaise. Car il s’agit dans la pièce de
Panizza, d’une association de malfaiteurs.
J-P. L : As-tu l’intention de donner une forme sonore à la débauche
sexuelle?
M. M : On peut représenter la débauche sexuelle dans la musique à travers
des mélodies sensuelles, sauvages, allant pour la voix du parler au
chanter, dans une forme ouverte, librement harmonisées avec des notes
qui s’échappent, des accords indépendants, des timbres vocaux,
instrumentaux et électroacoustiques, dans des registres variés et imprévus.
Exprimer une liberté musicale, néanmoins écrite, mais donnant la
sensation d’être improvisée dans le moment de l’écoute : plaisir de chanter,
de jouer sans contrainte.
J-P. L : Je pense à la façon dont Panizza regarde la cour des Borgia et ses
débauches, il en fabrique une représentation un peu lourde et très
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