PSYCHOLOGUE DE L A CIRCUL ATION
« Gérer la frustration,
cest très prenant »
Les clients de Nicole Eugster nont qu’un seul objectif
en tête : récurer leur permis de conduire. La psychologue
doit, dans le cadre d’une expertise détaillée, déterminer
s’ils sont, ou non, aptes à la conduite.
Dans la première phase de l’expertise, la
psychologue Nicole Eugster fait passer une
série de tests sur ordinateur à son client.
EN ROUTE
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tise. Elles s’y présentent finalement, généralement col-
laboratives, mais avec un seul but en tête : récupérer le
droit de conduire. Ce qui n’est pas forcément l’objectif
de la psychologue de la circulation.
« Nous leur demandons d’être le plus ouvert et
honnête possible », explique-t-elle. Mais beaucoup ont
tendance à essayer de se présenter sous leur meilleur
jour. Ou à minimiser leurs actes en arguant que la si-
tuation n’était pas si dangereuse. « Certaines personnes
ont peur que nous ne les définissions qu’au travers des
infractions commises. Elles veulent parfois tellement
nous prouver qu’elles ont changé qu’elles refusent de
parler de leurs infractions. » Un comportement pro-
blématique aux yeux de la psychologue, dont l’objectif
est, dans le cas d’une annulation de permis, de vérifier
si la personne a assimilé ses infractions, si elle a com-
pris les raisons qui l’ont poussée à les commettre et si
elle a déjà réfléchi à des stratégies à mettre en œuvre
pour éviter la récidive. Et, pour ce faire, il est indis-
pensable de parler des infractions. «J’essaie de com-
prendre la personne et son fonctionnement, et de no-
tamment l’amener à parler de ses points faibles. Je ne
suis pas dans le jugement, ni dans l’accentuation des
actes, j’oriente la discussion sur les ressources et les
solutions que la personne possède pour gérer ses dif-
ficultés. »
Les personnes qui considèrent que tout vient de
l’extérieur, qu’ils ont simplement manqué de chance,
risquent un rapport d’expertise négatif. « Statistique-
ment, nous savons que, dans la plupart des cas, il s’agit
d’un comportement habituel. Si les exceptions sont
possibles, la plupart des personnes qui commettent un
excès de vitesse ne se font pas juste attraper LA seule
fois où ils sont en infraction. »
Un rapport d’expertise d’une dizaine de pages
Concentré devant l’ordinateur, Julien se soumet à la
première phase de l’expertise. En fonction de l’infrac-
tion commise, la psychologue a choisi une série de tests
psychologiques auxquels il doit se soumettre : évalua-
tion de certains traits de personnalité, de la stabilité
psychique, du sens des responsabilités, du contrôle
de soi, etc. Dans certains cas, les capacités cognitives,
dont l’attention, la concentration, la réactivité et la per-
ception, peuvent aussi faire l’objet d’une évaluation.
Dans la seconde phase de l’expertise, Nicole
Eugster confrontera Julien aux résultats de ces tests et
mènera un entretien détaillé d’évaluation de son apti-
tude à la conduite. Le jeune homme devra parvenir à
convaincre la psychologue qu’il a eectué un certain
travail sur lui-même et qu’il est désormais apte à la
AURÉLIE DESPONT
« Comprenez-vous pourquoi vous êtes là aujourd’hui ? »
interroge d’entrée de jeu Nicole Eugster. Face à la psy-
chologue se tient Julien (prénom d’emprunt, ndlr). Le
jeune homme a perdu son permis de conduire à l’essai
pour avoir roulé à diérentes reprises en excès de vi-
tesse. Un retrait de permis qui lui a fait perdre son job
et vivre un début de « descente aux enfers », selon ses
mots. « Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi
je suis là. Mais je suis obligé, alors je suis là », rétorque-
t-il spontanément. À l’Institut d’action et de dévelop-
pement en psychologie du trafic, à Yverdon, Nicole
Eugster vit fréquemment ce type d’échanges. Psycho-
logue spécialiste en psychologie de la circulation, elle
y réalise les expertises psychologiques ordonnées par
les autorités sur la base de la loi sur la circulation rou-
tière dans des cas d’annulation du permis de conduire
à l’essai, de retrait de sécurité ou de retrait préventif du
permis de conduire.
Une activité qui se déroule dans un setting bien
particulier, déjà rien qu’en raison du côté coercitif de
la mesure. « Les psychologues de la circulation sont
fréquemment l’objet de représentations négatives.  Dès
leurs débuts dans la conduite, les jeunes qui passent
leur permis ont la hantise de rater trois fois l’examen
et de devoir aller chez le psy », raconte Nicole Eugster.
Une appréhension qui persiste souvent par la suite.
« Je ne suis pas fou, je ne dois pas aller voir un psy-
chologue », pensent de nombreuses personnes sous le
coup d’un retrait, réticentes à se soumettre à l’exper-
Nom : Nicole Eugster
Métier : psychologue spécialiste en
psychologie légale et en psychologie de
la circulation FSP
Compétences : formation clinique, esprit
d’analyse et de synthèse, anité pour la
rédaction, capacité de non-jugement et
de gestion du rapport aux émotions et à
la frustration
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les personnes parlent aussi beaucoup d’elles-mêmes et
de leur vécu. « Nous avons accès à des parcours de vie
particuliers, à des personnes qui n’auraient peut-être
jamais été en contact avec un-e psychologue. » Nicole
Eugster peut leur fournir des pistes de réflexion sur
eux-mêmes qui ne valent pas uniquement dans la cir-
culation routière, mais qui peuvent influencer positive-
ment leur mode de vie en général.
« Pour certaines personnes, la voiture représente
presque plus qu’une relation humaine », explique la
psychologue. La perte du permis de conduire peut
alors avoir des conséquences sociales importantes. Sur
la relation de couple ou le travail, notamment. Ce qui
engendre beaucoup de colère et d’émotions. « C’est
l’une des complexités de ce métier », explique Nicole
Eugster. De grandes attentes et une immense pression
sont liées aux expertises. « Je dois être capable d’abor-
der la sourance, ainsi que de gérer la frustration de
ces personnes. C’est très prenant. » D’où l’importance
de la supervision et de l’intervision. La vingtaine de
psychologues de la circulation qui réalisent des exper-
tises en Suisse romande se rencontrent régulièrement
pour parler de leurs pratiques et échanger. En début
d’année aura aussi lieu une première rencontre ro-
mande entre les expert-e-s et les thérapeutes spéciali-
sés dans le domaine de la circulation, encore trop peu
nombreux aujourd’hui.
Que ce soit au sein même de la profession, ou
vis-à-vis de l’extérieur, Nicole Eugster considère que
le travail d’explicitation de son métier est primordial.
« La psychologie de la circulation est encore trop mé-
connue. Mais il y a un grand potentiel pour les profes-
sionnels n’ayant pas d’appréhensions à travailler dans
ce setting plutôt particulier. »
conduite. Suite à l’entretien, la psychologue rédigera
un rapport d’expertise d’une dizaine de pages dans le-
quel elle formule une recommandation aux autorités
administratives. Ce sont elles qui prendront la décision
définitive et informeront la personne de son droit à re-
prendre la conduite, ou non. En cas d’issue négative,
la psychologue formule aussi des propositions de me-
sures adaptées : des cours à suivre en groupe, tels ceux
proposés par le Bureau de prévention des accidents
(BPA), ou une thérapie individuelle à suivre auprès
d’un-e psychologue psychothérapeute spécialisé-e.
De la prévention à large échelle
Après ses études de psychologie clinique à l’Université
de Genève, Nicole Eugster choisit rapidement d’allier
la compréhension de l’activité mentale et du compor-
tement humain à son intérêt pour le droit. Après l’ob-
tention de son diplôme, la psychologue se spécialise
en psychologie légale et travaille en parallèle plusieurs
années dans le domaine de l’évaluation d’aptitude. Elle
ouvre en 2007 son cabinet d’expertise légale à Genève,
avec deux autres collègues. C’est en 2011 qu’elle com-
mence à travailler dans la psychologie de la circulation,
sans savoir trop à quoi s’attendre. « J’avais envie d’élar-
gir mes connaissances dans un nouveau champ. Avec
mon expérience, je pensais pouvoir y apporter quelque
chose et apprendre en retour. » Ce qui lui plaît le plus ?
Les rencontres, qui sont tous les jours diérentes. « Je
reçois au préalable un dossier, qui me permet de me
faire une première idée de la personne. Mais, en géné-
ral, cette interprétation ne correspond pas à la réalité »,
confie la psychologue. Une simple perte de maîtrise sur
la route peut avoir des caractéristiques et des répercus-
sions bien diérentes. Le conducteur a-t-il été blessé ?
A-t-il blessé d’autres personnes ? Était-il sous l’emprise
de substances ? Était-il stressé à ce moment-là pour des
raisons personnelles ? Si l’anamnèse de la psychologue
est principalement axée sur le comportement routier,
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Achtsames Selbstmitgefühl
Mindful Self Compassion (MSC)
mit Christoper Germer, PhD
ein Intensiv-Workshop für Ärzte und Therapeuten
4. und 5. Juli 2016 in Winterthur
Gerade für Personen, die in helfenden und sozial anspruchsvollen Berufen tätig sind, ist Selbstmitgefühl eine wichtige
Stütze für die eigene Gesundheit und Resilienz. Chris Germer vermittelt in seinen Workshops mit grosser Erfahrung und
geschickt viele verschiedene Übungen und Varianten um das eigene Selbstmitgefühl zu vertiefen.
Auf sensible Weise lernen Sie, wie Ihre Klienten Selbstmitgefühl aufbauen und entwickeln können.
Informationen und Anmeldung: Bildungswerkstatt ACT, [email protected], www.zumbeherztenleben.ch
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