-L’ alphabet socio-politique :
L’analyse socio-politique guide le regard posé par VILLEGLE sur son environnement urbain et
oriente ses recherches plastiques dés 1969 sur un nouveau système d’écriture qui se développe
progressivement dans l’espace public : à la faveur de la visite de Richard NIXON à De GAULLE, les
graffitis investissent les murs du métro parisien en utilisant un code de lecture spécifique, dans lequel
interviennent le politique, le social, le religieux, l’économique. Depuis, Jacques VILLEGLE récole,
juxtapose et recompose les graphismes sur les toiles, les affiches, les objets, les vêtements questionnant
cette expression anonyme qui témoignent que tout système d’écriture reflète un état du pouvoir.
« En 1969, quand j’ai réalisé que je pouvais créer un nouvel alphabet qui serait appelé socio-politique,
j’ai saisi que je pouvais amener un élément nouveau dans la façon de raconter l’histoire actuelle. De
créer un alphabet après les alphabets zoomorphiques, anthropomorphiques, cela me faisait comprendre
que la fin de la calligraphie n’était pas prête et qu’il pouvait y avoir un renouvellement ».
-Créer votre alphabet : alphabet animalier , alphabet des plantes, alphabet de la cuisine, alphabet de
la salle de bain, alphabet du code de la route…
En vous servant des formes et des signes relatifs à chaque domaine, imaginez un nouvelle
alphabet.
3-Le statut de l’art, le geste de l’artiste :
- La démarche de VILLEGLE s’inscrit dans la lignée de DADA et de Marcel DUCHAMP.
- Appropriation du réel
- Absence de savoir faire pour créer / artiste non technicien.
En 1960, membre fondateur du Nouveau Réalisme, VILLEGLE déclare : « mon concept fut de prouver
qu’une nouvelle race d’artistes non techniciens pouvait exister ».
Pour l’artiste « Ravir, collectionner, signer des affiches lacérées, vivre chez soi avec elles, les exposer
dans les galeries , les salons, les musées, c’est non la mise en question de l’œuvre d’art au sens du ready–
made de DUCHAMP, mais bien une mise en question de l’artiste traditionnel et professionnel »
VILLEGLE pressent (au moment où toutes les manières d’abstraction envahissent la toile ou le scène
occidentale de la peinture) qu’il est possible , d’un geste, de résumer ou de généraliser la tendance
abstraite, de s’en arracher en mécanisant le geste abstrait, le vidant par là de toute intentionnalité : en
niant le peintre qui traditionnellement cherche à « composer » par une série de formes une imagerie qui
lui serait aussi personnelle que le regard qu’il pose sur les choses ou les sociétés où il vit.
Le geste de VILLEGLE en prélevant des affiches elles mêmes déjà recouvertes par d’autres affiches
publicitaires, exposées dans les lieux publics, malmenées par la rue, s’oppose à l’hésitation subjectiviste
du « peintre traditionnel ». En arrachant des affiches elles mêmes lacérées, en les collectionnant, en en
constituant des séries qui sont autant de moments, ce sont des parcelles de société qui sont ainsi
désignées, montrées (puisque exposées) ; disons manifestées avec une violence qui se refuse à tout secret
et à toute intériorité. VILLEGLE ne retient dans le prélèvement d’affiches déchirées que son propre geste
qui est celui d’un « arrachement littéral ». En ce sens son radicalisme est exemplaire. Son attitude va
rejoindre celle des Nouveaux Réalistes où prélèvement et manipulation d’objet de consommation
courante seront données à voir socialement, puis esthétiquement. Ce qui fut d’abord considéré comme de
la provocation est devenu aujourd’hui la mémoire collective d’ « une civilisation de consommation ».
L’ensemble des lacérateurs, ravisseurs, voyeurs et collectionneurs sera distingué par la dénomination
générique « Lacéré Anonyme ».