EDITORIAL
L
e 13 novembre 2015, le terrorisme islamiste, a, en frap-
pant une nouvelle fois notre pays, projeté au centre du
débat juridique, avec une force renouvelée, la question
difficile, mais fondatrice des Etats de droit, celle de l’équilibre à
trouver entre liberté et sécurité. Si, dans une démocratie, les li-
bertés peuvent être réduites pour assurer la sécurité, c’est à la
condition que la garantie des droits soit effective.
Dans l’épreuve que nous traversons, les juristes ont une respon-
sabilité toute particulière. Le droit, comme toutes les disciplines
repose sur des postulats, c’est-à-dire des propositions que l’on
demande d’admettre comme vraies, sans démonstration. Ces
axiomes sont plus ou moins critiquables. En réalité, ils ne sont
acceptables que s’ils fondent l’essence même de la discipline,
s’ils sont extérieurs au discours de la théorie juridique pure.
Dans cette perspective, la proposition que nous demandons de
tenir pour vraie concerne la « donnée fondamentale que le droit
est une discipline normative et non point explicative »1. Le droit
« ne tend pas à formuler des jugements d’existence basés sur le
principe de causalité, mais des jugements de valeur fondés sur
l’idée d’une finalité »2. Ce postulat étant admis, c’est l’idée de
valeur qui commande l’ordonnancement juridique. Mais il ne
s’agit pas d’une approche subjective de la valeur qui conduirait
à admettre l’arbitraire le plus intolérable3, mais d’une notion qui
prend son assise dans la recherche d’une finalité.
C’est ainsi, au regard des finalités assignées au droit qu’un juge-
ment de valeur pourra, en effet, être formulé à propos de ces
règles et aboutir à l’adoption de la règle la plus conforme à ces
finalités. François Gény dans « Sciences et techniques en droit
privé positif »4 définissait le droit comme « l’ensemble des
règles, auxquelles est soumise la conduite extérieure de
l’Homme dans ses rapports avec ses semblables, et qui, sous
l’inspiration de l’idée naturelle de justice, apparaissent suscep-
tibles d’une sanction sociale, au besoin coercitive, et se posent
sous la forme d’injonctions catégoriques dominant les volontés
particulières pour assurer l’ordre dans la société ».
Dans cette perspective que nous faisons nôtre, l’Utile et le Juste
apparaissent comme les deux piliers du Droit et la bonne règle
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N°14 Janvier 2016 Parution trimestrielle
Gratuite
SOMMAIRE
EDITO1
PROPOSITION DE LOI GLOBALE RELATIVE A LA PROTECTION
DES LANCEURS D’ALERTE PRÉSENE PAR YANN GALUT3
INTERVIEW
GILLES DUVAL CHEF DE L’UNICOORATION JUDI-
CIAIRE PÉNALE À LA DIRECTION GÉNÉRALE JUSTICE ET
AFFAIRES INTÉRIEURES DU SECRÉTARIAT NÉRAL DU
CONSEIL DE L'UNION EUROENNE 
CONSTATS ET PRECONISATIONS
LE PARTENARIAT PUBLIC/PRI, UN ATOUT DANS LA
LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ, PAR MICHEL
QUIL
ENRICHISSEMENT PARTENARIAL DU RENSEIGNEMENT
CRIMINEL, L’EXEMPLE DE LA SNCF ET DE LA GENDAR-
MERIE , PAR FLORIAN MANET
DOCTRINE SCIENCES CRIMINELLES
L’ARGENT DE LA CRIMINALIORGANISÉE EN 2013 :
APPROCHE EMPIRIQUE DE SEPT MARCHÉS CRIMINELS,
PAR THIERRY OURGAUD
LE CRIME ORGANISÉ : DÉFINITIONS, MODÈLES ET DÉFIS
DES MÉTHODES DE LUTTE, PAR TAFSIR HANE 
CYBERATTAQUES MODELE DE REPRESENTATION
STRUCTUREE ET DYNAMIQUE, MESURES ESSENTIELLES
ET GESTION DE CRISE , PAR DANIEL GUINIER 
COMMENTAIRE JURISPRUDENTIEL
LA DÉCLARATION D’INCONSTITUTIONNALI DE
L’ARTICLE 99 ALINÉA 2 DU CODE DE PROCÉDURE
PÉNALE. COMMENTAIRE DE LA DÉCISION 2015-494
QPC DU16 OCTOBRE 2015, PAR CHANTAL CUTAJAR 
PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
ÉTAT DES LIEUX ET LUTTE CONTRE LE PHÉNONE
PROSTITUTIONNEL EN FRANCE EN 2015, PAR JEAN-
MARC DROGUET
LUTTE CONTRE LE TERRORISME
TERRORISME NUMÉRIQUE ET ÉTAT D’URGENCE, PAR
MYRIAM QUÉNER
LES CARTES PRÉPAYÉES : UN OUTIL POTENTIEL DE FI-
NANCEMENT DU TERRORISME, PAR ELENA PELLISER
DOCTRINE JURIDIQUE
L’EXTENSION DE LA CIRCONSTANCE DE BANDE ORGA-
NIE PAR LA LOI DU 13 NOVEMBRE 2014 RENFOR-
ÇANT LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME : L’EXEMPLE
DES ATTEINTES AUX STAD , PAR EMMANUEL DAOUD
ET CÉLINE GODEBERGE 
DU CÔTÉ DES PRATICIENS
ANNUAIRES PROFESSIONNELS : UN DANGER RÉCUR-
RENT POUR LES ACTEURS DU PRI COMME DU PU-
BLIC, PAR DAVID HELM
LES DIX ANS DU PROGRAMME D’ÉCHANGES DES AUTO-
RITÉS JUDICIAIRES : LA MARCHE VERS UN ESPACE
JUDICIAIRE COMMUN EN EUROPE, PAR GILLES CHAR-
BONNIER 
REGARDONS AILLEURS
LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE INTERNE DANS LES
BANQUES DE DÉTAIL AU MAROC, PAR AMINE SOU-
FIANE 
LA GESTION DE L’IDENTIEN BELGIQUE, UN MODÈLE
DE PRÉVENTION DE LA FRAUDE IDENTITAIRE, PAR
CHRISTOPHE VERSCHOORE
2
N° 14 Janvier 2016
de droit est celle qui parvient
réaliser la synergie entre ce qui
est utile et ce qui est juste.
C’est donc, in fine, à la repré-
sentation nationale, de recher-
cher, lors des discussions des
propositions ou des projets de
loi pour lutter contre le terro-
risme, bien au-delà des clivages
politiques que le citoyen ne
comprend ni ne perçoit plus, la
meilleure équation entre l’Utile
et le Juste. Cette recherche est
d’autant plus nécessaire dans
les moments de crise politique
et sociale, telle que nous la vi-
vons, les peuples doivent
chercher à restaurer leurs va-
leurs spirituelles et morales5.
L’épreuve doit nous rendre plus
forts et consolider notre unité
nationale. A défaut, seule la
peur dictera les comportements
et, nous pénétrerions alors
« dans un domaine l’on ne
pourrait avancer sans être saisi
d’effroi »6.
Pour permettre aux juristes,
quelle que soit le champ et les
modalités d’exercice du droit, en-
seignant, chercheur, magistrat,
avocat, autorité de poursuite, étu-
diants,… de contribuer à cette
flexion, la Revue du Grasco a
ouvert une page facebook dispo-
nible à l’adresse suivante : https://
www.facebook.com/Lutte-contre-le-
terrorisme-111423759237694/. Merci
de vos contributions.
Notes :
1. Roubier P., Théorie générale du droit
Histoire des doctrines juridiques et
philosophie des valeurs sociales,
2ème éd., revue et augmentée, Sirey,
1951, p. 317, n. 36
2. Idem.
3. Roubier P., préc. : « Des jugements
fondés sur un état aecf sont aec-
tés dun coecient fâcheux darbi-
traire, et ne peuvent donner nais-
sance à une règle qui doit avoir des
assises solides comme la règle de
droit », p. 318, n° 36.
4. T. 1, p. 51, n° 16
5. Roubier préc., p. 323, n° 36
6. Idem p. 334
OUVRAGES RÉCENTS
MANUEL D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE
AUTEUR : CHRISTIAN HARBULOT
EDITEUR : PUF
Présentation de l’éditeur.
Dans le contexte d’une mon-
dialisation qui tourne à la
guerre économique, l’intelli-
gence économique est devenue
un outil incontournable pour
les entreprises et les adminis-
trations. Aussi s’est-elle impo-
sée comme une discipline à
part entière enseignée dans les
écoles de gestion comme dans
les universités.
Les champs de connaissances
définis officiellement en 2004
par Alain Juillet, alors haut
responsable pour l’intelligence
économique en France dans le
référentiel de l’intelligence économique.
Une approche théorique et pra-
tique apportée à la fois par les
meilleurs enseignants et par
les professionnels les plus ex-
périmentés.
De nombreux cas pratiques iné-
dits tis de l’actuali récente.
Tout ce qu’il faut savoir pour
maîtriser les stratégies
d’influence et d’utilisation de
l’information.
L’essentiel pour utiliser avec
succès les dernières technolo-
gies de l’information : logi-
ciels, web 2.0, etc.
3
N° 14 Janvier 2016
PROPOSITION DE LOI GLOBALE
RELATIVE A LA PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE
Présentée par Yann GALUT
Député du Cher
Jeudi 3 décembre 2015
4
N° 14 Janvier 2016
PROPOSITION DE LOI GLOBALE RELATIVE A LA
PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE
Présentée par Yann Galut
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les lanceurs dalerte ont au cours des cinquante dernières années contribué à une meilleure informaon
des instuons et des citoyens et à la sauvegarde de vies humaines, du patrimoine, des biens et res-
sources publiques, renforçant ainsi la responsabilité et la gouvernance citoyennes et démocraques.
Alors que lalerte éthique ne gure pas dans le droit français, de nombreux textes internaonaux recon-
naissent le lanceur d'alerte, quil sagisse de convenons internaonales raées par la France, ou de
droit souple dans les domaines des droits de lhomme, du droit du travail, du droit pénal, de la lue an-
corrupon ou de la gouvernance.
Au niveau internaonal, le rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'opinion et d'expression a rappelé
en 2004 que les lanceurs d'alerte doivent être protégés contre toute sancon s'ils agissent de bonne foi.
Le rapporteur spécial de lONU sur la promoon et la protecon du droit à la liberté dopinion et dex-
pression a quant à lui inscrit en 2015 dans ses recommandaons pour la protecon des lanceurs
dalerte : « La gislaon de lÉtat doit protéger toute personne qui divulgue des informaons quelle a
des mofs raisonnables de considérer véridiques au moment de leur divulgaon et qui portent sur des
faits aentatoires à un intérêt public précis ou le menaçant, tels quune violaon du droit naonal ou in-
ternaonal, un abus dautorité, un gaspillage, une fraude ou des aeintes à lenvironnement, à la santé
ou à la sécurité publiques. Après avoir pris connaissance des faits, les autorités doivent enquêter et remé-
dier aux actes illicites allégués sans excepon fondée sur les mofs présumés ou la « bonne foi » de la
personne qui a divulgué linformaon ».
Au niveau européen, faisant suite aux Résoluon 1729 (2010) et Recommandaon 1916
(2010) de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope, la Recommandaon Rec(2014)7 du Comité
des Ministres du Conseil de l'Europe sur la protecon des lanceurs dalerte, adoptée le 30 avril 2014 de-
mande aux Etats « de disposer dun cadre normaf, instuonnel et judiciaire pour protéger les per-
sonnes qui, dans le cadre de leurs relaons de travail, font des signalements ou révèlent des informaons
concernant des menaces ou un préjudice pour lintérêt général ». Elle a été complétée par la Résoluon
5
N° 14 Janvier 2016
2060 et la Recommandaon 2073 du 23 juin 2015, appelant à étendre la protecon accordée aux ser-
vices de sécurité naonale et de renseignement, et à adopter « un instrument juridique contraignant
(convenon) consacré à la protecon des donneurs dalerte sur la base de la Recommandaon CM/Rec
(2014)7 ».
La législaon française a quant à elle accumulé les disposions relaves aux lanceurs d'alerte dans des
textes épars. Lessenel de ces disposions gure dans le code du travail. Hors ces disposions par-
elles disséminées, cinq arcles de cinq lois diérentes de 2007 à 2013 protègent des signalements sec-
toriels.
Ces textes n'assurent pas une protecon générale et eecve des lanceurs d'alerte.
Dune part, ils nassurent pas une égalité de traitement à lensemble des lanceurs dalerte en accordant
une protecon inégale dans le cadre du contrat de travail, et sans prévoir de protecon juridique pour
les lanceurs dalerte non liés par un contrat de travail. De plus, les disposions actuelles divergent en ce
qui concerne le détail de la liste des protecons accordées, introduisant une première incertude juri-
dique.
Dautre part, les textes actuels divergent quant aux procédures comme aux desnataires du signale-
ment.
Enn ils nopèrent aucune hiérarchisaon des injoncons qui peuvent être contradictoires selon les sta-
tuts et les exigences déontologiques (obéissance et respect de la hiérarchie, devoir de serve, discré-
on et secret professionnel).
Le disposif français très émieé se présente donc sous la forme d'un millefeuille, paradoxal, lacunaire,
aux injoncons contradictoires, sans dénion globale du lanceur dalerte, sans autorité indépendante
ni moyens dédiés, ni souen aux vicmes. Il nore pas de sécurité juridique et ne répond quimparfai-
tement à la nécessité d'une protecon eecve du lanceur l'alerte. De plus, celui-ci doit, quel que soit
le texte protecteur, paenter le temps de la procédure pour faire valoir ses droits ; une réparaon a
posteriori, qui neace pas une moyenne de dix années de licenciement, de procédures et de dé-
chéance sociale ne constue pas une alternave au silence.
Une dizaine de pays dans le monde a adopté une loi unique dédiée à la protecon des lanceurs dalerte.
L'objecf de la proposion de loi répond à cet objecf de protecon eecve, en amont et en aval, par
la claricaon du disposif et son unicaon.
La présente proposion de loi relave à la protecon des lanceurs dalerte sarcule autour de six tres.
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