
Revue Médicale Suisse
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22 octobre 2014 1993
lésions le plus tôt possible. En effet, on estime que 5 à 10%
des patients avec une AOMI asymptomatique ou avec clau-
dication présenteront dans les cinq ans une ICC, et que 1 à
3% des patients avec une AOMI auront une ICC comme pré-
sentation initiale. Six mois avant l’apparition d’une ischémie
critique, la moitié des patients ne présentait pas de symp-
tômes d’AOMI.4 Le pronostic de cette pathologie reste som-
bre, principalement grevé par les comorbidités des patients.
En effet, la survie sans amputation majeure à un an n’est
que de 50%1 et la mortalité à cinq et dix ans est de 50% et
70% respectivement.5
diagnostic
Définition
L’ICC des membres inférieurs est définie par :1
• douleurs de décubitus et/ou des troubles trophiques des
membres inférieurs depuis deux semaines au moins ;
• associés aux critères hémodynamiques suivants :
– une pression artérielle systolique (PAS) à la cheville
l 50 mmHg ou à l’orteil l 30 mmHg en cas de douleurs
de repos ;
– une PAS à la cheville l 70 mmHg ou à l’orteil l 50 mmHg
et en cas de troubles trophiques.
Elle est considérée comme le stade terminal de l’AOMI.
Cependant, l’AOMI ne progresse pas toujours par diffé-
rentes étapes cliniquement évaluables et la plupart des
patients se présentent d’emblée avec une ICC.6
Investigations
Devant toute suspicion d’ICC, un diagnostic certain doit
être posé dans les plus brefs délais. En effet, l’apparition
d’une plaie d’un membre inférieur chez un patient avec
des facteurs de risque cardiovasculaires, particulièrement
le diabète, devrait être considérée comme une urgence et
amener à une consultation auprès d’un spécialiste. L’examen
de référence est alors un bilan angiologique complet puis-
qu’il est non invasif, rapidement disponible et permet un
diagnostic fiable avec des mesures de pression et une car-
tographie préalable des lésions. En fonction de la stratégie
adoptée, le bilan doit être complété par un examen mor-
phologique d’imagerie, adapté aux comorbidités du patient
et aux lésions artérielles présentes. L’investigation des fac-
teurs de risque cardiovasculaires ainsi que des autres loca-
lisations de la maladie athéromateuse surtout coronarienne
et cérébro-vasculaire est primordiale pour le patient, notam-
ment avant tout traitement invasif. Un algorithme de prise
en charge est proposé dans la figure 1.
traitement
Une prise en charge adéquate d’un patient souffrant d’ICC
implique à la fois un traitement médical afin de réduire le
risque de complications cardiovasculaires potentiellement
mortelles à moyen terme et une approche invasive dont le
but est le sauvetage du membre atteint, surtout à court
terme.
Traitement médical
• L’arrêt du tabac est la première des recommandations à
donner au patient. Son impact sur la survenue d’événements
vasculaires est majeur mais aussi sur la perméabilité des
futurs gestes de revascularisation. En effet, il a été démontré
que le tabagisme actif augmente non seulement la mor-
talité mais aussi le taux d’amputations.4 La mise en place
d’une bonne substitution nicotinique et un suivi sont donc
essen tiels.
• Les thérapies cardioprotectrices :
–
Statines :
de par leur rôle dans la stabilisation de la
plaque d’athérome et leur effet pléïotrope, elles sont as-
sociées à une baisse des événements cardiovasculaires
majeurs et de la mortalité à un an ainsi qu’à une amélio-
ration du taux de sauvetage de membre chez les patients
revascularisés et/ou en ICC.7,8
–
Antiagrégants plaquettaires :
l’aspirine ou le clopidogrel
sont indiqués indifféremment l’un de l’autre. Ils permet-
tent une réduction du taux d’événements cardiovascu-
laires chez les patients avec une artériopathie sympto-
matique. En l’absence d’évidence forte, ils peuvent être
prescrits simultanément pour une durée variable en fonc-
tion des habitudes lors de l’implantation de stent péri-
phérique ou après confection d’un pontage prothétique
en dessous du genou.
–
Antihypertenseurs :
dans les recommandations de la So-
ciété européenne de chirurgie vasculaire
(Clinical Practice
Guidelines of the European Society for Vascular Surgery)
,9 les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont recommandés
dans l’ICC. Les bêtabloquants, dont deux méta-analyses
ont montré l’absence d’exacerbation de l’AOMI,10,11 doivent
être administrés chez les patients en ICC ayant bénéficié
d’une revascularisation des membres inférieurs.
Ces trois thérapeutiques sont associées à un net bénéfice
en termes d’événements cardiovasculaires et de survie sans
amputation12 chez les patients avec une AOMI.13 Toutefois,
malgré les recommandations basées sur des évidences
fortes, seul un tiers des patients en ICC bénéficie actuelle-
ment d’un traitement médical bien conduit.
Figure 1. Algorithme de prise en charge d’un patient
en ischémie critique chronique
Bilan angiologique avec pléthysmographie
Candidat pour revascularisation
Revascularisation appropriée
Amputation
Stabilité de la
douleur
et des lésions
Traitement
médical :
antibiothérapie,
antalgie
Douleurs
intolérables,
infection
Classification des lésions
selon leurs topographies
et leurs longueurs
Confirmation du diagnostic d’ischémie critique
Bilan des facteurs de risque et des comorbidités
Bilan morphologique
AngioCT, angioIRM, artériographie
Non candidat pour revascularisation
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