spirituels et scientifiques ont été remis en cause au siècle précédent . Le monde subit
le contrecoup de toutes ces nouveautés
. La siècle des lumières et la Révolution
française ont contribué à modifier les structures sociales de l'ancienne Europe
. Le
Judaïsme est au coeur de ces changements . L'accès des masses juives à la culture
européenne et sa confrontation avec l'héritage ancestral ne manqueront pas de
provoquer une crise profonde
. Une cassure s'opère
. La montée du judaïsme réformé
en Allemagne s'explique également par la soif qu'ont les Juifs d'être reconnus
comme citoyens à part entière de la nouvelle Europe des nationalités.
Mendelssohn, brillant commentateur de Kant, n'arrivera pas à proposer une formula-
tion nouvelle aux Juifs désemparés, il ne pourra empêcher les progrès du mouve-
ment réformateur
. L'accession des Juifs à la citoyenneté, très lente en Allemagne,
s'échelonnera sur une cinquantaine d'années
; les Juifs sont souvent prêts à se
convertir pour entrer de plain-pied dans la vie sociale et culturelle du temps
. Hirsch
réagit en donnant une nouvelle formulation aux concepts du Judaïsme.
TORA ET SCIENCE CHEZ HIRSCH
Le Maître de Francfort refuse toute opposition entre les sciences pratiques et
théoriques d'une part, et la
Tora
d'autre part
. A l'instar de Rabbénou Ba'hia
('Hovot
Halevavot,
Introduction), il considère que la
Tora,
révélée, permet à l'homme de
comprendre la création en tant que telle . Selon la célèbre formule «
Tora im dérekh
érets », « Tora avec culture »,
la
Tora
reste l'essentiel car, d'essence divine, elle
constitue une vérité absolue par rapport aux sciences générales
. Les recherches
scientifiques évoluent constamment, elles convergent vers un principe unique, c'est
pourquoi il ne peut
y
avoir de contradiction entre Science et
Tora
.
Toute opposition
ne peut être que localisée dans le temps et non définitive
. Pour Hirsch, « le
Judaïsme est une connaissance des vérités divines documentées par une expé-
rience des sens et de l'entendement »
. La
Tora
et la nature sont une même
révélation, ont une même origine
. Le but des sciences de la nature est de déceler
dans la création les pensées divines qui en forment le noyau central.
NATURE ET
TORA
Hirsch conçoit le Judaïsme comme un humanisme . Le Judaïsme propose un modèle
de perfection humaine
. Toutes les réflexions et les méditations de nos sages sont
orientées vers cette finalité
. Le modèle humain n'est pas le produit d'une intuition
mais le résultat d'une révélation, réalité incontournable et intangible . La
Tora
écrite
ou orale reste la référence, à laquelle on doit mesurer l'évolution du peuple juif
. La
Tora
est en accord avec les aspirations humaines
. Bien sûr, il ne s'agit pas de vivre
simplement en conformité avec la nature mais de percevoir l'harmonie entre la loi et
les exigences humaines
.
La véritable réforme c'est celle que nous devons opérer en
nous,
affirme Hirsch,
en témoignant de cette unité fondamentale qui mènera le
peuple juif, puis l'humanité, vers
le
bonheur, véritable
quête
de l'homme.
Critiquant souvent Maïmonide, il se réfère le plus souvent à Yehouda Halévy et à
Ramban.
Comment découvre-t-on cette richesse exceptionnelle ? Dans la
Tora
.
Par quelle
méthode ? Grâce à l'étymologie
spéculative
qui dégage de multiples significations
philosophiques, à partir des racines hébraïques
. Il ne se réfère jamais à des
connaissances étrangères, en ce domaine son interprétation se base uniquement
sur la cohérence interne de la langue hébraïque
. Sa démarche se heurtera à de
nombreuses réserves
. Les maîtres du Séminaire orthodoxe Hildesheimer à Berlin
rejetteront ses principes exégétiques.
Il emploie également l'interprétation symbolique des mitsvot
.
II expose ses vues à ce
sujet dans « La Symbolique des Mitsvot » . Dans ce domaine il puise largement, pour
confirmer ses hypothèses, dans le savoir général de son époque.
Néanmoins, le mérite essentiel de son oeuvre est d'avoir mis en relief la spiritualité
de la
Tora
et du Talmud
. On se rappelle que les Juifs dits « éclairés » considéraient
que les
mitsvot
témoignaient d'un formalisme et d'une rigueur excessifs, tout en
occultant les grandes aspirations de l'homme.
28/HAMORÉ N°118-119- JUILLET 1987