Ionisation en couche K et effet biologique

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J. Chim. Phys. (1998) 95. 812-81 5
(3 EDP Swnœs.
Les Ulis
Ionisation en couche K et effet biologique
A. ~ ' ~ o i rM.A.
' . Herve du penhoatl, C. champion1, B. ~ a ~ a r d ' ,
A. ~ouati'.F. bel', M.F. ~olitis'.1. ~ e s p i n e ~ - B a i l l ~ ~ ,
L. sabatier3et A. ~hetioui'.
' Groupe de Physique des Solides, Universités Pans 7 et Paris 6, UMR 75-88 du CNRS,
2 place Jussieu, 75251 Paris cedex 05, France
CEA-DSV, Laboratoire de Radiotoxicologie, BP. 12, 91680 Bruyères-le-Châtel, France
CEA-DSV,Laboratoire de Radiobiologie et Ontologie, BP. 6,
92265 Fontenay-aux-Roses,France
'Correspondance et tir& à pari.
RÉSUMÉ
Les étapes initiales des mécanismes d'effet biologique des radiations sont encore
mal connues. La forte corrélation observée entre sections efficaces d'inactivation par
ions lourds et sections efficaces d'ionisation K a attiré l'attention sur ce processus.
Bien que de faible probabilité, l'ionisation K engendre des grappes d'ionisation très
efficaces. Les valeurs de rendement létal extraites des efficacités biologiques
relatives mesurées pour les rayonnements X ultra-mous suggèrent une contribution
majeure - peut-être dominante- de i'ionisation K a l'effet biologique des ions.
Mots -clés - Létalité, ions, ionisation K, grappes d'ionisation, X ultra-mous
ABSTRACT
Initial steps of radiation action mechanism on biological targets are still unknown.
The strong correlation observed between inactivation cross sections by heavy ions
and K-vacancy production cross sections has drawn the attention on this process.
Although quite minor in the energy deposition of these particles, the K-ionization
process gives rise to quite efficient ionization clusters. Values of K-ionization
biological effectivenesses extracted from measured relative biological efficiencies of
ultra soft X-rays support the idea of a major -may be a dominant- contribution of the
K-vacancy process to the biological effect of heavy ions.
Key-words - Lethality, ions, K-ionization, ionization clusters, ultra-soft X-rays
INTRODUCTION
Bien qu'étudiés depuis fort longtemps, les mécanismes d'action biologique des
radiations sont encore mal connus, en particulier la nature des événements initiaux
qui conduisent aux effets d'inactivation et transformation cellulaire. Une indication
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pourrait être fournie par le comportement caractéristique des sections efficaces
d'inactivation induite par ions lourds en fonction du transfert d'énergie linéaire (TEL)
de ces derniers (Fig.1) et en particulier le passage par un maximum de ces sections
efficaces à un TEL bien défini pour chaque type d'ion [ I l .
THEORIES D'INACTIVATION PAR IONS LOURDS
Le modèle de Katz [2]a le premier attiré l'attention sur l'importance de la trace de
I'ion. Dans ce modèle et ses dérivés [3], la trace est traitée comme une distribution
radiale continue de dose (on parle de modèle de trace amorphe) et l'inactivation est
décrite comme le résultat de I'accumulation d'énergie dans des volumes grands à
l'échelle macromoléculaire. Les doses locales sont converties en nombres moyens
d'événements létaux en utilisant les relations dose-effet -supposées universelles- des
rayons X et ';Y énergétiques.
Dans ces théories, la section efficace décroît a haut TEL c'est à dire lorsque la
vitesse de I'ion décroît, car corrélativement la vitesse des électrons secondaires, donc
leur parcours, donc le diamètre de trace décroissent.
1
10
IO0
ImC
IMYX)
10
lm
lm
TEL ReVIpni)
]op00
TEL -du& (keVfiirn)
Figure I : Sections efïicaces expérimenrales
d'inactivation cellulaire induire par des ions
lourak en fonction de leur transfert d'énergie
linéaire [3]
Figure 2 : Sections efficaces d'inactivation
cellulaire calculées en atrribuanr un
rendement Iétal de 2% aux ionisations K des
atomes de C, N, O de l'ADN et proches de
l'ADN (à moins de 2 nm) 16-71
Les expériences ultérieures ont remis en question les bases mêmes de ces modèles
puisqu'elles ont montré que la relation dose-effet dépend de la manière dont l'énergie
est déposée. Goodhead et al. 141 ont mis en évidence un accroissement d'un facteur 4
814
A. L'Hoir et al.
de l'efficacité d'inactivation de cellules de mammifêres par des rayons X et y lorsque
l'énergie passe de = 1 MeV à 0,28 keV (raies X-K du carbone). L'analyse des
propriétés des traces de ces diverses radiations suggère un rôle important des grappes
d'ionisations. Pour les radiations de bas TEL, Goodhead et Nikjoo [ 5 ] ont suggéré
que l'inactivation pourrait être liée à la production de grappes de 4 ionisations ou
plus (2 100 eV) dans des segments d'ADN de l'ordre de 2 nm. Ces grappes se
produisent en particulier en fin de parcours des électrons secondaires et les électrons
de quelques centaines d'eV sont particulièrement efficaces pour les créer. Par
ailleurs, un rendement létal de l'ordre de 2% doit leur être associé pour reproduire les
courbes de survie expérimentales de cellules de hamster chinois V79 [4].
LE MODELE DE LACUNE K
Les ionisations induites par ions en couche interne K des atomes de C, N, O du
milieu biologique donnent naissance à deux électrons de quelques centaines d'eV :
l'électron Auger (250 eV pour C, E 500 eV pour O) et l'électron éjecté de la couche K
(énergie moyenne = 300 à 1000 eV [7]) pour les ions considérés dans les expériences
citées en [l]). Elle; ont ainsi une capacité importante de création de grappes. Par
ailleurs, une étroite corrélation (Figure 2) a été trouvée entre sections efficaces
d'inactivation de diverses cibles biologiques et sections efficaces de création de
lacunes K des atomes de C, N, O de l'ADN [7]. 11 est à noter que dans le cas des ions
le nombre d'ionisations K du phosphore est négligeable car les sections efficaces
correspondantes varient en 1/z4(Z : numéro atomique de l'atome cible). On peut
reproduire les sections efficaces expérimentales d'inactivation pour les cellules de
hamster chinois V79 en associant aux ionisations K des atomes de C, N, O de l'ADN
et proches de l'ADN (à moins de 2 nm) un rendement létal de l'ordre de 2% [6-71.
Les maxima des courbes de sections efficaces en fonction du TEL s'expliquent
naturellement dans ce modèle : pour chaque type d'ion le maximum d'effet
biologique correspond au maximum d'ionisation K, bien connu en Physique
Atomique, et qui apparaît à une vitesse d'ion incident de l'ordre de la vitesse orbitale
de l'électron K 181. Le modèle K conduit ainsi à prédire que les maxima
d'inactivation des divers ions se produisent pour des TEL variant approximativement
comme le carré de la charge effective de l'ion incident, ce que l'on observe bien
expérimentalement.
Il est possible d'estimer le rendement létal d'une ionisation K à partir de la
connaissance des efficacités biologiques relatives (EBR) des rayons X ultra-mous
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Ionisation en couche K et effet biologique
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pour la mort cellulaire. En effet, en comparant les EBR de rayons X de part et d'autre
des seuils K, on peut mesurer sélectivement l'effet d'une ionisation K de C (EWui,=
284 eV) ou de N (EWui,
= 402 eV), atomes préférentiellement situés sur l'ADN, ou
d'une ionisation K de O (Eseuil= 532 eV) de I'eau environnante.
Les courbes de survie de cellules de hamster chinois V79 ont été déterminées [9]
pour des rayonnements X de deux énergies : 250 eV (avant le seuil K de C) et
340 eV (après le seuil K). En raison de la forte absorption de ces rayonnements dans
la cellule (la fraction d'intensité sortante est de l'ordre de 1%) et parce que
l'emplacement des sites sensibles est inconnu, il est nécessaire d'assurer une
distrib-~tionde dose identique aux deux énergies et le choix précis -250 eV, 340 eVrépond à ce critère. Les expériences [9] ont mis en évidence un accroissement d'un
facteur 2 de I'EBR pour les rayons X au-delà du seuil K du C (EBR à 340 eV c 8). La
valeur de rendement létal d'ionisation K de C qu'on peut extraire de cet EBR est
compatible avec celle utilisée dans le modèle K de létalité des ions (fig.2) [9].
CONCLUSION
L'ionisation en couche K est un processus bien moins fréquent pour les ions que
pour les rayons X. La probabilité de ce phénomène n'est en effet que de quelques
pour cent dans le cas des ions et sa contribution au TEL est < 10% [7]. Les résultats
présentés ici suggèrent que néanmoins l'ionisation K des atomes de C, N, O de la
matière biologique joue un rôle majeur -voire dominant- dans la létalité des ions.
L'ionisation K des atomes de C, N, O de la matière biologique fournit ainsi de
nouvelles voies pour étudier les mécanismes en jeu.
REMERCIEMENTS
Ce travail a été soutenu par le CEA (LRC n06) et le CNES (contrat no 920371).
REFERENCES
1 Kraft G (1987) Nucl Sci Appl3, 1
2 Buns JJ and Katz R (1967) Rad Res 30,855
3 Kraft G, Kramer M and Scholtz M (1992) Rad Environ Biophys 31, 161
4 Goodhead DT, Thacker J, Cox R ( 1979) Int J Rad Biol 36,101
5 Goodhead DT and Nikjoo H ( 1989) Int J Rad Biol 55,5 13
6 Guiraud L, Thesis, Paris (1996)
7 Chetioui A, Despiney 1, Guiraud L et coll. (1994) Int J Rad Biol 65,5 1 1
8 Fainstein PD, Ponce VH, Rivarola RD (1991) J Phys. B At.Mol.Opt.Phys.24,3091
9 Hervé du Penhoat MA, Thesis, Paris (1997)
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