Journal Identification = NRP Article Identification = 0294 Date: April 15, 2014 Time: 12:35 pm
doi: 10.1684/nrp.2014.0294
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Article de synthèse
Rev Neuropsychol
2014 ; 6 (1) : 59-68 Le paradigme d’écoute dichotique :
état des recherches et données
développementales
The dichotic listening paradigm: State
of researches and developmental data
Marion Phélip
Université d’Aix-Marseille,
Centre PSYCLE EA 3273,
Maison de la recherche Schuman,
13621, Aix-en-Provence cedex 1, France
Pour citer cet article : Phélip M. Le
paradigme d’écoute dichotique : état des
recherches et données développementales.
Rev Neuropsychol 2014 ; 6 (1) : 59-68
doi:10.1684/nrp.2014.0294
Résumé Cet article a pour objectif de dresser un état des lieux de
l’ensemble des avancées de la recherche jusqu’à présent
réalisées en écoute dichotique. En seulement une cinquantaine d’années, le paradigme
d’écoute dichotique est devenu un outil incontournable de la psychologie expérimentale. Sa
facilité d’utilisation et son application à de grandes populations ont conduit les chercheurs à
lui porter un intérêt croissant. Ses applications s’étendent de l’étude de la spécialisation hémi-
sphérique à l’investigation des facteurs attentionnels, et plus récemment à celle du contrôle
cognitif. L’apport des données développementales dans ce dernier champ d’étude met en
évidence le rôle primordial des ressources top-down dans la mise en place des capacités
de contrôle cognitif, au cours du développement. De plus, les recherches appliquées à la
pathologie laissent envisager l’apport considérable de ces études dans l’évolution de la prise
en charge, du diagnostic et des traitements relatifs aux pathologies abordées.
Mots clés : paradigme d’écoute dichotique ·spécialisation hémisphérique ·attention ·contrôle cognitif
Abstract This manuscript tends to propose an inventory of the
researches and the progresses made so far within the
dichotic listening task. Nowadays, this task, created about 50 years ago, has become
a major tool in the field of experimental psychology. Its easiness and its use with large
populations have prompted the interest of researchers. Its applications extend from the
investigation of hemispheric asymmetries to the study of attentional factors, and more
recently for the study of cognitive control. In this last domain of research, developmental
data have contributed to reveal the strong link between top-down resources and cognitive
control capacity across development. Moreover, the application of dichotic listening stu-
dies to pathological populations lets foresee their role for the advancement of diagnosis,
treatments and healthcare of the pathologies concerned.
Key words: dichotic listening paradigm ·cerebral dominance ·attention ·cognitive control
Depuis les premières recherches de Kimura [1],
de nombreux thèmes de recherches utilisant le
paradigme d’écoute dichotique ont vu le jour
en portant à la fois sur des individus sains et patholo-
giques, et représentant l’ensemble du life span, depuis les
jeunes enfants jusqu’aux personnes âgées. Les chercheurs
Correspondance :
M. Phélip
ont exploré, entre autres, l’influence des aspects phonolo-
giques des stimuli [2, 3], l’impact des facteurs attentionnels
[4, 5] et du contrôle cognitif [6] ou bien encore de la dys-
lexie [7-9] ou du trouble du déficit de l’attention avec ou
sans hyperactivité (TDAH) [10, 11] sur les performances des
individus. Étant donné l’influence du paradigme d’écoute
dichotique dans le domaine de la perception auditive, il
est temps de proposer un état des lieux des recherches
effectuées, des découvertes déjà réalisées, mais aussi de
prendre en considération ses avancées dans le domaine du
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handicap. Ainsi, dans un premier temps, nous retracerons
les débuts de l’écoute dichotique avec les travaux pionniers
de Broadbent et Kimura. Dans un second temps, nous nous
pencherons spécifiquement sur les relations entre les fac-
teurs attentionnels et l’écoute dichotique, en nous centrant
sur les nombreux travaux ayant contribué à l’élargissement
de ce domaine de connaissance. Le récent champ d’étude
du contrôle cognitif via l’écoute dichotique sera examiné
dans la troisième partie. Il nous amènera alors à aborder
l’intérêt de son application auprès de certaines patholo-
gies d’origine neurologique, comme la dyslexie ou le TDAH
dans une quatrième et dernière partie.
Les débuts des recherches
à l’aide de l’écoute dichotique
De Broadbent à Kimura
Lorsque nous évoquons l’expression «écoute dicho-
tique », nous l’assimilons assez rapidement au moyen
d’étude de la latéralisation et de la spécialisation hémisphé-
rique des fonctions cognitives. Le mérite de cette découverte
revient à Kimura [1], qui, la première, observa un phé-
nomène d’asymétrie de réponse entre l’oreille gauche et
l’oreille droite en situation d’écoute dichotique de stimuli
verbaux. Rappelons que, typiquement, la situation d’écoute
dichotique consiste à faire entendre en même temps à
un participant deux stimuli différents, un dans l’oreille
gauche et un autre dans l’oreille droite, puis à deman-
der au participant de reporter le stimulus le mieux perc¸u
(figure 1).
Toutefois, comme l’écrit Kimura [1] dans un de ses
articles, il ne faut pas oublier que Broadbent [13] est
le réel initiateur de l’écoute dichotique. En effet, dans
ses travaux princeps, Broadbent n’avait pas pour objec-
tif d’effectuer une mesure de la latéralisation cérébrale,
mais plutôt d’évaluer le rôle et le fonctionnement du sys-
tème attentionnel dans le traitement des informations, et
même plus exactement d’étudier la dimension sélective
de l’attention. Avec cet objectif, Broadbent proposa à ses
participants d’identifier une suite de chiffres présentée audi-
tivement de deux manières différentes. En premier lieu,
la même suite de chiffres était présentée en même temps
dans les deux oreilles des participants, alors qu’en second
lieu deux listes de chiffres étaient présentées simultanément
dans chaque oreille, i.e., les participants entendaient en
même temps un chiffre différent dans chaque oreille. Cette
seconde partie d’expérience renvoie à la première tâche
d’écoute dichotique créée par Broadbent.
Les modifications de la tâche d’écoute dichotique
Rapidement, Kimura [1] a fait évoluer cette tâche
d’écoute dichotique vers la mise en place d’un véri-
table paradigme. En s’appuyant sur les résultats obtenus
par Broadbent [13] et l’observation d’une asymétrie des
réponses des participants entre leur oreille gauche et leur
oreille droite, Kimura a entrepris une série de recherches
dont l’objectif était de montrer les apports de la situation
dichotique dans l’étude de la latéralisation hémisphérique,
un domaine d’étude en plein essor dans les années 1960. À
partir de ses premières recherches auprès de patients souf-
frant d’épilepsie, Kimura [1] a observé que des patients
manifestant une spécialisation hémisphérique droite du
langage (détectée au préalable grâce au test de Wada)
présentaient un avantage de l’oreille gauche (left ear advan-
tage,LEA) pour identifier des listes de chiffres en situation
dichotique, alors que des patients avec une spécialisa-
tion hémisphérique gauche du langage présentaient un
avantage de l’oreille droite (right ear advantage,REA) lors
de l’identification de ces mêmes stimuli. Ses observations
auprès d’adultes sains ont montré que la majorité des indivi-
dus présentaient un avantage de l’oreille droite en situation
de détection de stimuli verbaux. Dès lors, en s’écartant
A
B
D
D
D
G
G
G
“huit”
“huit“
huit
huit
huit
un
un
“un“
“un“
un
C
Figure 1. Modèle schématique de la transmission nerveuse lors d’une écoute diotique et d’une écoute dichotique.
Emprunté à Springer et Deutsch, 2000 [12].
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des intentions initiales d’étude des mécanismes attention-
nels de Broadbent, la situation d’écoute dichotique est
devenue un paradigme d’étude de la spécialisation hémi-
sphérique. Depuis les années 1960, les recherches auprès
de populations pathologiques ont par ailleurs permis de
mettre en évidence des effets de spécialisation hémisphé-
rique dysfonctionnelle. De nos jours, l’étude de populations
neuro-pathologiques reste un enjeu majeur dans le domaine
de la recherche en écoute dichotique comme nous le ver-
rons ultérieurement.
Dans ce contexte d’accroissement et d’évolution pro-
gressive des thèmes de recherche, plusieurs auteurs se
sont intéressés aux rôles que pouvaient prendre les fac-
teurs attentionnels dans la situation d’écoute dichotique
[5, 14]. Pour certains d’entre eux, les mécanismes atten-
tionnels influenceraient, au même titre que la latéralisation
hémisphérique, les phénomènes d’asymétrie des réponses
observées. Les recherches d’Hiscock et de Kinsbourne [15]
ont participé à l’extension de ce champ d’étude. Dans le but
d’observer et d’évaluer un effet de spécialisation hémisphé-
rique du langage chez de jeunes enfants de trois, quatre et
cinq ans, Hiscock et Kinsbourne ont proposé aux partici-
pants de ne détecter qu’un seul des deux stimuli entendus
en leur indiquant, au préalable ou a posteriori, l’oreille
déterminante grâce à une petite peluche que les auteurs
situaient soit à la droite des enfants, soit à leur gauche.
Les résultats de l’ensemble des participants ont alors mon-
tré un avantage significatif de l’oreille droite (p<0,05),
quelle que soit la condition d’indic¸age. Pour les auteurs, ces
observations témoignaient de l’importance à attribuer aux
facteurs attentionnels : ceux-ci seraient, en effet, en mesure
de moduler les effets de latéralisation hémisphérique obser-
vés jusqu’alors [15]. Avec le même objectif d’évaluation
de l’influence des facteurs attentionnels au sein de situa-
tions d’écoute dichotique, Bryden [4] pondéra quelque peu
ces propos. Selon lui, les facteurs attentionnels ne seraient
pas simplement un outil de modulation de la latéralisation
hémisphérique, mais seraient plutôt assimilables à des biais
attentionnels limitant le rôle structural du traitement. Selon
cet auteur, les participants auraient tendance à avoir une
attention aléatoire au cours des essais dichotiques, c’est-à-
dire que leur attention serait orientée préférentiellement sur
une oreille plutôt qu’une autre avant d’entendre les paires
dichotiques. Sans un réel contrôle des facteurs attention-
nels au sein du paradigme d’écoute dichotique, il serait
donc impossible d’évaluer la véritable influence des fac-
teurs structuraux sur les performances des participants [4].
De l’ensemble des travaux cités plus haut et effectués
en situation d’écoute dichotique avec des stimuli verbaux,
il est possible de retenir deux observations récurrentes et
majeures, transposables qui plus est à une grande partie
de la population : la première est l’avantage évident de
l’oreille droite lors de l’identification des stimuli verbaux ;
la seconde concerne l’intervention de facteurs attentionnels
pouvant moduler cet avantage. Ces deux constats posent
alors la question de l’origine de l’asymétrie des réponses
observées, question à laquelle plusieurs modèles théoriques
se sont proposé de répondre en avanc¸ant une origine liée
soit à des facteurs exclusivement anatomiques et structu-
raux, soit à de simples facteurs attentionnels ou bien encore
à une action combinée de ces deux types de facteurs.
Les modèles explicatifs
Le modèle structural de Kimura
Le modèle structural de Kimura [1] repose sur les phéno-
mènes fonctionnels de conduction du message nerveux
auditif. En situation d’écoute diotique, i.e., en situation
d’écoute binaurale avec stimulation identique dans les deux
oreilles, le message nerveux auditif est transmis aux deux
hémisphères cérébraux via les fibres controlatérales et ipsi-
latérales, tel que le représentent les schémas A et B de
la figure 1. Cependant, la conduction du message ner-
veux auditif en situation dichotique est, elle, uniquement
assurée par les fibres controlatérales. Cette dernière situa-
tion provoque une inhibition de la conduction du message
nerveux par les fibres ipsilatérales. Par conséquent, un mes-
sage perc¸u dans l’oreille gauche en situation dichotique
est directement acheminé vers l’hémisphère cérébral droit
et inversement. L’asymétrie des réponses observées entre
les deux oreilles dans cette situation serait alors expli-
quée, selon Kimura, par la spécialisation hémisphérique :
chaque hémisphère cérébral ne pourrait traiter que des
stimuli en accord avec sa spécialisation. Dans le cas de
l’identification de stimuli verbaux, le message perc¸u par
l’oreille droite serait directement acheminé vers le lobe tem-
poral gauche, spécialisé pour ce traitement, alors que le
message perc¸u par l’oreille gauche parviendrait au niveau
du lobe temporal droit, inadapté pour traiter de tels sti-
muli. Le stimulus entendu dans l’oreille gauche serait, par
conséquent, redirigé via le corps calleux vers l’hémisphère
opposé pour pouvoir être traité. Ce mécanisme explique-
rait la plus grande facilité pour les participants à identifier
des stimuli verbaux dans leur oreille droite (l’avantage de
l’oreille droite), en lien direct avec l’hémisphère gauche
spécialisé dans le traitement du langage.
Les limites du modèle structural
Si le modèle structural était le seul à expliquer les effets
d’asymétrie observés dans les réponses des participants,
alors l’avantage observé pour l’oreille droite lors de la détec-
tion de stimuli verbaux serait censé rester constant avec
le temps. Certaines études évaluant la fiabilité du degré
d’asymétrie fonctionnelle, grâce à des protocoles test-retest,
ont cependant rapporté une instabilité de l’oreille avantagée
dans les réponses des participants [16]. Les aspects structu-
raux ne peuvent ainsi à eux seuls expliquer la fluctuation de
ces résultats. Ceux-ci semblent dépendre d’autres facteurs
tels que la nature des stimuli utilisés, la méthode de recueil
des données, ou bien encore les facteurs attentionnels sous-
jacents.
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Le modèle de la pré-activation hémisphérique
Selon Kinsbourne [17], l’avantage de l’oreille droite
observable en situation d’écoute dichotique de stimuli
verbaux ne serait pas uniquement dû à des causes struc-
turales, comme le pense Kimura [1], mais également,
en amont, à une pré-activation de l’hémisphère cérébral
gauche impliqué dans le traitement du langage, et par
voie de conséquence à une attention plus particulière dans
l’hémichamp auditif opposé. Kinsbourne rapporte en effet
que l’attention spatiale (visuelle ou auditive) est compo-
sée de deux hémichamps, droit et gauche, chacun pris
en charge par l’hémisphère cérébral controlatéral, de telle
sorte que l’hémisphère cérébral droit est responsable de
l’activation de l’attention dans l’hémichamp gauche et
inversement. Si ce phénomène est facilement observable
dans des espèces non humaines, la latéralisation des fonc-
tions cognitives supérieures, et notamment celle du langage,
complexifie cette explication dans l’espèce humaine. Lors
de l’identification de mots en situation dichotique, par
exemple, les participants s’attendant à devoir reconnaître
des stimuli verbaux activeraient par anticipation leur hémi-
sphère gauche. Cette pré-activation précipiterait à son tour
le système attentionnel vers l’hémichamp auditif droit. Pour
Kinsbourne, cette différence d’activation entre hémisphères
cérébraux créerait un biais attentionnel intervenant très
tôt dans la perception et serait à l’origine de l’avantage
d’une oreille sur l’autre. Kinsbourne [17] est parvenu à
valider son modèle notamment dans une de ses études,
entreprise dans le champ de la perception visuelle. Il a
ainsi montré que la répétition subvocale d’une liste de
mots était mieux réussie lorsque cette liste apparaissait en
même temps dans l’hémichamp visuel droit, plutôt que
dans l’hémichamp visuel gauche. Cependant, peu de cher-
cheurs estiment que ce modèle explique à lui seul les
phénomènes d’asymétrie observés. Les travaux en image-
rie de Corbetta, Miezin, Shulman et Petersen [18] vont en
effet à l’encontre de l’hypothèse de Kinsbourne. À l’aide
du paradigme d’indic¸age de Posner, ces auteurs ont mon-
tré que l’attention portée à l’hémichamp visuel gauche
active le lobe pariétal droit, alors que l’attention portée
à l’hémichamp visuel droit active autant le lobe pariétal
gauche que droit.
Le modèle en deux stades d’Hiscock
Avant d’introduire le modèle en deux stades d’Hiscock
et de ses collègues [19], il est nécessaire de définir deux des
éléments centraux de ce modèle : les processus attention-
nels bottom-up et top-down.
Processus ascendants, bottom-up,
et descendants, top-down
Notre perception, qu’elle soit visuelle ou auditive,
est considérée comme une séquence de traitement de
l’information au sein de laquelle l’attention assure une fonc-
tion fondamentale. En ne sélectionnant que les aspects
les plus pertinents de l’environnement, de manière auto-
matique ou intentionnelle, et en limitant l’influence
d’informations distractrices, l’attention permet un traite-
ment efficace de la tâche. Plus généralement, nous pouvons
dire que l’attention intervient autant dans le traitement
des signaux que nous percevons que dans l’activation de
processus cognitifs de plus haut niveau. Or, ces compé-
tences ne sont possibles qu’à travers la mise en place et
l’interrelation de deux types de processus attentionnels, les
processus ascendants, bottom-up, et les processus descen-
dants, top-down.
Les processus ascendants, bottom-up, sont typique-
ment décrits comme étant des processus automatiquement
déclenchés par la saillance des stimuli, par les événe-
ments externes à l’individu (voir la figure 2). L’activation de
processus bottom-up réfère à un certain type d’attention,
appelée «attention exogène »[20]. Bien que ces proces-
sus soient de «bas niveau »dans la hiérarchie cognitive,
ils influencent cependant les processus de plus haut niveau
cognitif lors du traitement d’une information. Les proces-
sus bottom-up peuvent ainsi être à l’origine du contrôle
de l’attention lors de la survenue soudaine d’un nouveau
stimulus. À l’inverse, le déclenchement de processus des-
cendants, top-down, est issu de l’influence des intentions,
attentes, expériences, ou projets de l’individu sur le traite-
ment de la tâche en cours. L’attention générée par ces pro-
cessus est ici appelée «attention endogène »[20]. Dans ce
cas, le traitement de l’information implique en premier lieu
des processus de haut niveau, qui eux-mêmes influencent
le traitement effectué à un niveau plus bas (figure 2).
Memoire Projets
Perception
Stimuli externes
Bottom-up
Attention
Top-down
Figure 2. Processus bottom-up et top-down.
Emprunté à Hikosaka, Miyauchi, et Shimojo, 1996 [21].
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Article de synthèse
Le modèle en deux stades
Hiscock et al. [19] ont expliqué l’avantage d’une oreille
sur l’autre grâce à un modèle de sélection de l’information
en deux stades, le premier stade étant rapide et automatique
alors que le second est plus lent et contrôlé. Le premier
stade, qualifié d’automatique, renverrait au premier stade
du traitement de l’information. Aux premiers instants de
la perception, les stimuli les plus facilement et rapide-
ment traités seraient ceux transmis à l’hémisphère cérébral
adapté. Dans ce premier stade, l’explication des phéno-
mènes d’asymétrie peut être comparée à celle proposée
pour les deux modèles précédents. L’avantage d’une oreille
sur l’autre peut soit provenir d’un phénomène structural pur
provoquant l’activation de processus bottom-up, comme
dans le modèle de Kimura [1], soit de la pré-activation de
mécanismes attentionnels sollicitant dans une plus grande
mesure des processus top-down, comme dans le modèle de
Kinsbourne [17]. Le second stade de traitement réfèrerait à
l’attention sélective et ferait appel aux processus top-down.
Il serait caractérisé par une mise en œuvre plus lente et plus
contrôlée et serait initié à partir de l’influence des informa-
tions recueillies lors de la première étape (e.g., à partir de
la forte imprégnation de l’asymétrie cérébrale). Dans cette
seconde étape, en l’absence d’événements externes contrai-
gnants la perception ou de tout autre facteur attentionnel,
le traitement resterait influencé par la seule asymétrie céré-
brale. Dans le cas de l’identification de stimuli verbaux,
ceci provoquerait par conséquent un avantage amplifié de
l’oreille droite.
Le modèle de Hugdahl
En comparaison avec les modèles précédents, Hugdahl
et al. [5, 6] ont accordé une importance particulière et nova-
trice aux facteurs attentionnels. En effet, ces auteurs ont
démontré l’importance que pouvaient prendre les facteurs
attentionnels dans le traitement de l’information en appro-
fondissant et en opérationnalisant le modèle en deux étapes
d’Hiscock [19]. Pour ce faire, ils ont recouru à un protocole
expérimental scindé en trois phases différentes, le para-
digme d’«attention forcée ». Au cours de la première phase,
dite d’attention non forcée, les participants doivent identi-
fier le stimulus le plus saillant de la paire dichotique. Dans
les deux phases suivantes, dites d’attention forcée (à l’oreille
droite et à l’oreille gauche), il est explicitement demandé
aux participants de ne prêter attention qu’au stimulus sur-
venant dans l’oreille préalablement indiquée, et ce pendant
plusieurs essais consécutifs. La comparaison des perfor-
mances entre situation non forcée et situations forcées (i.e.,
situation d’orientation préalable de l’attention) permet de
rendre compte de résultats plus contrastés quant à la force
et à la stabilité de l’asymétrie des réponses. Si, pour Hugdahl
et al. [6], l’avantage de l’oreille droite, observé avec des sti-
muli verbaux, est lié à un effet d’asymétrie fonctionnelle et
donc à l’activation des processus automatiques bottom-up,
l’ajout de demandes attentionnelles dans l’oreille droite ou
dans l’oreille gauche (i.e., de consignes), crée une modu-
lation de ces processus grâce à l’intervention de processus
attentionnels top-down.
Par conséquent, pour Hugdahl et al., les deux proces-
sus attentionnels bottom-up et top-down s’ajouteraient à
l’effet fonctionnel et structural de la conduction du message
nerveux auditif pour d’autant plus influencer l’asymétrie
des réponses entre les deux oreilles. Face à cette double
influence où les biais attentionnels viennent contraster
le traitement initial de l’information –, l’individu ne peut
que redoubler d’efforts pour parvenir à traiter correctement
l’information pertinente parmi l’ensemble des deux infor-
mations perc¸ues.
L’écoute dichotique
en tant que conflit cognitif
Contrôle et conflit cognitifs
Le terme de contrôle cognitif renvoie à l’ensemble des
processus cognitifs permettant de guider nos actions et pen-
sées en fonction des buts à atteindre [22]. Les mécanismes
constitutifs du contrôle cognitif permettent à l’individu de
faire face à des situations conflictuelles et de s’adapter à
celles-ci, en optant de traiter préférentiellement une seule
information pertinente au détriment d’une autre selon le
contexte. Nous retrouvons dans ces définitions le lien
entre contrôle cognitif et processus bottom-up et top-down
décrits par Hugdahl et al., mais également le lien entre
les concepts de contrôle cognitif et de fonctions exécu-
tives. En effet, le traitement préférentiel d’une information
sur une autre est autant soumis à des processus ascen-
dants de traitement, issus du contexte environnemental,
qu’à des processus descendants, nécessaires à la gestion
d’informations conflictuelles et guidant la prise de déci-
sion. Ces processus renvoient en partie au concept de
fonctions exécutives qui sont définies comme un ensemble
de processus permettant à l’individu de réguler de fac¸on
intentionnelle sa pensée et ses actes dans le but d’atteindre
un objectif fixé [23]. Par conséquent, au sein d’une situa-
tion d’écoute dichotique, deux stimuli peuvent générer un
conflit cognitif si la situation implique le traitement d’un
seul de ces stimuli.
Selon Hugdahl et al. [6], l’introduction d’une demande
attentionnelle au sein de la situation d’écoute dichotique
génèrerait un conflit cognitif. Tel que l’illustre la figure 3,
un fort conflit cognitif est effectivement induit lorsqu’il
est explicitement demandé à un individu (au moyen de
consignes verbales) de volontairement identifier les sti-
muli verbaux perc¸us dans son oreille gauche – oreille non
spécialisée pour ce traitement et d’ignorer les stimuli
verbaux perc¸us dans l’autre oreille [6]. L’individu doit
outrepasser sa tendance naturelle, guidée par des pro-
cessus bottom-up, à identifier les stimuli entendus dans
l’oreille droite. Cette approche de l’écoute dichotique, opé-
rationnalisée par le paradigme d’«attention forcée »[5],
permet alors de rendre compte des capacités de contrôle
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