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Le mimétisme, qui consiste en l’imitation d’un modèle selon différents procédés, est un
exemple fascinant de ce que la nature a de plus complexe. C’est un phénomène qui existait
déjà bien avant sa découverte au XIXème siècle par Henry Bates en observant les papillons
d’Amazonie. Encore peu connu à l’époque, ce domaine ne cesse d’être enrichi par des études
au fil des années.
Le mimétisme est souvent associé au mimétisme animal, certainement parce qu’il est le plus
spectaculaire chez certaines espèces (il existe aussi un mimétisme végétal qui ne sera pas
traité ici). Il n’est pas rare d’entendre le mimétisme associé aux phasmes ou aux papillons. Le
raccourci vers les insectes est d’autant plus facile. Pourtant, d’autres espèces animales
profitent aussi de ce phénomène même chez les vertébrés.
Retrouve-t-on des similitudes parmi les différentes formes de mimétisme? Comment se
manifeste le mimétisme chez les animaux dans la nature? En quoi le mimétisme intervient
dans la survie des espèces?
Dans un premier temps, nous définirons le terme mimétisme et exposerons les généralités qui
s’y appliquent. Puis, dans un second temps, nous développerons les différents types de
mimétismes. Enfin, dans un troisième temps, nous verrons dans quels buts ils sont utilisés.
I) Généralités
Le mimétisme est un terme ambigu qui provient de l’anglais « mimicry » baptisé ainsi par
Henry Bates qui signifie « capacité à mimer ». Ce phénomène correspond à l’ensemble des
imitations qu’un animal peut accomplir dans le but de s’adapter à certaines conditions de vie.
Il intervient nécessairement dans l’interaction d’espèces différentes ou l’interaction au sein
d’une même espèce. En d’autres termes, le mimétisme n’a pas d’intérêts sur l’animal qui vit
isolé.
Il met en jeu au moins l’un des 5 sens à savoir l’odorat, la vue, le goût, l’ouïe et/ou le toucher
puisqu’il fait appel à un stimulus.
Le système mimétique fait intervenir trois acteurs : Le modèle, le mime et le dupe.
1) Le modèle
Le modèle correspond à ce que le mime copie. Il peut s’agir d’un élément biotique comme
un animal mais pourquoi pas aussi un végétal. Il peut aussi faire partie des éléments
abiotiques comme un minéral. Le modèle peut être n’importe quoi mais à la seule condition
que celui-ci soit disponible depuis longtemps au sein de l’espèce dans son milieu de vie pour
permettre à l’évolution de s’adapter et pouvoir « copier » ce modèle et qu’il émette des
stimuli perceptibles par les espèces animales concernées.
2) Le mime
Le mime est un animal (ou un végétal) mais n’a pas conscience de l’imitation qu’il conçoit
et donc en est encore moins volontaire. On entend par mime l’espèce et non un individu
séparé de ses congénères. Il peut néanmoins faire partie d’une catégorie au sein de son espèce.
C’est un processus lié à l’évolution de l’espèce toute entière. Le mime plagie le modèle pour
tromper le dupe.
3) Le dupe
Le dupe ne peut être qu’un animal. C’est l’espèce ou le groupe d’espèce que le mime
cherche à repousser ou attirer. Il est trompé par le mime. En effet, il faut que le dupe soit un
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animal et soit doté de sens pour percevoir le signal émis par le mime. C’est pourquoi un
végétal ou un minéral ne peut pas être dupé. Il s’agit d’un prédateur, d’une proie ou d’un
individu du sexe opposé au sein de la même espèce.
On a donc le mime qui copie le modèle pour tromper le dupe. A partir de ce système, le
mimétisme va pouvoir se manifester sous différentes formes pour répondre aux besoins des
espèces les plus vulnérables.
II) Les différents types de mimétismes
Un mime n’est pas spécifique à un individu ou un milieu donné, on peut retrouver
différents types de mimétismes chez beaucoup d’espèces différentes.
Il est très important de souligner le fait qu’une même espèce présente généralement plusieurs
types de mimétismes.
1) Le mimétisme visuel
C’est le moyen de mimer le plus répandu dans la nature. Il touche l’organe de la vue chez
le dupe et fait intervenir plusieurs types de camouflages.
a) Homochromie
L’homochromie est caractérisée par la reproduction de la couleur du milieu de vie par le
mime. Elle peut être de plusieurs types :
simple : l’animal prend la couleur du milieu dans lequel il vit habituellement comme
les criquets.
variable : l’animal peut modifier sa couleur pour s’adapter à son milieu en temps
voulu (figure 2) comme le caméléon ou la seiche. Ces animaux possèdent sur leur
tégument des cellules appelées chromatophores. Ces cellules élastiques peuvent se
contracter et donner une couleur claire et alors être en expansion. Dans ce cas, les
pigments présents à l’intérieur s’étalent et donnent une couleur plus sombre.
Disruptive : on parle d’homochromie disruptive dans le cas l’animal présente un
découpage de couleurs le rendant moins uniforme puisqu’il semble composé de
plusieurs parties différentes.
Ombre inversée : des animaux présentent dans ce cas deux couleurs contrastées. Une
sur la face dorsale et une sur la face ventrale. Cette différence de couleurs semble lui
conférer un volume moins important en fonction de l’éclairage du milieu.
Figure 2 : Pristurus carteri, un Gecko qui à la particularité d’adapter sa couleur à son milieu
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b) Homomorphie
L’homomorphie consiste pour le mime à reproduire la forme du modèle du milieu où il vit.
Elle est souvent associée à l’homochromie. On parle alors d’homotypie qui consiste à
combiner les deux. Le phasme (figure 1) a cette grande capacité de reproduire son
environnement végétal en imitant des brindilles ou des feuilles.
Figure 1 : Phyllium bioculatum, le phasme feuille de Java qui reproduit la couleur verte ainsi que la forme
d’une feuille : une homotypie
c) L’homophotie
Certaines espèces animales sont capables d’émettre de la lumière. Ces espèces,
généralement marines comme le cyclothone pallida (figure 3), sont chassées par des
prédateurs qui entreprennent leurs attaques du bas vers le haut. Ainsi, le ventre des proies est
luminescent et leur permet de se fondre avec la lumière du ciel pour tromper le dupe au lieu
de présenter un contraste par une tache noire. Le cyclothone est même capable d’ajuster sa
luminescence en fonction de l’intensité lumineuse du soleil et de la profondeur à laquelle il se
trouve.
Figure 3 : Le cyclothone pallida pratiquant l’homophotie en émettant de la lumière.
d) Allocryptie et déguisement
Ce mimétisme est l’un des plus rares rencontré dans la nature. L’animal va se pourvoir
d’éléments empruntés au milieu dans lequel il vit pour se cacher dessous mais sans perdre sa
mobilité.
Le Phrygane rhombifère utilise des brindilles pour se cacher dans la nature (figure 4).
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Figure 4 : Phrygane rhombifère utilise l’allocryptie pour se camoufler
2) Le mimétisme chimique
Au même titre que le mimétisme visuel, le mimétisme chimique est une réelle stratégie de
dupe. Il comprend deux catégories : le mimétisme olfactif et le mimétisme gustatif. Ils
résultent tous deux de l’émission de molécules par l’animal imitant un modèle.
Souvent, on le retrouve chez les insectes qui communiquent beaucoup par l’odorat et le gout.
Ces deux mimétismes sont assez proches et difficiles à différencier surtout concernant les
phéromones.
a) Olfactif
Le mimétisme olfactif consiste pour le mime à reproduire l’odeur d’un autre animal. Pour
cela, il émet une substance, quelques fois des phéromones, qui seront perçues par le dupe.
L’araignée Mastophora, par exemple, pour attirer certains insectes et pouvoir les manger,
sécrète une substance mimétique, une goutte de liquide fixée au bout d'un fil de soie, proche
de la phéromone sexuelle de la femelle du papillon Spodoptera frugiperda. Cette araignée
réussi ainsi à attirer les mâles de cette espèce de papillon.
b) Gustatif
Le mimétisme gustatif consiste en la production par l’animal d’une substance similaire à
celle produite par un modèle, lui conférant ainsi le même profit qu’à ce dernier. Certaines
espèces vont, par exemple, tendre à imiter une autre espèce qui est capable de produire une
molécule lui donnant un goût indigeste, la rendant alors immangeable par les prédateurs.
3) Acoustique
Le mime utilise comme modèle cette fois-ci un bruit ou un son qui peut provenir d’un
animal ou d’un végétal. Il n’est pas rare d’observer des animaux vulnérables, comme les
oiseaux (copiant le chant d’autres oiseaux) ou les reptiles, reproduisant certains bruits
intimidants pour leurs prédateurs.
La chouette Speotyto cunicularia établit son habitat dans les terriers abandonnés ou qu’elle
aura pris soin de creuser. Elle réalise son nid pour sa progéniture dans ces terriers ce qui
représente un danger. Les petits cachés au fond du nid miment avec leur bec le craquement
des serpents venimeux pour repousser les prédateurs.
La sous-espèce Hypugnea parvient à reproduire le sifflement de la crécelle des crotales pour
les mêmes raisons.
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4) Le mimétisme comportemental
Le mimétisme comportemental ou auto-mimétisme est particulier puisqu’il n’y a pas
vraiment de modèle à proprement parler. Le mime se copie lui-même en réalisant des
comportements qui lui sont propre dans des conditions particulières.
Quelques oiseaux protégeant leurs petits s’éloignent du nid s’ils sont attaqués par un
prédateur en mimant une attitude de blessé. Ce dernier poursuit l’oiseau en pensant à une
proie facile à capturer et s’éloigne ainsi des petits.
a) La thanatose
La thanatose est certainement l’auto-mimétisme le plus surprenant que l’évolution ait pu
donner aux espèces animales. Certains animaux sont capables si un prédateur se trouve dans
leur entourage de simuler leur propre mort. Une thanatose peut durer jusqu’à 6 heures sans
que l’animal ne donne signe de vie. Il arrive parfois qu’une espèce puisse produire une odeur
de putréfaction comme l’opossum.
Figure 5 : Natrix natrix en thanatose
Les reptiles comme le Natrix natrix (figure 5), une couleuvre à collier, se laisse pour morte
en gisant sur le sol, la gueule ouverte et la langue pendante ainsi que les yeux à moitié fermés.
Par contre, si on tente de la remettre sur le dos pendant sa thanatose, elle se trahit en ce
remettant sur le ventre pour prolonger son mime.
b) La catalepsie
La catalepsie est similaire à la thanatose à la seule différence que l’animal ne mime pas sa
mort. Elle consiste à stopper le mouvement volontaire des muscles. Si un animal est placé sur
le dos par surprise, il rentre en catalepsie. C’est le cas des pigeons.
Si la thanatose et la catalepsie sont si voisines, on peut néanmoins qualifier la thanatose de
plus durable comparée à la catalepsie qui est plus éphémère.
5) Tactile
Le sens tactile, majoritairement présent chez les insectes sociaux ou les animaux marins,
est utilisé contre des animaux aveugles ou ne possédant qu’une vision réduite. Pour le mime,
il permet d’aboutir à la sensation de toucher que procure son modèle.
Le Labroides dimidiatus est un labre nettoyeur qui nettoie ses clients d’ectoparasites ou
bactéries. Il est reconnu par ses clients grâce au sens du toucher. Cette interaction symbiotique
apporte un intérêt pour les deux espèces. Cependant, une espèce mimétique du Labroides
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