
arts et sciences en recherche transversale erkundungen in kunst und wissenschaft   4/10 
revue annuelle européenne  
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l’enquêteur et l’enquêté. Il convient de comprendre ensemble « ce qui s’est passé à l’instant » et 
non « pourquoi ça se passe comme cela ». Seule l’observation permet de saisir ce pourquoi, 
renvoyant à des interactions sociales qui se donnent aisément à voir par leur ritualisation. 
 
La recherche au concret 
Comprendre les lieux de l’observation 
 
Dans la démarche ethnographique, il est important de noter les lieux auxquels le chercheur a 
accès ou non13. Ils permettent de revenir sur la contextualité des lieux d’interactions afin de mieux 
comprendre ces dernières14.Les lieux interdits traduisent un démarquage de l’espace social entre 
ce qui relève de l’activité journalistique classique (produire et programmer un journal) et ce qui 
relève de l’activité de l’entreprise. Les refus correspondent à des situations auxquelles seuls 
certains membres choisis du groupe peuvent assister pour parler des décisions de stratégies 
entrepreneuriales. Ainsi, j’ai seulement essuyé trois refus (au Monde, à la Tageszeitung et à Die 
Welt) quand j’ai demandé l’autorisation de me rendre à la réunion de chefs services. 
Mais ces refus ne s’arrêtent pas aux seuls lieux de décisions économiques. Le chercheur - 
comme observateur - est circonscrit dans les lieux où le journal se donne à voir comme 
communauté éditoriale, en charge d’un produit collectif. Son statut formel de stagiaire est alors un 
argument pour le refuser dans les lieux du pouvoir éditorial : la réunion des chefs de service 
chargés de la « Une » à Die Welt, par exemple. Ces frontières institutionnalisées - puisque tous 
respectent la même discipline - sont aussi le fruit de l’histoire des journaux, qui n’accordent pas 
toujours dans le temps, la même importance aux espaces. 
 
A 20 ans d’écart, on peut noter une différence entre les enquêtes menées au 
Monde par J-G. Padioleau15 et la mienne, observant tous les deux la rédaction en 
période électorale. Jusqu’au début des années 80, la rédaction du journal se veut 
un organe collectif autonome, chargé de la ligne éditoriale du journal. Le comité 
de rédaction regroupe tous les journalistes actionnaires et définit la politique 
éditoriale, notamment par la nomination du directeur de rédaction. La 
programmation quotidienne du journal est ensuite effectuée de manière 
autonome dans les services, et rediscutée entre chefs de service lors de la 
conférence du matin. J.-G. Padioleau témoigne dans son livre de son regret de 
ne pas avoir été accepté dans ce lieu des décisions stratégiques quotidiennes, 
mais se félicite de sa facilité à observer les réunions du comité16. A l’inverse, 
depuis la réorganisation de 1995, les conférences de rédaction du Monde sont 
ouvertes à tous les journalistes qui voudraient s’intéresser à la production 
générale et aux visiteurs extérieurs17. Il n’y avait donc pas de raisons que je ne 
puisse participer à ces réunions, puisque le journal y est programmé et s’y donne 
à voir. En revanche, je me suis vu refuser l’entrée de la réunion mensuelle du 
comité de rédaction (portant sur le traitement de la campagne électorale par Le 
Monde) au motif que c’est une réunion d’actionnaires et qu’elle concerne la ligne