"La place de l'humour dans une démocratie de l'information"
Y a-t-il des limites à la liberté d'expression ?
Présentation de la matinée
«Au commencement était le verbe», nous dit la Bible.
Mais, c'est quoi ce verbe ? Et comment ils savent, les bougres, puisqu'il n'y avait encore
personne sur terre ? A qui il s'adressait, ce verbe ? Qui était là pour l'entendre ?
Reprenons : «Au commencement était un serpent, une pomme, elle et lui.» Et entre ces quatre-là
un acte de transgression, c'est-à-dire la possibilité de l'humour.
Le serpent
Le serpent qui dit : «le fruit interdit ? Ah, Ah ! Quelle blague !» Le serpent, le diable, est le
premier à rire. C'est lui qui, le premier, introduit le sarcasme.
Mais qu'est-ce qui pouvait le motiver à pousser à la transgression ? Peut-être que, lui, être de
sang froid, se disait qu'à ouvrir les portes de l'enfer, il aurait plus chaud … Mais surtout il savait
qu'alors il pourrait renverser le monde et ainsi exister.
Le monde ne serait plus alors d'évidence, et l'action humaine serait truffée de points
d'interrogations. Notez que c'est lui qui a inventé la catégorie grammaticale de l'interrogation : face
à l'impératif divin, il opposait l'interrogatif démoniaque.
C'est un peu comme dans les histoires de la Panthère rose ou, pour les plus âgés d'entre vous, du
chien Pluto de Mickey. Quand les deux se trouvaient devant une situation embarrassante ne sachant
quelle décision prendre, leur apparaissait, d'un côté un ange Panthère rose, un ange Pluto, de l'autre
un diable Panthère rose, un diable Pluto. Chacun y allant de ses conseils.
Ainsi sont nées la contradiction, l'opposition, la polémique, sans lesquelles la vie n'aurait pas
beaucoup de sel.
Le serpent —le diable donc— c'est le côté obscur de la force, l'ombre sans laquelle la lumière
n'aurait pas de sens, le revers de la médaille sans lequel il n'y aurait pas d'envers, bref, le Mal sans
lequel on ne pourrait concevoir le Bien.
Nous voilà donc plongés dans le bonheur du désaccord et du doute.
La pomme
La pomme, rotondité de la terre, qui sait que les peuples n'auront de cesse de l'exploiter, de la
bouffer jusqu'au trognon.
"Trognon" mot privilège qui, au fur et à mesure qu'on l'effeuille d'une lettre, continue de signifier
quelque chose : "trognon", retirez le "t", il reste "rognon" ; retirez le "r", il reste "o(i)gnon" ; enlevez
le "o", il reste "gnon" ; enlevez le "g", il reste "non" ; retirez le "n", il reste "on" ; enlevez le "o", il
reste… le "n", comme… Noémie ou Norbert, ou nul.
Alors, autant rester "trognon", se dit la terre, c'est tellement plus mignon !
Elle
Elle, la femme, qui se dit qu'elle en a marre de cette nature paradisiaque, de tous ces oiseaux, ces
poissons, ces animaux, ces gnangnan au son des violons des angelots du ciel.
Elle, qui pense qu'il est temps de sortir de la nature et d'entrer dans la culture, et que pour cela il
faut transgresser l'interdit. Et, crack ! la voilà qui croque la pomme, puis la tend à son compagnon.
Lui
Lui, l'homme, déjà en retrait, qui voit arriver cette pomme entamée, formant un creux, une
mystérieuse caverne, comme une invite à y planter ses dents.
Lui, l'homme, prêt à se soumettre, mais qui, quand même, malicieux, se dit qu'à être vêtus de
peaux de bêtes, ce serait plus excitant, plus érotique.