Les dix ans du tutorat en psychiatrie: quels bilans et perspectives en Auvergne Rhône Alpes pour demain ? 4ème journée régionale du tutorat en psychiatrie organisée par le Centre Hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or en collaboration avec le Centre Ressources Métiers et Compétences et le soutien de l’Agence Régionale de Santé Auvergne Rhône-Alpes Jeudi 15 décembre 2016 TABLE DES MATIERES 1 Les mots d’accueil… 1.1 4 Monsieur Jean-Charles FAIVRE-PIERRET, Directeur du centre hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or : 4 1.2 Monsieur Michel NICOLAS, Directeur des soins, Centre Ressource Métiers et Compétences en psychiatrie. 6 1.3 Madame le Docteur Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus", Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes. 7 2 Quel bilan du dispositif « tutorat en psychiatrie » en région Auvergne-Rhône-Alpes ? M. NICOLAS – Directeur des soins – CRMC. 9 3 Tutorés, 10 ans déjà ! Quelle transmission pour demain ? Tuteurs et tutorés – CH de Saint Cyr au Mont d’Or 16 4 Le tutorat comme élément clé de la gestion de la transition générationnelle des infirmiers de psychiatrie : présentation des résultats de la recherche action menée dans deux établissements d’Ile de France. Karine BOITEAU – Infirmière, consultante RH, Docteur en sciences de gestion 25 5 Dynamique managériale au centre hospitalier Sainte Marie de Clermont Ferrand : une contribution décisive à la transmission des savoirs. Marie LALUQUE – Cadre supérieure de santé – CHSM de ClermontFerrand 33 6 Etre tuteur professionnel, métier ? Peut-être … Travail ? Surement ! Michèle TORTONESE – Infirmière – Centre hospitalier « Le Vinatier » - BRON 37 7 Infirmière clinicienne et tutrice : un référencement clinique dans et hors l’équipe. Noémie SPERER – Infirmière clinicienne – Clinique des Vallées - Annemasse 42 8 45 Tutorat : vers une professionnalisation ? Michel NICOLAS – Directeur des soins - CRMC 9 Quel tutorat pour l’ARS ? Dr Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus" Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes 49 10 51 Eléments de bibliographie ANNEXE 1 : Programme de la journée 53 ANNEXE 2 : Indicateurs sur la progression des infirmiers à l’issue du tutorat et des formations du corpus « Consolidation des savoirs ». 54 ANNEXE 3 : Tuteur en psychiatrie, passeur de savoirs 58 Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 2 Le 15 décembre 2016, s’est tenue la quatrième journée régionale du tutorat en psychiatrie organisée par le Centre Hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or et le Centre Ressource Métiers et Compétences en psychiatrie. Cette journée s’est déroulée avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes. Depuis 2010, le Centre Hospitalier de Saint Cyr organise tous les deux ans cette journée régionale. Les trois précédentes journées avaient successivement exploré les questions suivantes : « Qu’est-ce que transmettre ? », « Comment transmettre ? », « Que transmettre ? ». Ces journées riches en échanges avaient permis de partager les expériences des uns et des autres et de créer une véritable dynamique régionale. Pour cette quatrième journée, dresser un bilan de ce dispositif mais aussi dégager des perspectives pour les années à venir se présentait comme une évidence. En effet, le dispositif fêtait ses dix ans (la circulaire ayant institué le tutorat date du 16 janvier 20061). Par ailleurs, l’ « ex-région » Rhône-Alpes a été la seule région sur le territoire national à poursuivre l’accompagnement financier de ce dispositif dans le cadre du projet régional de santé 2012-20172. Cet appui a ainsi permis à de nombreux établissements de poursuivre l’accompagnement des nouveaux arrivants à l’aide de ce dispositif original. A l’aube de la réécriture du projet régional de santé, mais aussi de la nouvelle configuration régionale, la question du maintien de ce dispositif devait nécessairement se poser. Ainsi, cette question se devait d’être explorée à l’occasion de ces 4èmes journées. Dans cette perspective, le CRMC, dans le cadre de sa mission d’accompagnement des réflexions régionales sur les métiers et compétences en psychiatrie a réalisé un recueil de données afin de dresser un bilan de ce dispositif. Il a également accompagné un groupe de travail sur la définition du tutorat en psychiatrie. Pour compléter ces éléments, plusieurs intervenants ont pu partager leur expérience de tuteur et de tutoré quelquefois dans un exercice originale qui invite à penser le tutorat de façon différente. 1 2 Circulaire DHOS n° DHOS/P2/O2DGS/6C/2006/21 du 16 janvier 2006 http://www.prs-rhonealpes.fr/prs-rhone-alpes.html Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 3 1 LES MOTS D’ACCUEIL… 1.1 MONSIEUR JEAN-CHARLES FAIVRE-PIERRET, DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE SAINT CYR AU MONT D’OR : Bonjour à toutes et à tous, Je souhaite à l’occasion de cette journée revenir avec vous sur le rapport de Monsieur LAFORCADE3 diffusé récemment. Nous avions tous eu connaissance, il y a quelques années, du plan psychiatrie santé mentale. Ce plan était intéressant puisqu’il faisait état des objectifs notamment en matière de prévention des ruptures dans la prise en charge des patients. Mais celui-ci avait été court, bref, réalisé avec peu de concertation et surtout il ne faisait état d’aucun objectif en termes de moyens associés. Peut-être que ce « rapport Laforcade » qui est dense et qui a fait l’objet d’un travail de fond sera la première pierre d’un plan dans les années qui viennent un peu plus ambitieux que ceux que nous avons connu. Je retiens dans ce plan un certain nombre de choses et je souhaitais vous les lire ce matin. « Des innovations remarquables se font jour en psychiatrie en France, souvent depuis plusieurs années, dans de multiples endroits du territoire national témoignant de l’engagement et de la faculté des professionnels à se mobiliser ». Nous sommes dans le sujet qui nous concerne aujourd’hui : Une initiative remarquable d’innovation autour du tutorat. On en parle peu et pas assez en France puisque ce dispositif au niveau national à la différence de notre région a été abandonné en 2010. Le rapport Laforcade mentionne aussi « Nous regrettons que les meilleures solutions restent souvent confidentielles : il s’agira de porter à connaissance ce qui se fait d’exemplaire ». Je remercie l’Agence Régionale de Santé et le Docteur Ynesta d’être présent ce matin, de co-organiser cette journée et de nous aider à faire que cela soit une réussite. Cette ARS a été la seule en France à continuer de porter ce dispositif remarquable et à faire qu’il ne soit pas confidentiel. « L’enjeu » dit le rapport Laforcade « consiste à passer d’expériences multiples et souvent probantes à une politique de santé plus homogène ». Et bien, nous espérons aussi qu’en matière de tutorat, nous reviendrons à des ambitions nationales. Je finirai sur le rapport Laforcade en citant « Recherche, évaluation et formation sont indissociables. Malgré les avancées significatives ces dernières années, des comités de recherche et d’élaboration de recommandations adaptés à la psychiatrie doivent être promus et mise en œuvre ». Il rappelle que la dépense en recherche, et je parle de l’ensemble de la recherche non limitée à la recherche en soins, ce n’est que 2% de toute la recherche médicale en France. Aujourd’hui, nous sommes ici avec le CRMC, la présence de Monsieur Lanquetin et de Monsieur Nicolas est aussi la preuve que, ici en région Auvergne-Rhône-Alpes, nous faisons des efforts en matière de 3 http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_rapport_laforcade_mission_sante_mentale_011016.pdf Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 4 recherche en soins. Monsieur Nicolas présentera tout à l’heure l’étude qu’il a réalisé sur les dix ans du tutorat et nous sommes reconnaissants aux professionnels qui se mobilisent en matière de recherche en soins, à l’ARS de nous aider en la matière. Nous sommes donc là pour les 10 ans de la circulaire de janvier 2006 qui avait instauré le tutorat pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie. Je vous parlais du plan psychiatrie santé mentale, il s’agissait de l’avant dernier plan qui avait fait du tutorat une priorité en matière de psychiatrie pour adapter les compétences, améliorer l’accueil des nouveaux infirmiers, les fidéliser et renforcer l’attractivité de l’exercice infirmier en psychiatrie. A Saint Cyr au Mont d’Or, qui est le deuxième établissement public de santé mentale à Lyon, nous avons mis en place le tutorat dès 2007. Une évaluation régionale avait été conduite en 20094, sous l’égide de l’ARS qui faisait état de l’intérêt du dispositif et surtout du fait que les professionnels le plébiscitent. Une nouvelle évaluation était pilotée par la DGOS au niveau national en 20105 qui montrait, au moment où il était abandonné au niveau national, tout l’intérêt du dispositif et les différents effets qu’il produit. Au sujet des tuteurs, on rappelait qu’il y avait trois positions majeures : « celle du précepteur qui sait et transmet les connaissances théoriques, celle du compagnon qui partage une expérience et permet de conseiller, et celle du superviseur qui investit la question du rapport du soignant aux acteurs avec lesquels il travaille ». Nous avons au centre hospitalier de Saint Cyr, organisé tous les deux ans des journées régionales du tutorat à chaque fois soutenues par l’ARS. Aujourd’hui ce sont les 10 ans du tutorat et nous allons faire un point sur l’état du tutorat dans notre région et ses perspectives. Cette journée de travail va tenter de répondre à la question « Qu’en est-il aujourd’hui du tutorat dans notre région ? ». La présence de nombreux professionnels d’Auvergne et Rhône-Alpes est une preuve de la vitalité du dispositif. Je vous souhaite une excellente journée avant de laisser la parole à Michel Nicolas, puis Madame Ynesta, tout en félicitant encore une fois le CRMC pour le travail important qui a été conduit sur le tutorat en région. 4 Martine BARTOLETTI/ groupe de travail - « Enquête sur l’impact des actions de formation du plan psychiatrie et santé mentale » - ARH – Novembre 2009 – 45 pages - http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competencesformation-crmc-psychiatrie 5 Judith MATHARAN, Julie MICHEAU, Annick PENSO - « Etude sur le tutorat/compagnonnage des professionnels infirmiers en psychiatrie– plein Sens – Septembre 2010 -107 pages - http://crmc-psy.fr/metiersde-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 5 1.2 MONSIEUR MICHEL NICOLAS, DIRECTEUR DES SOINS, CENTRE RESSOURCE METIERS ET COMPETENCES EN PSYCHIATRIE. Bonjour à toutes et à tous, Le CRMC est né de la volonté conjointe des directeurs des soins et directeurs d’établissements de santé mentale pour assurer l’attractivité et la fidélisation dans la discipline psychiatrique. Ce projet a été soutenu et accompagné par l’ARS. A ce jour, ce sont 26 établissements (Publics, privés, ESPIC) qui sont adhérents et participent aux travaux initiés par le CRMC. Le CRMC a pour mission de développer le réseau entre les établissements ayant une activité de psychiatrie et santé mentale. A travers ce réseau et un travail collaboratif, ce sont les questions des métiers, compétences mais également pratiques professionnelles qui peuvent être mises en travail et exploitées dans un espace dédié. Ainsi, par exemple, sont développées et travaillées au sein du CRMC, la question du référentiel métier infirmier en psychiatrie (avec pour corollaire le sujet des pratiques avancées), le moindre recours à l’isolement et à la contention, l’évolution des compétences en lien avec l’évolution des dispositifs ambulatoires… Le CRMC, c’est aussi le développement et l’accompagnement de la recherche en soins avec l’initiation d’une recherche inter-établissement depuis septembre 2016. Le tutorat s’inscrit naturellement dans ce cadre tant il a à voir avec la question des compétences des professionnels d’aujourd’hui et de demain en psychiatrie et santé mentale. C’est pourquoi je suis heureux que cette journée puisse avoir lieu. Je tiens à remercier l’ARS et le centre hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or pour y avoir associé le CRMC et aussi pour le soutien qu’ils ont pu apporter à l’organisation de cette journée. Nous sommes aujourd’hui 130 professionnels, de 28 établissements de santé différents et de deux instituts de formation. Je remercie de leur présence le Docteur Ynesta et Madame Danielou, directrice des soins et conseillère technique, de l’ARS. Je voudrai saluer la présence de nos collègues d’Auvergne, le centre hospitalier Sainte Marie de Clermont Ferrand et le centre hospitalier Henri MONDOR d’Aurillac mais aussi « nos voisins », le centre hospitalier de Macon et le centre hospitalier de la Chartreuse de Dijon. Cet espace qui nous est offert aujourd’hui est un espace de réflexion, de controverses, sur un dispositif qui reste à mon sens essentiel à notre profession et à la qualité des soins. Je nous souhaite une bonne journée de travail et vous remercie par avance de votre participation aux échanges. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 6 1.3 MADAME LE DOCTEUR SYLVIE YNESTA, CONSEILLER "PSYCHIATRIE ET SANTE MENTALE- SANTE DES DETENUS", DIRECTION DE L'OFFRE DE SOINS, AGENCE REGIONALE DE SANTE AUVERGNE-RHONE-ALPES. Mesdames et Messieurs bonjour, Madame Vigne, Directrice de l’offre de soins à l’Agence Régionale de Santé me prie de l’excuser auprès de vous puisqu’elle a eu un impondérable de dernière minute, mais c’est bien volontiers que j’ai pris le relai pour cette introduction. En effet, comme on vient de vous le dire l’année 2016 est une année particulièrement importante pour le tutorat puisqu’elle marque sa dixième année. Et je vous rappelle comme l’a évoqué Monsieur FaivrePierret, les objectifs de ce tutorat était alors bien cadrés. Le tutorat devait permettre d’adapter les compétences en santé mentale sur la base d’une transmission notamment intergénérationnelle, des savoirs et des pratiques. Il devait permettre d’améliorer l’accueil des nouveaux infirmiers (et à l’époque le dispositif était à destination exclusive des infirmiers) et leur adaptation à la spécificité de l’exercice en psychiatrie. Le dernier objectif que s’était fixé le plan santé mentale était de renforcer l’attractivité de l’exercice infirmier et de fidéliser les professionnels. A ce jour, nous ne sommes pas arrivés forcément à démontrer l’atteinte de ce dernier objectif mais c’était un objectif important. Comme l’a montré l’enquête du CRMC qui va vous être présentée, on voit que ce dispositif a toujours sa place et qu’il reste essentiel pour la profession particulièrement des infirmiers. Quand on regarde cette enquête, les tutorés considèrent le tutorat dans leur grande majorité comme nécessaire et utile à leur construction professionnelle. Le tutorat facilite leur prise de recul dans les situations de soins, leur permet de mieux comprendre le fonctionnement psychique des patients mais aussi d’améliorer leurs capacités réflexives face aux situations rencontrées. De plus, le tutorat joue aussi un rôle important en permettant à ces jeunes professionnels de mieux se positionner auprès des malades, dans leur propre service mais aussi éventuellement dans leur institution et cela me semble particulièrement important. Ces constats expliquent en partie pourquoi l’agence régionale de santé a soutenu financièrement dès le départ ce dispositif et a été la seule région de France à continuer à le financer alors que les financements nationaux n’avaient plus cours. Suite à une évaluation que j’avais réalisée en 20136, nous avions étendu le tutorat à d’autres établissements, les cliniques, dans le cadre du dernier projet régional de santé grâce à des financements spécifiques (Fonds Inter Régional). Sur l’année 2015, ce sont près de 970 000 euros qui ont été dévolus au dispositif tutorat, consolidation des savoirs, formations spécifiques pour les établissements publics et ESPIC et 300 000 euros sur le FIR pour les établissements privés. L’enveloppe dévolue à ce dispositif était donc supérieure à une million d’euros, ce qui dans un contexte de contrainte financière est très conséquent. 6 Florence BROSSAT, Karyn LECOMTE, Dr Sylvie YNESTA, Evaluation du volet régional de formation en psychiatrie et proposition pour sa pérennisation – Juillet 2013 – 18 pages - http://crmc-psy.fr/metiers-depsychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 7 D’autres éléments vont conduire l’ARS à poursuivre à soutenir le dispositif dans les années qui viennent. Comme l’a évoqué Monsieur Faivre Pierret, le rapport Laforcade, page 71, dans les propositions destinées à faire évoluer les pratiques, « conforter le tutorat pour les infirmiers nouvellement affectés en psychiatrie ». J’espère que d’autres ARS vont continuer à aider ce dispositif. Un autre rapport est sorti récemment, celui de la Haute Autorité de Santé, dans un guide intitulé « Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence dans l’évolution clinique des patients adultes lors des hospitalisations en service de psychiatrie »7. Ce rapport récemment publié rappelle que les compétences spécifiques des équipes dans la gestion des situations difficiles sont autant d’éléments qui limitent les risques de violence et leurs conséquences ». D’autre part, je vous le rappelle, l’article 72 de notre loi de modernisation de notre système de santé encadre précisément maintenant la contention et l’isolement en psychiatrie en stipulant que ce sont des pratiques de dernier recours. Pour que les pratiques changent, pour mieux prévenir la violence dans les établissements psychiatrique et réduire de façon importante le recours à l’isolement et à la contention, la région a besoin d’infirmiers compétents, reconnus dans leur rôle propre qui possèdent certains savoirs-faires, certains savoirs-êtres, que seul le tutorat, mais un tutorat de qualité peut leur apporter. Dès 2017, l’Agence Régionale de Santé va cependant cibler ses financements pour la formation des nouveaux arrivants dans la discipline psychiatrique. Nous ne financerons dorénavant plus que le tutorat. Ainsi, comme dans d’autres régions, les établissements inscriront dans leur plan de formation les modules de consolidation des savoirs, et les formations continues quel qu’elles soient, spécifiques ou pas. Le dispositif de tutorat sera étendu aux établissements de l’ex-région Auvergne qui font partie maintenant de la même région. Les financements FIR jusqu’alors destinés aux cliniques seront arrêtés pour l’ensemble de la région. La journée de travail que vous prévoyez est une journée d’échange qui doit montrer quels sont les bonnes pratiques et les prérequis indispensables pour que le tutorat réponde au mieux aux attentes des tutorés, aux attentes des tuteurs, de l’institution qui le porte mais aussi de l’ARS. Je souhaite rappeler aujourd’hui que le tutorat n’est pas un « simple » compagnonnage. Il doit réellement permettre d’améliorer les pratiques et il doit permettre d’améliorer la qualité des soins. L’ARS souhaite qu’ils deviennent un dispositif structuré, harmonisé entre les établissements qui bénéficient de ces financements. Nous prévoyons donc qu’à la suite de cette journée, un cahier des charges sur le tutorat soit élaboré et ce document s’imposera à tous les établissements qui souhaitent être soutenus financièrement par l’ARS. Dans ce contexte mais aussi en fonction de ce que j’aurai entendu au cours de la journée, je vous donnerai en fin de journée un certain nombre d’éléments qui vont faire partie de ce cahier des charges. Je vous souhaite une bonne journée de travail et avant de terminer, je tiens à remercier le CRMC et le centre hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or pour avoir organisé cette journée. 7 http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1722 310/fr/mieux-prevenir-et-prendre-en-charge-les-moments-deviolence-dans-l-evolution-clinique-des-patients-adultes-lors-des-hospitalisations-en-services-de-psychiatrie Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 8 2 QUEL BILAN DU DISPOSITIF « TUTORAT EN PSYCHIATRIE » EN REGION AUVERGNERHONE-ALPES ? M. NICOLAS – DIRECTEUR DES SOINS – CRMC. Ce bilan est issu de l’enquête régionale8 initiée par le CRMC finalisée en juin 2016. Vous pouvez retrouver l’intégralité de cette enquête sur le site du CRMC9. Les données issues de cette enquête seront mis en perspective avec : Les 3 précédentes journées régionales (non publiées - abstracts peuvent être disponibles). L’enquête sur l’impact des actions de formation du plan psychiatrie et santé mentale - ARH (2009)10 L’étude sur le tutorat/compagnonnage des professionnels infirmiers en psychiatrie (Plein sens) DGOS (2010)11 Quelques données chiffrées sur l’enquête réalisée par le CRMC en 2016 : 28 établissements répondants dont 23 ont mis en place le dispositif (dont 7 ont arrêté) et 5 ne l’ont jamais mis en place. Ce sont donc 123 questionnaires traités répartis comme suit : - 27 décrivant le dispositif renseigné par des directeurs de soins ou cadres coordonnant le dispositif - 41 renseignés par les tuteurs - 23 renseignés par les tutorés - 19 par les cadres de santé et 3 par des médecins. Nous avions souhaité que dans chaque établissement 2 cadres et deux médecins répondent. Finalement, nous nous apercevons que les médecins se sont tenus en retrait et nous avons eu du mal à recueillir leur avis sur ce dispositif. A noter : 3 établissements ont mis en place le tutorat il y a moins de deux ans et 4 établissements envisagent de le mettre en place. Ceci confirme l’actualité et la permanence du besoin en matière d’accompagnement à l’acquisition de compétences spécifiques et sans doute la pertinence de ce dispositif. les aspects organisationnels des dispositifs : Plus de la moitié des établissements répondants associent un tutorat collectif à l’individuel. Le tutorat individuel reste le socle commun. En 2010, l’enquête DGOS précisait que lorsqu’il existait, le tutorat collectif était une des évolutions du dispositif. La règle majoritaire est que le tuteur et le tutoré n’exercent pas dans la même unité 8 M. NICOLAS – « Enquête sur le tutorat en psychiatrie en région Auvergne-Rhône Alpes » - Juin 2016 – CRMC – 37 pages - http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie 9 www.crmc-psy.fr 10 Op. Cit 11 Op. Cit. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 9 Pour plus de la moitié des établissements, le tutorat est obligatoire (2 établissements imposent la première rencontre). Lorsqu’il est facultatif, il est fortement conseillé, avec des efficacités variables Les tuteurs et les tutorés : Pour les tutorés, la durée d’exercice préalable à la mise en place du tutorat est variable (1 à 12 mois). Ces périodes courtes correspondent souvent pour des établissements privés à la fin de la période d’essai. En 2010, l’étude diligentée par la DGOS notait que le tutorat démarrait 6 à 12 mois après la prise de poste. Cela semble une période nécessaire d’immersion pour pouvoir revenir sur sa pratique avec un peu de distance. Cette même étude précisait qu’il était entendu, et le Docteur YNESTA le rappelait, que le tutorat ne se substituait pas à l’adaptation au poste qui relève de l’encadrement du service, voir du compagnonnage dans certains établissements. La sélection des tuteurs ne reposent pas toujours sur des critères formalisés. Le nombre d’années d’expérience reste le critère le plus cité. En 2010, le principal critère explicite pour être tuteur est l’ancienneté. On voit qu’en majorité le seuil de 5 ans (édicté dans la circulaire de 2006) reste la règle. Cependant un abaissement de ce seuil à trois ans pour certains établissements peut légitimement nous interroger. En lien avec l’abaissement de ce seuil, la difficulté pour trouver des tuteurs suffisamment expérimentés est pointée. La formation des tuteurs est généralisée. Notons au passage que le format trois jours est toujours d’actualité dans de nombreux établissements. Nous remarquons qu’une instruction DGOS12 du 4 novembre dernier portant sur un cahier des charges de formation au tutorat des stagiaires paramédicaux préconise pour ces tuteurs d’apprentissage une formation minimale de 4 jours. Cela peut nous interroger sur comment demain former nos tuteurs en psychiatrie, allons-nous les former sur une période plus courte que les tuteurs d’apprentissage ? L’accompagnement repose sur une coordination effectuée par un cadre (8), mais 4 seulement avec des rencontres et/ou l’analyse des pratiques de tutorat (2). Cette nécessité pour les tuteurs d’appartenir à un groupe était notée en 2010, avec une plus-value : « en même temps qu’il décloisonne l’établissement, le groupe des tuteurs peut devenir un lieu particulièrement innovant ». C’est ce dont on se rend compte dans certains établissements où les tuteurs se sont saisis du dispositif de tutorat et ce sont eux qui l’ont fait évoluer. Les contenus, outils et l’évaluation du dispositif Sur le contenu du tutorat de manière globale, le choix d’un thème ou d’une situation clinique est soit apporté par le tuteur, soit par le tutoré. Quelques établissements ont formalisés des outils (guide du tutorat, charte, évaluation d’acquisition de compétences….) mais cela ne constitue pas une majorité et pour certains établissements lorsqu’ils existent sont très peu utilisés. 12 INSTRUCTION N° DGOS/RH1/2016/330 du 4 novembre 2016 relative à la formation des tuteurs de stages paramédicaux Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 10 L’évaluation du dispositif est existante mais reste une évaluation quantitative ou de satisfaction. L’évaluation du dispositif et de son efficacité reste une vraie question aujourd’hui : c’était aussi une question en 2012 après l’intervention du CHU de Grenoble : « Comment évaluer l’impact du tutorat sur les jeunes professionnels, sur leur capacité à exercer ? Quels critères et indicateurs ? ». En 2010 l’enquête DGOS pointait déjà : « L’évaluation est rarement prévue. Il ne s’agit apparemment pas tant d’une lacune que d’un parti pris : le tutorat est mis à disposition des binômes à qui il revient d’en faire bon usage ». Je reviendrai sur cette question cet après-midi. Les tuteurs répondants : qui sont-ils et qu’est-ce qui les motive ? On constate que la majorité des tuteurs répondants ont plus de 10 ans d’expérience. On évoquait tout à l’heure le seuil fixé par les établissements (3 ou 5 ans) mais en pratique nous nous rendons compte que les tuteurs sont largement plus expérimentés. Ceci était déjà le cas en 2010, ou on retrouvait les mêmes données. Est-ce un choix des établissements dans le recrutement de leurs tuteurs ou sont-ils plus à l’aise dans l’exercice lorsqu’ils sont plus expérimenté (donc plus à même de se porter candidats) ? L’envie associée à la nécessité d’une transmission est moteur dans le choix de devenir tuteur. Mais on retrouve aussi une volonté de valoriser le métier d’infirmier en psychiatrie et la discipline. Ce qui se révèle aidant : l’expérience avant toute chose, puis le groupe de pairs et enfin la structuration institutionnelle du dispositif. En 2010, l’enquête DGOS pointait qu’un des points clé de la vitalité du dispositif est l’animation et la coordination par un chef projet. On perçoit bien qu’avoir un dispositif structuré, institutionnalisé, reconnu et porté par la direction et un coordonnateur qui réunit les tuteurs et qui anime ce groupe, est important. On a en effet cette volonté de bien accompagner les nouveaux arrivants en proposant un tutorat par exemple, mais il faut que nous pensions au sein de nos établissement à accompagner les tuteurs. Je pense que cela participe de l’efficacité du dispositif aussi. Les tutorés répondants Sur les 33 tutorés répondants, 30 ont plus de 12 mois d’expérience. Ils ont accédé au tutorat entre 5 et 14 mois après leur prise de poste, donc lorsqu’ils répondent à ce questionnaire, ils sont à distance de leur parcours tutoral. 21 n’avaient pas connaissance du dispositif avant leur embauche. Ceci interroge sur notre capacité de communication au sein des IFSI. Si nous voulons que ce dispositif soit un facteur d’attractivité, il va falloir que nous renforcions cet aspect-là. Cela n’a constitué un critère de choix de l’établissement pour 4 des 7 qui en avaient connaissance. La relation tutorale vu par les uns et les autres Lorsque nous demandons aux tuteurs et tutorés de qualifier la relation tutorale, les notions d’accompagnement (tuteurs) ou de soutien (tutorés) arrivent en tête suivies pour les deux groupes Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 11 de la notion de confiance. Le partage entre pairs est aussi une notion que l’on retrouve dans les deux groupes. Le constat porte sur la nécessité que le tuteur soit un pair et non pas un professionnel avec une fonction hiérarchique. Entre objectifs et résultats Nous avons proposé aux deux groupes de prioriser (en termes d’objectifs pour les tuteurs et d’acquis pour les tutorés) les items parmi les 7 suivants Compréhension des processus psychopathologiques Positionnement par rapport à l’équipe Connaissances cliniques Positionnement par rapport au patient Des savoirs faire Savoirs être dans la relation de soin Prise de recul sur les situations de soins → En priorité pour les tuteurs Savoir être dans la relation de soin et prise de recul, pour les tutorés, prise de recul et savoirs faire En 2010, l’enquête DGOS pointait : « La fonction principale du tuteur serait de re-contextualiser les situations présentées pour aider le tutoré à se positionner » Bernadette Saby, infirmière tutrice (2012) remarquait lors de la 2ème journée régionale : « une ambiance, une respiration, un rythme à l’écart du service de soins pour mettre en marche l’appareil à penser les pensées ». On retrouve cet aspect « prise de recul », espace dédié où le tutoré va pouvoir prendre un peu de distance avec ce qu’il a vécu. savoirs recherchés et contenus réel Lorsque nous interrogeons les tuteurs sur les savoirs qu’ils cherchent à développer chez les tutorés, la question du positionnement est cité 24 fois, soit positionnement professionnel, soit positionnement en équipe … En 2010, l’enquête DGOS relevait que le tutorat avait un rôle dans l’acquisition d’une aisance, qui permettra au tutoré d’intervenir de manière plus assertive en réunion. En 2012, l’équipe de SJDD (Centre Hospitalier Saint Jean de Dieu – Lyon) : « apprendre à dire JE » « s’affronter, défendre une position en l’argumentant ». Viennent ensuite dans les savoirs que les tuteurs cherchent à développer : la qualité relationnelle et la capacité à prendre du recul. Sur les thématiques les plus fréquentes repérés par les tuteurs : la relation à l’équipe et le positionnement…mais aussi la gestion de crise, violence, agressivité ; les processus psychiques. En 2010, l’enquête DGOS pointait un contenu varié : situations mal vécues, cas clinique, clarifications théoriques, connaissances des services et des structures. On ne retrouve que très marginalement (deux fois) dans l’enquête ce dernier item. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 12 Impact sur les tutorés : le vécu des tutorés Pour 31 tutorés sur les 34 tutorés interrogés le tutorat a été utile ou nécessaire (choix entre quatre item utile/nécessaire/ moyennement utile / inutile). Plus de la moitié d’entre eux disent que cela les a incités à des lectures professionnelles. Le groupe tuteurs de Saint Cyr au Mont d’or avait réalisé un document qui repérait parmi d’autres cet indicateur comme un indicateur de professionnalisation des effets du tutorat (Annexe 2). Quatre tutorés seulement disent que cela les a incités à écrire. Ceci parait logique puisque cette phase est sans doute à venir dans le parcours professionnel. Peu envisagent un changement d’établissement : Cet item se révèle peu pertinent en termes d’analyse (il aurait fallu une comparaison avec un échantillon n’ayant pas eu de tutorat). D’autant qu’au travers des questionnaires la question de la fidélisation des professionnels comme objectif est moins présente qu’en 2009. En 2010, l’enquête DGOS notait que cet investissement était rentable pour fidéliser dans la spécialité à défaut de fidéliser dans l’établissement. Impact sur les tutorés : le vécu des « témoins » Les témoins sont les cadres de santé et médecins qui ont un regard distancié sur l’évolution des jeunes professionnels. Nous leur avons demandé quels étaient pour eux les impacts de ce parcours tutoral sur différents aspects de la vie professionnelle des tutorés : Sur la relation de soin (17/21) : meilleure compréhension des mécanismes psychiques et meilleure aisance dans la relation d’aide. Sur la relation à l’équipe (17/21) : affirmation au sein de l’équipe, prise de parole Sur les capacités d’auto-évaluation (16/21) : amélioration de la capacité réflexive Tous pensent que ce dispositif est un dispositif de formation pertinent. Situations où le tutorat se révèle utile Pour les tuteurs et les tutorés les situations où le tutorat se révèle utile sont les mêmes : Le positionnement au sein de l’équipe La gestion de crise Les prises en charge complexes Ces situations sont en fait indicatives de ce qui fait difficulté en début de carrière pour un jeune professionnel. En 2009, les professionnels interrogés estimaient à plus de 85 % que le dispositif permettait une meilleure implication dans une équipe mais prendre la parole en groupe était un objectif non atteint pour 32% des médecins et 24% des cadres. En 2010, il était noté que la gestion des situations de crise vient percuter la représentation du soin pour les nouveaux arrivants et cela nécessite un travail de distanciation permis par le tutorat. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 13 Facteurs influençant la pertinence du dispositif: Pour les tuteurs : l’implication et la motivation du tutoré, la confidentialité et régularité des échanges, l’investissement de l’institution Pour les tutorés : l’expérience du tuteur, la qualité de la relation Le cadre du travail et l’investissement de l’institution sont ici soulignés par les tuteurs comme facteurs améliorant la pertinence du dispositif. Avantages et inconvénients – tutorat collectif et individuel pour tuteurs et tutorés Tutorat individuel : Personnalisation de l’accompagnement, liberté de parole et confiance / moins de richesse que le collectif Tutorat collectif : Richesse des échanges / difficulté d’organisation et de prise de parole pour les tutorés. Difficultés pour les tutorés lorsque sont présents d’autres membres de l’équipe (tuteurs ou tutorés) Freins et Leviers : Les freins : Les difficultés liées aux organisations de travail et la disponibilité des acteurs. On retrouve des problématiques de planning, d’effectifs, de parvenir à faire coïncider deux organisations de travail. Les leviers : L’implication institutionnelle : directions, encadrement En 2009, l’enquête montrait que les difficultés liées aux organisations de travail représentaient 72% des difficultés rencontrées par les tuteurs. En 2010, la difficulté à tenir le rythme des séances était aussi citée dans l’enquête DGOS. « Cette organisation suppose une bienveillance de l’encadrement pour que le temps consacré au tutorat ne soit pas renvoyé au bénéficiaire comme une manière de tirer au flanc mais comme une contribution collective à la montée en compétence dont tous peuvent tirer parti. » Il était noté également que le tutorat repose sur l’implication forte des acteurs : direction des soins, cadres de services, médecins et bien entendu tuteurs et tutorés. Brigitte GARNIER tuteur à Saint Cyr au Mont d’Or lors de la journée 2012 : « de toute évidence la viabilité du tutorat repose sur un engagement institutionnel solide dans un cadre de fonctionnement réfléchi et stable ». L’équipe de Saint Jean de Dieu rappelait le travail effectué auprès de l’encadrement pour amoindrir une « rivalité » cadres/tuteurs. En conclusion, pour les différents acteurs le tutorat reste un dispositif pertinent et utile de formation, comme cela avait été pointé en 2009 et 2010. Il vient soutenir le professionnel débutant dans les situations complexes du soin qui sont nombreuses en psychiatrie. L’effet de ce dispositif sur une prise de confiance en soi est confirmé. Cette confiance acquise, le tutoré va pouvoir se positionner et Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 14 confronter ses observations et analyses en équipe. En cela, le dispositif aura aussi un impact sur les compétences collectives. L’évaluation fine de son efficacité réelle reste toutefois toujours en question. Les enjeux autour de la préservation de la confiance et de la confidentialité sont ici très présents. Quelle évaluation des compétences acquises ? Par qui ? Pourquoi ? Mais on perçoit aussi la fragilité de ce dispositif actuellement tant il est soumis aux contraintes organisationnelles de nos établissements. Sans une volonté institutionnelle forte et une implication réelle des acteurs et notamment de l’encadrement, ce dispositif ne saurait être pérenne. Certains établissements pointent aussi la difficulté de trouver des professionnels expérimentés ou volontaires pour exercer la fonction de tuteur. La question de la reconnaissance des professionnels tuteurs, audelà d’une dimension symbolique, se pose toujours depuis la création de ce dispositif. Jean Paul LANQUETIN – Infirmier praticien chercheur – CH Saint Cyr au Mont d’Or – GRSI – CRMC Quelques commentaires avant l’intervention suivante : - - - - En termes de professionnalisation dans cette étude, il apparaît que la question des besoins demeure et donc la question des modalités de réponse et de la pertinence et de la nécessité du tutorat comme modalité d’accompagnement demeure également - Témoins les établissements qui n’ont pas mis en place le tutorat et qui souhaitent le faire dix après la circulaire initiale de 2006 ou les établissements qui ont mis un terme à ce dispositif et souhaitent le reprendre. Un point aujourd’hui largement acquis est la différence entre accueil et adaptation au poste et le temps tutoral. Ce sont deux temps différents dans le parcours professionnel. La prise de poste consiste en une découverte de son environnement de travail, de sa responsabilité professionnelle et d’un certain nombre de savoirs procéduraux. Ensuite, une fois que l’on est familiarisé à minima avec cet environnement et ce positionnement de base, on peut aborder la question des contenus. L’autre dimension est la dimension intergénérationnelle que présentera également Madame Karine Boiteau. Cette question constituait l’idée organisatrice du tutorat mais on voit bien qu’il existe des réalités sociodémographiques assez différentes suivant les établissements. Je pense à Clermont Ferrand, dont nous aurons une présentation cet après-midi, qui a connu un départ massif en retraite de ses ISP (Infirmiers de Secteur Psychiatriques) sur un temps très court. C’est le cas aussi d’établissements frontaliers qui subissent l’attractivité des pays voisins où la question de l’ancienneté se pose. Dans ces situations, rencontrer un pair ou un « père », cette dimension intergénérationnelle est abrasée. De même, nous percevons bien la complémentarité des dispositifs individuels et collectifs. On n’y travaille pas les mêmes compétences. Enfin, avec le principe de séparation des appartenances de services, il existe une particularité organisatrice du travail en situation de tutorat, qui le différencie du compagnonnage : c’est la possibilité de se regarder travailler dans son équipe, parce que le ou la tutoré(e) est à l’extérieur de celle-ci. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 15 3 TUTORES, 10 ANS DEJA ! QUELLE TRANSMISSION POUR DEMAIN ? TUTEURS ET TUTORES – CH DE SAINT CYR AU MONT D’OR Gérard ANSELME - Tuteur Le temps du bilan ! 10 ans de pratique à Saint Cyr et quelques chiffres…. Depuis 10 ans nous avons accompagné un peu plus de 200 jeunes professionnels. A raison d’une dizaine de séances de 2h par tutoré cela porte à plus de 4000 heures de pratique tutorale pour notre établissement. Du tutorat collectif et un autre de groupe s’y sont ajoutés augmentant sensiblement ces chiffres Une singularité de notre pratique à l’hôpital de St Cyr, concerne l’inscription de tutorés éducateurs au nombre de 9 à ce jour. Cette particularité a demandé à chacun des tuteurs un travail supplémentaire avec une singularité enrichissante. Rappelons-nous que le tutorat a fait suite au drame de Pau (décembre 2004) et au plan psychiatrie santé mentale (2005-2008). Le tutorat a été pensé comme une nécessité avec la circulaire du 26 janvier 2006. Rapidement il nous a semblé qu’un travail de métissage infirmier/éducateur s’imposait dans une pratique les réunissant sur le terrain. Cette expérimentation justifie leur présence dans notre dispositif. Notre intervention se déroulera en 2 temps : - Dans l’esprit et la dynamique de notre dispositif à St Cyr, le premier temps de parole sera pris par des tutorés, acteurs de terrain et témoins de l’évolution des pratiques et des mutations du métier. - Dans la continuité de leurs propos, le deuxième temps de présentation s’appuiera sur un récit de rencontre classique entre un tuteur et sa tutorée. Cette séquence, choisie parmi 100 autres, permettra une illustration de 10 ans d’accompagnement professionnel singulier à l’hôpital de Saint Cyr au Mont d’Or. Ces interventions serviront de support de discussion et d’échanges pour envisager le tutorat de demain. Catherine PENNY - Tutorée J’ai travaillé de nuit en tant qu’aide-soignante de nombreuses années et je suis restée en poste de nuit depuis que je suis infirmière. Lors de mes études d’infirmière un travail a été réalisé sur la distance thérapeutique. Mais je me suis senti très vite dépassée et désarmée devant des patients pour lesquels la maladie est estimée comme non guérissable contrairement aux soins somatiques. Cette situation est rapidement devenue pour moi difficile et épuisante. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 16 Ce travail en tutorat « hors service » m’a conduit sur une autre façon d’approcher le patient et de découvrir une démarche efficace basée sur l’observation. Je me suis alors sentie autonome et en mesure d’occuper pleinement ma responsabilité dans le soin infirmier, en appui sur mon expérience et ma pratique du « prendre soin » que j’avais obtenues au cours de mon parcours d’aide-soignante. Cette acquisition de l’autonomie participe à la construction de mon identité professionnelle : elle me conforte dans la formation et me permet de devenir enfin « acteur ». A partir de cas cliniques et de mon ressenti verbalisé par l’espace tutoral j’ai pu mettre un sens à des situations banales qui parfois me mettaient mal à l’aise dans la rencontre avec le patient. Les séances du tutorat m’ont donné un élan pour la lecture, la prise de connaissance de films dédiés à la psychiatrie et l’envie de réaliser des recherches en soins infirmiers La nuit, lorsque l’effectif est de l’ordre de deux à trois soignants, je me sens performante pour expliquer aux jeunes professionnels les actions prodiguées sur tel patient en fonction du contexte. En conclusion, cela me permet de vivre en toute conformité et sérénité mon poste de travail: les patients sont endormis mais le travail, quant à lui, n’est pas dormant ! Le tuteur, qui est infirmier avant tout comme moi, me permet de faire des liens, de verbaliser à distance du service tout en restant très « terrain ». Il facilite le passage de l’action à la conceptualisation. Kenza MULLER -Tutorée Le tutorat m’a permis de me rassurer et de travailler sur les craintes et les appréhensions rencontrées que j’ai donc ramenées dans l’espace tutoral. Les réflexions engagées avec mon tuteur m’ont permis une mise à distance des évènements concernés à savoir ce qui pouvait se jouer entre moi-même, le patient et l’institution. J’ai donc été amené à faire des liens s’inscrivant dans une démarche clinique. Au fil des séances, j’ai pu repérer une certaine répétition dans les problématiques rencontrées, et ainsi pouvoir imaginer une solution différente pour y répondre. Ces solutions nouvelles non théorisées en soins infirmiers m’ont amenées à faire évoluer ma posture soignante. Le tutorat m’a aidé à me sentir plus autonome, plus actrice et plus responsable. Je voudrais maintenant vous présenter une Vignette clinique pour que vous saisissiez le sens que le tutorat a eu sur ma pratique dans l’unité de soin. Mlle M. est une patiente déficitaire de 33 ans dont les troubles caractériels sont si envahissants qu’elle a vécu toute sa vie en institution et essentiellement en milieu hospitalier. Cette patiente a été l’objet de beaucoup de séances de tutorat. Le premier axe de travail a été de prendre de la distance avec la charge émotionnelle induite par sa violence. Mon tuteur m’a d’abord aidée à ne plus voir la situation seulement par le symptôme mais d’abord par ce que cela me faisait vivre en moi. J’ai été alors amenée à prendre conscience que mes éprouvés faisait partie d’une démarche clinique métier. Ce n’est pas le lieu ici de vous en compter la clinique. Secondairement, dans un partage singulier avec mon tuteur, j’ai pu réajuster et investir la patiente différemment. Ce réajustement s’est consolidé et affirmé au fil des Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 17 séances ce qui a eu pour effet de construire une relation privilégiée et qui m’a permis d’accepter et de vivre sa violence car elle prenait sens. Dans tous les cas, j’ai ramené auprès de l’institution un discours différent sur cette patiente qui a eu pour effet une mise en discussion dans les réunions cliniques. Enfin d’une façon très personnelle, ce que j’ai été amené à vivre dans l’espace du tutorat m’a donné le sentiment d’un mieux-être au travail là où le symptôme mis en acte par la patiente avait pu participer à des arrêts de travail du personnel soignant. Evelyne BESSON – Tutorée Je suis éducatrice spécialisée, je travaille au sein de l’Escale, service de réhabilitation psychosociale à l’hôpital de saint Cyr au mont d’or. Je fais partie des premiers éducateurs spécialisés à travailler en intra hospitalier auprès d’adultes. Je ne me situe pas comme une jeune professionnelle (j’ai travaillé 15 ans en tant qu’éducatrice dans le secteur social/médicosocial et 7 ans en tant que formatrice pour des moniteurs éducateurs), mais comme une nouvelle arrivante à l’hôpital et, à ce titre j’ai bénéficié d’un suivi en tutorat. Au sein du service, mes collègues (éducateurs et infirmiers) et moi-même avons éprouvé la rencontre (le choc parfois) entre deux cultures professionnelles qui avaient à croiser leur regard dans le quotidien et dans l’accompagnement du projet des patients. Les enjeux étaient (et le sont encore) forts, riches, parfois douloureux. Dans l’espace du tutorat, j’ai pu travailler la question de la singularité d’approche que représente la fonction éducative/soignante auprès de personnes adultes au sein de l’hôpital psychiatrique. Cet espace m’a permis d’élaborer une réflexion sur mon positionnement à partir de l’indifférenciation ou du trop de différence qui se vivaient au sein de l’équipe. Le tutorat m’a aidé à contextualité, à élucider avec une écoute et une présence « tiers », ce qui se joue dans une équipe pluridisciplinaire au moment d’une création de service : des enjeux de rivalité, de pouvoir, du clivage, voire du rejet. L’accueil de ma tutrice, dans le tumulte du travail m’a permis d’exprimer mes questions, mes doutes et mes colères et de les transformer pour pouvoir les remettre en jeu dans l’équipe. Elle a également accueilli mes découvertes et mes bonheurs professionnels. Pouvoir mieux me repérer et me situer n’a fait que renforcer le processus d’intégration et d’émancipation nécessaire pour développer ma pratique et remplir mes fonctions d’éducatrice spécialisée. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 18 Ce travail d’élaboration venait à certains moments se substituer au travail clinique (avec un tiers) et d’analyse de la pratique inexistants dans le service. Il y a des évolutions importantes au niveau politique et institutionnel pour ce qui est de la fonction soignante à l’hôpital. Ces évolutions viennent impacter fortement le travail des professionnels quels qu’ils soient. Pour un nouvel arrivant, ou un jeune professionnel, cet espace de tutorat permet de penser, de se situer par rapport à ces évolutions. Il y a une relation étroite entre la manière dont une institution prend soin de ses professionnels et la manière dont ces derniers vont prendre soin des patients, en particulier en psychiatrie où la psychose vient attaquer le lien et produit du clivage. Valérie CHAZALET - Tutorée En guise de conclusion Comme on a pu l'entendre aux travers de ces différentes interventions, le tutorat nous éclaire sur des situations cliniques précises pour une meilleure prise en charge du patient. Ces échanges tuteurs/tutorés nous permettent de prendre de la distance et de donner du sens faces aux situations vécues. Le tutorat nous enracine dans notre posture professionnelle. Les tuteurs sont aussi les passeurs de l'histoire de l'institution, connaissance indispensable pour que nous puissions nous y investir. Le tutorat favorise notre intégration dans l’équipe et le travail réalisé en tutorat peut être partagé avec ses collègues. Le tutorat n'est pas mise en place pour le simple confort des professionnels. Il est une une réelle nécessité pour que nous réalisions un travail de qualité auprès des patients dont nous avons la charge. Gérard ANSELME - Tuteur Lors de la présentation de cette intervention, nous nous sommes interrogés sur l’angle d’abord et la manière de faire émerger les éléments saillants de notre pratique d’accompagnement tutoral. En réunion, alors que notre collègue Bernadette relatait sa séance de la vieille, il nous est apparu qu’une situation tirée de ce quotidien, choisie parmi cents autres, portait en elle les enseignements que nous souhaitions vous faire partager aujourd’hui. Cette situation n’a rien d’extraordinaire, elle constitue la quotidien des soins, elle est donc banale, semblable à mille autres. Mais cette banalité en fait aussi sa force d’évocation. Elle comporte alors les éléments qui nous intéressent, les éléments de reproductibilité et de transférabilité. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 19 Christine GUIAU et Bernadette GRAND – Tutrices Nous sommes à la quatrième rencontre de tutorat avec Léa, infirmière dans une unité de psychiatrie adulte depuis 2 ans, quand celle-ci me raconte : « Il est midi quand Victor, le patient revient dans l’unité après une consultation à l’extérieur pour une IRM digestive. Le poids des antécédents d’addiction alcoolique a laissé ses traces. Victor refuse de se rendre à la salle à manger pour le déjeuner. Il est tourmenté, agité, ses propos sont remplis d’inquiétude, d’angoisse d’abandon et de mort. » Pour l’organisation de l’unité, ce n’est pas le bon moment pour écouter les craintes d’écrasement, d’engloutissement et d’anéantissement provoquées par le tunnel de la machine qui l’absorbe……c’est l’heure du repas, pas celle de l’entretien, et dans ce service ou le temps est compté, on a tendance à respecter tout naturellement les modalités organisationnelles et programmatiques à la lettre près …………mais là ? …. Je remarque dit Bernadette qu’à ce moment elle fait référence par son vocabulaire clinique à une séance antérieure de mise en sens du métier à travers la psychopathologie d’un patient écrasé par un fantasme d’ensevelissement. Léa poursuit « …….mais la détresse de Victor m’envahit et comme un signe, il me vient à l’esprit ce souvenir d’une séance de tutorat……Un souvenir fort d’avoir échangé longuement au sujet d’une autre histoire clinique « qui alors m’affolait ». Lors de cette précédente séance, j’avais entendu la possibilité et l’intérêt de me laisser troubler par l’émotion de l’autre, de ne pas craindre pour mon intégrité psychique en permettant d’être traversée par son mal être, ainsi de me laisser « glisser dans les plis » comme Walter .Hesbeen nous y invitait lors de la deuxième rencontre de la recherche en soins infirmiers . …..Aussi quand Victor formule son besoin de sortir fumer, après m’être posée la question une fraction de seconde (la cigarette c’est après le repas, surtout pas avant..) je n’hésite pas, je décide de lui permettre de fumer « maintenant et ici » et je l’accompagne à l’extérieur de l’unité. Je me rends donc disponible, en position d’écoute, je participe d’une réassurance en normalisant avec mes mots son trouble après cet examen. .. Je sens que je mets tout mon énergie et investissement de jeune soignante en mouvement. Je suis là pour ça, pour lui, à la fois sûre et satisfaite, autonome et responsable dans ma décision comme « saisie par le métier » A ce moment, une toile de fond se dessine sur laquelle je sais pouvoir m’appuyer. Des liens entre la consolidation théorique du savoir, l’expérience de pratiques apportée par ma tutrice sont alors mobilisés et la nouveauté de ma mise en chemin professionnel parmi mes collègues de l’unité sont bien attachés ! Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 20 Pour Victor, c’était son moment, il avait besoin d’une présence disponible, et ici de ma présence….. Mon métier est avant tout un métier de présence, d’observation, nourri d’un sens de l’occasion et dans cette situation j’ai senti l’énergie et la simplicité pour faire ce que je pensais être le mieux pour lui. Bien sûr, il a fallu que je m’explique dans un débat aux élans passionnés, (tiens d’ailleurs, pourquoi toute cette passion autour de cette décision autonome ?) car m-a-t-on dit, si je donnais de « mauvaises habitudes » aux patients ça allait devenir encore plus compliqué dans la gestion de l’unité. Vu comme ça je n’avais plus rien à dire, ou plutôt, je n’aurais eu plus rien à dire, mais forte du travail de formation des savoirs et portée par celui d’analyse de situations vécues, je me suis lancée dans mon argumentation clinique, circonstanciée et contextualisée, et surtout, au-delà de mes intentions, j’ai pu m’appuyer sur l’effet apaisant provoqué sur le patient……... En effet, dans les suites immédiates de cette intervention, Victor a alors accepté de rejoindre le réfectoire et de se nourrir ….et il était tranquille, le trop plein d’anxiété avait sans doute pu être levé. Il n’est pas question de transgression du cadre de l’organisation du service mais de démarche soignante, d’appréciation, de discernement et d’individualisation avec sa prise en compte du singulier. Une démarche qui passe par l’observation, le raisonnement clinique issu de cette observation circonstanciée, et un processus décisionnel, ici étayé sur l’accompagnement tutorat. Cette opération se nomme : une démarche clinique. Une situation banale, discrète, semblable à mille autres, lesquelles tissent le quotidien des infirmiers. Lorsque Léa raconte, elle éprouve une grande satisfaction professionnelle. Elle a pu jouer sa partition autrement qu’à l’habituel, elle a apporté sa touche, elle a été autonome dans sa décision et au final tout cela a bien fonctionné. Il existe une situation confirmative sur laquelle s’appuyer pour valider cette démarche. Une étape qualitative é été franchie, elle est passée du « je peux faire » à la place du « je dois faire » et de l’habitude de faire. Une habitude ne fait pas expérience, c’est le questionnement de l’habitude qui construit l’expérience. Un questionnement posé ici en tutorat. Léa est passée du protocole tiède et peu encourageant à l’approche singulière et à la mise en scène et en actes « du soin et du prendre soin » pour celui dont elle s’est portée garante. C’est la « nécessaire épreuve » élaborée pendant le travail en tutorat qui s’incarne. Ce passage difficile pour le jeune professionnel sans idée précise de « la culture du métier », hésitant et fébrile à « s’éprouver » en pratique sur son lieu d’exercice par crainte de jugement de ses collègues infirmiers mais aussi et surtout, dans la confrontation à l’altérité parfois radicale du patient et de son « inquiétante étrangeté », si peu exposée en formation initiale. Les connaissances sont un des éléments socles de la compétence ; « Ils ne savent pas qu’ils ne savent pas, alors ils font au mieux ». Le tuteur à distance de l’unité écoute avec une oreille neutre, un regard extérieur les difficultés de positionnement professionnel dans l’équipe. Régulièrement reviennent en séance, l’incompréhension des prescriptions et des projets de soin non réfléchis ; une première étape Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 21 du processus tutoral où les plaintes laissent peu à peu la place au pourquoi, au comment, à la construction d’une identité professionnelle qui se structure à partir de la réflexion et de la pensée. Le tuteur amortit les vécus négatifs en « reprenant » au début l’histoire du patient, en creusant l’apport clinique, en éclairant de sa connaissance, de sa compétence, de son savoir les endroits obscurs et sombres de la confrontation avec la folie. Le tuteur est là pour ça, ici et maintenant, pour impulser les concepts de continuité et de cohérence nécessaires, ceux de la déliaison, de l’évitement, pour dénouer des problématiques de conflictualité en lien avec la tâche primaire. Il donne ses impressions, ses associations, ses expériences métabolisées qui ouvrent à des conseils. Le tuteur traduit les logiques d’action, actualise les situations présentes comme des variantes du passé. Il transmet les notions d’implication et d’identification professionnelle, fait passer les outils, le matériel clinique à partir du terrain et du vécu en toute confidentialité….en toute singularité. Une confidentialité qui permet de s’essayer à une parole plus personnelle, intime quand elle accueille les ressentis, les vécus et les doutes. Parler avec un tuteur, nommer ce matériel personnel issu des situations de soins, c’est alors le reconnaitre, l’intégrer dans sa démarche réflexive et composer avec ses dimensions dans son métier. Aller vers le patient ce n’est pas la même chose que de l’observer, d’attendre pour exécuter des actes techniques c’est un immanquable recommencement d’allers et venus dans la sphère intersubjective, dans des contrées plus ou moins sombres de la maladie, de la souffrance, de la douleur, de la morbidité et du vide. Donner envie d’aller vers, ou de retourner vers le patient. Un mouvement, riche de sa signification humaine, clinique et sociale qui parle du métier. Le tutorat en offrant aux jeunes professionnels un espace, un temps d’accueil en individuel (mais aussi en groupe ou collectivement) devient le lieu de ce qui ne peut se deviner, s’improviser, s’inventer, se dire ailleurs et qui pourtant reste le cœur du métier en psychiatrie. En positionnant le soin pour nos patients au centre de tout accompagnement professionnel, c’est la culture du soin et les valeurs du « vivant » qui sont activés. Il existe un croisement entre « un passé » enraciné par l’expérience et « un advenir » du métier » prescriptif et rentable et le tutorat met en tensions, en différences les problématiques rencontrées par les jeunes infirmiers. Passeurs d’histoire, conteurs de la folie d’avant et de toujours dans ses formes invariantes, facilitateurs de mises en mots, tremplins d’inventivité et de créativité professionnelle …en direction et à l’adresse de ceux à qui rejoignent le métier C’est au titre d’un nécessaire complément de formation initiale, d’une dimension intergénérationnelle de transmission des savoirs que le dispositif de tutorat reste incontournable et indispensable pour un exercice exigeant du soin en psychiatrie. Animé par les interrogations dues aux mutations économiques et sociales et en référence au cadre de compétences actuel, l’adaptation à l’emploi dans les services de psychiatrie se doit d’être Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 22 accompagnée par un pair expérimenté en partage et en transmission d’une culture professionnelle de proximité du sujet souffrant de maladie mentale. À partir de St Cyr et de nos argumentations de ce jour : Imaginons que rapidement puisse se glisser une nouvelle compétence « cœur de métier » dans le référentiel des études d’infirmiers. Nous le formulerions : « Accompagnement professionnel en psychiatrie par la consolidation des savoirs et le tutorat de proximité » Il nous restera alors à nous interroger et à prévoir dans chacune de nos institutions qui seront les tuteurs de demain ? Avant d’ouvrir la discussion je ne résiste pas à vous livrer une citation de Benjamin Franklin dans son cahier de correspondances, Une citation pour vous donner à imaginer l’espace tutoral tel qu’il se présente à St Cyr après 10 ans d’expérience : « Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends » Jean Paul LANQUETIN – Infirmier praticien chercheur Quelques commentaires : - - - On retrouve dans votre intervention l’idée de faire ressortir des savoirs faires et des savoirs êtres. Lesquels ? La question est ouverte. Partir d’une situation, qui n’a rien d’extraordinaire, courante, commune, dont la caractéristique est justement d’être reproductible. On est dans une situation banale, et donc on se situe dans le cœur de métier. La circulaire de 2006 pointait comme objectif la transmission des savoirs faires et des savoirs êtres propres à notre exercice. Dans l’enquête, on revient aussi à cette question. Cette montée en posture réflexive en cours d’action et après l’action est une montée en compétence. Le tutorat individuel invite à une espace de proximité, de confidence avec cette possibilité précieuse qui consiste à amener des ressentis et des vécus personnels (plus aisé dans ce cadre que dans la situation de travail). Cette possibilité correspond à une invitation à la mise en mots, au réfléchissement sur l’action. Mettre des mots sur ses actions, les mettre pour soi d’abord pour ensuite les remettre au service de la clinique dans son équipe d’appartenance. Echanges avec la salle : - Le tutorat hier et aujourd’hui : Bien avant l’existence du tutorat, les infirmiers nouveaux arrivants étaient accueillis et accompagnés par des pairs au sein de leur propre équipe. Aujourd’hui, ce qui est différent c’est que cet accompagnement se fait à l’extérieur de l’équipe Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 23 - - - - - d’appartenance parce que la démographie infirmière l’impose. Mais ce n’est pas tout à fait non plus le même travail. Etre infirmier : penser mais aussi se panser soi-même. Le travail de tutorat met en avant la nécessité de se poser dans les services. Malheureusement il a été évoqué la question des organisations de travail qui interfèrent beaucoup. Il y a une énergie à mettre pour maintenir ces espaces de réflexion. L’enjeu est là. Deux échelons se montrent indispensables : celui de l’encadrement et de la direction de l’établissement et celui de l’ARS. Le dispositif tutorat vient donner une reconnaissance de la psychiatrie en tant que spécificité qui nécessite un accompagnement particulier. Dans le contexte de la réforme de 2009, ce tutorat prend toute son ampleur. Les IFSI ont pour certains intégrés le tutorat dans leur formation. Le tutorat doit perdurer justement parce que les formations évoluent dans un sens positif. Le tutorat vient renforcer un positionnement acquis en formation. La question des aides-soignants : ce sont les professionnels les plus en immersion et au contact des patients. Se pose la question du tutorat dans la transversalité. Comment faire vivre cela au sein d’une institution ? Cette question de l’acculturation des nouveaux professionnels en psychiatrie reste une question ouverte. Les temps d’échange qui disparaissent : au profit d’un travail sur le terrain. Le tutorat permet de garantir ce temps d’échange de construction entre soignants. Quelle formation pour les tuteurs ? L’hôpital de Saint Cyr avait fait le choix de faire intervenir un professionnel de l’IUFM (Institut de Formation des Maitres). Le choix portait soit sur le contenu du tutorat, soit sur la pédagogie. L’analyse de pratique a été aussi source de réflexion. Ce que n’apporte pas l’expérience c’est le « comment » on transmet. Au Vinatier, deux axes : Quels sont les savoirs à transmettre ? Comment transmettre ? Implication des cadres : le tuteur ne prend pas le travail du cadre. Sur saint Cyr, les tuteurs ont rencontré les cadres et ont pu lever ces difficultés initiales par ces échanges. Il existe une complémentarité de métier : expertise clinique pour les tuteurs, management pour les cadres. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 24 4 LE TUTORAT COMME ELEMENT CLE DE LA GESTION DE LA TRANSITION GENERATIONNELLE DES INFIRMIERS DE PSYCHIATRIE : PRESENTATION DES RESULTATS DE LA RECHERCHE ACTION MENEE DANS DEUX ETABLISSEMENTS D’ILE DE FRANCE. KARINE BOITEAU – INFIRMIERE, CONSULTANTE RH, DOCTEUR EN SCIENCES DE GESTION Il s’agit de la première partie de ma recherche doctorale qui portait sur le tutorat comme élément clé de la gestion de cette transition générationnelle. Contexte de la recherche : Cette recherche a démarré en 2012 dans un contexte de pénurie majeure d’infirmier avec 16000 postes vacants, des IFSI qui ne recrutaient plus assez de candidats avec des places vacantes et un contexte spécifique à l’Ile de France qui est une région exportatrice en jeunes diplômés. C'est-à-dire que beaucoup de personnes viennent se former en Ile de France du fait du nombre important d’IFSI et qui regagnent ensuite leur région d’origine pour travailler. Et puis, il existait également cette inquiétude concernant le nombre important de départs à la retraite entre 2006 et 2015 (un infirmier sur 5) et les enjeux de la transmission dans ce cadre particulièrement en psychiatrie en lien avec la réforme des études. Egalement un contexte de réformes important, mise en place du plan santé mentale, loi HPST qui vont avoir un impact sur l’organisation des établissements et donc les organisations de travail des soignants qui doivent intégrer des nouveaux modes de fonctionnement et de régulation. Une rationalisation de l’activité plus importante associée à une nouvelle gouvernance qui vient modifier dans tous les établissements de nouvelles formes de régulation. Il y a aussi la spécificité de la psychiatrie avec la difficulté de mettre en avant l’expertise clinique avec une moindre visibilité de cette expertise quand il s’agit de soins relationnels que de soins techniques. On retrouve cette opposition dans les termes cure/care. La psychiatrie souffre d’un manque d’attractivité. A la fin de l’année 2013, la question de la pénurie qui était le point de départ de la recherche avait disparue. Mais la question de l’attractivité et de la fidélisation a perduré. Ce projet a donc malgré tout perduré aussi car il s’agit d’une pénurie de compétences. Méthodologie de la recherche : Il s’agit d’une recherche-action et plus précisément d’une recherche intervention. Pratique de recherche inscrite dans une consultation sociale dont les acteurs concernés ont l’initiative ou le contrôle et où ils sont partie prenante de l’ensemble du processus. J’ai en effet tenu le rôle d’un intervenant chercheur qui n’apporte pas de solution toute prête. Ce sont alors les acteurs qui considèrent ce qui est bien par les interactions qu’il va avoir. De même, ce sont avec les acteurs de terrain que nous allons pouvoir trouver des solutions innovantes, co-construite. Il ne s’agit pas d’une posture de consultant. On peut parler aussi de chercheur professionnel ou de sociologue professionnel ou de chercheur accompagnateur de la conduite du changement. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 25 Dans un premier temps, nous avons constitué des groupes multi professionnels et multi hiérarchiques. Les apports des intervenants des établissements, l’invitation parfois à faire connaissance s’est traduit par des échanges extrêmement riches. Ces échanges ont permis la co-construction d’un diagnostic pour chaque établissement. C'est-à-dire essayer de comprendre pourquoi, spécifiquement dans ces établissements, il y a eu des difficultés à recruter dans un premier temps, puis dans un deuxième temps à garder le personnel. Cette recherche est une étude de cas contemporaine : j’ai donc été présente dans les établissements à mi-temps pendant trois ans (la recherche s’est déroulée sur quatre ans puisqu’avant mon arrivée, mon directeur de thèse était là pendant un an pour accompagner les établissements). Il s’agit de deux établissements d’Ile de France. Lorsqu’on est présent aussi longtemps dans les établissements, il y a une richesse des données recueillies au travers de différents outils : entretiens de groupe (focus groupe), questionnaire de satisfaction, entretiens individuels et collectifs (infirmiers, cadres, directeurs des ressources humaines, directions des soins…), mais aussi une observation participante parce qu’il y a toujours un décalage entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, et enfin, la consultation de la documentation interne. Il s’agit donc d’une méthode de recherche participative pour collecter des données dans une phase exploratoire. Revue de littérature : Nous avons cherché à déterminer la question de l’intention de départ, c'est-àdire qu’est-ce qui fait qu’un infirmier va quitter dans un premier temps l’unité dans laquelle il travaille, éventuellement l’établissement, éventuellement la spécialité (la psychiatrie), et même le métier de façon définitive puisqu’il s’agit d’une particularité du métier infirmier puisqu’on ne travaille pas toujours jusqu’au bout de sa carrière. Les « magnet-hospitals » ou hôpitaux magnétique. C’est un modèle américain qui est né d’une interrogation : sur un même bassin géographique certains hôpitaux n’ont aucun problème de recrutement et d’autres sont en réelle difficulté. La démarche a été alors de repérer les points communs entre ces établissements attractifs. Ces hôpitaux attractifs sont des établissements qui ont supprimé des niveaux hiérarchiques intermédiaires, qui proposent de la formation continue, où est valorisée la qualité des soins ainsi que la communication sur ce sujet. La question des salaires n’apparait pas comme déterminante. Ce que ne nous dit pas la littérature, c’est comment un établissement peut se transformer en hôpital magnétique. (C’était l’objectif de ma deuxième partie de recherche). On retiendra que la satisfaction au travail est un élément important d’attractivité et de fidélisation. Il s’agit d’une réponse émotionnelle positive résultant de l’évaluation du travail et des expériences de travail. On retrouve dans la littérature la preuve qu’il y a un lien direct entre la satisfaction des soignants au travail et la haute qualité de soins. Il y a un cercle vertueux. On pourrait dire comme Brunel le signale dans son article, « qu’un hôpital où il fait bon travailler est un hôpital où il fait bon se faire soigner et inversement ». La motivation au travail : il s’agit d’un processus qui implique la volonté de faire des efforts, d’orienter et soutenir durablement l’énergie vers la réalisation d’objectifs de travail et de concrétiser cette motivation en comportement effectif. On est sur la mise en action. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 26 L’implication organisationnelle se traduit par une forte adhésion aux buts et aux valeurs de l’institution à conditions que celles-ci soient visibles et portées par une volonté de fournir des efforts significatifs au profit de celle-ci, avec un fort désir d’y rester. On note donc que ce qui est important c’est la notion du sens que l’on va pouvoir retirer de son travail : des soins de haute qualité, une autonomie dans le travail, l’organisation de son travail et tout ce qui va être en faveur d’une orientation patient. C'est-à-dire que tout ce qui concerne une finalité commune, la thématique « supra-groupe » : le patient. Finalement tout le monde est là dans un hôpital dans le but d’un bénéfice au patient. Les quatre déterminants issus de la revue de littérature (concerne tous les secteurs d’exercice) : - - - Le sens, la haute qualité de soin nous ramène sur le concept de magnet hospital. Et dans cette revue de littérature, les soignants disent qu’ils sont prêts à accepter des journées pénibles, dures si, quand ils quittent le service, ils ont l’impression d’avoir bien travaillé et que le patient est mieux. Si au contraire on a eu une journée très pénible et qu’en plus nous avons fait un travail peu satisfaisant, c’est une double peine. Un autre point important pour fidéliser le personnel est la qualité des échanges que l’on a à la fois avec ses pairs mais aussi la hiérarchie et le médecin. Cela va alimenter une notion qui est très importante : la notion de reconnaissance au travail. Les conditions de travail, la charge de travail, les violences subies et la peur des agressions. Les compétences : le tutorat, la formation, les opportunités de carrières sont autant de critères qui vont avoir une influence sur la fidélisation. Dans la notion de compétence on retrouve la notion de capacité à répondre aux attentes du poste que j’occupe. Est-ce que je m’estime compétent ? est-ce que j’ai les réponses ? les ressources internes ? La réponse positive à ces questions permet d’occuper pleinement un poste et d’y rester parce que je me sens en capacité d’affronter les situations liées à ce poste. Les spécificités de la psychiatrie : On retrouve deux études intéressantes - - L’une d’elles menée au Japon (ito et alii – 2001) : Cette étude fait le lien direct entre la peur des agressions par les patients et l’intention de départ. Ne pas comprendre les situations de violence et ne pas être capable de les désamorcer en amont constitue une source de départ. Un lien est également décrit avec le jeune âge et/ou la faible mobilité préalable. En effet, un professionnel qui n’a jamais changé de poste, quand il doit changer de poste, va avoir du mal à s’adapter s’il n’est pas accompagné et va quitter le poste. Une étude américaine (Alexander – 1998) a pu montrer l’effet délétère d’un manque d’opportunités professionnelles (changer de poste au bon moment notamment) et puis l’augmentation de la charge de travail. La problématique de recherche : Il s’agissait d’identifier les principales catégories des facteurs d’insatisfaction des infirmiers en Ile de France dans le secteur de la psychiatrie. Il s’agissait de la Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 27 première étape. Mais l’objectif était de savoir comment élaborer des actions de fidélisation et d’attractivité pérennes. Comment l’établissement allait s’emparer de cette question, mettre en place des actions qui se poursuivraient au-delà d la présence du chercheur. Cela relève d’une conduite du changement à l’hôpital et justifiait de travailler sur une logique participative en ma présence. Ce sujet ne sera pas développé aujourd’hui mais la deuxième partie de la thèse portait sur les leviers de la conduite du changement. Les données spécifiques trouvées dans les deux établissements hospitaliers pour essayer de comprendre pourquoi les professionnels ne restaient pas en service de psychiatrie ont permis de dégager quatre axes : - - La surcharge de travail à la fois physique et émotionnelle : Cette surcharge de travail perçue était liée à un turn-over important et un absentéisme de courte durée élevé (imprévu). Cela crée un cercle vicieux : Les professionnels qui doivent pallier les absences inopinées s’épuisent et finissent aussi être absents. Cette surcharge est aussi liée à la diminution des durées de séjour avec plus de patients en crise, une augmentation du nombre d’entrées avec la surcharge administrative que cela demande. Les accompagnements au tribunal constituent également un facteur de surcharge mal vécu par les infirmiers qui estimaient que cela n’était pas leur cœur de métier et qu’ils se retrouvaient à faire du gardiennage. De plus l’absence du professionnel accompagnant augmentait la charge de travail pour celui qui restait. On peut parler d’un nombre de tâches en hausse, et d’une baisse de la qualité de soins perçue. S’ajoute à cela une notion de stress car les professionnels ont l’impression qu’ils ne vont pas arriver au bout de leur journées et des tâches qui leur sont confiées. De plus, on retrouve un épuisement lié à la répétition de formation de nouveaux arrivants qui ne restent pas. Une division sexuée des tâches par rapport aux appels à renfort : Dans cet établissement, il a été décidé d’organiser la prise en charge des patients en chambre d’isolement avec une équipe qui pouvait être appelé ponctuellement. Cette organisation qui devait être ponctuelle est devenue pérenne. Les infirmiers « hommes » étaient sortis de leur équipe et constituait une équipe parallèle qui prenait en charge tous les patients en chambre d’isolement. De fait, il y avait une perte de sens de l’activité. Les mots utilisés étaient « faire les gros bras », « posture de maton ». Le turn-over était donc très important du côté des infirmiers « hommes ». La perte de sens de l’activité soignante par rapport au soin relationnel. En cas de surcharge de travail, ce sont les soins relationnels qui sont abandonnés car peu visibles. On va au contraire garder ce qui va être visible : les soins quantifiables. Il y a une perception de baisse de la qualité des soins. Cela fait écho avec les articles d’Estryn Béhar (2008) qui a travaillé sur le transgénérationnel et la satisfaction au travail. L’impossibilité d’observer la qualité de son travail : cela était possible lorsqu’il existait une transversalité (c'est-à-dire travailler au sein de différents services intra, extra, visites à domicile…) pour voir le patient dans des états différents. Je vois le patient aller mieux dans un autre contexte. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 28 - Importance d’avoir une visibilité sur les politiques médicales et faire un choix d’exercice dans une unité en fonction de ces orientations (neurosciences….). Certains infirmiers avaient ainsi l’impression de devenir des « infirmiers piluliers ». Déficit d’intégration des novices en faveur d’une hémorragie des compétences : avec un besoin souligné de formation et de soutien organisationnel. Ceci en lien avec un départ à la retraite massif des infirmiers psychiatriques, experts de ce soin et des transmissions des savoirs qui se révèlent aléatoire. Vous avez insisté depuis ce matin sur le tutorat bien sûr mais aussi l’accompagnement qui se fait au sein des unités par les cadres notamment. La démarche dans cet établissement n’était pas formalisée et cela ne se faisait pas de manière homogène sur l’établissement. La solution envisagée était alors de travailler sur le tutorat pour créer une meilleure atmosphère de travail et redonner une place à chacun. En effet, le tutorat a certes pour fonction d’accueillir et intégrer les nouveaux arrivants mais aussi de valoriser les expertises chez les infirmiers plus expérimentés. Cela permet aussi un soutien psychologique : on peut dans le cadre d’un groupe de pairs débutants, partager ses interrogations, ses craintes éventuelles. Tout cela permet de lutter contre l’incertitude qui conduit souvent au départ. L’enjeu des parcours d’intégration professionnalisés : Ce travail a été mené dans une logique participative. Les solutions devaient venir des professionnels pour qu’ils soient mises en œuvre. Le risque majeur d’appauvrissement des compétences en psychiatrie justifiait de travailler sur le tutorat. Dans certains services les infirmiers restaient moins d’un an : comment devient-on compétent en moins d’un an ? La transmission intergénérationnelle n’était pas pensée et les savoirs infirmiers ne sont pas formalisés (constat général) On sait qu’il faut 3 ans pour devenir compétent et 5 ans pour devenir expert. A ces éléments s’ajoute les caractéristiques de la génération « Y ». On se situe bien dans un défi de management trans-générationnel. Il fallait donc penser collectivement les formations dans une volonté d’innovation managériale. Comme évoqué depuis ce matin, cette question ne concerne pas que les soignants et leur encadrement direct. C’est aussi une volonté institutionnelle et comme évoqué ce matin, régionale. Il fallait donc partir de l’existant. La formation consolidation des savoirs avait existé et était reconnue utile par tous (IDE, Cadres, DS, DRH, médecins) mais elle était tombée en désuétude faute de participants. Une enquête a été menée pour comprendre la situation avec la volonté d’impliquer le personnel de l’établissement dans le projet pour rendre la démarche pérenne. Le défi était d’accepter d’explorer de nouvelles pistes. Quelques principes de ce nouveau parcours d’intégration : Une formation théorique « cousue main » pour l’établissement en 3 parties (18 mois) : Intégration dans l’établissement (connaissance de l’établissement) avec une forte participation du personnel comme formateur, des formations spécifiques qui avaient Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 29 prouvé leur intérêt (OMEGA par exemple) et des analyses de pratiques (ce troisième volet intervenait à un an de la prise de poste). Il a été décidé que ce parcours était obligatoire. Un tutorat (différencié du compagnonnage) avec une co-construction des fiches de mission des tuteurs. Le choix a été que le tuteur soit externe au service du tutoré. Il y a eu une campagne de recrutement de tuteurs avec une formation (orientation pédagogique). Un des débats a été celui de la rémunération des tuteurs et la direction des ressources humaines a jugé pertinent de rémunérer les tuteurs en tant que formateurs occasionnels. Dans les faits, je ne peux pas confirmer que cela ait réellement eu lieu car je suis partie avant la mise ne place. Les difficultés rencontrées pendant la mise en œuvre : Des projets concurrents étaient en cours de mise en œuvre. Le renouvellement de la DRH et des directeurs des soins : il faut alors à chaque fois argumenter la pertinence du projet. Il existe également une concurrence des aires de juridiction DRH et DS à laquelle je rajouterai celle des pôles. Gestion du recrutement, de l’intégration, de la formation sont des aires communes sur lesquelles chacun peut intervenir : ceci peut créer des tensions, des jeux de pouvoir. Une difficulté de « principe » à rémunérer des tuteurs. Ceci était remis en cause par les soignants : la transmission des savoirs ne fait-elle pas partie du travail ? Ces débats sont restés parallèles, jamais réellement évoqués dans le cadre institutionnel. A notre départ le tutorat est possible mais non effectif : les tuteurs sont formés et motivés mais la mise ne œuvre ne se fait pas. Un relai difficile auprès des cadres sup et des cadres de proximité Un porteur de projet à la DS qui ne se sent pas légitime Mais des éléments encourageants : Les professionnels qui participent en tant que formateurs aux modules font preuve d’engagement. Les cadres devancent les contacts du service formation pour inscrire les nouveaux IDE aux prochaines sessions. Ce qui indiquait un premier niveau de satisfaction. Un projet qui pourrait devenir pérenne puisqu’il figure à l’agenda du service RH après le départ du chercheur: parcours professionnels et gestion des carrières. Quelles perspectives ? Il faut continuer à penser le trans-générationnel en psychiatrie. C’est une démarche nécessaire, qui pour moi a un impact sur la fidélisation puisque cela vient réduire l’incertitude. Cela permet de réduire la pénurie de compétence et augmente la satisfaction du Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 30 personnel et donc la qualité des soins. Cette démarche dynamique est favorisée par la participation des acteurs et doit être intégrée à une politique d’établissement pour prendre tout son sens. Jean Paul LANQUETIN – Infirmier praticien chercheur - - - - Sur la question de la satisfaction au travail, qui est une question travaillée dans nos résultats de recherche : Quand on demande aux collègues « c’est quoi une bonne journée de travail pour vous? ». Ils nous répondent « c’est quand j’ai fait ce que je devais faire et que j’ai fait ce que je voulais faire ». Lorsque nous précisons la question en leur demandant ce qu’ils voulaient faire, ils nous répondent « accorder un temps significatif à chaque patient dont j’ai la responsabilité». Donc un équilibre entre le travail prescrit et le rôle propre, ce même rôle propre et le prendre soin que vous décrivez comme absents dans la pression de nos organisations. Un prendre soin qui est du côté de l’invisibilité que vous évoquez. Je note que cette invisibilité, laquelle est au démarrage du plan santé mentale 2005-2008, puisque M. Douste Blasy, au lendemain du drame de Pau (2004), disait qu’il fallait rendre hommage à ce travail invisible, aux gestes compassionnels des soignants au quotidien qui permettent de restituer leur dignité aux patients. Cette question de l’invisibilité est liée à l’ensemble du dispositif et à l’ensemble de la question du prendre soin. La question de la reconnaissance, dans le cadre de notre étude, elle, n’apparaît pas. Elle se pose donc à l’extérieur du collectif de travail. Le collectif s’entend « sens de la tâche, partage de l’implication, partage des valeurs ». Quand ces éléments sont partagés dans une équipe, pluri professionnelle, la reconnaissance est alors croisée Enfin, la difficulté que vous décrivez, celle d’arriver à un poser diagnostic partagé, d’avoir un plan d’action et de mettre en œuvre ces actions, fait partie des constats préfigurateurs du CRMC. Ce constat était de proposer une instance transversale qui favorise les croisements sur des thèmes comme la formation, l’attractivité métier, la recherche en soins, avec la possibilité d’avoir une sorte de permanence et une temporalité qui est différente de celle des établissements. Echanges avec la salle : - Quelle définition d’’un profil de tuteur ? K. Boiteau : Lors de la recherche action, le profil a été défini collectivement. Par une sorte de démarche inverse, à partir des questions que les tuteurs pouvaient avoir sur leur mission et la fiche préexistante. La notion d’expérience a bien sûr été prise en compte, la motivation, la capacité à se remettre en question… Il a été question de faire des lettres de motivation mais nous n’avons pas pu être aussi exigeants que cela. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 31 - - - Etude sur deux établissements, l’étude et le plan d’action concernent-ils les deux établissements ? Quelle collaboration entre ces deux établissements sur la mise en œuvre ? K. Boiteau : Le diagnostic concerne les deux établissements, les établissements ont fait séparément leur propre diagnostic mais avec des rencontres et des temps d’échange pour se rencontrer. Une fois le diagnostic posé, sur les décisions de plan d’action les choix des établissements ont divergé. Ainsi, la mise en œuvre d’un parcours d’intégration ne concerne plus qu’un établissement. Le second établissement a décidé de travailler sur un projet qui lui paraissait plus innovant : un projet de bien-être au travail. On a travaillé sur un site pilote (deux unités) qui était le mauvais élève de l’hôpital : personne ne voulait y travailler, évènements difficiles antérieurs (meurtre d’un patient par un autre patient, médecin chef très charismatique décédé de maladie grave et départ du cadre de proximité). L’équipe portait une histoire lourde avec un turn-over important et donc des soignants qui n’avaient pas vécu ces événements. Il fallait une mise en action : espaces de paroles autour du travail (notamment les transmissions, charte de bonne pratique de transmission) : cela a bien fonctionné avec des résultats probants (arrêt de l’absentéisme inopiné, baisse du nombre d’événements indésirables, arrêt des départs…). Ces équipes sont devenues les « bons élèves » de l’établissement sur la thématique des transmissions. On est sur un projet GRH général, on rencontre ces difficultés dans les établissements à mettre en œuvre des projets, à les réactiver, à susciter l’intérêt, à traduire… Mon modèle de thèse est de la sociologie de traduction : comment est-ce qu’on traduit un projet en fonction des divers interlocuteurs. Un projet transversal. Comment est-ce qu’on intéresse les personnes, comment est-ce qu’on leur montre l’intérêt qu’ils ont à travailler ensemble et surtout le travail le plus important est de travailler sur la controverse, c'est-à-dire permettre aux professionnels de dire qu’ils ne sont pas d’accord, de dire pourquoi et d’entendre l’argumentaire de l’autre. Bien souvent les projets n’avance pas parce qu’on prête à l’autre une position, un avis négatif sur la question sans pour autant lui demander. On se rajoute ainsi des freins. Cette étude donne un peu de respiration. On a souvent des études quantitatives. La question des changements est très présente. Comment continuer et s’adapter au fil des changements pour continuer de transmettre ? Comment pérenniser cette part de pratique de transmission ? Parce que les réorganisations et les contraintes sont fortes et nous sommes obligés d’absorber cela et de poursuivre la transmission. C’est autour de la rencontre entre professionnels et la controverse que cela peut se passer. L’analyse dans le cadre de cette recherche est très intéressante car elle montre l’importance du poids institutionnel pour conserver un tutorat pérenne avec le côté organisationnel. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 32 5 DYNAMIQUE MANAGERIALE AU CENTRE HOSPITALIER SAINTE MARIE DE CLERMONT FERRAND : UNE CONTRIBUTION DECISIVE A LA TRANSMISSION DES SAVOIRS. MARIE LALUQUE – CADRE SUPERIEURE DE SANTE – CHSM CLERMONT FERRAND Quelques mots sur le centre hospitalier Sainte Marie de Clermont Ferrand : Le CHSM Clermont Ferrand est un des cinq hôpitaux gérés par L’Association Hospitalière Sainte-Marie : Il s’agit d’une association à but non lucratif. La direction générale est située à Chamalières. L’association, en évolution permanente, est devenue un des acteurs majeurs de la santé mentale en France. Elle poursuit son développement dans le respect de l’éthique, des valeurs, de la qualité et des usagers. L’offre hospitalière du CH sainte Marie est organisée en 4 pôles : La Psychiatrie Adulte (282 lits et 274 places structures jour), le pôle psychiatrie de l’enfant et l’adolescent (16 lits 36 places), le pôle psychiatrie de la Personne Agée (23 lits 20 places) et le pôle Soins longue Durée (44 lits 80 lits EHPAD). L’établissement compte actuellement 708 soignants et éducatifs dont seulement 15 ISP, 45 médecins, 12 internes. Je vais vous situer le contexte spécifique de cet établissement qui a conduit à développer une réflexion particulière sur la transmission des savoirs : Tout d’abord, des contraintes spécifiques : Le départ massif en retraite des ISP sur un délai très court a eu pour corollaire l’arrivée de jeunes professionnels de la génération « Y ». Les évolutions dans les prises en charge avec des durées de séjours plus courtes et la nécessité d’accueillir des patients porteurs de « nouvelles pathologies ». Je pense ici à ce que le Docteur Gilles Burloux nomme « les pathologies de l’immédiateté »13. Une forte présence et tradition syndicale au sein du centre hospitalier. Les ISP encore en activité ne souhaitent pas s’engager dans le tutorat. Une communauté médicale qui méconnaît le rôle propre IDE. Des obligations légales de traçabilité de plus en plus contraignantes. Mais il y avait aussi dans ce contexte des opportunités : L’arrivée d’un nouveau Directeur des soins : Mr Dominique Reynaud, Deux cadres supérieurs de santé complémentaires et qui exercent un certain leadership avec des valeurs communes et un intérêt de la profession. De plus l’une comme l’autre, sommes attachées à un modèle de management participatif. La réingénierie du DE avec la définition du référentiel de compétences et l’accès à la recherche. Et surtout des valeurs institutionnelles fortes, connues et partagées. 13 Burloux, Gilles, « Les pathologies de l’immédiateté », Soins psychiatrie, juillet-août 2009, vol 30, n°263, pp 2125. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 33 Notre stratégie a été alors de s’appuyer sur ces opportunités pour remettre le soin au cœur de nos préoccupations. Des décisions ont alors été prises : Tout d’abord la création de la Commission pour l’Enseignement, la Recherche Infirmière et l’Encadrement des Stagiaires (C.E.R.I.S.E.) en 2009. Etant un établissement privé nous n’avons pas d’obligation de mettre en place une commission des soins, celle-ci est finalement son équivalent. Cette commission a été créée, organisée et animée par les deux cadres supérieurs de santé. Son objectif est de rassembler autour d’un projet commun, de rester au plus proche des données scientifiques actuelles, enfin de donner un espace de respiration permettant la créativité, la réflexion, et d’accompagner les soignants à réinvestir leur rôle propre. Cette initiative a bien sûr été soutenue par le Directeur des soins. Une opportunité était aussi à l’époque la possibilité de bénéficier d’une aide financière de l’ARH dans le cadre de la formation des nouveaux embauchés, consolidation des savoirs en psychiatrie. Nous avons aussi décidé de nous appuyer sur les caractéristiques de la génération « Y » en utilisant cet acronyme sympathique, porteur de dynamisme avec toujours ce souhait de management participatif en développant des groupes de travail transversaux. Ainsi, plusieurs groupes se sont constitués dans le cadre de cette commission : un groupe « Accueil des étudiants » (Le centre hospitalier accueille environ 400 étudiants par an), un groupe « planification » (ce groupe composé de cadres de santé, est plutôt en charge de l’organisation et la planification des stages) et enfin un groupe recherche. Concrètement, nous avons ainsi mis en place différentes actions : - La création du réseau : participation en tant qu’auditeurs à différents colloques (notamment à l’ARSI où nous rencontrons JP Lanquetin) - Création de 3 colloques au CHSM (Le 1er sur l’informel, le 2nd sur « Libertés et psychiatrie » et le 3ème sur « La créativité des soignants en psychiatrie ») - La rédaction d’une première problématique de recherche avec publication dans Santé Mentale - La participation au GRSI (Groupe de Recherche en Soins Infirmiers) et au GCIS (Groupe de Coordination pour les Initiatives SocleCare), - En parallèle, nous avons sollicité la participation de cadres, infirmiers et médecins à une EPP « Appel à renforts » et mise en place des formations « Appel à renforts ». Sur la problématique de la transmission des savoirs, dans le contexte qui était le nôtre (pas de tuteurs), il a fallu innover. Suite à nos échanges au sein du réseau (GRSI et GCIS), nous avons opté pour une transmission des savoirs basée sur le rôle propre avec implémentation au sein de l’établissement du « Soclecare »14. Ce travail a nécessité plusieurs étapes : Il a fallu tout d’abord sensibiliser l’ensemble de l’encadrement aux enjeux de l’intégration des résultats de la recherche sur le rôle propre infirmier en psychiatrie (l’informel) dans les projets des unités de soins. Six cent carnets du « SocleCare » ont été distribués aux cadres et équipes. 14 Voir à ce propos, le site www.soclecare.eu Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 34 Le rôle des cadres de proximité a aussi été défini dans la conduite de ce projet : sensibiliser les soignants à l’importance des résultats de recherche sur le soin informel. Il leur a été demandé également d’intégrer les résultats de cette recherche dans leur conception managériale et dans les projets de soins des unités. Il s’agissait également pour nous de faire un travail en amont, au sein des IFSI et auprès des étudiants. Ce qui est enseigné en IFSI l’est souvent sur la base du modèle médecine-chirurgie-obstétrique, une relation où le soignant est debout au lit du patient qui, lui, est allongé. Ce qui n’est pas encore enseigné en IFSI : c’est gérer un groupe hétérogène de 25 patients, debouts et mobiles, qui interagissent. Entrer en relation avec eux, repérer les symptômes, anticiper les interactions potentiellement à risque et maintenir une vision cohérente et commune des soins à dispenser dans ce tumulte. C’est ce que nous apprend le considérable travail sur l’informel et son outil, le carnet du « soclecare ». Les résultats à ce jour : L’établissement a été certifié (A), le dynamisme et l’engagement de CERISE ont été soulignés. Le groupe « CERISE » est aujourd’hui connu et reconnu. L’assise institutionnelle est donnée par le Directeur des soins avec l’inscription du « SocleCare » dans le projet de soins et la nomination de l’ensemble des cadres supérieurs de santé comme « référents SocleCare ». De plus nous pouvons aujourd’hui, compter sur l’implication et le soutien de la communauté médicale (Dr Gelly et Dr Cellier). Un groupe de pilotage du « SocleCare » a été créé pour permettre l’implémentation dans l’établissement avec pour objectifs stratégiques de rendre visible l’invisibilité du travail soignant, de promouvoir la culture et les valeurs de l’informel, de favoriser sa transmission et référencer les fonctions dans les projets de soin. On peut dire qu’à ce jour, le rôle propre est mieux connu et soutenu, il y a une réelle possibilité de créativité au sein de l’institution. Nous poursuivons la dynamique : La présentation du SocleCare dans les IFSI de la Région Auvergne est un des axes que nous mettons en œuvre. Nous avons également pu présenter à la direction générale de l’association le « SocleCare ». Nous avons créé un nouveau groupe dédié à l’organisation des colloques avec pour cette année, la possibilité de localisation de l’évènement en centre-ville. Et puis, nous débutons un travail de recherche avec la formation de 12 personnes autour d’un projet avec Mme Geneviève Roberton. Mais nous avons aussi de nombreux projets : Ainsi à court terme, comme je l’évoquais, une recherche en soins (laquelle est en cours) sur les impacts du SocleCare sur la qualité des soins. Mais aussi l’intégration de formations collectives sur le SocleCare au centre hospitalier, l’accueil de la prochaine réunion du GCIS au CHSM Clermont-Ferrand (septembre 2017). Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 35 A moyen terme, nous souhaiterions soumettre le travail de recherche dont je vous ai parlé à un appel à projet PHRIP. Et pourquoi pas former des « ambassadeurs » SocleCare et/ou proposer des formations SocleCare en lien avec le GCIS et le CRMC ? Quelques souhaits aussi : - Qu’une aide au financement de formations SocleCare puisse être proposée aux établissements et la reconnaissance « DPC » de cette formation (également celle intitulée « appel à renforts » que nous avons mis en place) En conclusion, je dirai que les valeurs institutionnelles ont constituées une ligne de cohérence pour fédérer les soignants. Ces valeurs nous les retrouvons dans le « SocleCare ». Le « SocleCare » constitue une base conceptuelle à laquelle le soignant pourra se référer, il s’adosse aux savoirs référencés dans le recueil. Pour nous, la transmission des savoirs s’appuie sur une posture réflexive, le raisonnement clinique et des savoirs conceptuels, en l’occurrence le « SocleCare » et les concepts en Sciences Infirmières Faisons confiance à la nouvelle génération pour découvrir d’autres habiletés de prise en soins mais aussi la 140ème fonction et les suivantes ! Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 36 6 ETRE TUTEUR PROFESSIONNEL, METIER ? PEUT-ETRE … TRAVAIL ? SUREMENT ! MICHELE TORTONESE – INFIRMIERE – CENTRE HOSPITALIER « LE VINATIER » BRON Tout d’abord, en toile de fond, quelques éléments sur le tutorat d’intégration au Vinatier: Au Vinatier, le tutorat est toujours individuel. En 2015, 89 jeunes professionnels ont bénéficié du dispositif pour un total de 1148,05 heures (29 en 2010, 65 en 2011, 86 en 2012, 132 en 2013, 105 en 2014). En 2015, on compte 13 tuteurs. La plupart travaillent à temps plein dans leur service et accompagne un ou 2 jeunes collègues. Deux à trois sont nouveaux retraités et se voient confiés entre 5 et 20 tutorats. Et moi, je suis à 60% infirmière tutrice, à la Direction des Soins. J’ai effectué 33 tutorats en 2015, plus de 100 depuis le début de ma fonction en 2011. Je suis tutrice d’intégration depuis 2011. Entre 2011 et 2013, je travaillais à mi-temps dans un service d’entrée de psychiatrie générale. J’ai fait l’essentiel de ma carrière en intra-hospitalier et je connais bien la vie des unités de soins. Depuis octobre 2013, je ne travaille plus directement en service de soins : je suis pour 60% à la direction des soins, occupée essentiellement pour le tutorat, mais aussi une petite part d’accompagnement des équipes de soins dans l’accueil des étudiants infirmiers et une activité assez riche avec la CISRMT , j’aurai a y revenir. Pour 40% sur un poste infirmière détachée auprès de maisons relais d’Adoma, où j’ai une activité clinique auprès des résidents, qui pour la plus grande part relèvent de soins psychiatriques. L’accompagnement de ces personnes nécessite aussi un travail de coordination sur la filière de soin et les réseaux médico-sociaux. Quand Michel Nicolas et Jean Paul Lanquetin m’ont demandé d’intervenir, ils m’ont dit que l’enjeu de cette journée est de pouvoir proposer des orientations qui pourraient faire évoluer ce dispositif dans nos établissements et que mon positionnement spécifique sur cette mission paraissait intéressant. Bon… Comme je leur fais confiance, j’ai dit oui. Ensuite tout est devenu beaucoup moins clair. Je n’arrivais même plus très bien à voir en quoi mon positionnement était spécifique ? J’ai donc adopté un axe méthodologique archi simple : Pareil/pas Pareil. Donc, I- En quoi est ce que je suis une tutrice comme les autres: Tout d’abord la clinique J’assure donc toujours un mi-temps clinique «auprès du patient» à côté de l’activité pédagogique spécifique de tutorat. Comme les tuteurs qui n’assurent qu’un ou deux accompagnements, et comme les tutorés, je suis une infirmière en exercice, engagée et parfois engluée dans une pratique, en tout cas forcement en Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 37 questionnement sur ma pratique. J’ai à résoudre des problèmes d’évaluation, de projet de soin et de projet de vie, de mode de communication, de méthode d’accompagnement. Mes capacités de réflexion et d’analyse cliniques sont toujours mobilisées et comme c’est un exercice assez solitaire, il me faut de plus mobiliser un cadre thérapeutique et un cadre éthique intégré. Cette similarité avec les/mes tutorés est une richesse, au-delà de la différence d’âge et d’expérience, elle permet que la relation s’installe de pair à pair. Et c’est l’essence du tutorat, sa différence avec le compagnonnage par ailleurs indispensable, bien sûr. Dans le compagnonnage au quotidien et auprès du malade, la dimension affective de la vie d’équipe, du soutien, de la solidarité et du pacte groupal autour d’une identité et d’une culture sera prédominante. Le tutorat, lui, est un espace artificiel et fécond, un espace du «comme si» on travaillait ensemble. Ce «comme si» permet la mise en représentation du travail, sa formalisation et ouvre l’espace d’une dynamique pédagogique. Comme une boite de Pétri dans un laboratoire, c’est un espace clos et préservé qui permet de cultiver les représentations sur sa pratique, et d’expérimenter, de façon solitaire mais accompagnée, une réflexion sur sa pratique, c’est une mise en scène pour la distanciation et la réflexivité Dans cette boite de Pétri, la gélose nutritionnelle pour cette dynamique pédagogique est bien sur composée de bienveillance, de chaleur et d’affectivité assumée. Surtout, ce «comme si» n’est valide que si il est crédible, d’où la nécessite de pouvoir s’appuyer sur une expérience professionnelle vivante et à mon sens pas trop ancienne, j’y reviendrai Pareil que mes collègues tuteurs aussi, la confrontation au travail pédagogique : Cette expérience professionnelle infirmière, elle ne peut que nourrir le travail pédagogique qui doit s’en détacher. Réjouissons-nous de l’apparition d’une compétence 10 qui énonce cette dimension de notre exercice mais reconnaissons que pour arriver à une position expertale en pédagogie du soin, nous en sommes chacun a des niveaux différents mais ensemble, encore dans une étape de construction. Pour développer cette compétence pédagogique, les tuteurs du Vinatier bénéficient d’une formation à l’analyse de la pratique pédagogique. Après l’exposition d’un certain nombre de concepts théoriques assez nouveaux pour nous, nous aurons à les mettre en application dans des analyses de situations tutorales lors de 4 séances en 2017. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 38 II- Une situation particulière, pas pareil Les particularités de ma pratique tutorale sont, je pense, surtout dues au grand nombre Une influence sur les modalités dans l’exercice du tutorat Il me semble que je suis favorisée vis-à-vis de mes collègues tuteurs qui n’en font qu’un ou 2/an, car je bénéficie d’un certain confort. Je dispose toujours d’un bureau, d’un téléphone, d’un ordinateur, de nombreux créneaux a proposer pour fixer les séances, de temps pour répondre ma messagerie, d’habitude dans la façon de ranger et traiter les dossiers, de proposer des RDV, de rédiger mes courriels. C’est du confort pour moi mais cette mécanique ritualisée apporte aussi une certaine efficacité que le nombre permet et nécessite. Une influence sur le contenu du tutorat exercé Bien sûr, chaque tutoré et chaque tutorat est différent mais il y a quand même, des thèmes, des sujets, des concepts qui reviennent. Il y a donc pour moi une certaine fluidité, peut-être de l’efficacité dans la répétition. Je suis bien rodée! - Combien de fois ai-je «fait» la différence et la dynamique entre identification, compassion et empathie!! -Combien de fois ai-je «fait» narcissisme et état limite, puis état limite et transgression dans le soin!! -Combien de fois ai-je expliqué voir mimé (oui dans l’espace clos de la séance, je mime!, je fais assez confiance à mes talents de comédienne et de clown!!) la rage destructrice du nouveau-né affamé et désillusionné pour pouvoir placer que «Freud a dit l’objet naît dans la haine» et/ou pour rendre compte de la phase schizo-paranoïde d’après Mélanie Klein, et de ses liens avec la crise d’agitation du psychotique aussi persécuté qu’agressif, potentiellement violent. Mon numéro est bien rodé, et certains tutorés disent qu’ils s’en souviendront! Mais le tutorat ce n’est pas que la clinique et la théorie psychologique, c’est aussi la vie d’équipe, l’organisation du travail et la dimension institutionnelle de ce grand hôpital, dont l’architecture fonctionnelle complexe reste, pour ces nombreux nouveaux arrivants théorique, floue ou absente Comme je suis infirmière de psychothérapie institutionnelle, je le suis comme tutrice aussi. Je ne crois pas qu’on puisse faire de la clinique sans traiter l’institutionnel, et tout autant je ne crois pas qu’une question institutionnelle puisse s’examiner sans tenir compte de ce que la relation soignante fait vivre à chaque soignant et au groupe soignant. Mon expérience professionnelle en pensée et en pratique articule très classiquement ces deux axes Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 39 Cette conception des soins m’a amené à m’intéresser et m’impliquer dans la vie de l’établissement. Je siège à la CISRMT, a des instances qualité et culture. Je suis bien informée de la politique, des projets, des avancées, des limites. Mais, j’ai aussi beaucoup de tutorés, qui me rapportent et me confient leurs questionnements et parfois leurs difficultés sur la vie de leur service et leur façon de comprendre l’institution. Ce nombre de tutorés permet aussi de bien connaître l’établissement. Je me trouve, par là, au cœur d’un réseau d’informations et dépositaire de représentations sur les interfaces infirmier/unités de soin/ pole/Hôpital. Cette vision, large, riche, modulée et pondérée que je peux leur restituer, souvent les passionne, mais surtout les rassure et les apaise en leur permettant une mise en perspective des difficultés de leur pratique. Assurer beaucoup de tutorats a aussi une Influence sur moi Je n’ai pas eu peur de me trouver isolée, trop profondément infirmière pour ne pas trouver/créer toutes les occasions de faire équipe. Je fais équipe à minima avec mes collègues tuteurs lors de nos temps collectifs formalisés, lors de nos formations. Je fais équipe avec les tuteurs retraités que je vois plus fréquemment, ma collègue Michèle surtout. Mais je fais beaucoup équipe avec Evelyne Messiaen, mon cadre et ma collègue. Ce travail en équipe se fait le plus souvent et assez efficacement «au self», entre la poire et le fromage et dans le bruissement d’un moment de pause. Nous avons un temps partagé pour manger et pour, si j’en ai besoin, déposer ce qui parfois est un peu trop compliqué ou réfléchir ensemble sur les tutorats qui me posent problème . Mais quand même, être infirmière en équipe, et pratiquant ces soins psychiatriques jamais totalement réussis apporte une certaine humilité bénéfique. Là, au contraire, je dois faire l’aveu qu’il m’arrive d’éprouver un peu d’orgueil à l’idée que plus de 100 jeunes infirmiers du Vinat «me sont passés dans les mains». Je lutte contre mon orgueil, je me dis que ce grand nombre permet juste de concourir à l’harmonisation des pratiques et à la fidélisation de l’effectif infirmier. Mais, quand même, je suis bien contente d’avoir eu l’opportunité de « faire passer » quelques éléments qui me sont chers et m’ont beaucoup aidé, des concepts (le cadre thérapeutique), des techniques (le référencement infirmier), des valeurs (la place centrale du soin de proximité, une conception égalitaire de la collaboration pluri-professionnelle). Comme je ne sais pas ce qu’il en reste et ce qu’il en restera….mon orgueil se dissous dans le juste plaisir du travail accompli. Première conclusion Pour la dimension de la pratique encore partagée, pour celle du partage autour de la vie institutionnelle, et malgré mon expérience récente plutôt heureuse, vous l’avez compris, je suis plutôt réticente à l’idée d’une professionnalisation du tutorat. C’est pour moi un travail à l’intérieur d’un Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 40 métier. Certes une position experte mais que je craindrai de voir se dessécher en se centrant exclusivement sur une dimension pédagogique, coupant totalement de la pratique. Deuxième conclusion car il faut bien finir. Et je vais vous parler de fin Dans 15 jours, je ferai valoir mes droits à la retraite, a priori clap de fin. Armée de toutes ces bonnes pensées sur le tutorat, j’ai pourtant eu à me poser une question cruciale. Est-ce que je n’en reprendrai pas un peu une fois à la retraite ? Comme pour les années à venir, j’espère bien entamer une carrière de vieille dame légèrement indigne, j’ai décidé d’assumer haut et fort mes contradictions et, malgré ce que je viens de dire, si l’on a besoin de moi, j’en reprendrai bien un peu. Peut-être un peu par appât du gain….c’est vrai que le montant de la pension d’une infirmière de service public après 40 ans de bons et loyaux service peut nous y pousser. Mais surtout bien sur parce j’aime trop ce travail. La contradiction va travailler, me travailler. J’espère quand même que de cette maturation pourra émerger la perception du moment où je ne serai plus tout à fait pertinente comme tutrice. On pourrait formuler une question technique et bizarre : Combien de temps de retraite et combien de tutorat pour dissoudre ou conserver une tutrice ? Pour l’instant, j’ai quand même envie de continuer un peu parce que j’aime ce travail, parce que mes jeunes collègues sont beaux, frais, intelligents, qu’ils ont choisi ce métier et cette discipline et qu’ils expriment plein d’envie. Avec eux, dans leur présence et leur implication, je trouve en miroir, au moment d’y renoncer, une reconnaissance et une validation de ce qui a fait mon engagement, être psychiste du quotidien, psychothérapeute de proximité, « être avec » ceux qui se battent contre le drame sublime de leur folie, porter un peu de leur douleur, profiter une peu de leur lumière et de leur poésie. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 41 7 INFIRMIERE CLINICIENNE ET TUTRICE : UN REFERENCEMENT CLINIQUE DANS ET HORS L’EQUIPE. NOEMIE SPERER – INFIRMIERE CLINICIENNE – CLINIQUE DES VALLEES - ANNEMASSE Qu’est-ce qu’une infirmière clinicienne ? Me concernant c’est avant tout une expérience. Je suis infirmière diplômée d’état depuis 2001. J’ai donc 12 années de pratique en psychiatrie générale (adultes, adolescents, troubles du comportement alimentaire). Mais c’est aussi une formation qui constitue une réelle plus-value : le Certificat d’Approfondissement de la Démarche Clinique Infirmière (CADCI). Cette formation propose un approfondissement du raisonnement diagnostique et thérapeutique infirmier, développe des notions comme le concept de soi, l’éthique, les relations interpersonnelles. Mais aussi l’approfondissement de certains points comme les réactions humaines face à la perte, la maladie, la fin de vie, la douleur. Elle propose aussi la formation à des outils : la relation d’aide, les entretiens et techniques psychocorporelles, la consultation infirmière, l’éducation thérapeutique. Nous y abordons également la notion de recherche en soins infirmiers et le leadership. Cette formation se déroule sur 18 mois (169h) validée par un mémoire avec soutenance. Elle conduit à une équivalence master I et s’inscrit dans la lignée des infirmiers de pratiques avancées. Cette formation s’adresse à tous quel que soit le lieu d’exercice (généraliste). Les Infirmières cliniciennes existent au Canada depuis plus de 30 ans avec de vrais impacts sur le système de santé: une baisse des durée d’hospitalisation mais aussi des coûts, une baisse des réadmissions en urgence, des complications, et une augmentation de l’accessibilité aux soins, ainsi que l’augmentation qualitative des soins aux patients et à leurs familles Cette formation m’a ainsi apporté une meilleure connaissance des concepts de soins infirmiers (Peplau, Roy, Orem, Henderson, Watson…) et diagnostics infirmiers. Les concepts de soi et relation interpersonnelles qui participent à la connaissance de soi et de l’autre favorise les capacités d’accompagnement. Le leadership constitue un élément essentiel de l’accompagnement des tutorés. Cette formation permet en outre d’actualiser ses connaissances notamment sur les pratiques actuelles La traduction au sein de l’établissement : L’existence d’une fiche de poste constitue une légitimité institutionnelle, une reconnaissance salariale aussi bien que symbolique… L’articulation avec le cadre de santé est bien définie et le rôle de chacun se décline comme suit dans les champs qui nous sont communs : Le cadre de santé est mon supérieur hiérarchique, Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 42 il est maître de stage et a en charge les ressources logistiques: moyens matériels et personnels. Les missions des cadres sont aujourd’hui essentiellement liées aux questions de plannings et autres obligations institutionnelles. (unités de 80 patients) Me concernant, j’interviens de pair à pair avec les professionnels, je suis tuteur et une ressource pédagogique et clinique pour l’équipe. Quelles sont mes missions dans l’unité ? Ces missions s’articulent autour de la coordination des projets de soins, des apports cliniques mais aussi la prise en charge des situations complexes de soins, le tutorat des étudiants, nouveaux diplômés et nouveaux pratiquants en psychiatrie, organisation flux patients et les pré-admissions. Dans le concret, cela me conduit à la lecture des dossiers, à participer aux transmissions et aux synthèses médicales, ainsi que planifier et coordonner les ateliers psychothérapeutiques. Quelles sont mes missions hors de l’unité ? Je suis en charge de missions transversales institutionnelles : le CLUD et l’interClud psychiatrique, la démarche qualité, le comité d'éthique, des groupes de travail institutionnels, l’animation ateliers thérapeutiques, des consultations infirmière (douleur, évaluation du trouble de l’humeur) et la coordination du tutorat sur l’établissement. Ce sont aussi des missions au sein des instituts de formation : Co animation des TD de relation d’aide UE 4, Etats limites et soins infirmiers, guide et jury de mémoire de fin d’étude Le tutorat : Il est coordonné par le binôme que je constitue avec le directeur des soins. J’interviens ainsi directement dans le tutorat des étudiants, celui des nouveaux pratiquants en psychiatrie. Je suis référent auprès des instituts de formation et formateurs. Je participe par ailleurs à la réflexion institutionnelle quant aux nouvelles directives ministérielles. De plus, je coordonne le groupe de tuteurs (rencontres tri-annuelles). Ces rencontres me permettent de faire un état des lieux du tutorat au sein de l’institution, de favoriser un échange sur les pratiques et difficultés rencontrées, de transmettre des nouveautés mais également d’uniformiser les pratiques. En lien avec cette expertise, je participe au groupe de travail sur le référentiel infirmier en psychiatrie (CRMC) Nous, tuteurs, rencontrons bien sûr des difficultés : notamment sur la question de la reconnaissance en terme de temps et de rétribution du temps investi auprès des étudiants mais également avec le turn-over soignant qui entraine une disparition ou un épuisement de nos tuteurs et empêche une montée en puissance des savoirs acquis. En conclusion, mon exercice actuel d’infirmière clinicienne me permet d’étendre mes possibilités d’accompagner de manière qualitative nos étudiants et nouveaux pratiquants. Dans le tutorat il Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 43 s’agit d’une véritable plus-value à développer et d’une alternative à développer, forte du constat de la dilution des savoirs en psychiatrie. Une reconnaissance d’un parcours LMD permettant d’accéder au statut de praticien en psychiatrie serait un véritable aboutissement. Il demeure des difficultés, bien sûr, mais je reste convaincue que la voie des pratiques avancées est une véritable réponse dans l’accompagnement de nos étudiants et nouveaux professionnels, pleine de promesse pour la psychiatrie que nous voulons pour demain. « Vous voyez les choses ; et vous demandez Pourquoi ? Mais je rêve de choses qui n’existent pas encore ; et je demande, Pourquoi pas ? » George Bernard Shaw Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 44 8 TUTORAT : VERS UNE PROFESSIONNALISATION ? MICHEL NICOLAS – DIRECTEUR DES SOINS - CRMC Ce titre sous forme de question vise à interroger les problématiques qui sont actuellement les nôtres dans la pérennité du dispositif de tutorat au sein des établissements. Entre difficulté pour trouver des professionnels volontaires et/ou suffisamment expérimentés, et difficultés organisationnelles, nous avons vu que les établissements avaient su cependant créer des espaces de travail innovants. Le terme de professionnalisation n’est peut-être pas aujourd’hui celui qui convient mais il renvoie à une des possibilités actuelle : faire de cette activité une profession (Larousse), nous verrons en quoi… Sans aucun doute, dans la question de l’évolution de ce dispositif, devons-nous nous interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour accompagner au mieux les nouveaux arrivants dans l’exercice de leur fonction soignante auprès des patients porteurs de troubles psychiques. Au final ce dont nous parlons c’est aussi de la qualité des soins, tout autant que de la sécurisation d’un exercice professionnel Dans les suites de l’enquête, le CRMC a choisi de mettre en place un groupe de travail avec la volonté de définir ce que le tutorat pourrait ou devrait être demain. Ce groupe a réuni 16 professionnels de 15 établissements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Etablissements privés, ESPIC ou publics. L’objet de ce groupe était de définir un « cahier des charges du tutorat » : Quel tutorat pour nos établissements ? Je reprendrai quelques éléments de ce travail15 disponible sur le site du CRMC. Pour débuter nous avons cherché à définir ce qu’est le tutorat ? Dans quoi s’inscrit-il ? Il fait partie du processus de professionnalisation. Pas une formation à proprement parler, il constitue une passerelle entre formation initiale et pratique professionnelle. C’est un espace de décontextualisation permettant une conceptualisation du soin. Il est à différencier de l’adaptation à l’emploi. Quels en sont les objectifs ? - La construction identitaire professionnelle du nouvel arrivant - L’accompagnement d’une pensée réflexive - La professionnalisation Puis nous avons essayé de définir le dispositif qui nous paraissait le plus pertinent. Ainsi, pour le groupe, le dispositif de référence reste le tutorat individuel qui va permettre au tutoré un échange singulier autour de problématiques rencontrés par le tutoré. Cet espace de travail va permettre une mise en perspective des situations cliniques en apportant des repères cliniques et théoriques 15 http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 45 Le dispositif collectif représentera une plus-value dans la mesure où il peut permettre au professionnel de se positionner au sein d’un groupe, expérimentant ainsi la confrontation de son point de vue (la dispute professionnelle) et une décentration de sa pratique en travaillant sur des situations d’autres unités. On a vu que la question de l’implication institutionnelle était centrale quant à la pérennité de ce dispositif. En cela la désignation d’un coordonnateur de ce dispositif est essentielle avec des missions définie comme le recrutement des tuteurs, l’organisation, l’animation de l’équipe de tuteurs, la communication au sein de l’établissement mais aussi à l’extérieur (IFSI)… Nous nous sommes également interrogés sur l’évaluation du dispositif qui à mon sens reste essentielle à la crédibilité de ce dispositif dans nos établissements. La question reste sur quels indicateurs et critères ? S’agit-il d’une évaluation quantitative (Nombre de rencontres, nombre de tutorés accompagnés…) ?, d’une évaluation de la satisfaction du tutoré au travers d’un questionnaire de satisfaction ? Ou évaluet-on les effets sur la fidélisation (suivi RH), l’évolution professionnelle du tutoré et comment ? L’enquête DGOS de 2010 précisait qu’il était difficile d’attribuer au seul tutorat l’évolution d’un professionnel qui a bénéficié dans le même temps de formations, d’accompagnement dans l’unité, de participation à des réunions cliniques Le groupe a tenté de travailler sur ces différents aspects : fragile équilibre entre préservation de cet espace original ou confiance et confidentialité sont des aspects majeurs du bon déroulement du travail de tutorat et nécessité de confirmer la pertinence d’un dispositif d’apprentissage. Les modalités de sélection des tuteurs ont été aussi largement débattues. En 2012, lors des deuxièmes journées régionales, Corinne Martinez, alors chargée de la psychiatrie et santé mentale à l’ARS RhôneAlpes, disait : « N’est pas tuteur qui veut…Il faut certaines qualités expertales. Comment les reconnaître ? » Nous l’avons vu que l’expérience est actuellement le critère prévalent, le groupe s’est interrogé sur d’autres indicateurs et en a listé plusieurs. Je vous les liste ici : Une expérience de 5 ans minimum. Le seuil fixé à trois ans par certains établissements en lien avec leurs contraintes n’a pas été retenu. Il a été invoqué la nécessité d’un engagement du tuteur sur la durée : trois ans Des capacités pédagogiques : avec par exemple comme indicateur une implication préexistante dans l’encadrement des stagiaires, des interventions dans les IFSI… Des capacités cliniques : participation active aux réunions cliniques, écrits et transmissions, pertinence des interventions… Une posture professionnelle spécifique : bienveillance, écoute Une capacité à conceptualiser sa pratique : écrits professionnels, ou évaluable en entretien Un référencement clinique avec une maîtrise des concepts de soins Un engagement dans une dynamique de réactualisation des connaissances : lectures professionnelles, formations…. Une capacité d’auto-évaluation Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 46 Un engagement institutionnel : participations à des travaux transversaux, commissions… Et enfin une capacité à rendre compte Cette liste plutôt étoffée ne peut pas ne pas nous interroger. Finalement il s’agit de trouver des « perles rares » au sein de nos établissements ! L’enjeu pour nos établissements est aujourd’hui important : Il s’agit de répondre à plusieurs problématiques qui fragilisent l’organisation de ce dispositif : - L’attractivité de la discipline et le turn-over (comme l’évoquait précédemment Karine Boiteau) : En effet, à quoi bon accompagner de nouveaux professionnels si ils ne restent pas ? C’est aussi la question de la création d’un cercle vertueux. - L’organisation et la disponibilité des acteurs : on voit que le choix de détacher un professionnel (ou retraité) sur cette fonction facilite la prise de rendez-vous (sans pour autant résoudre la difficulté de disponibilité des infirmiers tutorés). - Les difficultés à trouver des tuteurs dans certains établissements : la taille des établissements est un facteur important dans cette problématique : Il faut au regard de ces difficultés s’interroger sur des mutualisations : un tuteur peut-il intervenir dans différents établissements ? - La reconnaissance nécessaire de cette fonction dont on peut envisager qu’elle s’étende au-delà de l’actuel tutorat. Alors, quels tuteurs demain dans nos établissements ? Dès 2010 lors des premières journées, au cours d’un des ateliers, se posait la question « se dirige-t-on vers une fonction d’infirmier clinicien en psychiatrie ? ». Nicole Orthous (Professeure à l’IUFM de Lyon) lors de ces mêmes journées disait « le métier de tuteur existera peut-être. Les tutorés d’aujourd’hui seront les tuteurs de demain, ceux qui sont formés à être tuteurs participeront à la formation des prochaines générations de tuteurs. Quel serait ce « métier »? A cette dernière question deux pistes de réponse : Un infirmier clinicien ? l’exemple de la clinique des Vallées doit sans doute nous conduire à réfléchir au sein de nos établissements. La fonction de Noémie s’étend au-delà de la question du tutorat. C’est aussi une fonction d’appui clinique pour les équipes et de mise en œuvre de compétences spécifiques dans la prise en charge des patients. C’est une vraie réflexion à conduire me semble-t-il dans nos établissements. Aux côté du cadre de santé, n’y a-t-il pas cette place à créer ? Cependant pas de statut à l’heure actuelle pour cette fonction : synonyme de précarité (bon vouloir ou pouvoir des équipes de direction ?) ? De plus quelle reconnaissance? En 2012, Corinne Martinez, évoquait le tutorat comme pratique avancée. A l’époque, le cadre règlementaire n’existait pas. Il existe aujourd’hui en partie depuis la loi du 26 janvier 2016. Il reste à consolider par décret mais quand et comment le sera-t-il ? La pratique avancée ne doit pas seulement être considérée comme un glissement de tâches du médecin vers le professionnel paramédical. Il s’agit de créer un espace d’exercice original pour ces pratiques Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 47 avancées où le rôle de l’infirmier sera aussi d’accompagner cliniquement les équipes et les individus, dans un souci de développement des compétences individuelles et collectives. Quoi qu’il en soit c’est à mon sens l’évolution que doit prendre le dispositif…Métier ou professionnalisation ? Le débat peut rester ouvert à ce stade ! Attendre la définition du contenu de la pratique et de la formation des infirmiers en pratique avancée ne m’apparaît pas correspondre à la temporalité de nos établissements. Il nous faut sans doute dégager d’autres pistes de réflexion et de travail … Alors des infirmiers cliniciens dans nos établissements ? Oui sans doute … En réfléchissant un cadre de travail incluant d’autres missions comme la recherche en soins... Avec quels moyens, quelle formation et quelle reconnaissance ? Là aussi le débat reste ouvert ! Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 48 9 QUEL TUTORAT POUR L’ARS ? DR SYLVIE YNESTA, CONSEILLER "PSYCHIATRIE ET SANTE MENTALE- SANTE DES DETENUS" DIRECTION DE L'OFFRE DE SOINS, AGENCE REGIONALE DE SANTE AUVERGNE-RHONE-ALPES Comme j’ai pu vous le dire ce matin, je vais vous donner des pistes concernant le cahier des charges que je rédigerai prochainement. Comme évoqué également, ce cahier des charges s’imposera à tout établissement qui souhaite bénéficier de financements ARS pour ce dispositif de tutorat à l’avenir. J’avais bien entendu préparé quelques éléments en amont mais ces éléments se sont considérablement enrichis au cours des différentes interventions tout au long de cette journée. Donc pour l’ARS ce dispositif sera défini comme tel : Il s’adressera à tout nouvel arrivant infirmier ou éducateur. Sur le métier « aides-soignants », les établissements ne semblent pas encore prêts. Le tutorat est individuel et collectif La nomination d’un cadre ou cadre sup coordonnateur avec rédaction d’une lettre de mission et d’un profil de poste Un engagement institutionnel (directeur, directeur des soins avec inscription dans projet établissement et projet de soins) Des tuteurs avec au moins 5 ans d’expérience. J’entends cependant les difficultés de certains établissements et il pourra être accepté un seuil à 3 ans si cela repose sur une argumentation étayée. Des regroupements de tuteurs (une à deux fois par an) Une formation des tuteurs de trois à quatre jours Une lettre de mission pour les tuteurs Les tuteurs peuvent être retraités, ou venant d’un autre établissement. Un tutorat débutant après 6 mois d’exercice et se déroulant dans la première année. Je sais cependant que certains établissements connaissent des difficultés pour « absorber » l’ensemble des nouveaux arrivants en une année. Là aussi je pourrai accepter des tutorés dans leur deuxième année d’exercice. Une programmation des séances faite avec le cadre de santé de proximité afin de l’impliquer. Le processus de tutorat se déroule sur une année pour chaque tutoré Une première séance obligatoire pour tous les nouveaux arrivants Un dispositif d’évaluation sera mis en place Il n’est pas de la compétence de l’ARS de définir les modalités de recrutement, le profil de poste du tuteur. Pas plus que de définir le contenu du tutorat, cependant il semble que le SocleCare soit une piste pertinente et je m’étonne que ce soit l’ex- région Auvergne au travers du centre hospitalier de Clermont Ferrand qui se soit saisie la première de cet outil. Ce qui sera financé (sous réserve de respect du cahier des charges et de production des éléments de preuve) : Le temps tuteur à la fois séances individuelles et collectives La formation des tuteurs Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 49 Comme auparavant les établissements ne seront pas pris en charge pour le temps de travail du tutoré. Je rédigerai ce cahier des charges courant janvier en lien avec le CRMC et le ferai parvenir aux établissements. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 50 10 ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE Ouvrages : - PERRIN-NIQUET, Annick, PERNOT, Françoise, « La construction de la professionnalité en psychiatrie, un outil nécessaire : le tutorat », dans MORASZ, laurent, PERRIN-NIQUET, Annick, BARBOT, Catherine, MORASZ, Clémence, « L’infirmier en psychiatrie », Editions Elsevier-Masson, 2012, p. 291299. - ORIOFIAMMA, Roseline, et Collectif, « Etre-là, être avec : les savoirs infirmiers en psychiatrie. Récits de pratiques d’infirmiers à l’hôpital de Maison Blanche », Editions Education permanente, 2006, 208 pages. Revues : - BASTIDE, Théophile, « Le tutorat, une pratique efficiente », Gestions hospitalières, août/septembre 2013, n°528, pp.588-592 - BOITEAU, Karine, BARRET, Christophe, « Gérer la transition générationnelle en hôpital psychiatrique : du diagnostic co-construit au plan d’action», Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 2016/53, vol.XXII, pp. 187-210. - DREYER, Véronique, « Tutorat en psychiatrie, identité et temporalité professionnelles », Gestions Hospitalières, n°530, novembre 2013, pp 546-552. - MAHIEUX, Pascal, « Tutorat en psychiatrie : à la recherche des savoirs », Santé mentale, août 2015, pp. 34-37. - PERRIN-NIQUET, Annick, « Formation et pratique infirmière en psychiatrie : une structuration mutuelle », Soins psychiatrie, n° 277, novembre/décembre 2011, pp. 14-17 - VERNOTTE, Chabha, « Une logique de compétences », Soins psychiatrie, n° 260, janvier/février 2009, pp. 42-44 - WARIN, Bernard, BERGER Patrick, GRAND Bernadette, « Le tutorat, espace original pour la pensée clinique », Soins Psychiatrie, n°253, novembre/décembre 2007, pp 29-31. - WITTORSKY, Richard, « Evolution des compétences professionnelles des tuteurs par l’exercice du tutorat », Recherche et formation, 1996, n°22, pp. 35-46 Sources électroniques : - BOITEAU, Karine, « Parcours d’intégration en psychiatrie », Site de la revue Gestions hospitalières, http://www.gestions-hospitalieres.fr/en/article/parcours-dintegration-en-psychiatrie, 6 pages. - BUTEAU, Magali, « la construction identitaire professionnelle de l’infirmier de secteur psychiatrique », site internet cadredesante.com, http://www.cadredesante.com/spip/IMG/pdf/ConstructionIdentitairePsy.pdf, 4 pages - FORNE, Mercedes, NIEDERLENDER, Philippe, « Premiers pas d’une forme de compagnonnage en psychiatrie », Site SERPSY, http://www.serpsy.org/formation_debat/Bilan%20Tutorat%202008.pdf, 18 pages. - THIREAU, Fanny, LOUVET, Jérémy, « Autour d’une rencontre : dialogue sur le tutorat infirmier », site internet santementale.fr, http://www.santementale.fr/exclusivites/recus-a-la-redaction/autourd-une-rencontre-dialogue-sur-le-tutorat-infirmier.html, 2007, 6 pages. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 51 - VACHER, Frédérique, « L’écriture, le savoir et les infirmières », Site internet « Le réservoir » , http://www.lereservoir.eu/MALLE%20DU%20PROF/BIBLIOTHEQUE/SOCIOLOGIE%20SANTE/ECRITUR E%20SAVOIR%20INFIRMIER.pdf, 3 pages - « Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence lors des hospitalisations en service de psychiatrie » - Site HAS - http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1722 310/fr/mieux-preveniret-prendre-en-charge-les-moments-de-violence-dans-l-evolution-clinique-des-patients-adultes-lorsdes-hospitalisations-en-services-de-psychiatrie Textes règlementaires : - Circulaire DHOS/O2DGS/6C n° 2006-21 du 16 janvier 2006 relative à la mise en oeuvre du tutorat pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie. - Instruction N° DGOS/RH1/2016/330 du 4 novembre 2016 relative à la formation des tuteurs de stages paramédicaux Autres sources : - BARTOLETTI, Martine, Groupe de travail, « Enquête sur l’impact des actions de formation du plan psychiatrie et santé mentale. Consolidation des savoirs et intégration des savoirs – tutorat », ARH, 2009, 55 pages. http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie - BROSSAT, Florence, LECOMTE, Karyn, YNESTA, Sylvie, Evaluation du « volet régional de formation » en psychiatrie et propositions pour sa pérennisation, ARS, juillet 2013, 18 pages. http://crmc-psy.fr/metiers-depsychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie - COMBRET, Michel, « La transmission des savoirs empiriques et des pratiques informelles en psychiatrie dans la production de sens », Colloque « Le Tutorat infirmier en psychiatrie : quel accompagnement pour donner sens aux pratiques », 31 janvier 2014, 13 pages. - LEDEZ, Christophe, « Regards croisés sur les pratiques tutorales », Actes de la 1 ère journée régionale du tutorat d’intégration en psychiatrie, Saint Cyr au Mont d’Or, février 2010, 54 pages - LEDEZ, Christophe, NICOLAS, Michel, « Qu’est-ce qui fait tutorat ? », Actes de la 2ème journée régionale Rhône-Alpes du tutorat d’intégration en psychiatrie, Saint Cyr au Mont d’Or, avril 2012, 39 pages - LES CAHIERS DU TUTORAT, N°1 à 4, produit par Santé Mentale, Dominique Friard et Serge Rouvière (BristolMeyer Squibb, Otsuka Pharmaceutical France). - MATHARAN, Judith, MICHEAU, Julie, PENSO Annick, Rapport d’étude « Etude sur le tutorat/compagnonnage des professionnels infirmiers en psychiatrie », Plein sens, septembre 2010, 108 pages. http://crmcpsy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie - NICOLAS, Michel, Enquête sur le tutorat en région Auvergne-Rhône-Alpes, juin 2016, 36 pages. http://crmcpsy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie - NICOLAS, Michel, groupe de travail, « Quel tutorat en psychiatrie ? », CRMC, Juillet 2016, http://crmcpsy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie - « Regards croisés sur les pratiques tutorales », Collectif, 1ère journée Régionale Rhône-Alpes organisé par le CH de St Cyr au Mont d’Or, Février 2010, 49 pages. - SAUZEAU, Jacky, « Transmission des savoirs et tutorat en psychiatrie, un double enjeu pour le directuer des soins », mémoire de directeur des soins, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Rennes, 2008, 47 pages. - WARIN, Bernard, GRAND Bernadette, « Pratique du tutorat », Document interne, CH de Saint Cyr au Mont d’Or, 2011, 36 pages. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 52 ANNEXE 1 : PROGRAMME DE LA JOURNEE 8 h 30 : 9 h 30 : Accueil des participants Ouverture de cette journée en présence de Jean-Charles FAIVRE-PIERRET, Directeur du CH de St Cyr au Mont d’Or, Dr Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus" Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC 10 h : Retour sur l’enquête régionale CRMC Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC 10 h 30 : Tutorés, 10 ans déjà ! Quelle transmission pour demain Tuteurs et tutorés—CH de St Cyr au Mont d’Or 11 h Echanges 11 h 30 Le tutorat comme élément clé de la gestion de la transition générationnelles des infirmiers de psychiatrie : présentation des résultats de la recherche-action menée dans deux établissements psychiatriques d’IDF. Karine BOITEAU, Infirmière, Consultante RH, Docteur en Sciences de gestion 12 H 30 : Repas 14 h : Dynamique managériale au Centre Hospitalier de Clermont Ferrand : une contribution décisive à la transmission des savoirs Marie LALUQUE, Cadre Supérieur de Santé, CH Ste Marie de Clermont Ferrand 14 h 20 : Etre tuteur professionnel, métier ? Peut être, travail ? Surement Michèle TORTONESE, Infirmière, CH Le Vinatier de Bron 14 h 40 : Infirmière clinicienne et tutrice : un référencement clinique dans et hors l’équipe Noemie SPERER, Infirmière clinicienne, Clinique des vallées Annemasse 15 h : Tuteurs, vers une professionnalisation ? Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC Quel tutorat pour l’ARS ? Dr Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus" Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes 15 h 45 : Echanges 16 h 15 : Conclusion Jean Paul LANQUETIN, Infirmier chercheur, CH de St Cyr au Mont d’Or Christophe LEDEZ, Directeur des soins, CH de St Cyr au Mont d’Or Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 53 ANNEXE 2 : INDICATEURS SUR LA PROGRESSION DES INFIRMIERS A L’ISSUE DU TUTORAT ET DES FORMATIONS DU CORPUS « CONSOLIDATION DES SAVOIRS ». REALISE PAR LE GROUPE TUTEUR DU CH DE ST CYR AU MONT D’OR Le dispositif tutorat arrive à ses dix ans de fonctionnement sur nos établissements, suivant en cela le cadrage de la circulaire fondatrice de 2006. Le moment de revenir sur ce dispositif et d’essayer à distance d’en évaluer, autant que faire se peut, ses effets auprès de nos professionnels infirmiers et éducateurs. Le terme « indicateur sensible » correspond à des repérages répétés et croisés effectués par les membres du groupe tuteur du Centre Hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or. Ces indicateurs ont pu être relevés dans la professionnalisation des infirmiers en situation de parcours de tutorat mais ces critères ne peuvent pas tous être interprétés dans une causalité linéaire directe. Au-delà d’un effet tutorat, d’autres variables peuvent entrer en jeu ne nous permettant pas, à ce stade, d’isoler, d’affirmer et de surdéterminer la place centrale de ce dispositif dans les acquisitions d’un parcours professionnalisant. La validation de ce repérage nécessiterait une enquête distincte auprès des professionnels en poste ayant bénéficié de cet accompagnement tutoral depuis sa mise en place. Nous avons retenu ci-dessous 11 critères sur lequel le tutorat a pu avoir une influence en termes de développement d’une capacité. Pour notre part, nous constatons que la réunion et le croisement de plusieurs de ces capacités est en faveur d’un effet tutorat. Les critères n’apparaissent pas par ordre d’importance ou par ordre chronologique dans leurs acquisitions. Capacité d’écrire : Pertinence des transmissions d’informations cliniques et des transcriptions des contenus cliniques : dossier de soins, synthèses infirmières… Recours aux éléments conceptuels. Envie et capacité à écrire sur sa pratique. Capacité de prendre la parole : Fréquence de la prise de parole en réunion ou primat de la parole sur des moments « stratégiques » qui peut venir également sceller les contrats narcissiques d’équipe à un niveau local. Qualité des interventions (aspect clinique, répertoire du vocabulaire professionnel, repérage des éléments de vécu, finesse des observations cliniques). Art et manière de prendre la parole en équipe (après essai ou calibrage de cette parole dans les interstices et les temps informels) La parole advient quand il y a suffisamment de construction interne. Elle s’affirme avec le sentiment de sécurité interne. Capacité à passer du « nous » ou du « on » au Je. En lien avec le critère précédent, l’affirmation de la singularité du Je dans sa parole professionnelle. L’utilisation de « je » positionne l’infirmier dans son individualité en lui faisant quitter le « nous » ou le Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 54 « on » indifférencié du groupe professionnel de proximité ou de l’équipe. Cette affirmation du « je » expose et soutien sa parole propre, sa subjectivité et ses arguments. Elle permet une distanciation du groupe en s’éloignant de la protection lié à l’anonymat de l’ « équipe ». Elle singularise alors l’implication et affirme la dimension du rôle propre. Capacité à gérer et à aller sur des situations sensibles. Intervention sur des situations sensibles, exposantes et/ou complexes. Affirmation d’un positionnement dans et sur la situation, suivi d’un temps de prise de recul. Cette décision d’intervenir, en premier intervenant, sur une situation suppose une qualité d’observation et d’analyse, une décision et une manière de prendre « sur soi ». Il s’agit donc d’une démarche clinique. Il existe alors un raisonnement clinique qui se traduit par un processus décisionnel. L’intervention peut supposer un engagement et une implication dans la situation. De même, la priorisation de la réponse ou de l’intervention peut supposer une intériorisation des savoirs. Des éléments de satisfaction peuvent être observés, il s’agit d’une « aventure » singulière. Capacité de travail clinique en équipe Demande d’espaces de réflexion et d’analyse clinique. Qualité du positionnement avec ses collègues, repérage, répartition et jeu avec les fonctions phoriques (distribution souvent implicite des rôles) dans le groupe au travail. Ecoute et échange avec ses collègues autour de la clinique. Retour d’expérience en post action sur les situations cliniques du quotidien dans un mouvement d’essai / corrections qui sont les éléments d’posture réflexive. Validation et appropriation des « beaux gestes » reconnus par le groupe de proximité au travail. Capacité à appréhender le portage psychique de l’unité (après la première année) Il s’agit essentiellement de porter ici la continuité des différents niveaux d’investissements lié à la vie de l’unité (ou de l’UF) dans ses différentes dimensions. Soit : la régulation et contenance du groupe soigné, une vision globale de l’unité, la capacité à faire des liens, à faire avec l’inattendu. Cette capacité mobilise des connaissances sur les dynamiques en cours, les interlocuteurs multiples, les éléments cliniques saillants individuels et groupaux, la connaissance des collaborateurs et des actions des autres professionnels, les sources des multiples sollicitations, les trames organisationnelles et les savoirs procéduraux locaux. Il s’agit donc de porter une vision globale de l’unité. La gestion de l’ensemble de ces éléments et de ces informations oblige à un décentrage de la tâche et de l’activité métier programmé et nécessite des opérations de reprogrammation mentale de ses actions. Cette capacité constitue un des exercices spécifiques du travail infirmier en unité d’hospitalisation en psychiatrie. L’expression souvent entendu de faire le « deuxième » suppose alors que c’est bien le « premier » qui s’emploie à ce portage psychique et mentale particulier avec ses nombreuses reprogrammations. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 55 Capacité intellectuelle Cette capacité s’illustre notamment par un retour à un lectorat professionnel. Lecture d’articles, d’ouvrages et partage de ces derniers, lectures de documentations, fréquentation du centre de documentation, participation à des congrès, ouverture à des offres de formation mais aussi et surtout une ouverture qui regarde au-delà des murs de son unité d’affectation. Ces fréquentations et ce retour d’un lectorat arrivent pendant la durée de l’accompagnement en tutorat et reconsidère le vécu initial d’apprentissage scolaire souvent constaté. Le moteur est la curiosité. Les ressources théoriques et bibliographique soutiennent la pensée et contribuent à générer du tiers dans les relations avec les patients. Capacité à historiciser Cette capacité parle du mouvement qui consiste à croiser deux types de temporalité. Une temporalité immédiate, celle du symptôme et une temporalité plus longue, faite de passé, de présent, et ouvrant sur un devenir, le Chronos. Une vectorisation temporelle liée à la permanence des soins et à l’histoire du sujet. Au-delà de l’anamnèse, les éléments cliniques du présent sont reliés à des éléments antérieurs en lien avec l’histoire du patient, mais aussi l’histoire de l’unité, de l’équipe et de l’institution. Cette capacité invite à inscrire une présentation ou une situation du moment dans un ensemble plus vaste susceptible de les contenir. Des éléments antérieurs se déploient et éclairent le présent comme une variable du passé. Capacité à la transgression novatrice Cette capacité propose un renouvellement des modes d’accès ou des actions en direction du patient. Sa particularité est de dépasser ce qui se fait « habituellement » dans l’unité. La transgression innovante est entendue à cet endroit. Elle suppose un appui sur l’acceptation que sa personne « habite » son rôle professionnel et elle concerne l’utilisation choisie de ressources personnelles à des fins professionnelles. Le processus de professionnalisation est entendu à cet endroit. Cette capacité suppose du jeu dans sa relation à son groupe d’appartenance et donc une capacité à se dégager des pressions de conformités groupales locales. Le sens de cette capacité est à entendre à cet endroit, elle constitue un moteur de l’innovation,. Il s’agit aussi de poser sa signature, son style et donc sa singularité dans ces renouvellements des modes d’accès au patient. Capacité de métaconnaissance de son action Cette capacité de métaconnaissance de l’action invite à une possibilité de mise en mots de ses actions et du sens qu’on peut leur porter. Elle suppose donc une subjectivation de son travail et de son implication dans celui-ci. Cette capacité et cette habileté invite à une mise en représentation finalisante de son action, c’est-à-dire à inscrire son action du moment dans un scénario professionnel plus vaste orienté vers un but ou des objectifs à plus long terme, là où l’activité réelle est souvent en défaut de symbolisation langagière. Le dispositif tutorat permet et invite à ce passage de boucles de rétroaction courtes à des boucles de rétroaction longues. Cette capacité intègre également une posture réflexive. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 56 Capacité métacognitive. Cette capacité peut se lire comme une possibilité de repérer pour soi le cheminement que prend l’ensemble de ces acquisitions. Il s’agit de la capacité de se porter le constat de se voir « apprendre en train d’apprendre » et d’en repérer les voies d’accès. Le tutorat participe à l’intégration de ces capacités. L’idée de ce repérage tient à un constat, certaines de ces capacités n’étaient pas là et sont apparus dans le décours du temps d’accompagnement du tutorat. Les séances individuelles (voir groupales ou collectives) peuvent permettent l’objectivation de l’apparition de ces savoirs professionnels. Les séances favorisent une lecture plurielle et décentrée des situations de soins vécues et le tuteur est en position de reprendre ces situations et leurs interactions pour en donner une traduction, une lecture et une lisibilité des logiques d’action qui les sous-tendent. La situation de soins présente, toujours singulière, peut être vue en situation tutorale comme une des variables du passé. Ce repérage ne prend pas en compte les acquisitions et les connaissances liées aux savoirs académiques et aux concepts. Il s’intéresse, avant tout, aux savoirs de base et aux savoirs d’action qui sont électifs de la mise en place originale du dispositif et du cadre du tutorat d’intégration. Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 57 ANNEXE 3 : TUTEUR EN PSYCHIATRIE, PASSEUR DE SAVOIRS Le plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) 2005-2008 avait identifié comme priorité la mise en place d’un dispositif global et cohérent visant une meilleure adaptation à l’emploi des nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie, en complément de leur formation initiale. Cette priorité a été reprise dans le PPSM 2011-2015. Cette volonté a été déclinée dans la circulaire DHOS du 16 janvier 2006. Celle-ci prévoyait, outre la généralisation de la mise en œuvre de la formation « Consolidation et intégration des savoirs et des pratiques en soins pour l’exercice infirmier en psychiatrie », l’instauration d’un tutorat permettant au personnel infirmier qui exerce pour la première fois en psychiatrie, de bénéficier d’un encadrement de proximité par des pairs expérimentés. Après 10 années de fonctionnement, le dispositif est en passe d’être évalué pour faciliter une meilleure représentation de sa mise en œuvre et de ses multiples modalités, la circulaire ayant laissé une certaine marge de manœuvre aux établissements. A titre d’illustration l’équipe du CRMC a rencontré un acteur du dispositif au CH de Saint-Cyr-au-Montd’Or. Gérard Anselme, infirmier de secteur psychiatrique, tuteur et jeune retraité livre des impressions de son expérience dans cette fonction particulière dans le contexte de la mise en place du dispositif du tutorat à St-Cyr-au-Mont-d’Or Comment devient-on tuteur ? Quand le tutorat a été mis en place à St-Cyr, le choix des tuteurs s’est fait suivant deux critères principaux : il fallait évidemment qu’ils soient expérimentés, et il fallait aussi qu’ils soient disponibles. La plupart des professionnels qui sont ensuite devenus tuteurs ont participé à la conception et la mise en place du dispositif. La désignation des tuteurs s’est faite ensuite assez naturellement, un peu par cooptation. C’est pour des raisons pratiques, parce qu’il n’y avait pas suffisamment d’anciens professionnels disponibles dans les unités, qu’on a décidé de faire appel à des retraités pour assurer cette fonction, même si certains collègues, et c’est mon cas, se sont engagés dans cette démarche avant même de prendre leur retraite. Si on choisit d’être tuteur, ce n’est pas simplement pour arrondir sa retraite. Il y a un vrai plaisir à se remobiliser dans une fonction nouvelle et différente. Cette nouvelle fonction est un vrai prolongement du métier d’infirmier, tel qu’on l’a exercé tout au long de sa carrière. Le fait d’être à la retraite facilite l’organisation des rencontres avec les jeunes professionnels, que j’appelle les « tutorés » : on est plus disponible à la fois psychiquement et en terme d’emploi du temps, on est dégagé des contingences institutionnelles et d’un certain nombre d’obligations. Tout cela facilite la relation, et simplifie les choses autant pour le tuteur que le jeune professionnel. Cela dit, devenir tuteur suppose un engagement. Chaque séance avec un « tutoré » implique entre deux et trois heures. J’assiste pour ma part huit « tutorés » . Et pour pouvoir s’adapter aux exigences et aux contraintes professionnelles des infirmiers, cela nécessite beaucoup de flexibilité. Quelles sont les qualités requises pour devenir tuteur ? La première qualité du tuteur, sinon la principale, est d’avoir de l’expérience. Le tuteur a vécu une somme d’évènements qui font expérience. Le tuteur ne se positionne pas comme quelqu’un qui aurait plus de savoirs, mais comme quelqu’un qui a vécu davantage d’expériences. C’est le cœur de la démarche à St-Cyr. Quand on interroge les professionnels, et particulièrement les plus jeunes, chacun s’accorde sur l’importance de pouvoir compter sur des professionnels plus expérimentés, des « anciens Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 58 », au sein des équipes. Même si les personnes interrogées ne parviennent pas à en expliciter clairement les raisons, le fait de côtoyer des « anciens » facilite l’apprentissage du métier, alors que leur absence représente une difficulté. Se parler, se côtoyer permet la transmission. Est-ce que le tutorat est un dispositif indispensable pour faciliter l’intégration des jeunes ou nouveaux professionnels de la psychiatrie ? A St-Cyr, bénéficier de l’accompagnement d’un tuteur n’est pas obligatoire. La seule obligation est d’assister à une première séance individuelle qui intervient environ un an après l’arrivée du professionnel dans l’établissement. En effet, pour tirer un bénéfice du dispositif, cela suppose un minimum de matériel et de vécu. Ensuite, le professionnel choisit ou non de s’inscrire dans le dispositif. S’il choisit de le faire, il s’engage dans une démarche qui impose de la rigueur mais qui se déroule à son rythme. C’est cette capacité de choix laissée au professionnel qui participe de la richesse et de l’intérêt du dispositif. Si on considérait le tutorat comme indispensable, il devrait logiquement devenir obligatoire et on le transformerait en un dispositif figé et contraignant. A Saint-Cyr, il n’y a pas de pression associée au tutorat en tant que complément de formation imposé. Le tutorat est surement nécessaire, notamment en psychiatrie, car les nouveaux professionnels manquent d’expérience et de repères cliniques, notamment vis-à-vis de tout ce qui relève de la psychopathologie. Ce qui distingue très nettement la formation des jeunes IDE des anciens ISP, est que ces derniers arrivaient dans des institutions après de nombreux stages, souvent longs, qui constituaient en eux-mêmes des expériences. Ces stages nous permettaient de côtoyer dans la durée – les stages duraient près de 8 mois - des professionnels aguerris. Ce contact et cette expérience sont beaucoup plus limités aujourd’hui, notamment en psychiatrie. Je dirais donc que le tutorat est un dispositif probablement nécessaire, mais il serait surement plus utile de poser cette question aux professionnels qui en bénéficient. Quel type de relation se noue-t-elle entre le tuteur et le professionnel ? Il s’agit d’une relation didactique, née de la rencontre entre deux personnes qui font le même métier mais qui ont des fonctions différentes. Cette relation est forcément dissymétrique et il y a donc automatiquement une forme de rapport d’enseignement parce qu’il y a transmission d’un certain rapport au savoir et à l’expérience. Pour autant, il ne s’agit pas d’une relation de « maitre à élève », mais plutôt d’une relation singulière, très individualisée. Le tuteur n’est pas là pour le patient, même si le patient est évidemment en toile de fond, mais pour le professionnel. Les séances s’articulent autour des difficultés et les questions identifiées par le « tutoré », sans obéir à un programme. L’échange qui en résulte est naturel et informel. Il vise à ce que le « tutoré » devienne acteur responsable de sa relation avec l’objet théorique, l’objet savoir. La relation est singulière parce que chaque professionnel accompagné a un parcours de vie différent : pour les uns il s’agit de la première expérience professionnelle, d’autres ont exercé dans d’autres disciplines, alors que certains ont déjà une expérience professionnelle dans un autre métier. Il s’agit aussi d’une relation de confiance facilitée par le fait que le contenu reste étanche et que le tuteur n’a pas de comptes à rendre à l’institution. Ce lien de confiance autorise le « tutoré » à livrer de l’intime ce qui est nécessaire pour travailler la clinique, et grâce à cela dessiner ce qui relève de la distance professionnelle. Il s’agit enfin d’une relation de réciprocité. Le tuteur doit modifier également ses représentations du soin au contact des « tutorés » dont le contexte de la pratique n’est plus le même que celui qu’il a pu connaitre. Le tuteur offre un modèle implicite d’un professionnel qui a traversé des expériences plus ou moins difficiles et qui malgré ces difficultés a su garder du plaisir et du sens à sa pratique. C’est la Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 59 valeur signifiante de la position et de l’exemple qui vaut tous les discours. Le sens c’est ce minimum de plaisir. Quelles sont les principales interrogations qui reviennent lors des séances de tutorat ? Les principales thématiques abordées dans le cadre du tutorat tournent essentiellement autour de la question de savoir comment faire de la clinique. Les professionnels souffrent souvent de ne pas faire suffisamment de « soin relationnel », alors que s’ils ont choisi de faire de la psychiatrie, c’est bien pour cela. Les questions concernent donc les obstacles à la mise en oeuvre de ces soins dits « relationnels » : absence de travail clinique, peur de s’exprimer, ignorance de la psychopathologie, usage de la chambre d’isolement, rapport à la violence et à l’agressivité des patients, gestion des passages à l’acte et des situations de débordement, rapport aux figures d’autorité, manque de temps, excès de procédures. L’exercice en psychiatrie fait vivre en une journée toute une variation d’humeurs internes, très denses, et parfois excessives. Les états émotionnels des professionnels sont très variables d’heure en heure, et il est nécessaire de les apprivoiser et d’apprendre à donner du sens à ce que l’on vit, avant d’entamer une démarche clinique. Même si l’exercice de l’infirmier en psychiatrie a évolué, pour autant il recèle nombre de constantes que le tuteur s’efforce de faire pointer du doigt aux jeunes professionnels. Y-a-t-il un modèle préférentiel de tutorat ? Le modèle de tutorat de St Cyr est expérimental. Il se fonde beaucoup sur la singularité et le groupe. Il n’est pas dans une éthique « formalisante ». C’est autre chose qu’une approche formative classique. Visiblement les « tutorés » en sont satisfaits. Ailleurs souvent les séances sont définies très en avance, il y a des programmes et des thèmes imposés. A St-Cyr, les seuls programmes définis préalablement concernent les séances de groupe, qui regroupent plusieurs tuteurs et plusieurs « tutorés », et qui abordent des thèmes identifiés en séances individuelles. Entretien réalisé et retranscrit par Julien Von Raesfeldt (CRMC) Juillet 2016 Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15 Page 60