Michel Voisin, Comprendre la monnaie et les politiques monétaires

Les comptes rendus
/
2012
Michel Voisin, Comprendre la
monnaie et les politiques
monétaires
NICOLAS MERA
Michel Voisin, Comprendre la monnaie et les politiques monétaires,
Paris, Bréal, coll. « Thèmes et Débats Economie », 2011.
Texte intégral
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Dans l'ouvrage Comprendre la monnaie et les politiques monétaires, Michel
Voisin, professeur en classes préparatoires, propose une étude détaillée du
fonctionnement de la monnaie. Il structure son argumentation autour de neuf
questions essentielles, qui touchent tant l'aspect économique de ce « fondement de
l'économie de marché » que son impact social, culturel, et historique. S'interrogeant
sur les nouveaux enjeux de la planète à l'heure des crises, de l'avènement des
nouveaux produits financiers et de la dématérialisation de la monnaie, Michel
Voisin se penche sur l'avenir de la zone euro et sur le le des institutions qui
contribuent à son fonctionnement.
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La monnaie n'est-elle qu'un intermédiaire des échanges ? Michel Voisin répond
aux classiques comme Say qui estimait qu'elle n'était qu'un « voile posé sur la
réalité des échanges » en reprenant les trois principales fonctions de la monnaie
ritées d'Aristote : celle d'unité de compte, pour évaluer les produits par rapport à
leur prix ; celle d'instrument des transactions qui facilite les échanges ; et celle de
réserve de valeur, qu'il définit comme « convertible instantanément en n'importe
quel bien ou service ». M. Voisin crit l'évolution des différentes formes de
monnaie, des « monnaies-marchandises » (blé, orge, métal, etc.) de l'Antiquité au
portefeuille électronique dont nous disposons aujourd'hui. Puis il réfchit sur son
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rôle social : à partir de l'exemple du peuple Baruyas de Nouvelle-Guinée, qui utilise
des barres de sel comme monnaie, il montre à quel point cette dernière joue dans
les relations sociales, permettant de « resserrer les liens ou créer des
dépendances », ce dont on peut voir l'illustration dans nos sociétés actuelles avec la
mode des chèques-cadeaux. Enfin, l'auteur invoque Marx pour qui la monnaie
« déguise un rapport social » et ce pour rappeler la nécessi d'une confiance, d'un
consentement, et de glementations pour garantir la stabilité de ce qu'il appelle le
"moteur du système capitaliste".
D'où la monnaie acquiert-elle sa valeur ? Alors qu'au XVIIe siècle, le bimétallisme
ou le monométallisme dominent avec l'or et l'argent principalement,
l'accroissement de la quantité de monnaie en circulation conduit inévitablement à
une dématérialisation progressive. Ces besoins toujours croissants expliquent
l'avènement de la monnaie fiduciaire (billets) puis scripturale (dépôts bancaires) ces
dernières années ; la convertibilité-or de la monnaie a d'ailleurs soulevé plusieurs
débats, notamment du fait que les banques octroyaient des crédits et diffusaient du
papier-monnaie « sans limites » et surtout sans avoir les serves métalliques
nécessaires. Michel Voisin propose l'exemple britannique de la fin du XVIIIe siècle,
et l'opposition entre les défenseurs du banking principle mes par J.S.Mill, pour
qui « les crédits font les dépôts » et qui ne veulent par conséquent aucune limite à
l'émission de monnaie, et ceux du currency principle avec Ricardo notamment qui
veut limiter son émission pour ne pas mettre en danger la valeur de la monnaie. Le
Peel's Act de 1844 tranche en séparant les fonctions d'émission et de refinancement
de la monnaie. L'auteur conclut le chapitre par une classification de la masse
monétaire en fonction des difrents degrés de "liquidité" de la monnaie ou des
risques qu'elle présente : pour plus d'informations, consultez les sites de la Banque
Centrale Européenne (http://www.ecb.int) ou de la Banque de France
(www.banque-france.fr).
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La création motaire est-elle contrôlable ? Pour une majorité des pays
industrialis, l'intervention d'une banque centrale est devenue « cessaire » vers
le milieu du XIXe scle. Selon M.Voisin, le développement du crédit est l au
décalage pour les agents économiques entre leurs dépenses et leurs revenus, ce qui
les incite à avoir recours aux banques commerciales après évaluation du "risque"
par ces dernières.
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D'où l'importance de la monnaie centrale, « acceptée par tous » et illimitée depuis
la fin de la convertibilité-or et de férence réelle. La banque centrale joue ainsi un
rôle essentiel car elle réglemente son émission de liquidités afin de contrôler
l'ensemble du système bancaire : par les réserves obligatoires d'une part, liquidités
des banques détenues à la banque centrale en fonction de leurs dépôts (2 % pour la
BCE aujourd'hui), et d'autre part par les mécanismes du multiplicateur et du
diviseur de crédit.
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Tout cela moigne de « l'effet régulateur » de la banque centrale sur le sysme
bancaire, les banques commerciales ne sont « pas totalement libres » de leur
création monétaire.
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Les banques centrales utilisent-elles les mêmes stratégies pour définir leur
politique monétaire ? Pour contrôler au mieux le sysme bancaire, tout en le
curisant afin d'éviter l'inflation, la Banque Centrale peut jouer sur le prix des
liquidités ou leur quantité : M.Voisin cite l'exemple de la politique d'open market
qui vise au refinancement des banques commerciales. L'auteur ajoute que toute
stratégie monétaire s'appuie sur une analyse économique, qui considère les prix, la
consommation, la production, la croissance et en tire les conclusions nécessaires
quant à leur action ; mais aussi une analyse monétaire, qui vérifie si les taux sont
respectés, concernant la masse monétaire, les liquidités, l'endettement.... Ceci pour
aboutir à un diagnostic néral qui orientera la politique motaire de la banque
centrale, en particulier en jouant sur le taux d'intérêt.
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Toutefois, comme le souligne M.Voisin, la BCE et la FED (banque centrale
américaine) adoptent des stratégies "plus ou moins actives", en témoigne la
rapidité de la banque américaine à opter pour une politique contracyclique ces
dernières anes, à la difrence de la banque de la zone euro. Selon lui, il existe une
« faiblesse européenne » car la BCE ne dispose que d'un petit budget par rapport à
la FED, de plus son indépendance lui donne peu de marge de manœuvre vis-à-vis du
patchwork des pays de la zone euro.
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Quels sont les canaux de transmission de la politique monétaire ? Malgré une
politique monétaire européenne, il existe de fortes divergences dans chaque pays
(inflation, investissement, production, prix...). Michel Voisin montre ici l'effet de la
politique monétaire sur tous les plans de l'économie : par exemple, les prix et la
production sont inversement proportionnels au taux d'intérêt ; ou encore, les
entrepreneurs capitalistes le prennent en compte pour « conduire leurs activités ».
De plus, la politique monétaire touche les actifs financiers : si le taux d'intérêt croît,
leur valeur chute, et s'il baisse, il se crée un « effet de richesse ». Dans cette logique,
il est une variable de spéculation immobilière.
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Enfin, M.Voisin insiste sur le fait que l'internationalisation de l'économie peut
influencer la politique motaire de chacun, comme ce fut le cas dans les années
1960 aux États-Unis, avec l'arrivée des Eurodollars, alors que les Américains ne se
souciaient pas de l'extérieur. Je vous invite à consulter le compte-rendu du livre de
Denis taillé, Les lieux de la mondialisation en suivant ce lien
(http://lectures.revues.org/8499) pour mieux saisir ce concept et les autres enjeux
économiques de la mondialisation.
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De me, la politique motaire joue sur les taux de change (en attirant les
capitaux étrangers), la compétitivité des entreprises (pour leurs exportations) et
me les épargnes collectives (retraite dans les pays anglo-saxons par exemple).
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Comment les crises monétaires ou bancaires peuvent-elles être surmontées ?
Aujourd'hui, avec le développement de nouveaux produits financiers, la
mondialisation des échanges, les dettes dites « souveraines », les institutions
bancaires sont d'autant plus fragiles. Pour M.Voisin, tout d'abord, une crise est
avant tout une crise de confiance : un simple doute dans la valeur monétaire, et c'est
une panique généralisée, en témoignent les faillites de John Law (1720) ou des
assignats français (1796). De plus, dans le mécanisme du crédit, prêteur et
emprunteur se trouvent dans la me situation dite d' « asymétrie d'information » :
aucun ne sait s'il peut faire confiance à l'autre. En cas de crise, la Banque Centrale
est sommée d'assumer son rôle de "prêteur en dernier ressort", malgré de faibles
capacités d'action, en particulier dans la zone euro actuellement. Alors si des
établissements financiers sont confrontés à des difficultés, les États sont mis à
contribution, comme ce fut le cas pour le Crédit Lyonnais en France, afin de contrer
un climat d'insécurité générale. Progressivement se sont mises en place des
politiques d'assouplissement du secteur bancaire, ainsi qu'un contrôle
« prudentiel » pour éviter des possibles dérives financières. Suite aux crises
économiques d'échelle mondiale, des institutions, telles la BCE ou le FMI, aident à
coordonner les politiques budgétaires et financières des États. Mais l'accent est
davantage mis, pour Michel Voisin, sur l'action de chaque État au niveau national.
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L'inflation est-elle un mal absolu contre lequel les autorités monétaires doivent
combattre sans merci ? Combattre l'inflation est une mission primordiale pour tous,
mais les causes et les solutions divergent. Pour les défenseurs de la théorie
quantitative, la monnaie n'est qu'un « voile », une marchandise comme une autre :
pour eux, les banques jouent un rôle crucial dans l'approvisionnement de monnaie,
influençant dès lors le niveau des prix. Les motaristes, menés par Friedman, ont
reformulé cette théorie : ils évoquent un mécanisme plus complexe, et rendent les
pouvoirs publics responsables de l'inflation. Pour y échapper, il faudrait soit trouver
un nouvel étalon monétaire, soit mettre en place une banque centrale indépendante,
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Pour citer cet article
Référence électronique
Nicolas Mera, « Michel Voisin, Comprendre la monnaie et les politiques monétaires »,
Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2012, mis en ligne le 21 juin 2012, consulté le 21 juin
2012. URL : http://lectures.revues.org/8754
dacteur
soit un dispositif de contrôle de la masse monétaire.
Mais l'inflation peut être justifiée ailleurs : dans les coûts par exemple, au sein
d'une entreprise ; ce qui fait penser aux keynésiens et aux post-keynésiens que la
théorie quantitative est "inadéquate", et que la régulation par le crédit est « délicate
et peu concluante » car la banque ne sait pas comment l'emprunteur l'utilise.
Toutefois, selon certains, l'inflation peut être « créatrice » (production, emploi,
etc.).
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Pourquoi une banque centrale doit-elle être crédible ? Michel Voisin insiste sur le
fait qu'une banque centrale doit agir indépendamment du pouvoir politique pour
répondre à ses deux missions principales : combat de l'inflation, stabilité des prix, ce
qui interdit donc la « planche à billets ». Toutefois, les autorités politiques peuvent
intervenir dans le choix de ses dirigeants. Ainsi, une banque centrale tire sa
crédibilité de la confiance qu'on lui accorde : elle doit donc jouer son le de
« prêteur en dernier ressort » et annoncer des objectifs plausibles. Mais comme
M.Voisin le rappelle dans un second temps, "la crédibilité ne se décrète pas, elle est
révée par des faits" : taux d'intérêt, croissance, tant de résultats qui indiquent si
elle est fiable. Cependant, il existe un « paradoxe de la crédibili » qui fragiliserait
l'économie tout en répondant à ses objectifs : voilà les risques d'une économie en
perpétuelle mutation.
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Fallait-il constituer la zone euro ? Comme le rappelle Michel Voisin, elle procure
de nombreux avantages : plus de sistance aux « chocs » externes, consommation
accrue, concurrence, innovation... Le tout dans un marché monétaire élargi,
facilitant les échanges, qui peut enfin rivaliser avec le dollar. Toutefois, la remise en
cause tient au fait que des pays très hétérogènes ont adopté l'euro, ce qui rend
difficile l'application d'une politique monétaire commune. Dans cette zone, on
trouve des contraintes budgétaires inégales, des taux d'inflation variables, et des
enjeux nationaux divergents... Le tout risquant de compromettre l'action de la BCE.
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Il est vrai que l'euro, en s'affirmant comme une monnaie de taille, s'est trouvé
une place de choix sur le plan international ; or, l'entrée dans la zone de pays au
poids économique plus faible risque de fragiliser l'euro et de "compliquer la gestion
de la BCE" selon M.Voisin.
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Les crises récentes témoignent de faiblesses inrentes à la zone euro, la BCE
a été contrainte de financer les États malgré un règlement qui l'interdisait.
Toutefois, tout le monde s'accorde pour ne pas revenir à la situation antérieure, bien
moins préférable.
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Dans cet ouvrage, Michel Voisin pèse non seulement le poids de la monnaie dans
les sociétés contemporaines, mais il prend également en compte l'historique des
nations en la matière. En s'appuyant sur des théories économiques qui vont
d'Aristote à Aglietta, en passant par Marx et Simmel, il cerne le fonctionnement de
la monnaie et le rôle des acteurs qui en sont responsables.
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Si ce thème vous intéresse, et pour aller un peu plus loin, je vous invite à
consulter le compte-rendu du livre de François Chesnais, intitulé Les dettes
illégitimes. Quand les banques font main basse sur les politiques publiques en
suivant le lien suivant : http://lectures.revues.org/8156
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Nicolas Mera
Étudiant en classe préparatoire (Economie)
Droits d’auteur
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