Plusieurs voix se sont levées dans cette impasse anachronique en invoquant
des réformes, un retour à la spontanéité primitive ou aux formes populaires, la
création de ‘laboratoires’ théâtraux. Mais, pour le moment, tout reste imprimé
sur le papier: Witkacy et Artaud, ces grands visionnaires, n’appartiennent qu’à
l’histoire de la littérature.
Notre siècle se vante d’avoir anéanti les distances, facilité les
contacts, enrichi chaque culture nationale avec des musées, des discothèques,
des filmothèques ‘imaginaires’. Mais en observant mieux, on découvrira une
involontaire discrimination culturelle envers les pays dont la langue n’est pas
très connue. Je pense à la poésie suédoise, une des meilleurs en Europe ou à
cette Pologne dont les films et les affiches ont répandu le mythe, mais qui, au
fond, reste encore une inconnue.
Dans une petite ville polonaise de province, Opole, il y a trois ans,
en 1959, arriva un jeune metteur en scène, Jerzy Grotowski, accompagné du
critique littéraire Ludwik Flaszen. Les autorités locales aidant, ils ouvrirent un
petit théâtre qui, dès ses premiers jours, acquit une physionomie bien précise:
un laboratoire où ils faisaient des expériences sur l’acteur et sur le public, avec
pour but une systématique construction d’une nouvelle esthétique théâtrale et
une purification de l’art scénique. Purification qu’on pourrait ainsi décrire:
1) Elimination du divorce acteur-spectateur. Le film et la télévision
ayant pris la fonction sociale du théâtre, Grotowski a essayé de
concrétiser les possibilités que ce dernier avait de se différencier de
ses deux rivaux pour survivre et pour se créer une nouvelle fonction
et structure. Il croit que cette possibilité consiste en un contact
direct, physique entre acteur et public. En conséquence, en
transformant l’entière salle en scène et en y disséminant les
spectateurs, les acteurs peuvent exercer sur ces derniers plusieurs
formes de contrainte pour les faire collaborer et les incorporer à
l’action.
2) Renonciation à tout élément non théâtral: scénographie,
musique, effets de lumière.
3) Suprématie de l’acteur comme instrument principal dans la
création du spectacle.
4) Nouveaux moyens d’expression vocaux et physiques.
5) Radical ‘traitement’ du texte.
Considérant le théâtre comme une collective expérience introvertie,
les animateurs du laboratoire ont commencé à étudier quels phénomènes ils
pouvaient exploiter afin de provoquer des réactions physiques collectives, plus
exactement: rendre conscientes impulsions et représentations subconscientes.
L’exemple le plus concret et le plus efficace d’un pareil théâtre étant les rituels
primitifs, c’est à eux que Grotowski s’est adressé en les enrichissant des
résultats de la psychologie et de la sociologie moderne dans le tentative de
créer une forme contemporaine de rituel laïque. Les rituels primitifs,
berceau du théâtre, manifestations qui engageaient la vie psychique des
participants, étaient décharge d’accumulations introverties, volonté de répéter
un acte attribué à un modèle archétypal, une espèce de confession collective
cimentant la solidarité du clan et, souvent, la seule occasion pour briser un