doi: 10.1684/hma.2009.0357
Génétique des syndromes
myéloprolifératifs :
la dialectique de linné et de lacquis
Genetics of myeloproliferative neoplasms:
the dialectics of innate vs acquired traits
Éric Lippert
Stéphanie Dulucq
Estelle Guérin
Laboratoire dhématologie,
Inserm U876,
CHU de Bordeaux,
Université Victor-Segalen,
Bordeaux-II, Bordeaux
Des progrès majeurs ont été réalisés ces dernières années dans la com-
préhension de la physiopathologie des syndromes myéloprolifératifs
Philadelphie négatifs (désignés ici par SMP). La découverte dune
mutation ponctuelle de la tyrosine kinase JAK2 (JAK2V617F) chez la
quasi-totalité des patients atteints de polyglobulie de Vaquez (PV) et
plus de la moitié des patients souffrant de thrombocytémie essentielle (TE) ou de myé-
lofibrose primitive (MP), a eu un impact important sur la prise en charge diagnostique
mais également sur la compréhension de ces maladies. Cependant, ainsi que nous
lavons discuté dans une revue récente [1], la découverte dune même mutation
dans trois maladies différentes a soulevé diverses questions. Certaines hypothèses,
comme celles postulant la survenue de la mutation dans un progéniteur engagé vers
la lignée érythroblastique ou mégacaryocytaire, ont été rapidement éliminées, la
mutation survenant dans une cellule-souche multipotente. Dautres, aprioricontradic-
toires, ont pourtant été renforcées, nous amenant à envisager la survenue dun SMP et
son phénotype comme résultant de nombreux facteurs concomitants. En effet, lhypo-
thèse selon laquelle le niveau dexpression de JAK2V617F pourrait orienter le phéno-
type est maintenant soutenue par plusieurs modèles murins de reconstitution hémato-
poïétique après infection rétrovirale des progéniteurs ou de souris transgéniques,
ainsi que par la démonstration de lexistence dun clone homozygote pour la muta-
tion JAK2V617F chez pratiquement tous les patients atteints de PV. Lhypothèse,
apparemment alternative, de lexistence dune mutation antérieure à la mutation de
JAK2 est maintenant confirmée, à la fois par létude de sous-clones présentant des
anomalies cytogénétiques différentes (acquisition de mutation JAK2V617F après
une délétion 13q ou une délétion 20q, discuté plus loin) et par la découverte de muta-
tions récurrentes dans le gène TET2 [2]. Enfin, des arguments ont aussi été accumulés
en faveur de lhypothèse dun déterminisme génétique.
Les SMP sont-ils génétiquement déterminés ?
La mutation V617F de JAK2 et les autres mutations découvertes ensuite dans ces mala-
dies (portant sur lexon 12 de JAK2, sur le récepteur de la thrombopoïétine : MPL ou
plus récemment sur le gène TET2) sont des mutations acquises. Cependant, certaines
caractéristiques des SMP plaident pour un rôle du « fond » génétique. On sait depuis
plusieurs années quil existe des formes familiales de SMP [3, 4] : dans ces familles, les
sujets atteints peuvent présenter des SMP de phénotype identique ou parfois de phéno-
type différent (PV, TE, voire LMC ou mastocytose). Certains de ces SMP familiaux
Focus
Sous la direction de Philippe Rousselot
Hématologie 2009 ; 15 (3) : 188-93
Tirés à part :
É. Lippert
Hématologie, vol. 15, n° 3, mai-juin 2009
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présentent une mutation JAK2V617F, mais dans ces cas, elle
est également acquise (restreinte aux cellules hématopoïéti-
ques). Il y a donc chez ces patients un facteur génétique trans-
mis selon un mode autosomique de pénétrance variable mais
qui ne correspond pas aux gènes habituellement remaniés
dans les SMP [3]. Récemment, létude de parents au premier
degré de patients porteurs de SMP dans une grande cohorte
suédoise retrouve un risque relatif supérieur à 5 de développer
un SMP [5]. Cela indique quau-delà des véritables formes
familialesavecuneprévalenceimportanteauseindelafamille,
les formes sporadiques ont probablement aussi des détermi-
nants génétiques. Enfin, le contexte génétique pourrait jouer
un rôle non seulement sur le risque de développer un SMP,
mais aussi sur son phénotype. Cette hypothèse a été initiale-
ment envisagée en raison des modèles murins dans lesquels
lexpression de JAK2V617F dans les cellules hématopoïétiques
entraîne constamment une polyglobulie, mais parfois une
hyperleucocytose et une fibrose plus ou moins rapide selon la
souche de souris receveuse. Lidée que le fond génétique pour-
rait modifier le phénotype a amené plusieurs groupes à étudier
certains marqueurs génétiques chez les patients porteurs de
SMP. Lune des premières études a été réalisée par le groupe
de A. Tefferi. Ces auteurs ont génotypé un certain nombre de
polymorphismes de lADN situés au sein ou à proximité de
gènes potentiellement importants dans la physiopathologie des
SMP [6]. Ces polymorphismes correspondent à des variations
de base dans un seul nucléotide (single nucleotide polymor-
phism : SNP, lire « snip ») et font partie des nombreuses varia-
tions de séquence identifiées dans le génome qui différencient
les individus entre eux. Chacun de ces SNP est répertorié par
un code numérique suivant les lettres rs (random snp).Onpeut
définir un allèle majeur (base la plus commune) et un allèle
mineur (base rencontrée avec une fréquence plus ou moins
grande selon la population étudiée). Chaque individu porte
deux allèles, identiques ou différents, définissant létat constitu-
tionnel ou génotype. Les combinaisons dallèles de plusieurs
SNP, localisés dans la même région dADN, définissent des
haplotypes (fragments plus ou moins longs du génome qui
ségrégent en un seul bloc lors des méioses). Ainsi, létude dun
SNP chez les patients atteints de SMP, comparés à une cohorte
saine de même origine ethnique, permet de dire si un allèle est
représenté de façon conforme à ce qui est attendu dans la
population ou sil est sur- ou sous-représenté. Sil est surrepré-
senté, il marque un plus grand risque pour les porteurs de cet
allèle de développer la maladie. Cela peut se comprendre si
la variation en question a un retentissement fonctionnel : SNP
présent dans une région codante et responsable dun change-
ment dacide aminé dans une séquence protéique, SNP pré-
sent dans une région promotrice et modifiant laffinité du gène
pour tel facteur de transcription, etc. Parfois, le SNP na pas de
retentissement fonctionnel « en soi », mais il est le marqueur
dun haplotype particulier dans lequel se situe un SNP fonction-
nel. Par exemple, considérons quatre SNP (figure 1).Lallèle de
référence de la position rs1 est G, lallèle variant est A, pour le
Allèle majeur
Allèle mineur
Déséquilibre de liaison
Haplotype 1
Haplotype 2
Haplotype 3
Haplotype 4 CGTA
SNP marqueurs : rs1 et rs2/rs3/rs4
Séquence de référence
rs1 rs2 rs3 rs4
GC AT
AT CG
rs1 rs2 rs3 rs4
ATCG
ATCA
CGTG
Figure 1.Représentation schématique dun locus comportant quatre SNP et des haplotypes possibles. rs2, 3 et 4 sont en déséquilibre de
liaison total. Lintensité de coloration de chaque losange est dautant plus importante que le déséquilibre de liaison est plus élevé (se
reporter au texte).
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SNPrs2:CdevientT,pourlers3:AdevientCetTdevientG
pour rs4. La séquence de référence des SNP rs1, 2, 3, 4 est
GCAT. Imaginons que dans la population de référence, le C
du rs2 soit changé pour T dans 25 % des cas. Si dans la popu-
lation étudiée (SMP), lallèle T est retrouvé chez les trois quarts
des patients, on peut considérer quil est surreprésenté. Il sagit
donc dun allèle de prédisposition. Cependant, ce SNP ne cor-
respond pas à une région fonctionnelle du gène. Il convient
alors détudier des SNP à proximité afin de voir si rs2 est le
marqueur dun haplotype. Dans la population générale, lallèle
T de rs2 est toujours associé à lallèle C de rs3 et à lallèle G de
rs4. Ces alles sont dits « en déséquilibre de liaison » et définis-
sent le même haplotype (TCG). Ce sont tous les trois des SNP
marqueurs possibles de lhaplotype. Il suffit de génotyper un
patient pour un des trois SNP pour en déduire le génotype au
niveau des deux autres SNP. Si on imagine que rs4 se trouve
en séquence codante et que son changement G pour T entraîne
une modification dacideaminé,onpeutcomprendrealors
aisément que cette variation puisse avoir un retentissement fonc-
tionnel. Dans ce cas, on peut expliquer que la surreprésentation
de lallèle T de rs2 soit associée à la maladie, car il est en désé-
quilibre de liaison avec lallèle G de rs4, qui lui est susceptible
davoir un impact fonctionnel. Si la variation de base sur rs1
nest pas significativement associée à celle de rs2, alors on
peut considérer que ces marqueurs ne sont pas en déséquilibre
de liaison, rs1 nappartient donc pas à lhaplotype. Des travaux
collaboratifs récents se sont attachés à caractériser un grand
nombre de SNP à travers le génome chez des populations de
référence afin de déterminer la fréquence des différents allèles
et de définir les différents haplotypes des populations ainsi que
leur fréquence. Le projet dit « HapMap », dont les données sont
accessibles en ligne (http://www.hapmap.org/), a donc servi
de base à de nombreuses études génétiques visant à définir
des régions génétiques associées à des maladies particulières.
Ainsi, létude de SNP, marqueurs entourant les gènes JAK2,
MPL (récepteur de la thrombopoïétine), EPOR (récepteur de
lérythropoïétine) et GCSFR (cepteur du G-CSF) chez des
patients atteints de PV ou de TE, permet à Pardanani et al. de
montrer que six SNP trouvés dans le locus de JAK2 sont signifi-
cativement associés au phénotype de PV plutôt que de TE.
Les SNP des autres gènes ne sont pas discriminants. Ce travail
restedescriptifetnefournitpasdexplication à cette observa-
tion, mais il renforce lhypothèsedurôleduterraingénétique
dans le développement des SMP, hypothèse confirmée de
façon claire par trois articles parus dans le nuro davril de
la revue Nature genetics.
Un haplotype « 46/1 » est associé
à la survenue de la mutation
JAK2V617F
La découverte de cet haplotype associé à la survenue de la
mutation a été faite simultanément par trois équipes qui ont
mis en œuvre des stratégies différentes :
léquipe anglaise (laboratoire de N. Cross) a étudié (comme
Pardanani et al.) six SNP situés dans ou à proximité immé-
diate de JAK2 chez des patients dont les granuleux ont plus
de 50 % de charge allélique JAK2V617F, déterminée par
pyroséquençage [7]. Chez ces patients, lacquisition de la
mutation JAK2V617F sur un allèle du bras court du chromo-
some 9 a été suivie dun phénomène de recombinaison mito-
tique qui a entraîné léchange de lallèle sauvage de JAK2
(sur lautre chromosome 9) avec lallèle muté qui se retrouve
ainsi à létat homozygote [8]. En même temps que la variation
V617F, les SNP caractéristiques de lallèle muté se retrouvent
eux aussi « emmenés » par la recombinaison mitotique (géné-
ralement de grande taille, courant jusquau télomère). Si le
patient était hétérozygote pour certains de ces SNP, les
cellules ayant subi cette recombinaison se retrouvent alors
homozygotes : cest le phénomène de perte dtérozygotie.
Le pyroséquençage, qui permet de détecter les variations de
séquences mais aussi de les quantifier, a été utilisé par Jones
et al. pour déterminer si un SNP était préférentiellement asso-
cié aux mutations homozygotes de JAK2. Si cestlecas,ildoit
être représenté par un signal supérieur à 50 % chez les
patients théoriquement hétérozygotes pour ce marqueur.
De la même façon, lallèle non muté est aussi caractérisable
sil persiste suffisamment de cellules nayant pas subi la perte
dtérozygotie. Cette approche leur permet de constater que
chez 77 % des patients homozygotes pour la mutation
JAK2V617F, celle-ci est survenue dans le contexte dun haplo-
type particulier dit « 46/1 ». Cet haplotype (en réalité combi-
naison de deux haplotypes : le 46 et le 1, distincts par un seul
SNP) peut être identifié par quatre SNP marqueurs, il est donc
aussi appe « GGCC » en référence aux bases caractéristi-
ques de cet haplotype sur ces quatre SNP. Dans une popula-
tion caucasienne de référence, cet haplotype 46/1 ne repré-
sente que 24 % des haplotypes de ce bloc génomique. Il est
donc indiscutablement surreprésenté chez les patients homo-
zygotes pour JAK2V617F. De la même façon, chez les
patients porteurs de SMP hétérozygotes pour JAK2V617F
(< 50 % de charge allélique), lhaplotype 46/1 est surrepré-
senté (38 %) par rapport à une population témoin étudiée par
ce groupe (24 %) ou par le projet « HapMap ». En revanche,
cette surreprésentation nest pas retrouvée chez les patients
porteurs dérythrocytose idiopathique. Chez les patients hété-
rozygotes pour la mutation JAK2V617F, lutilisation dune
PCR spécifique de lallèle muté, suivie de séquençage de
lamplicon permet de déterminer si celle-ci est survenue sur
un allèle porteur de lhaplotype 46/1. Cest le cas pour
74 % des patients, tandis que cet haplotype nest retrouvé
associé à lallèle sauvage de JAK2 que chez 12 % des
patients. Ces éléments démontrent clairement une association
entre lhaplotype 46/1 et la survenue dune mutation de
JAK2. De façon intéressante, les SNP trouvés surreprésentés
dans les PV par rapport aux TE par léquipe de Tefferi sont
aussi des marqueurs de lhaplotype 46/1, non caractérisé
comme tel alors ;
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léquipe de R. Levine arrive à des résultats semblables [9]
en ayant mis en œuvre une stratégie identique à celle de
Paradanani et al. (comparaison PV vs TE), ne reposant plus
sur létude de quelques SNP sélectionnés selon une appro-
che de « gène candidat », mais en étudiant la globalité du
génome à laide de puces (SNP array). Ces outils permettent
létude de près de 250 000 SNP répartis sur tout le génome.
Cette large couverture du génome a permis à ces auteurs de
mettre en évidence quatre régions potentiellement intéressan-
tes, car présentant des fréquences génotypiques significative-
ment différentes entre PV et TE, situées en 4q31, 7p11,
9p24 et 3q21. Le SNP étudié en 9p24 (rs10974944) cor-
respond à un des quatre SNP marqueurs de lhaplotype
46/1 ou GGCC. Lallèle G trouvé surreprésenté par Kilpi-
vaara et al., à la fois dans le groupe PV vs TE mais aussi
dans le groupe des SMP vs population générale, définit en
effet ce même haplotype 46/1 et constitue de par cette sur-
représentation un facteur de risque de développer un SMP
JAK2 muté ;
enfin, cest par une approche tout à fait distincte que
Olcaydu et al. ont découvert, eux aussi, limportance de
cette prédisposition génétique. Ces auteurs avaient postulé
lexistence de mutations antérieures à JAK2V617F en raison
de lexistence chez certains patients atteints de SMP, de clo-
nes porteurs danomalies génétiques acquises (délétion du
bras long du chromosome 20) dont la représentativité était
plus importante que celle des cellules mutées sur JAK2 [10].
Cette observation suggérait donc fortement que la mutation
JAK2V617F était survenue dans une cellule déjà porteuse de
délétion 20q. Afin daffiner cette hypothèse, les auteurs ont
tenté de reconstituer lhistoire de lacquisition des mutations
chez des patients présentant des anomalies génétiques multi-
ples caractérisables en biologie moléculaire (délétion 20q,
délétion 13q, perte dhétérozygotie 9p). Pour ce faire, des
colonies issues dun progéniteur unique ont été caractérisées,
amenant à la conclusion que chez certains patients, la muta-
tion JAK2V617F a été acquise deux fois de façon indépen-
dante. Par exemple, chez un même patient, la mutation a pu
être acquise une fois dans un clone présentant une del(20q) et
une autre fois dans un clone présentant une del(13q)
(figure 2A). Cette découverte importante suggère quil existe
une « hypermutabilité » chez les patients atteints de SMP, que
del(13q)
del(13q)
+JAK2
V617F
del(20q)
del(20q)
+JAK2
V617F
JAK2-1849
rs12343867
TC
T
G
JAK2-1849
TT
C
G
AB
rs12343867
JAK2-1849
GT
C
G
rs12343867
Figure 2.Acquisitions multiples de la mutation JAK2V617F. A) Au sein de lhématopoïèse clonale (clone représenté par un triangle noir)
survient une délétion 13q (sous-clone rouge) et une délétion 20q (sous-clone gris). Une mutation JAK2V617F peut ensuite avoir lieu
dans chacun des sous-clones, donc deux fois, de façon indépendante ; B) Au sein dune hématopoïèse clonale chez un sujet hétérozy-
gote pour le SNP12343867, la mutation JAK2G1849T (V617F) peut se produire sur lallèle C du SNP (sous-clone représenté par un trian-
gle rouge) ou sur lallèle T (sous-clone représenté par un triangle gris). Lassociation est détectable par une PCR spécifique dallèle.
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cette hypermutabilité est antérieure à la survenue de la muta-
tion JAK2V617F et que JAK2 est une cible particulièrement
fréquente de ces mutations. Afin détendre cette étude aux
patients qui nont pas danomalie cytogénétique caractéris-
tique, les auteurs ont développé une PCR spécifique dallèle
JAK2V617F couplée à la caractérisation dun SNP situé à
proximité [11]. Le génotypage du SNP est assuré par lutilisa-
tion de sondes dhydrolyse fluorescentes (de type Taqman)
spécifiques de lallèle C ou de lallèle T du SNP
rs12343867. Ainsi, chez les patients hétérozygotes pour ce
SNP, on sattend à ce que la PCR spécifique de lallèle sau-
vage de JAK2 soit toujours associée à la détection du SNP
caractéristique de lallèle sur lequel la mutation est survenue,
disons, lallèle T pour rs12343867, tandis que la PCR spéci-
fique de lallèle muté de JAK2 sera associée à lallèle C de
rs12343867 (figure 2B). Chez 2,8 % des patients informatifs,
cette discrimination nest pas totale, ce qui indique que la
mutation JAK2V617F est survenue deux fois, une fois sur un
allèle porteur dun C en rs12343867 et une fois sur un allèle
porteur dun T. Considérant que la mutation peut aussi surve-
nir deux fois sur le même allèle, on peut en déduire que cette
mutation est acquise dans plusieurs clones au cours de lhis-
toire de plus de 2,8 % des SMP. Au cours de ces recherches,
ces auteurs notent aussi que chez 85 % des patients, la muta-
tion survient sur lallèle C de rs12343867, alors que cet allèle
nest attendu que dans 25 % des cas. La comparaison de 120
patients porteurs de SMP JAK2 sauvage à 213 patients
JAK2V617F+ confirme que lallèle C entraîne une prédisposi-
tion à la mutation JAK2. Lélargissement de létude aux SNP
voisins permet de conclure, comme dans létude de Jones et
al., à la surreprésentation de lhaplotype 46/1 chez les
patients présentant une mutation JAK2V617F, en particulier
àlétat homozygote.
Pourquoi lhaplotype 46/1
confère-t-il une susceptibilité
aux SMP ?
Comme indiqué dans larticle de Jones et al., deux mécanis-
mes peuvent expliquer cette association :
la mutation JAK2V617F survient indifféremment sur tous les
haplotypes, mais 46/1 est en déséquilibre de liaison avec
un facteur interagissant avec JAK2, favorisant donc la surve-
nue dune maladie ayant un retentissement clinique ;
46/1 présente une particularité qui favorise la mutation du
gène JAK2. Les données « HapMap » indiquent que JAK2
est situé dans un bloc haplotypique denviron 300 kb com-
portant aussi les gènes INSL4 et INSL6, mais ceux-ci ne sont
pas exprimés dans les cellules hématopoïétiques. Jones et al.
penchent pourtant pour lhypothèse dun facteur fonctionnel
favorisant le développement de la maladie. Ils étudient donc
la pousse de colonies granulomonocytaires et érythroïdes à
partir du sang de 56 individus sains et observent que les
porteurs de lhaplotype 46/1 ont significativement moins de
CFU-GM mais un nombre identique de BFU-E. Il pourrait
donc y avoir une différence dans la « signalisation JAK2 »
chez ces sujets. Cela pourrait aussi expliquer que cet haplo-
type est significativement associé au développement de la
maladie de Crohn, maladie dans laquelle la fonction lym-
phocytaire, partiellement dépendante de JAK2, est impor-
tante. Cependant, la production dARN de JAK2 produit à
partir de lallèle 46/1 est identique à celle de lallèle sau-
vage lorsque les deux sont quantifiées par pyroséquençage
dun SNP de la région codante. Par ailleurs, Olcaydu et al.
soulignent que deux SNP présents dans la région promotrice
de JAK2 ne sont pas en déséquilibre de liaison, éliminant
lhypothèse dune modification dexpression par des poly-
morphismes du promoteur. De plus, chez deux individus
ayant acquis la mutation V617F sur deux allèles : une dans
le contexte de lhaplotype 46/1 (GGCC) et lautre dans un
autre contexte (TCTT), le clone TCTT prédomine sur le clone
GGCC dans les deux cas, ce qui va à lencontre dun avan-
tage pour les cellules mutées sur 46/1. Ces auteurs propo-
sent donc que la séquence de lhaplotype 46/1 soit respon-
sable dune « hypermutabilité locale ». Le mécanisme sous-
jacent nest pas connu, mais il est intéressant de noter que
des cas semblables ont été décrits avec un allèle de suscep-
tibilité aux mutations dAPC retrouvé avec une grande fré-
quence dans les cancers colorectaux dans une population
juive ashkénaze ou de mutation de p53 dans les cancers
bronchiques dans une population dAméricains dorigine
africaine.
Au-delà de lhétérogénéité phénotypique des SMP, on voit
donc que les mécanismes physiopathologiques de ces mala-
dies sont eux aussi divers et complexes. Contrairement au cas
« simple » de la leucémie myéloïde chronique où une maladie
correspond à un gène de fusion, les intervenants semblent
plus nombreux dans les SMP. Si la mutation JAK2V617F est
un élément majeur de la physiopathologie de beaucoup
dentre eux, dautres mutations acquises et des variations
génétiques jouent un rôle indiscutable qui fera, nen doutons
pas, lobjet de passionnantes études à venir.
RÉFÉRENCES
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