RÉSUMÉ THÈSE DREVET Une approche géographique des risques d’émergence de maladies virales en Afrique équatoriale Nous proposons de contribuer par une approche géographique à l’étude du phénomène d’émergence de maladies virales en Afrique forestière équatoriale en nous appuyant sur les origines probables de l’infection à VIH-sida. Hypothèse : Cette étude s’appuie sur l’hypothèse validée selon laquelle le Virus d’Immunodéficience Humaine (VIH), responsable de la pandémie actuelle de sida, est d’origine zoonotique. Né de la recombinaison des formes simiennes de rétrovirus, le virus humain (VIH) est issu du passage de la barrière inter-espèces des agents viraux portés par les primates (Virus d’Immunodéficience Simienne - VIS) et qui ont été sélectionnés au fil des temps et à l’occasion d’expositions multiples et prolongées aux organismes humains. L’objet de ce travail est de lire le processus d’émergence des maladies virales comme un système dans lequel interagissent dynamiques spatiales, aspects humains et paramètres environnementaux. Il s’agit d’explorer la piste des origines de l’émergence du VIH-sida sous le prisme d’une étude géographique : les habitudes migratoires, territoriales, domestiques des populations forestières de l’est Cameroun peuvent créer des situations périlleuses en termes d’exposition, de diffusion et de propagation des maladies virales. Le peuplement de la forêt équatoriale africaine est très ancien, et depuis quelques décennies il s’accélère : d’importants contingents de population se déplacent au cœur des massifs forestiers répondant aux besoins croissants de l’industrie d’extraction forestière. Cela entraîne une dynamique complexe d’échanges sociaux et culturels, d’offres et de demandes commerciales qui se traduisent par différentes pressions et modifications des rapports entre l’homme et le milieu. Les populations forestières, par leurs habitudes alimentaires et domestiques, ainsi que leurs pratiques territoriales et migratoires peuvent participer au processus présumé d’émergence de maladies virales transmissibles pathogènes pour l’homme. Page 1 sur 4 L’objet de cette recherche est d’identifier les occasions potentielles d’exposition des populations humaines par des agents pathogènes portés par les primates, notamment lors de la chasse ou des opérations de boucherie. Démarche S’appuyant sur l’étude spatiale, temporelle et globale des phénomènes, l’approche géographique permet de comprendre le rôle central des hommes dans la mise en place des phénomènes qui structurent l’espace. Les rapports que l’homme entretient avec son milieu évoluent. Examinées à différentes échelles, les dynamiques environnementales, sociales et sanitaires qui construisent l’espace offrent la possibilité de saisir la multiplicité des enjeux induits par l’anthropisation des massifs forestiers. Les paramètres spatiaux et sociaux incriminés dans les différentes étapes de contamination des organismes humains (exposition lors de contacts sanguins avec les primates), de diffusion de la maladie (transmission inter-humaine) et de propagation (mobilités et migrations) sont lus, dans cette étude, au travers de l’examen des habitudes alimentaires et domestiques ainsi que des pratiques territoriales et migratoires. Les facteurs de risques directs (agents pathogènes circulant chez les primates à l’état sauvage) et indirects liés à la consommation de viande de brousse ou à la forte mobilité des populations de la zone étudiée, sont aggravés par les lacunes en matière de moyens de prévention et de sensibilisation. Les facteurs favorisant l’enracinement et le développement des maladies virales transmissibles sont en partie liés à la territorialisation et aux pressions sur les espaces forestiers de la zone étudiée. Quand aux insuffisances des structures et des moyens de prévention, si elles se pérennisent, laissent entrevoir un avenir peu propice à l’éradication du risque de contamination virale des populations forestières. Problématique : Les pressions anthropiques que subit l’espace forestier sont à l’origine d’une augmentation du risque d’émergence de maladies virales d’origines zoonotiques dans les populations humaines. Comment se manifestent ce risque aux différents étapes de l’émergence de la maladie : Page 2 sur 4 de l’exposition en milieu forestier à la propagation à l’ensemble de l’aire potentielle de la maladie par le biais des modalités de diffusion entre les individus ? Systèmes d'occupations de l'espace des populations forestières d’Afrique centrale : modes de vie et pratiques cynégétiques Le site et les risques de contamination : Les massifs forestiers d’Afrique centrale sont dans l’aire de répartition naturelle de plusieurs espèces de primates incriminés dans l’émergence de pathologies humaines transmissibles. Nous considérons l’environnement de notre espace d’étude à la fois d’un point de vue biogéographique : comme biotope où vivent les espèces animales identifiées réservoirs et vecteurs des virus (Primates Non Humains (PNH), et du point de vue socio-spatial comme un territoire construit et approprié par les populations locales. L’espace est une combinaison complexe de sous-espaces, un enchevêtrement de territoires d’usages et terroirs villageois. Les notions de territoires et de terroirs sont définies par « la transcription spatiale » des habitudes et les pratiques des hommes. La manière dont les sociétés humaines s’approprient l’espace se lit dans des usages et des pratiques différenciées selon les disponibilités du milieu, les coutumes et la maîtrise des techniques Les massifs forestiers d’Afrique centrale abritent les aires naturelles de distribution des Primates non-Humains identifiés porteurs de souches rétrovirales apparentées au virus d’immunodéficience humaine : les singes arboricoles tels les Cercopithecus Cephus, Mona ou mangabey sont porteurs de souches spécifiques (SIVsmm, etc.) et chez les grands singes gorilles SIVgor ou chimpanzés SIVcpz et même des souches apparentées au VIH 1 groupes O, N ou P. La confrontation des territoires des hommes et de ceux des primates a plusieurs moteurs dont le développement des villages et de leurs zones agro-forestières, la foresterie ou la chasse. La chasse occupe une place incontournable dans le mode de vie des populations forestières : elle pallie l’absence d’élevage, satisfait les apports carnés du régime alimentaire et contribue à l’équilibre des économique des ménages de chasseurs. Page 3 sur 4 A l’origine du passage de la barrière inter-espèces : l’hypothèse du chasseur blessé présente plusieurs aspects qu’il est possible de vérifier sur le terrain. Les contacts sanguins qui peuvent s’ensuivrent de la capture au fusil sont multiples : les blessures sont sanguinolentes, les phases de transport et les manipulations opérées par les chasseurs, les revendeurs et les acquéreurs sont potentiellement périlleuses. Le gibier possède des qualités symboliques qui lui confèrent une importance culturelle et spirituelle prépondérantes sur l’aspect sanitaire des risques de contamination par les parasites, les maladies virales ou bactériennes. La méconnaissance des moyens de prévention : Les perceptions de la population concernant le VIH et la maladie du sida et des moyens de leur prévention révèlent de grandes confusions. Les pratiques sexuelles sont impliquées dans le processus de diffusion de la maladie entre les communautés humaines. Or, les campagnes de sensibilisation sont rares : le dernier déplacement de l’équipe de l’Agence Nationale de Lutte contre le Sida (ANLS) à Masséa remonte à 2003 et n’a pas trouvé d’écho auprès de la population. Les préservatifs sont quasi-introuvables dans les sites étudiés et sont, de plus, exceptionnellement utilisés. La perception des individus les plus jeunes du panel d’enquête est contradictoire aux principes de la prévention des IST : ils sont les plus sexuellement actifs et les moins prudents. La propagation de la maladie est liée aux pratiques migratoires et au rayonnement des itinéraires des individus mobiles pour des raisons commerciales et sociales. A l’enclavement des sites de l’étude et de la concession forestière répondent des dynamiques d’extraction des PFNL et Ligneux vers les zones urbanisées et d’importation des produits manufacturés de consommation courante dans les villages. Ce réseau de relations commerciales se traduit spatialement par des déplacements jalonnés de plus ou moins longs séjours souvent l’occasion de pratiques sexuelles extra-maritales. Page 4 sur 4