Le vol V188 Ariane 5 ECA décollera avec, à son bord, deux missions scientifiques de l’Agence spatiale européenne (ESA), Herschel et Planck, qui étudieront respectivement la formation des étoiles et des galaxies, et les reliques de la radiation du “Big Bang”. Il s’agira des premiers satellites de l’ESA placés sur une orbite autour du 2e point de Lagrange, situé à environ 1,5 millions de km de la Terre et à l’opposé du Soleil. Dans cette position, ils seront plus faciles à refroidir et à protéger du rayonnement du Soleil, de la Terre et de la Lune qui pourraient perturber leurs mesures. Développés sous un seul programme de l’ESA – par la même équipe, le même architecte industriel et un même concept de développement –, ils bénéficient ainsi des synergies et de l’optimisation de ressources entre les deux missions. © 2009 ESA Regarder vers l’Espace Rapprocher Par l’ESA L a science d’Herschel : Comprendre la formation des étoiles et des galaxies Depuis toujours, les astronomes se demandent quand et comment les galaxies se sont formées, si elles sont toutes nées au même moment de l’histoire cosmique, et si les premières galaxies étaient comme celles que l’on observe aujourd’hui. Pour qu’un télescope puisse aider à répondre à ces questions, sa capacité à observer la lumière visible enfouie dans la poussière et convertie en lumière infrarouge est essentielle. Environ la moitié de la lumière émise par les étoiles tout au long de l’histoire de l’Univers a été absorbée et réémise comme de la lumière infrarouge, et quelques galaxies émettent toute leur énergie dans cette gamme du spectre lumineux. Malgré l’intérêt scientifique des longueurs d’onde infrarouges et submillimétriques, du fait de ne pouvoir être observées depuis la Terre et nécessitant des télescopes et des intruments refroidis à des températures cryogéniques, elles sont restées relativement inexplorées jusqu’à nos jours. En effet, la température de certains objets astronomiques approchant le zéro absolu (-273.15°C ou 0 K), essayer de les observer avec un instrument plus chaud revient à essayer de voir une étoile à la lumière du Soleil de midi, d'où le besoin de refroidissement cryogénique pour les observer. Avec l’étude de la gamme des longueurs d’onde infrarouges et submillimétriques, Herschel délivrera une vue sans précédent de l’Univers, découvrant des détails des corps célestes cachés à l’observation de la lumière visible, soit parce qu’ils se trouvent dans la poussière, soit tout simplement parce qu’ils sont trop froids pour émettre de la lumière visible. t 28 / LATITUDE 5 / N°84 / AVRIL 2009 Un regard vers l’aube des temps. © ESA / S. Corvaja Herschel en salle blanche à l’EPCU S1B. DÉVOILER L’UNIVERS Quand on compare Herschel avec ses prédécesseurs (le satellite IRAS, une collaboration entre les Pays-Bas, le Royaume Uni et les États Unis en 1983 ; ISO, l’observatoire spatial infrarouge de l’ESA, en 1995 ; la mission japonaise Akari en 2006 ; ou Spitzer, le télescope spatial américain toujours opérationnel), sa plus grande innovation réside dans son très grand télescope de 3,5 mètres de diamètre, le plus grand jamais réalisé pour une application spatiale. son hélium – environ 3,5 années après le lancement –, la température des instruments augmentera et Herschel ne sera plus en mesure de réaliser ses observations. En dessous du module de charge utile, le module de service constitue la troisième section. Il abrite l’électronique des instruments et les équipements responsables des fonctionnalités de la plateforme du satellite, tels que la communication et le traitement de données. Ces équipements opèrent à température ambiante. Le satellite Herschel (environ 7,5 mètres de hauteur, 4 mètres de largeur et 3,4 tonnes au décollage) se compose de trois sections. Dans la première, on trouve le télescope et son miroir primaire de 3,5 mètres de diamètre protégé par un parasol. Le télescope concentre la lumière sur trois instruments scientifiques dont leurs détecteurs sont logés dans un réservoir sous vide, appelé cryostat. Les détecteurs des instruments et le cryostat constituent la deuxième section du satellite, le module de charge utile, situé en dessous du télescope. Le cryostat contient plus de 2 000 litres (au décollage) d’hélium liquide superfluide à une température stable en dessous de -271°C, nécessaire pour que les instruments puissent opérer à leur meilleure sensibilité. Puisque l’hélium s’évapore à une vitesse constante, le cryostat se videra progressivement. Quand le cryostat aura perdu tout Les trois instruments scientifiques d’Herschel ont été développés par près de 40 instituts, principalement européens, avec la participation des États-Unis et du Canada. Complémentaires, et grâce à la large gamme de spectre couverte, HIFI, PACS et SPIRE seront capables d’observer le processus complet de formation des étoiles, depuis les premières étapes de condensation jusqu’au moment où une protoétoile émerge de son cocon et naît. Le maître d’oeuvre pour Herschel est Thales Alenia Space (Cannes, France). Astrium (Friedrichshafen, Allemagne) est responsable pour le module de charge utile, et Thales Alenia Espace (Turin, Italie) pour le module de service. Astrium (Toulouse, France) a fourni le télescope. LATITUDE 5 / N°84 / AVRIL 2009 / 29 © ESA / S. Corvaja Planck en salle blanche à l’EPCU S1B. La science de Planck : Un regard vers l’aube des temps Selon le modèle du “Big Bang”, l’Univers actuel a émergé d’un état extrêmement dense et chaud il y a environ 13,7 milliards d’années. Dans son enfance, cet Univers était très lumineux. Cette lumière a été considérablement diluée par l’expansion de l’Univers. Dans le ciel, on observe encore son éclat, la radiation appelée rayonnement fossile cosmologique, dans le domaine des microondes. Planck observera les reliques de cette première lumière, et dévoilera l’Univers tel qu’il était “seulement” 380 000 années après le “Big Bang”, bien avant la formation des premières étoiles, galaxies et amas de galaxies, emmenant les scientifiques au plus près qu’ils n’ont jamais été des origines de l’Univers. Le télescope de Planck concentrera la lumière du rayonnement fossile cosmologique sur des réseaux de détecteurs, qui produiront une mesure de température. Pour une précision sans précédent, ces détecteurs doivent être très froids, à des températures aussi basses que 0.1 K, car par le refroidissement de l’Univers la température que Planck va mesurer n’est actuellement que d’environ -270°C (2.7 K). Les variations de température du rayonnement fossile cosmologique que ces détecteurs doivent mesurer sont d’environ un millionième de degré – c’est comme si l'on mesurait depuis la Terre la chaleur dégagée par un lapin qui se trouverait sur la Lune ! Le satellite Planck (environ 4,2 mètres de hauteur, 4,2 mètres de diamètre maximum et 1,96 tonnes au décollage) consiste en deux éléments principaux : un module froid de charge utile, qui comprend les deux instruments scientifiques et le télescope, et une plateforme satellite, ou module de service. Les instruments et le télescope sont refroidis à une température stable d’environ -223°C (50 K) par le système passif de refroidissement. La température des détecteurs est refroidie jusqu’à des valeurs aussi basses que 0,1 K, par le système actif de refroidissement. Trois boucliers thermiques réfléchissants empêchent la diffusion de la chaleur du module de service vers le module de charge utile. Le module de service, de forme octogonale, loge les systèmes de traitement de données et de communication ainsi que l’électronique des instruments. Sous la base du module de service se trouve un panneau solaire 30 / LATITUDE 5 / N°84 / AVRIL 2009 circulaire plat, illuminé en permanence, qui a la double fonction de générer l’énergie nécessaire pour le satellite et de le protéger de l’incidence directe de la radiation solaire. Les deux instruments scientifiques de Planck, un instrument à haute fréquence (HFI) et un instrument à basse fréquence (LFI), se compléteront parfaitement. L’Institut d’Astrophysique Spatiale d’Orsay (France) a dirigé un consortium de plus de 20 instituts pour HFI ; pour LFI, c’est l’Istituto di Astrofisica Spaziale e Fisica Cosmica de Bologna (Italie) qui a dirigé une collaboration similaire. Le maître d’œuvre pour Planck est Thales Alenia Space (Cannes, France), qui dirige un consortium de partenaires industriels, et est responsable pour le module de charge utile. Thales Alenia Space (Turin, Italie) est responsable pour le module de service. L’ESA et le Centre national spatial danois (Copenhagen, Danemark) ont fourni les miroirs du télescope. 4 Les miroirs primaires : à la pointe de la technologie Le miroir primaire est le capteur de lumière du télescope. Il capture la lumière des objets astronomiques et la dirige vers un deuxième miroir plus petit. Cette lumière concentrée est alors envoyée aux instruments, où elle est détectée et analysée. Les dimensions du miroir primaire ont une importance majeure pour la sensibilité du télescope : plus il est grand, plus il capture de lumière. La surface est également importante. Elle doit être précise dans sa forme et parfaitement régulière car même les rugosités les plus faibles peuvent altérer l’image finale. Finalement, pour un télescope spatial, il doit être très léger (comme tous les équipements d’un satellite) et doit résister aux conditions extrêmes du lancement et aux basses températures de l’espace extérieur. Celui d’Herschel fait 4 fois la taille du plus grand miroir utilisé pour un télescope spatial infrarouge, et capturera presque 20 fois plus de radiation. Il est aussi presque une fois et demie plus grand que celui du télescope spatial Hubble. Sa surface est quasi parfaite, avec des irrégularités qui ne dépassent pas le millième de millimètre. Celui de Planck, de 1,9 x 1,5 mètres, est également très grand pour une mission spatiale, avec une masse de seulement 28 kg.