Le 21 janvier 2016 Des Révolutions arabes à l’Etat Islamique : Quels effets sur le jihad en Europe Gilles KEPEL, Politologue, spécialiste de l’Islam et du monde arabe contemporain. Pour nous introduire dans la genèse du djihadisme, Gilles Kepel nous montre que l’exportation la plus forte des djihadistes se trouve en France et en Belgique, beaucoup moins dans les autres pays européens. Le Djihad (en arabe, ce mot signifie effort, lutte, résistance, « faites un effort sur le chemin de Dieu ») de Daesh est pensé en langue arabe et pas en langue turque. Or, la 3ème génération issue de l’immigration dans nos 2 pays ne parle plus l’arabe. Tout qui parle le français, déjà lors de la guerre d’Algérie est mal considéré. Les jeunes maghrébins dès lors culpabilisent de parler le français et de ne plus connaître l’arabe. Il existe en Ariège, depuis longtemps, une communauté salafiste qui prône une rupture avec l’idéologie européenne : les idées maitresses en sont notamment : pas de démocratie car seul Dieu est le chef suprême, la femme est inférieure à l’homme, la laïcité est impensable car elle freine le religieux… Histoire du djihadisme contemporain. Définition du djihad : 1. C’est l’effort pour vivre en accord avec les injonctions contenues dans le texte sacré. 2. C’est la dimension sociale et politique car offensive et défensive. Expansion de l’Islam (historiquement, Poitiers, Vienne…). Califat. 3. Le djihad défensif est : Si une terre d’Islam est attaquée, il faut rassembler les énergies pour y aller. Mobilisation de toute la communauté. Quand le djihad est proclamé, on n’est plus tenu de respecter les principes sacrés (ne pas manger de porc, le ramadan...) pour tromper l’ennemi. Ce qui a engendré au cours de l’histoire de multiples conflits internes (sunnites/chiites...). Tous ces conflits anciens ressurgissent dans l’histoire contemporaine. Actualité du djihad : Trois phases : 1. De 1979 à 1997 : En 1979, révolution iranienne, Iran devient la capitale de l’Islam, or 15% seulement des musulmans sont chiites. Le danger est pour les USA, la France, les pays arabes producteurs de pétrole. En 1989, le djihad prend une dimension de premier plan dans la carte mondiale avec la bénédiction des USA lors de la victoire en Afghanistan sur les troupes russes. Celles-ci sont rejetées de Kaboul. Etat afghan passe aux talibans. Coup d’arrêt aussi pour l’expansion iranienne. Les djihadistes pensent alors vaincre aussi en Algérie, Tchétchénie, Bosnie, Egypte : ce qui s’avère difficile. En effet, la victoire de Kaboul avait été possible grâce aux missiles américains notamment. 2. De 1997 à 2005 : deuxième vague, celle d’Al Qaida, de Ben Laden. Le djihad veut frapper plus loin, aux USA : ce sera le 11 septembre avec la logistique hautement préparée, propagande sur les chaînes de télévision Algesiras… Les films d’horreur deviennent réalité. Cependant comme cela ne se passe pas sur leur territoire, il sera difficile de mobiliser des troupes. 3. Depuis 2005 : détruire l’Occident. L'ingénieur syrien Abou Moussab al-Souri vivant en Angleterre, met sur internet le texte « l’appel à la résistance islamique mondiale » : il ne faut pas viser le lointain mais l’Europe où des jeunes pourront aider, faire la guerre et aboutir à l’islamisation. Cela pour provoquer une réaction identitaire par une guerre civile, cibler les apostats, les mettre à mort, multiplier les petits groupes. Il prône un système en rhizomes ou en essaim (chaque groupe ayant ses propres initiatives). Le 14 février 2005, l’assassinat de Hariri (au Liban) va favoriser ces réseaux notamment pas des vidéos sur YouTube. Se met alors en marche dans les prisons et notamment à Fleury-Mérogis, un dangereux phénomène d’incubation. D’anciens braqueurs se radicalisent, ils luttent contre les mécréants, recrutent des futurs membres pour partir en Syrie. Mohammed Merah met en œuvre le texte d’Al-Souri en passant par les tweets. Il tue des juifs et des arabes apostats. Le 7-9 janvier 2015 a lieu l’attentat contre Charlie hebdo et magasin juif. Ensuite, on lutte contre Paris capitale de la dépravation (attentat du 13 novembre) Les réactions sont différentes après ces 2 attentats : « je suis Charlie » met en opposition des « je ne suis pas Charlie » tandis qu’après le 13 novembre une nation faite de toutes les obédiences s’est mise en marche. Est-ce le pas de trop pour les terroristes ? Ils n’ont fait que sidérer, mais ne sont pas arrivés à mobiliser de nouvelles troupes. Les terroristes de ce groupe ont mis quelque chose en œuvre au-dessus de leurs moyens. Conséquence : sur la vidéo mise sur internet par les djihadistes, ils demandent de suivre leurs traces mais ils se trouvent devant une incapacité à mobiliser de nouveaux candidats. Les musulmans français et belges se retournent contre les auteurs. Expliquer n’est pas excuser. * * * * * Réponses aux questions 1. Paradoxes : A Istanbul, on est devant une situation paradoxale, s’y côtoient des jeunes partant pour la Syrie et des réfugiés venant de Syrie ! 2. Comment refuser l’asile, mais en même temps inquiétude devant la venue d’une majorité de musulmans arrivant dans des pays eux-mêmes économiquement sinistrés. 3. Un état islamique sur le long terme ne peut durer. Les salaires des militants notamment ont déjà été réduits de moitié mais l’enjeu principal est : est-ce que ce territoire peut être détruit ? 4. Le terme « islamophobie » est un terme inventé par les salafistes. 5. L’intégration est quand ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous désunit. Bibliographie : Gilles Kepel « Terreur dans l’hexagone, genèse du djihad français » 2015 Gallimard Gilles Kepel « Passion arabe »2013, « Passion française » 2014. Gallimard et actuel folio.