Le cancer du testicule est le premier cancer de l’adulte jeune avant 40 ans et
son incidence augmente depuis plusieurs décennies dans la quasi-totalité des
pays industrialisés (1). Il s’agit presque exclusivement de tumeurs de la lignée
germinale, qu’il est usuel de diviser en séminomes et tumeurs germinales non
séminomateuses (TGNS).
En matière de traitements, les progrès réalisés au cours des trente dernières
années ont permis une amélioration du pronostic vital, et le taux de guérison
actuel est supérieur à 95 % (2, 3), voire 99 % dans les formes localisées (4).
Cependant, les chimiothérapies et/ou radiothérapies utilisées dans le traite-
ment du cancer du testicule ont des conséquences néfastes sur la spermato-
genèse.
La question de la fertilité est une préoccupation de premier ordre pour ces
jeunes patients, qui, pour la majorité d’entre eux, souhaitent avoir des enfants
après leur maladie.
Au cours de cet article, nous allons aborder successivement :
– la fertilité avant la maladie ;
– les conséquences des traitements du cancer du testicule sur les fonctions
reproductrices du sujet;
– les possibilités de préservation de la fertilité.
Fertilité avant traitement
Qualité du sperme au moment de la maladie
Au moment du diagnostic de la maladie, avant même l’initiation des traite-
ments, la population des hommes atteints d’un cancer du testicule apparaît
hypofertile.
Botchan (5) a comparé les paramètres du sperme de 54 hommes atteints
de cancer du testicule à ceux de 190 hommes indemnes de la maladie. L’auteur
a constaté que les caractéristiques du sperme des patients atteints de cancer
du testicule étaient inférieures à celles de la population de référence
(p < 0,001), tant quantitativement (concentration de spermatozoïdes :
Fertilité et cancer du testicule
É. HUYGHE et P.-F. THONNEAU
35.10
6/ml contre 175 .106/ml) que qualitativement (pourcentage de formes
normales : 17 % contre 44 %).
Gandini (6) a montré sur une série de 342 patients atteints de cancer du
testicule (n = 232) ou de lymphome de Hodgkin (n = 110), que la qualité
du sperme au moment de la conservation préthérapeutique était meilleure chez
les hommes atteints de maladie de Hodgkin que chez ceux présentant un
cancer du testicule.
À partir d’une méta-analyse portant sur 12 études (1983-2004), nous avons
individualisé 806 hommes atteints de cancer du testicule venus réaliser une
cryo-conservation de sperme. Chez ces patients, 46 % présentaient une oli-
gospermie (numération de spermatozoïdes inférieure à 20 millions/ml) au
moment du diagnostic de leur maladie (tableau I).
188 Cancer du testicule
Oligospermie1Azoospermie
Source Année Effectifs totaux n (%) n (%)
Drasga (93) 1983 41 32 (78) 7 (10)
Jewett (94) 1983 86 23 (27)
Carroll (26) 1987 15 9 (60) 1 (7)
Nijman (50) 1987 25 18 (72)
Horwich (95) 1988 97 47 (48) 11 (11)
Hansen (27) 1990 97 51 (53)
Dearnaley (96) 1991 75 38 (50) 4 (5)
Padron (7) 1997 47 23 (50)
Reiter (97) 1998 17 11 (65)
Tomomasa (98) 2002 15 8 (53)
Gandini (6) 2003 222 79 (35)
Pectasides (99) 2004 69 31 (45)
Total 806 370 (46)
Tableau I – Fréquence de l’oligospermie dans le sperme au moment du diagnostic du cancer
du testicule.
1. L’oligospermie a été définie comme une numération de spermatozoïdes inférieure à
20.10
6/ml.
En étudiant une série de patients ayant réalisé un spermogramme avant
traitement anti-cancéreux (n = 47), Padron (7) a trouvé que les patients ayant
une tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) avaient une atteinte sper-
matique plus marquée que ceux ayant un séminome (nombre de spermato-
zoïdes mobiles avant congélation : 5,7.106chez les TGNS, contre 17 . 106
chez les séminomes (p = 0,04). Botchan (5) a trouvé des résultats similaires
chez 32 séminomes et 22 TGNS : la concentration de spermatozoïdes était
de 17 . 106chez les patients ayant une TGNS et de 50.106chez les patients
ayant un séminome (p < 0,001).
Fertilité avant le cancer du testicule
En 1989, dans une étude cas-témoin incluant 259 cas de cancer du testicule
et le double de témoins indemnes de la maladie, Swerdlow n’a pas mis en
évidence de relation entre fertilité et cancer du testicule; la différence observée
entre les patients atteints de cancer du testicule et les témoins disparaissant
après exclusion des patients ayant un antécédent de cryptorchidie (8).
En 1994, le United Kingdom Testicular Study Group a réalisé une étude cas-
témoin sur les facteurs de risque de cancer du testicule chez 794 hommes âgés
de 15 à 49 ans, recrutés dans neuf régions d’Angleterre et du pays de
Galles (9). Après exclusion de tous les patients ayant eu une cryptorchidie
bilatérale, l’association entre infertilité et cancer du testicule était à la limite
de la signification avec un odds ratio de 2,66 (I. C. : 0,94-7,54).
En 1999, une étude danoise cas-témoins portant sur 514 patients atteints
de cancer du testicule et 720 témoins a montré une association statistique-
ment significative entre hypofertilité et survenue ultérieure d’une tumeur du
testicule (odds ratio : 2,13 ; I. C. 1,51-3,00), ainsi qu’une association inverse
entre la paternité (OR : 0,68) et l’augmentation de la parité (OR : 0,52) d’une
part, et le risque de cancer du testicule d’autre part (10).
En 2000, dans une étude réalisée à partir des données du Norvegian Cancer
Registry, du Norvegian Population Registry et du Population Census, les auteurs ont
observé que le risque de développer un cancer du testicule était corrélé au fait
d’avoir eu une fertilité antérieure diminuée. Le risque de développer un sémi-
nome pour un homme ayant eu trois enfants était 40 % plus faible que celui
d’un homme n’ayant pas eu d’enfant au moment du diagnostic. Dans cette étude,
aucune relation n’a été retrouvée parmi les patients présentant une TGNS (11).
En 2000, Jacobsen a comparé la fertilité avant le diagnostic du cancer chez
3 530 hommes ayant développé un cancer du testicule (nés entre 1945 et
1980), à celle de la population danoise durant la même période
(1 488 957 hommes). Sur l’ensemble de la période d’étude, les hommes qui
avaient développé un cancer du testicule étaient significativement moins fer-
tiles que les témoins (p < 0,01). À noter que cette différence était aussi signi-
ficative chez les hommes atteints de TGNS (12).
En 2003, Spermon a étudié la fertilité avant et après traitement chez
305 patients atteints de cancer du testicule entre 1982 et 1999. Parmi les
226 hommes ayant répondu, 76 % d’entre eux avaient une TGNS et 24 %
un séminome. Parmi les 120 hommes ayant cherché à avoir un enfant, les trois-
quarts y étaient parvenus et, parmi ceux-ci, 73 % avec un délai nécessaire pour
concevoir inférieur à 6 mois et 85 % avant la fin de la première année (13).
En 2004, une étude régionale réalisée en France (région Midi-Pyrénées) a
inclus 451 hommes ayant présenté un cancer du testicule, diagnostiqué entre
Fertilité et cancer du testicule 189
1978 et 1998. Les auteurs ont évalué la fertilité au moyen d’un questionnaire
(taux de réponse : 95 %). Comme illustré dans la figure 1a, avant le diagnostic
du cancer, 228 sur 451 hommes avaient cherché à avoir un enfant et, parmi
ceux-ci, 91 % y étaient parvenus, soit un résultat nettement supérieur à ceux
rapportés dans la littérature (14).
190 Cancer du testicule
Fig. 1 – Fertilité avant et après traitement du cancer du testicule (n = 446) (d’après Huyghe
et al., Cancer 2004).
n = 20
(8,8 %)
n = 208
(91,2 %)
n = 54
(32,9 %)
n = 110
(67,1 %)
Fertile
Patients qui
n’ont jamais
essayé d’avoir
des enfants
(n = 282)
Patients qui ont essayé
d’avoir des enfants (n = 164)
Infertile
Patients qui
n’ont jamais
essayé d’avoir
des enfants
(n = 218)
Patients qui ont essayé
d’avoir des enfants (n = 228)
Fertile
Infertile
a : Avant traitement b : Après traitement
Causes possibles de l’hypofertilité
Cryptorchidie
La cryptorchidie est un facteur reconnu de risque d’infertilité (9, 15). Environ
1 patient sur 10 qui présente une tumeur germinale du testicule a un anté-
cédent de cryptorchidie (16-19).
La sévérité de l’atteinte de la fertilité chez ces patients porteurs d’une cryp-
torchidie dépend de l’âge de la descente du testicule (20) et du caractère uni-
ou bilatéral de la cryptorchidie. Dans une étude visant à comparer la fertilité
d’une cohorte d’hommes ayant eu une cryptorchidie bilatérale, une cryptor-
chidie unilatérale et d’hommes sans antécédent de cryptorchidie, les auteurs
ont observé que la proportion d’hommes parvenant à avoir un enfant était
de 65 % en cas de cryptorchidie bilatérale, de 90 % en cas de cryptorchidie
unilatérale et de 93 % chez les hommes sans antécédent de cryptorchidie
(p < 0,001) (21).
Cependant, l’antécédent de cryptorchidie ne permet pas d’expliquer la tota-
lité des anomalies de la spermatogenèse observées chez les hommes atteints
de cancer du testicule.
Carcinome in situ (CIS) et autres altérations histologiques du testicule controlatéral
Berthelsen et Skakkebaek ont montré, dès 1983, qu’il existait chez 24 % des
hommes atteints de cancer du testicule une altération histologique du testi-
cule controlatéral à la tumeur et, chez 8 % d’entre eux, des lésions profondes
avec absence de spermatozoïdes (22).
Par ailleurs, il a été mis en évidence que les patients présentant des ano-
malies du développement gonadique et de la différentiation sexuelle (syndrome
d’insensibilité aux androgènes, de prolifération de cellules de Sertoli intratu-
bulaire, mosaïque XY/XO) avaient un risque élevé de stérilité et de cancer du
testicule (23).
Skakkebaek a proposé le concept de Syndrome de Dysgénésie Testiculaire,
défini sur le plan histologique par une association (à des degrés divers) de cel-
lules de Sertoli indifférenciées, de microlithiases, de tubules contenant seule-
ment des cellules de Sertoli, et de carcinome in situ. De telles anomalies sont
fréquemment rencontrées chez les hommes présentant une cryptorchidie, un
hypospadias, un cancer du testicule et / ou une infertilité masculine.
L’hypothèse soulevée par cet auteur est de relier ces différentes pathologies à
des perturbations du développement gonadique durant la vie fœtale (24).
Récemment, cette même équipe (Rigshospitalet de Copenhague) a mené une
étude portant sur 20 patients présentant des critères de dysgénésie testicu-
laire, avec relecture histologique et analyse spermiologique. Chez ces
20 patients, 9 avaient un cancer du testicule et 5 un carcinome in situ (parmi
lesquels 3 avaient une tumeur germinale controlatérale). L’analyse spermiolo-
gique réalisée chez 18 de ces 20 patients montrait une atteinte constante et
souvent majeure de la spermatogenèse (aucun patient avec un spermogramme
normal, 4 azoospermes) (25).
Facteurs endocriniens
Les tumeurs du testicule peuvent modifier l’équilibre hormonal, soit en syn-
thétisant des hormones, soit en modifiant leur métabolisme périphérique.
Il a été démontré que l’effet endocrine de la Human Chorionic
Gonadotrophin (HCG) (22) est proche de celui de la LH. L’HCG augmente
la production de testostérone et / ou d’estradiol par les cellules de Leydig et
aboutit à une inhibition de la sécrétion de FSH et de LH (26).
Gandini a montré sur une série de 342 hommes atteints de cancer du tes-
ticule, venus réaliser une conservation de sperme avant orchidectomie, qu’une
altération de la qualité du sperme était significativement plus fréquente chez
les hommes ayant un taux de HCG pathologique (> 5 mUI/ml) (6).
Une augmentation de la LH avec une HCG normale (traduisant un hypo-
gonadisme) a été observée chez 10 patients sur 72 (27).
Par ailleurs, l’activité d’aromatisation entraînant une conversion de la tes-
tostérone en estradiol a été retrouvée augmentée, en particulier dans les
tumeurs germinales non séminomateuses (28).
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