Author Sonia Sodha Title Enfance et média au Royaume Uni Médias et enfance en danger Mme Sonia Sodha Journaliste et Chercheur, Directrice de recherche à l’IPPR (Institute of Public Policy Research), Royaume-Uni Je suis enchantée d’être ici aujourd’hui, mais vous avez malheureusement rencontré les limites de mon français. Je vais vous imposer le port du casque. Les Français, d’ailleurs, comprennent infiniment mieux l’anglais que l’inverse. Certains pourront donc sans doute m’écouter en direct, ou en tout cas lire mes transparents en version originale. Enfance et médias au Royaume-Uni Avant toute chose, merci aux organisateurs de m’avoir invitée à m’exprimer devant vous. Je suis chercheur à l’IPPR britannique. Nous sommes le think-tank de ce type le plus important en Angleterre. Nous avons une soixantaine de membres, chercheurs à plein temps qui s’intéressent à la politique sociale, au développement durable, aux questions de transport, par exemple. Et si l’on m’a invitée aujourd’hui, c’est parce que je fais partie d’une équipe qui s’est penchée sur la transition chez les jeunes, transition de l’état de jeune à l’état d’adulte, et à l’évolution de cette transition au cours des cinquante dernières années. Avant de parler de l’interaction entre médias et enfance, je vais planter un peu le décor pour vous parler du projet de recherche lui-même. Nous avons constaté que depuis quelques générations, lorsque l’on essaie de connaître les taux de réussite scolaire sur le marché de l’emploi, par exemple si l’on remonte à la génération née dans les années cinquante, à partir du moment où l’on connaissait les résultats scolaires, on savait à peu près comment l’enfant allait se débrouiller dans la vie. Autrement dit, les savoirs cognitifs de base acquis à l’école constituaient un excellent indice. Or, nous avons constaté que pour les générations suivantes, et notamment celles des années soixante-dix, ces compétences cognitives restaient importantes, mais que d’autres compétences s’y ajoutaient : les compétences que nous appelons soft. Le terme n’en restitue peut-être pas l’importance, puisque nous parlons de choses comme l’estime de soi ou la maîtrise qu’un jeune pense avoir de sa propre vie. Nous avons pensé que ces indicateurs-là, chez le jeune, constituaient des facteurs bien plus importants dans l’évolution future de l’enfant tout au long de sa vie ; ainsi que pour les générations suivantes, d’ailleurs. Pourquoi ? Parce que le contexte dans lequel l’enfant est socialisé et dans lequel se déroule cette transition entre l’enfance et l’âge adulte est aujourd’hui très différent. En devenant adolescent, puis jeune adulte, le jeune se trouve face à des choix beaucoup plus nombreux qu’un enfant du même âge il y a vingt ou trente ans. Les filières de l’emploi sont infiniment moins assurées. Il y a donc beaucoup plus d’opportunités, mais aussi beaucoup plus de complexité. Nos recherches montrent, et c’est préoccupant, que les possibilités, pour les jeunes, de développer des compétences comme l’estime de soi, la capacité d’intégration et le contrôle de soi dépendent étroitement du contexte socioéconomique dans lequel ils naissent et évoluent. Voilà donc, en grossissant le trait, le thème de ces recherches qui nous occupent depuis déjà quelques années. Je passe maintenant à la présentation. Voici quelques éléments qui décrivent ce qu’est être enfant au Royaume-Uni. Nous savons que les choses sont un peu différentes de ce qu’elles sont en Europe continentale. Pour certains paramètres, ils se débrouillent plutôt mieux ; par exemple, moins de déscolarisés, beaucoup plus de jeunes qui arrivent à l’université et obtiennent un diplôme. Mais il y a, malgré tout, des zones noires. La première est que si les chiffres de la pauvreté, chez les enfants, sont en baisse, ils restent très élevés par rapport à l’Europe continentale. Le deuxième élément préoccupant, qui nous distingue, dans le mauvais sens du terme, de l’Europe continentale, ce sont les comportements en matière de santé. Nous avons par exemple des niveaux d’obésité extraordinaires par rapport à l’Europe continentale : quelque 16 % des 13-15 ans présentent une surcharge pondérale, contre 11 % en France. Nous savons que nos enfants mangent de manière beaucoup moins saine que les jeunes Européens. En matière de grossesse et de santé sexuelle des adolescents, en 2003, le Royaume-Uni présentait le plus fort taux d’accouchement chez les adolescentes. De manière générale, sur le plan sexuel, les jeunes Britanniques prennent davantage de risques qu’en Europe. parents, le nombre de repas qu’ils partagent avec eux, indiquent que l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Écosse ont des résultats assez bas par rapport aux autres pays d’Europe, en particulier les pays méditerranéens comme l’Italie et l’Espagne. La santé mentale est également à l’origine de nombreux problèmes. On constate une recrudescence des problèmes de comportement et de santé mentale, qui, depuis les années soixantedix, ont augmenté de 50 %. L’augmentation est particulièrement dramatique depuis les années quatre-vingts. Cette tendance traduit un contexte d’inégalité économique. Il faut cependant se méfier des statistiques, parce qu’une partie de cette augmentation résulte du fait qu’aujourd’hui, on accepte davantage l’idée de problèmes de santé mentale. Les diagnostics se posent mieux et de manière plus précoce. Ces situations sont mieux reconnues qu’auparavant. Nous éprouvons également des changements dans nos communautés. « Collective efficacy » est un terme qui désigne la volonté des adultes, dans une communauté, d’intervenir dès lors que les jeunes se comportent de manière asociale ou incivile ou qu’il y a des problèmes. Cette « collective efficacy » est en baisse. Mais ce qui est beaucoup plus significatif, ce sont les écarts d’efficacité collective ou sociétale entre les sphères privilégiées et les sphères défavorisées. Ainsi, dans des quartiers relativement aisés, 90 % des adultes se disent disposés à intervenir s’ils voient des jeunes en train de tagger, alors qu’ils ne sont que 58 % dans les quartiers défavorisés. Bien sûr, il y a aussi un déclin du rôle de la religion dans la socialisation. De la même façon, les problèmes de drogue et d’alcool sont plus aigus qu’en Europe continentale. Certains problèmes caractérisent les relations entre la population dans son ensemble et les jeunes. La crainte des jeunes est marquée, au Royaume-Uni. Les gens pensent que la criminalité “ Même si c’est difficile à prouver, de plus en plus est beaucoup plus répandue chez les de jeunes font partie jeunes qu’elle ne l’est de clans, de bandes. ” en réalité. Cette idée est principalement liée à des perceptions fausses et à la manière dont la question est présentée dans les médias. La couverture médiatique est empreinte de stéréotypes et tend à présenter les jeunes d’une certaine façon, en focalisant sur les aspects négatifs, ce qui instaure des barrières entre les jeunes et la population dans son ensemble. Le contexte de la socialisation des jeunes évolue, ce qui a de grandes incidences sur la manière dont les jeunes et les médias interagissent au RoyaumeUni. Les modèles traditionnels de socialisation sont en train de décroître. Il y a une évolution de la structure des familles, davantage de parents qui travaillent, et qui travaillent très longtemps : au Royaume-Uni, on consacre davantage de temps au travail qu’en Europe continentale. Les petits Britanniques passent moins de temps avec leurs parents, et c’est un temps de moindre qualité. Les enquêtes qui sondent les jeunes sur leurs habitudes, sur le temps passé à discuter avec leurs Dans ce contexte où les enfants passent un temps de moindre qualité avec les adultes et moins de temps dans un environnement extrascolaire structuré, piloté par les adultes, on voit davantage de socialisation par les pairs. Même si c’est difficile à prouver, de plus en plus de jeunes font partie de clans, de bandes. Ils passent davantage de temps avec leurs amis que dans d’autres pays européens. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose : être ado, c’est avoir des copains. Mais dans ce contexte où ils passent moins de temps avec leurs parents, on sait que ce sont moins des adultes responsables que les copains qui, finalement, les socialisent. Il se produit une sorte de phénomène de « Lord of the Flies ».1 Avant de parler des médias, une mise au point préalable : je voudrais évoquer le rôle des médias non pas en tant qu’institution, mais en tant que vecteur de la société elle-même. Autrement dit, nous ne nous intéressons pas uniquement à l’interaction entre les médias et les jeunes, mais aussi à la manière dont d’autres acteurs de la société utilisent les médias pour agir sur les jeunes. Je vous livre d’abord quelques éléments de contexte sur l’accès des jeunes aux médias. Au Royaume-Uni, on constate aujourd’hui que, de plus en plus souvent, les enfants ont un téléviseur dans leur chambre. C’est le cas pour sept enfants sur dix. Près de la moitié ont un lecteur DVD person- nel. Et ce qui est significatif est qu’il y a une grande différence selon le milieu socioéconomique : moins de 50 % des enfants des quartiers aisés ont un poste de télévision dans leur chambre, contre 97 %, c’est-à-dire presque la totalité, des enfants des quartiers défavorisés. La consommation de télé et de médias est plus élevée chez les enfants habitant dans un secteur défavorisé. Et les programmes qu’ils regardent ne sont pas du tout des émissions éducatives ou des émissions pour enfants, mais des séries B, des émissions musicales, des films d’horreur, des films violents, etc. 28 % des 6-8 ans et la moitié des 9 ans affirment regarder la télé seuls dans leur chambre, passée la limite fatidique des 21 h 00. Près d’un quart des 8-15 ans disent regarder la télé seuls. Les adultes contrôlent donc de moins en moins l’accès de leurs enfants aux médias, et à la télé en particulier. Quant aux médias interactifs, les parents ont encore plus de mal à exercer un contrôle. Les statistiques font état de changements énormes par rapport à ce que l’on a pu constater il y a quelques années. Beaucoup de jeunes ont accès à Internet à la maison. 65 % des enfants britanniques ont un téléphone portable ; et même, un enfant de 5 à 9 ans sur onze possède son mobile, ainsi que 82 % des 12-15 ans. 64 % des enfants ont accès à Internet en dehors de la maison ou de l’école, ce qui est évidemment très difficile à maîtriser. Peu d’enfants ont accès à Internet dans leur propre chambre, mais 40 % des 8-11 ans et 71 %, donc une grande majorité des 12-15 ans disent utiliser Internet à la maison sans contrôle parental. On relève depuis quelques années, et surtout depuis un ou deux ans, une tendance au développement des social networking sites, les plateformes de mise en réseau sur Internet comme « My Space », « Facebook » et « Bebo », qu’affectionnent particulièrement les jeunes. Il est extrêmement difficile de mesurer la popularité de ces sites, parce qu’il est facile pour un jeune de créer plusieurs profils, de dire n’importe quoi sur son âge. Mais les enquêtes montrent qu’aux États-Unis, la moitié des 12-17 ans utilisent ces réseaux et que la moitié visitent ces sites au moins une fois par jour. Le Net exerce donc une influence énorme sur la vie des jeunes. Et, de manière inquiétante, s’agissant du contrôle des parents, alors que la plupart d’entre eux disent mettre en place des règles pour encadrer le temps passé par leurs enfants devant la télé ou sur Internet, on constate que cela ne correspond pas aux recherches menées directement auprès des jeunes. C’est pourquoi l’IPPR s’est focalisé sur l’utilisation des nouvelles formes de médias. La plupart des jeunes disent n’être soumis à aucune restriction parentale quant à l’usage d’Internet. Beaucoup estiment que leurs parents ne savent rien de leurs activités en ligne. Pour ce qui concerne la publicité dans les médias traditionnels, ce qui la caractérise, en particulier à la télévision, ces deux ou trois dernières années, est qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’industrie publicitaire devient de plus en plus sophistiquée et agressive et cible de plus en plus les jeunes ; en particulier les petits enfants. Alors qu’il y a deux décennies, pour vendre des produits destinés aux enfants, on visait le public adulte, aujourd’hui, les annonceurs cherchent à atteindre directement les enfants en court-circuitant les parents. Nous appelons ce phénomène « pester power ». L’annonceur vise directement l’enfant, en disant : « Voilà un produit dont tu as besoin », l’idée étant que l’enfant fera du forcing auprès des parents pour qu’ils l’achètent. Ceci soulève de sérieuses questions d’éthique. Un autre phénomène est le tweening, qui concerne les enfants de 6 à 12 ans : des produits qui étaient destinés aux adolescents, comme les produits de maquillage, sont de plus en plus présentés aux plus jeunes. On les encourage à s’occuper de leur beauté, de leur régime alimentaire, etc. Un certain nombre d’enquêtes et de reportages de journalistes ont mis en évidence ce genre de technique chez les annonceurs. Une autre pratique nous vient des États-Unis et du Canada : les entreprises britanniques sponsorisent maintenant des équipements dans les écoles. Ainsi, Cadbury, grand confiseur, sponsorise des équipements de sport et de gymnastique dans les établissements scolaires. Mais il n’y a que 4 % des parents à trouver qu’il y a trop de marketing en direction des enfants. S’agissant de la publicité dans les nouvelles formes de média, c’est une tendance qui est encore plus inquiétante, parce que plus difficile à contrôler. On voit maintenant de la publicité qui cible directement les enfants à travers les plateformes de mise en réseau comme « Facebook » et « Bebo » ou les sites de jeux. La société Skittles a payé plusieurs centaines de milliers d’euros à « Bebo », l’un des principaux sites pour les enfants d’âge scolaire, pour mettre en ligne un profil afin de recruter des enfants de 13 ans comme ambassadeurs de la marque, encourageant les usagers de « Bebo » à établir des liens sous le logo de Skittles et à utiliser ce logo pour personnaliser leur propre profil sur cette plateforme. Un véritable problème est que dans les nouvelles formes de médias, la frontière entre la publicité et le contenu éditorial est de plus en plus floue : les publicitaires et les annonceurs utilisent de plus en plus leur propre site web pour cibler directement les enfants. Quelques exemples : Haribo a un espace de jeux sur son site web qui s’appelle « Fun Planet », sur lequel il fait la promotion de ses produits ; et l’on encourage les enfants à aller jouer sur ce site. McDonalds également a un jeu sur son site web, dont le principe est de tirer sur ses golden arches. Les recherches indiquent que les plus jeunes, et c’est compréhensible, ont du mal à faire la distinction entre ce qui est publicité, accroche et contenu éditorial. Un problème particulier au Royaume-Uni est que les contenus éditoriaux ne sont pas soumis à des restrictions en matière de publicité. Les sociétés qui ont leur propre site, avec des jeux en ligne, peuvent également y publier de la publicité, sans être assujetties à la réglementation relative à la publicité payante sur les espaces en ligne. Un autre phénomène est en expansion au RoyaumeUni : la publicité à travers les téléphones mobiles. La recherche marketing montre que les trois quarts des adolescents sont tout à fait ravis d’accepter de recevoir des messages publicitaires en échange de crédits de communication. C’est inquiétant, parce que la prolifération de ces nouvelles formes de médias, qui peuvent présenter des avantages pour certains jeunes, notamment parce qu’ils offrent d’autres opportunités en matière d’éducation, les rend également vulnérables en tant que consommateurs. Sans m’attarder, je vous cite quelques exemples de marques qui imprègnent toute la jeunesse. Il y a une statistique que je voudrais mettre en avant : 80 % des enfants d’à peine 3 à 6 ans reconnaissent le logo de Coca Cola et 60 % les golden arches de McDonalds. C’est davantage que le nombre d’enfants de 5 ans capables de reconnaître leur propre nom ou de compter jusqu’à 5. C’est dire combien les marques pénètrent nos enfants et nos jeunes. Il y a un lien très net entre le consumérisme et la consommation de médias. Plus les enfants regardent la télévision, plus ils sont consuméristes dans leur comportement quotidien et plus ils assimilent de marques, de logos, etc. Quelques chiffres pour vous montrer combien la valeur du marché que représentent les enfants a augmenté ces dernières années au Royaume-Uni : nous sommes à près de 30 Mds £ par an. Il ne faut pas seulement prendre en compte l’argent de poche dépensé directement par les enfants – ils en reçoivent bien plus que par le passé –, mais aussi le « pester power », la pression qu’ils peuvent exercer sur leurs parents pour qu’ils achètent des produits vantés par la publicité. De plus, l’intérêt des enfants a glissé des produits traditionnels comme les jouets et les bonbons vers d’autres produits : téléphones mobiles, cosmétiques, vêtements, etc. Les jeunes se comportent de plus en plus comme des consommateurs sans être conseillés par des adultes. Quel est l’impact de cette augmentation du consumérisme sur la santé des jeunes et leur bien-être ? Je pense qu’il est très important de comprendre les buts des annonceurs. Il s’agit de communiquer le message suivant : si vous n’avez pas tel ou tel produit, vous êtes un loser. C’est une technique qu’ils emploient vis-à-vis des enfants, dont on sait qu’ils sont plus vulnérables à ce type de logique que les adultes, parce qu’ils sont moins assurés, qu’ils sont en évolution, qu’ils traversent la puberté, etc. Ainsi, 7 adolescentes sur “ 80 % des enfants 10 voudraient être d’à peine 3 à 6 ans plus minces, ce reconnaissent le logo que la publicité, la de Coca Cola et 60 % télévision encouragent en leur offrant les golden arches des images et des de McDonalds.” modèles auxquels elles devraient aspirer. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, des études ont montré que plus les enfants s’engouffrent dans le consumérisme, plus ils sont susceptibles de souffrir de dépression, d’angoisse, de stress lié à l’inconfort. Au RoyaumeUni, les enfants les plus consommateurs sont aussi les plus susceptibles d’être insatisfaits, en général, en particulier chez les filles, étant donné l’image de la fille idéale qui leur est montrée. On constate que les enfants sont de plus en plus dépendants des marques pour trouver leur propre identité. C’est ce qui leur donne envie de posséder des objets personnels, qui définit leurs valeurs. C’est inquiétant, surtout pour les enfants qui viennent de milieux défavorisés, parce qu’ils n’ont pas les moyens de les acheter et qu’à l’école, notamment, le statut de l’enfant, dans la cour de recréation, est souvent associé à la marque de ses vêtements ou accessoi- res. Le fait de posséder certaines marques facilite l’intégration dans certains groupes. Les psychologues ont montré que les jeunes qui jouent avec des jouets de consuméristes comme les poupées Barbie sont plus susceptibles de développer des modes de vie consuméristes, égocentriques et de devenir de meilleurs consommateurs à l’âge adulte. D’où l’intérêt, pour les publicitaires, d’atteindre les jeunes enfants. Ce qui est extrêmement préoccupant, ce sont les effets que cela produit chez les enfants les plus pauvres. Ce sont eux qui sont les plus touchés par le consumérisme, qui accordent plus d’importance à la marque, qui ont le plus tendance à demander davantage d’argent à leurs parents. Il n’y a pas de distribution égale du consumérisme ; il y a aussi des enfants issus de milieux plus aisés qui sont plus protégés que d’autres, des enfants plus vulnérables parce que plus pauvres. Cette partie de mon intervention portait sur l’impact de la publicité dans le consumérisme. Dans les cinq minutes qui me restent, je voudrais évoquer des questions plus générales autour des médias et des enfants et parler du contenu que l’on trouve dans les médias. “ Les recherches indiquent Beaucoup d’études dans ce domaine que la violence dans montrent qu’il y a les médias augmente une corrélation entre les risques d’agressivité le fait de regarder la télévision, en particuchez les enfants. ” lier les programmes violents, et un moindre développement personnel et social. Des enfants qui regardent beaucoup de programmes violents sont moins susceptibles de développer le sens de l’intégration et du contrôle de soi une fois adultes. Les recherches indiquent que la violence dans les médias augmente les risques d’agressivité chez les enfants. Il y a également un changement dans la manière dont les enfants consomment les médias traditionnels. Ils sont de plus en plus nombreux à avoir la télévision dans leur chambre. On a constaté des performances scolaires moindres et des problèmes psychologiques accrus chez les enfants qui regardent davantage la télévision. Là aussi, la situation évolue, et de façon de plus en plus inquiétante au fur et à mesure qu’apparaissent de nouvelles formes de médias interactifs. Nous savons qu’il est très facile, pour les enfants, d’avoir accès à des contenus tout à fait nuisibles, surtout avec la prolifération de sites comme « You Tube ». Ce que l’on voit aujourd’hui, ce sont des enfants qui envoient des vidéos de happy slapping. Ils utilisent leur téléphone mobile pour diffuser des images dans lesquelles des bandes d’enfants s’attaquent à d’autres enfants et les rouent de coups. Ces images sont postées à « You Tube » et sont liées à d’autres contenus de même nature. Il est très facile pour les enfants d’y accéder. C’est une violence qui est mise en ligne pour la violence pure. Ce n’est pas une violence liée à un discours moral sur ce qui est bien ou ce qui est mal. C’est la violence pour la violence. Les opérateurs « You Tube », « Google » et autres sites affirment que c’est à la communauté des internautes de faire de l’autorégulation et offrent la possibilité de commenter ces vidéos. Mais les jeunes qui voient ces vidéos ne se servent pas de cet espace de commentaire pour dire : « c’est affreux ! » Ils l’utilisent pour donner des notes, des avis sur la qualité de la vidéo : si elle est nulle, si elle est cool, etc. Il y a vraiment une sorte de prestige, dans ces communautés web, à mettre en ligne des choses violentes. Nous avons aussi noté qu’il est très difficile de réguler l’accès des enfants aux sites à contenu sexuel. Près de 60 % des enfants disent qu’ils sont entrés en contact avec du contenu pornographique. La plupart du temps, cela transite par les pop up ou par le spam dans leur boîte mail. Pour conclure, ma présentation s’est surtout concentrée sur la publicité, mais je voudrais vous parler de quelques autres problèmes qui se profilent à propos des nouvelles formes de médias interactifs. D’abord, le cyberbullying, c’est-à-dire le harcèlement par Internet. Une personne sur cinq, à Londres, a expérimenté le cyberbullying, dont l’impact psychologique est comparable à celui des formes traditionnelles de violence par harcèlement, mais qui peut être pire, parce que les nouvelles technologies comme le téléphone portable, Internet, les plateformes de mise en réseau permettent d’atteindre les victimes durant les heures d’école. Seuls 4 % des parents disent que les enfants sont victimes de bullying, mais d’après les chiffres donnés par les enfants, le phénomène pourrait être plus répandu. Autres sources de préoccupation, la sécurité de la vie privée des jeunes, sur laquelle je ne m’attarde pas, et le plagiat : les enfants copient les contenus trouvés en ligne pour leurs devoirs. Je vous ai présenté beaucoup d’analyses, parce que nous sommes un institut de recherche en politique publique, mais je voudrais également proposer quelques pistes d’action face à ces phénomènes. Au Royaume-Uni, nous avons, pour le moment, une approche relativement peu répressive en matière de publicité ciblant les enfants. La seule forme de publicité qui soit interdite est la junkfood2 dans les programmes destinés aux 4-9 ans. Mais nous aimerions que cette interdiction soit étendue à l’ensemble de la population des enfants d’âge scolaire. Il devrait y avoir une consultation pour déterminer à quel âge on peut exposer les enfants à ce type de publicité. Le gouvernement pourrait également se pencher sur le problème de la publicité commerciale via les plateformes en réseau et les téléphones mobiles enregistrés au nom des enfants. C’est difficile, mais si un combiné est enregistré au nom d’un enfant, les parents devraient avoir une option leur permettant de s’assurer qu’il ne recevra pas de publicité directe. Nous pensons également que la publicité commerciale dans les écoles devrait être surveillée de très près par l’inspection de l’éducation. Il est clair que les nouveaux médias posent problème : l’autorégulation ne fonctionne pas. Mais il n’y a pas de solution évidente. L’IPPR va se mobiliser sur cette question dans les prochaines années. J’ai parlé bien trop longtemps et je m’en tiendrai là. J’espère que vous aurez des questions à me poser à l’occasion du débat. Merci 1 - Sa majesté des mouches, roman de William Golding porté à l’écran par Peter Brook en 1963 2 - La « malbouffe », l’alimentation fastfood…