France
La défaite de 1870 mit un terme définitif à la volonté française d'exercer une
hégémonie sur l'Europe. La France, avec la perte de l'Alsace-Lorraine, était désormais
isolée diplomatiquement face à une Allemagne unifiée et à une Grande-Bretagne avec
laquelle elle rivalisait depuis plus d'un siècle outre-mer.
Le cycle opolitique qui couvre la IIIe République 1871-1940 repose sur un
dispositif relativement stable : sortir de l'isolement et contrer l'Allemagne, étendre
l'Empire, les deux processus se cristallisant dans les questions d'Alsace-Lorraine et le
rêve colonial.
À partir de 1890, la France réussit à s'allier avec une Russie inquiète de
l'expansion autrichienne dans les Balkans, et encore plus inquiète de la puissance
allemande alliée à Vienne. Paris sut alors attirer Londres dans son jeu puis réconcilier
Angleterre et Russie contre l'Allemagne Impériale.
Ces mécanismes diplomatiques aboutirent à la Première Guerre Mondiale dont la
France sortit vainqueur au prix d'énormes sacrifices : un million trois cents mille morts,
cinq cents mille disparus, trois millions de blessés, et un espace national détruit et ruiné
aux deux cinquièmes. L'entre-deux guerres se construit autour de la crainte de la revanche
allemande; Paris ne parvient pas à enrayer la montée en puissance d'une Allemagne
humiliée par le traité de Versailles et décidée à redevenir la première puissance d'Europe.
Aboutissement idéologique d'un siècle de pangermanisme exacerbé, le nazisme devient la
préoccupation centrale de la France qui, de nouveau se trouve isolée.
En 1938, pour la première fois depuis François Ier, la France est menacée sur ses
trois frontières terrestres Allemagne, Italie, Espagne ; la faiblesse de sa situation
géopolitique est alors augmentée par la faiblesse de son alliance : craignant plus que tout
une guerre qui lui ferait perdre son empire, Londres n'entend pas se battre pour l'équilibre
continental; en conséquence la France se voit contrainte d'accepter l'hégémonie
allemande en Europe orientale en signant les accords de Munich. Un an après, confirmée
dans sa position de suprématie continentale, l'Allemagne provoque la Deuxième Guerre
mondiale en s'attaquant au seul contrepoids à l'Est dont dispose alors la France face au
pangermanisme, la Pologne. Le salut de la France viendra pour partie de son Empire.
L'équilibre géopolitique français a d'ailleurs, de tous temps, été caractérisé par un
équilibre entre la politique continentale et la politique mondiale.
Cet équilibre géopolitique est dessiné par la ographie qui donne à la France
métropolitaine autant de rivages que de frontières. C'est pourquoi chaque fois qu'elle fut
en danger sur le continent, la France fut sauvée par sa politique maritime. De l'alliance de
François Ier avec le Grand Turc contre Charles Quint XVIe siècle jusqu'à la France Libre
de De Gaulle, en passant par le difficile réveil post-napoléonien traité de Vienne de
1815, atténué grâce aux conquêtes en Afrique du Nord, puis après Sedan en Afrique
Noire et en Indochine, la France a toujours occupé une place forte en Europe grâce à sa
politique mondiale. L'inverse est aussi rifié. Sans politique européenne, la France n'a
pas accès à la puissance mondiale.
La France de Louis XV fut grande sur les mers parce que Louis XIV avait signé le
traité de Westphalie. Plus près de nous, les accords de Lomé coopération entre la
Communauté européenne et les Pays Afrique Asie Caraïbes ne furent possible pour la
France que lorsque celle-ci eut signé le traité de Rome en 1957. Confrontée à la montée
en puissance de l’Allemagne, l’IIIe République encouragea l'essor colonial. Napoléon III
avait auparavant développé la présence française en Afrique, entrepris la conquête de
l'Indochine puis de la Cochinchine, et échoué dans son rêve de constituer un empire au
Mexique; il avait aussi dessiné les contours d'une future politique arabe de la France. La
République se lança donc dans la formation d'un vaste empire colonial, qui devint le
second du monde après l'Angleterre.
La construction de cet empire reposait sur quelques axes géopolitiques
fondamentaux. Il s'agissait en premier lieu de contrôler l'ensemble de l'Afrique du Nord
ainsi que le Sahara afin d'assurer la jonction avec l'Afrique Noire. D'ouest en est, de
Dakar à Djibouti, il s'agissait également d'assurer en Afrique une continuité française.
L'ambition africaine de la France fut cependant contrariée par l'axe de progression
britannique orienté du Nord au Sud, entre Le Caire et Le Cap. Pour faire face aux
Anglais, la France s'attacha à consolider ses positions au Niger et autour du Lac Tchad.
Dans l'océan Indien, la France s'assura le contrôle du quadrant sud-est du vaste océan
Madagascar, Comores, Réunion.
En Asie, la conquête de la Péninsule indochinoise devait préluder à la conquête
du sud de la Chine. Dans ses projections géopolitiques extracontinentales, la France
se heurta constamment aux dispositifs britanniques et, dans une moindre mesure à
l'Allemagne au Maroc notamment et à l'Italie Tunisie; mer Rouge.
À l'issue de la Première Guerre mondiale, la France récupéra plusieurs colonies
allemandes Togo. Cameroun ainsi qu'une partie du domaine arabe de l'Empire ottoman
Syrie, Liban. Après être rentrée dans le deuxième conflit mondial et avoir réussi à en
sortir du côté des vainqueurs, la France fut, dans les années 1945 confrontée à de sérieux
ébranlements de son domaine colonial Madagascar, Indochine. Algérie.
L'Allemagne divisée en deux, la France dut pour se protéger de la menace
soviétique qui se développait Guerre froide, intégrer l'Alliance atlantique.
Au milieu des années 1950, la question de l'avenir économique et politique de la
France s'articula de nouveau autour de la dualité entre politique continentale Europe et
politique mondiale Empire.
Consciente que les idées américaines de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
allaient dans le sens de l'Histoire, la Ve république choisit pour la France, à l'instar de la
Hollande ou de la Grande-Bretagne, de changer de politique coloniale et donc de
politique mondiale. L'indépendance des pays de l'Empire devait être convertie au plus
vite en une politique d'association ou de coopération, faute de creuser un fossé profond
entre la France et de nombreux peuples du Tiers-Monde. Si la IVe République n'était pas
parvenue à résoudre ce dilemme géopolitique et géoéconomique, la Ve République le
trancha en procédant à la liquidation de la guerre d'Algérie et aux indépendances
africaines.
En quelques mois durant l'année 1960, l'indépendance fut accordée aux pays
africains. La décolonisation française commencée pari l'Indochine, l'Inde, le Maroc, la
Tunisie, se poursuivit par les pays de l'Afrique orientale Française et de l'Afrique
Équatoriale Française puis par Madagascar, et pour finir par l'Algérie, au prix cependant
d'une guerre terrible.
La décolonisation céda vite la place à une politique d'association et de
coopération avec les pays de l'ex-Empire dans le cadre de la communauté Francophone.
Le projet francophone parvint au fil des années à se dégager de son image de succédané
de l'Empire colonial en intégrant notamment nombre de pays qui n'avaient jamais
appartenu à l'empire français.
En 1963, le domaine outre-mer français était constitué d'une série de
départements, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, et de territoires, Polynésie,
Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna, Terres australes et antarctiques, Saint-Pierre et
Miquelon. Comores, Djibouti, Nouvelles-Hébrides. Seuls ces trois derniers territoires
demandèrent par la suite, dans les années 1970, leur indépendance. Cet espace outre-mer
permet actuellement à la France d'être présente sur tous les continents et de contrôler le
deuxième domaine maritime du monde 14 millions de km2.
Ainsi la France conserve telle une politique mondiale active fondée autant sur sa
souveraineté multi-continentale que sur sa volonté de soutenir des politiques étrangères
spécifiquement françaises politiques francophone, arabe. Le domaine mondial a aussi
permis à la France de renforcer ses options d'indépendance stratégique site de Mururoa
jusqu'en 1996 et ses options technologiques et spatiales Kourou, Mayotte.
Parallèlement, une nouvelle politique continentale devait être initiée, permettant à
la France de créer avec ses voisins un grand marché économique et d'assurer la stabilité
des pays d'Europe de l'Ouest.
De Gaulle paracheva le rapprochement de la France avec l'Allemagne de l'Ouest,
convaincu qu'en créant un noyau géopolitique franco-allemand arrimé à l'ouest il
privait durablement l'Allemagne de ses ambitions de puissance centrale de l'Europe et de
puissance dominante vers l'Est. La logique française s'insérait alors dans la coupure
bipolaire de l'Europe qui avait réduit à néant l'ambition centrale de l'Allemagne.
Aujourd'hui, la chute du Mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne ont changé les
données géopolitiques de la construction européenne.
L'Allemagne retrouvant un rôle prépondérant et central en Europe de l'Est, la
France ne peut guère espérer arrimer sa voisine à l'Ouest; pour faire contrepoids à
l'influence de son principal partenaire au sein de l'Union européenne, la France s'efforce
de restaurer une politique vers l'Est; Pologne, Roumanie s'intègrent dans le nouveau
schéma géopolitique français à l'Est. En revanche, Paris ne peut guère compter sur son
allié historique, la Serbie qui est isolée voir Yougoslavie et Croatie, pas plus d'ailleurs
que sur la défunte Tchécoslovaquie scindée en une Tchéquie sous influence allemande et
une Slovaquie moins développée économiquement que sa voisine.
La politique continentale de la France trouvera-t-elle des contrepoids en Europe
centrale et Orientale En revanche, du côté de sa frontière pyrénéenne. l'Espagne, qui
comme la France a traditionnellement du allier à sa politique continentale une politique
mondiale Amérique latine, Hispanidad pourrait constituer dans les années à venir un
allié géopolitique solide de la France au sein de l'Union européenne, à moins que Madrid
ne préfère s'allier à Bonn pour isoler Paris. Sur ja plan de la géopolitique interne, la
France est un État-nation de tradition centralisatrice l'État s'est construit contre les
féodalités régionales et homogénéisatrice. Ce modèle qui tend à évoluer, notamment du
fait des politiques de décentralisation, continue à abriter de nombreuses spécificités par
rapport aux autres partenaires européens.
Le fait que de nombreuses guerres se soient produites sur le sol national a
contribué à ancrer dans la tradition française une certaine sacralité du territoire. Le choc
de 1871 et la Grande Guerre ont solidifié un sentiment national forgé très tôt pat-rapport
aux voisins européens Italie, Allemagne, à l'exception toutefois de l'Angleterre. Les vingt
dernières années ont vu cependant, à travers l'intégration européenne, le sentiment
régionaliste et la décentralisation des pouvoirs progresser, tandis que l'immigration
introduisait un débat identitaire au sein de la nation. La géopolitique interne de la France
est en plein mouvement; ses évolutions sont intiment liées, et de manière réciproque, aux
évolutions de la politique étrangère de la France, et notamment au déplacement des
équilibres en faveur de la politique continentale. Le renforcement de la politique
d'intégration européenne se fait en effet de manière parallèle aux politiques de
décentralisation et de renforcement des pouvoirs et des cultures des régions.
Bien qu'elle n'ait à proprement parler aucune ambition territoriale, la France reste
un État à haute teneur géopolitique. Son débat interne est le reflet de l'évolution des choix
de sa politique étrangère dans le nouveau contexte géopolitique de l'Europe. À l'extérieur
du continent, comme hier elle se heurtait aux ambitions mondiales de l'Angleterre OU
de l'Allemagne, la France de cette fin de siècle doit faire face à la volonté d'omniprésence
des États-Unis Afrique. Moyen-Orient.
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