Cours de M. Gillon
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Les mimétismes
Manger ou être mangé !!! Cette loi fondamentale de la nature a engendré chez les animaux au
cours de l'évolution des techniques de survie diverses. Parmi elles, on peut citer le mimétisme, dont
une bonne définition a été donnée par Tort en 1996 : "C'est la faculté de passer pour ce que l'on n'est
pas, avec pour résultat de ne pas être mangé, ou au contraire de mieux attaquer et manger".
Le terme mimétisme a pour le spécialiste une définition restreinte, limitée à la ressemblance
entre 2 espèces animales zoologiquement éloignées, dont l'une (= imitateur inoffensif), mime l'autre
(= modèle). Cependant, ce terme peut également évoquer tous les phénomènes de camouflage que de
nombreux animaux présentent et qui leur permette d'échapper aux prédateurs (et aux regards de
l'homme).
Homochromie, homotypie, déguisement et mimétisme au sens strict sont les 4 mécanismes
fondamentaux qui permettent aux animaux de se dissimuler. Le mimétisme est une stratégie
comportant divers aspects : morphologique, physiologique, écologique et éthologique.
Bien que le mimétisme procure un avantage aux animaux, qu'ils soient proies ou prédateurs, la
majorité des stratégies mises en jeu sont le fait de proies potentielles : dans ce cas, on parle de
stratégie anti-prédatrice. En effet, une espèce animale est toujours convoitée par un ou plusieurs
agresseurs, disposant pour le dépistage de leur proie d'organes sensoriels plus ou moins développés
(vue, ouie, odorat), aidés parfois par une dissimulation de la couleur ou de la forme.
A ces attaques, la victime répond par des adaptations diverses, et notamment le venin, l'odeur
désagréable, la fuite ou la dissimulation. Il s'établie dans cette lutte pour la vie un équilibre fragile :
la dissimulation ou le camouflage ne sont que l'un de moyens employés par une espèce pour assurer
sa survie.
Lorsque l'on parle de camouflage ou de mimétisme chez les animaux, il est entendu qu'il ne
s'agit pas d'un effort conscient de l'animal ou d'une étude raisonné comme l'homme en est capable. Il
s'agit d'adaptations dont on ne peut connaître les raisons. Cependant, certains anglo-saxons sont
tombés dans l'excès inverse et ont voulu tout expliquer par une action exclusive de la sélection
naturelle : les individus les moins protégés par leur coloration seraient détruits par leurs agresseurs,
et seuls les individus les mieux adaptés subsisteraient.
La position des auteurs français est plus souple : ils admettent en général que la sélection
naturelle ne peut pas expliquer tous les aspects du mimétisme, et réservent une place à l'adaptation
individuelle. Tout cela peut poser des problèmes car il est arrivé qu'un chercheur, même très
rigoureux, exagère ou minimise la ressemblance de l'animal avec son milieu selon qu'il croit ou non
à la valeur protectrice du camouflage…
Nous nous intéresserons au mimétisme dans son intégralité afin de mieux cerner les
mécanismes complexes qui sont engagés? Nous étudierons ensuite les comportements liés au
mimétisme dans le mode animal : nous verrons alors qu'il fait partie intégrante de la ressemblance
mimétique et nous nous attacherons aux aspects qui permettent à l'animal de développer ce
mimétisme comportemental. R. Campan donne en 1980 la définition suivante du comportement : ce
serait "l'expression dynamique des relations dialectiques permanentes entre un individu et son
milieu". Cette facette du mimétisme est peu connue du grand public, et peu d'écrits y sont consacrés.
Il existe 2 classifications principales qui opposent des points de vue d'étude différents :
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e
met en valeur la distinction entre couleurs indicatrices véridiques (couleurs
sématiques) et couleurs indicatrices mensongères (couleurs apatétiques). Dans cette catégorie sont
rangés tous les cas de mimétismes, qu'ils soient cryptiques ou voyants. Cette classification ne
présente le mimétisme que sous son aspect de coloration, et il est difficile d'y faire rentrer les
données éthologiques
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e
distingue les types de mimétismes selon leur utilité dans l'écosystème, valeur
camouflante ou exhibitionniste. Elle est plus adaptable au comportement mimétique car elle tient
compte des couleurs, du résultat obtenu et de la manière utilisée pour y arriver. Elle divise les cas de
mimétismes en 2 : la mimèse et le mimétisme vrai.
I) Caractères généraux
Il y a mimétisme lorsqu'une espèce inoffensive, appelé imitateur ou mime, imite la forme, la
couleur ou l'allure d'une espèce, appelée modèle, naturellement défendue par son venin, sa mauvaise
odeur ou toute autre cause susceptible d'éloigner les prédateurs. Les 2 animaux se confondent.
1) Les acteurs du mimétisme
On a 3 intervenants dans le mimétisme :
- le mime ou imitateur est un animal qui prend l'identité d'un autre animal, du milieu ou qui
évoque un autre animal dans le cas du mimétisme abstrait. Les moyens d'usurpation peuvent faire
appel peuvent faire appel à différents sens, selon les cas
- le modèle est un élément abiotique du milieu où évolue habituellement le mime ou bien un
organisme biotique (animal, végétal) attirant ou repoussant car immangeable ou dangereux. Il peut
arriver que le modèle soit virtuel : c'est le cas dans le mimétisme abstrait, où le modèle n'est pas un
organisme précis.
- l'opérateur ou dupe est l'acteur de plus important du trio : c'est de sa capacité à détecter le
mime que dépend sa mort ou sa survie. Il existe 2 catégories de dupe :
¤ le dupe effective réagit aux signaux du mime de la même manière qu'en présence du
modèle (que ce soit une attirance ou une répulsion)
¤ le dupe indifférent ne détecte pas le mime et est totalement abusé par ce dernier :
c'est la situation la plus fréquente
Il arrive que le rôle du mime sot tenu par plusieurs individus qui, isolés, ne sont pas
mimétiques : en groupe, ils représentent par contre un modèle unique on parle de mimétisme
collectif.
2) Les règles du mimétisme
Plusieurs règles doivent être respectée pour que le mimétisme soit efficace :
- on doit avoir une concordance de localisation entre le mime et l'imitateur : en effet, le mime
est défendu tant que le modèle éloigne les prédateurs
- le mimétisme doit apporter une protection spéciale au mime
- le mime doit se retrouver en nombre plus faible que le modèle
- l'imitateur ne présente pas un aspect propre à son groupe zoologique : il présente des
caractères visibles produisant l'illusion, mais la ressemblance est superficielle, indépendante des
affinités zoologiques. Pour cela, le mimétisme ne va toucher que des caractères externes
- l'espèce mimétique a intérêt à être vue pour échapper à ses ennemis, au lieu de se dissimuler
- la pression sélective a un rôle déterminant sur les allélomorphoses issus des populations à
tendance mimétique
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3) Les intérêts du mimétisme
Le mimétisme est une stratégie répandue dans le règne animal : son utilité reste indéniable pour
favoriser l'issue d'une attaque ou d'une défense. Il protège ainsi l'individu à court terme : sa survie est
favorisée en améliorant ses capacités à échapper aux prédateurs ou au contraire en augmentant ses
possibilités d'attraper des proies. Ces avantages ne sont pas forcément dissociables, et certains
prédateurs bénéficient des 2.
De plus, le mimétisme protège aussi une espèce à long terme par la conservation de ses
aptitudes. Beaucoup d'études portent sur la finalité du mimétisme optique : en effet, la vue étant le
sens le plus développé chez l'homme, c'est celui qui a été le plus étudié. Le mimétisme porte
cependant sur des sens peu ou pas connus par l'homme, mais ceux-là sont forcément moins
étudiés…
4) Origine et évolution du mimétisme
a) Le rôle des mutations
Les mutations sont à la source des modifications évolutives et elles sont livrées à la sélection
naturelle. Le mécanisme y conduisant est aléatoire et indépendant des besoins adaptatifs de l’espèce.
Les mutations spontanées sont souvent dues à un dysfonctionnement enzymatique pendant la
réplication lors des mitoses, ce qui provoque des modifications structurales, physiologiques,
biochimiques, et comportementales. Cependant, les mutations restent rares (fréquence 10
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), livrées
au hasard : elle n'est pas orientée en réponse aux changements de l’environnement. De plus, une
mutation touchant une cellule somatique n’est pas transmise à la génération suivante et ne participera
jamais au processus d’évolution, contrairement aux mutations touchant les cellules germinales.
Le mime n’a pas besoin de copier son modèle avec grande fidélité pour être efficace : une
simple mutation peut induire une aptitude mimétique. Ainsi, les papillons Biblis hyperia et Anartia
amalthea, n’ont pour ressemblance avec leur modèle non comestible Heliconius erato qu’une simple
tache rouge à la surface des ailes : ils bénéficient tout de même d’une protection non négligeable
grâce à cette vague similitude.
b) La genèse du mimétisme
Le mimétisme est une adaptation apparue et développée selon les lois de l'évolution. Plusieurs
théories ont été proposées et bien qu'elles présentent des arguments divergents, elles comportent
quelques recouvrements.
On distingue tout d'abord la théorie classique dite batéso-wallacienne, élaborée par Bates en
1862, mais elle a été reprise par de nombreux auteurs. Cette théorie accorde toute son importance à
la sélection naturelle, responsable de plusieurs facteurs intervenant dans le mimétisme :
- l'origine des ressemblances
- le modelage par restructuration génique de ces ressemblances selon l'impact de la prédation
cela permet le maintien des génotypes les plus adaptés.
- le biotope des populations de mime qui doit suivre celui de leur modèle
- de la stabilisation du processus quand la ressemblance est proche.
Ceci amène le principe d'évolution par advergence : on a un ajustement constant de
l'interaction entre mimes et modèles selon l'impact de ces derniers sur les prédateurs. Or, comme le
mime évolue plus rapidement que le modèle, il a une chance de ressembler à ce dernier et d'assurer
ainsi la survie de son espèce.
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e
théorie est celle de la convergence ou "pseudo-mimétisme" et elle ne repose plus sur les
effets de la sélection naturelle. Elle explique le mimétisme par des évolutions parallèles ou des
convergence fortuites, guidées par des milieux écologiques semblables. Les exigences y seraient
similaires ce qui expliquerait l'apparition de convergences même en des lieux très éloignés. Cette
théorie n'explique cependant pas les cas évidents de cryptisme et de mimétisme, non plus d'ailleurs
que leur maintien…
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La dernière théorie proposée par Bernardi en 1984 est dite bipartite : elle est fondée en 1
e
sur la
pression de sélection exercée par les prédateurs, responsable non pas de l'apparition es
ressemblances mais de leur maintien. Selon Bernardi, le mimétisme s'appuierait également sur des
convergences accidentelles. Finalement, on voit donc le rôle prépondérant de l'environnement sur le
façonnage d'un mimétisme effectif, quelle que soit la théorie retenue.
Une place particulière doit être réservée à l'exemple du coucou. Les femelles coucou déposent
leurs œufs dans le nid d'autres oiseaux, et c'est l'espèce hôte qui en assurera l'incubation. Cependant,
chaque coucou ne pond ses œufs que dans le nid de quelques espèces bien déterminées.
Une fois le nid choisi, la femelle coucou prend le soin d'éliminer un oeuf de la couvée hôte et
le remplace par le sien. L'œuf du coucou ressemble par sa taille et sa couleur à l'œuf de l'hôte : tout
se passe comme si la femelle coucou connaissait la couleur de ses propres œufs et choisissait le nid
de l'hôte qu'elle va parasiter. La couleur varie avec les individus car le coucou commun parasitant
beaucoup d'espèces. Ainsi, les œufs placés dans le nid du pipit des prés sont d'un brun foncé violacé,
rosâtres et tachetés de brun avec le rouge-gorge, blanchâtres tâchés de brun avec la Fauvette.
De tels phénomènes sont difficilement explicables mais il semble que la plupart des Oiseaux
soient capables de reconnaître l'oeuf de coucou. Cette reconnaissance amène souvent la destruction
de l'œuf ou la désertion du nid. On peut donc supposer que l'adaptation de l'œuf de coucou à la
couleur de l'œuf de l'hôte est le résultat de la destruction constante des œufs les plus dissemblables à
la couleur de l'hôte. C'est un des cas où l'hypothèse de la sélection naturelle serait la plus
satisfaisante.
5) Les principaux types de mimétisme
a) La mimèse
Ce type de mimétisme regroupe les cas de cryptisme et de camouflage : cela correspond en
réalité à l'art de passer inaperçu. La ressemblance concrète ou abstraite avec les éléments du milieu
(biotique ou abiotique) peut satisfaire plusieurs objectifs.
La mimèse protectrice confère à l'organisme une défense vis-à-vis de l'organisme : c'est le cas
des sauterelles-feuilles camouflées par leur livrée imitant une feuille jusqu'au moindre détail. La
mimèse agressive permet au contraire à l'animal mimétique de chasser sans être repéré par ses
proies, ou de se nourrir aux dépens de celle-ci (valable pour les commensaux) : c'est par exemple le
cas des mantes-fleurs. Enfin, on a la mimèse défensive.
b) Le mimétisme vrai
A l'inverse de la mimèse, l'animal mimétique ne cherche pas à se dissimuler de ses ennemis. Il
affiche ses caractères mimétiques copiés chez une autre espèce afin d'attirer l'attention de son
ennemi. Dans la classification classique, on avait coutume de distinguer les mimétismes batésien,
müllerien, agressif et intraspécifique. Une nouvelle classification a cependant été établie et distingue
5 catégories de mimétisme :
- le mimétisme batésien : c'est un mimétisme constant qui permet de repousser l'adversaire en
lui inspirant de la peur et/ou du dégoût. C'est un mime inoffensif où le modèle est protégé vis-à-vis
du prédateur : le mime sera donc également protégé…
- le mimétisme müllérien : dans ce cas, le mime est désagréable pour le prédateur. Cela
confère un avantage aux 2 espèces : quel que soit l'individu avalé par le prédateur, ce dernier sera
gêné et évitera alors les 2 espèces concernées.
- le mimétisme reproductif : il regroupe les cas où le mimétisme constant est attrayant pour le
dupe et permet uniquement la reproduction du mime. Dans ce cas, le dupe est de la même espèce que
le mime (?). L'exemple le plus frappant est l'exemple des œufs de coucou, qui ressemblent à s'y
méprendre aux œufs de l'hôte.
- le mimétisme wicklérien : les signaux envoyés à la dupe sont temporaires et sont induits par
le mime dans certaines circonstances dans le but d'attirer la dupe. En général, il s'agit d'un
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mimétisme agressif, mais ce n'est pas toujours le cas. On retrouve dans cette catégorie la majorité
des mimétismes vrais liés au comportement.
- le mimétisme ostensible : il consiste en une réponse effrayante en réponse à une menace. Il
est donc temporaire et repoussant, et vise à apeurer le prédateur par le dévoilement de faux organes
ou par une attitude menaçante subite et impromptue.
II) Les différents types de mimèse
1) L'homochromie
a) L'homochromie simple
L'homochromie est dite simple si la teinte prise par l'animal est uniforme et correspond à la
couleur du milieu que l'animal fréquente habituellement. Ainsi, les petits Criquets prennent la
couleur des prairies et la couleur verte des Perroquets concorde avec celle des feuillages où ils se
trouvent. On en réalité de très nombreux exemples d'homochromie avec le terrain : les lièvres sont
invisibles lorsqu'ils sont tapis au creux d'un sillon, les faunes des neiges (perdrix des neiges, lièvre
variable) sont blancs en hiver et fauves en été.
b) L'homochromie variable
Elle correspond à la possibilité pour les animaux d'adapter à tout moment leur coloration à
celle du milieu où ils se trouvent. Hors le cas très spectaculaire du Caméléon, on peut citer de très
nombreux exemples chez les Crustacées (Crevettes), les Batraciens (Reinette verte), les Reptiles
(Gecko), les Céphalopodes (Seiche), les Poissons plats (Sole, Limande, Turbot).
Leurs téguments possèdent des organes spéciaux appelés chromatophores, dont la contraction
ou l'expansion détermine les changements de couleur. Ce sont en fait des cellules élastiques
contenant des pigments : quand elles sont contractées, les pigments forment une boulette presque
invisible et l'animal paraît alors clair. Au contraire, lorsqu'ils s'étalent à la surface de la peau, ils
forment une plaque mince ramifiée visible et l'animal paraît sombre. La vitesse d'expansion et de
contraction des chromatophores varie selon les espèces : elle est relativement lente chez les
Crevettes, très rapide chez la Seiche.
Le mécanisme de changement de couleur varie également selon les espèces ; il sera humoral
nerveux ou bien les 2 en même temps. Par exemple chez la Crevette, le changement de couleur est
dû à 2 glandes antagonistes : la glande du sinus située dans le pédoncule oculaire et responsable de
l'éclaircissement, les organes post-comissuraux en arrière du cerveaux à l'origine de
l'assombrissement.
Chez la seiche, ce mécanisme est au contraire nerveux, ce qui explique la rapidité des
mouvements des chromatophores. Les poissons quant à eux ont un mécanisme à la fois nerveux et
humoral : chez les espèces primitives (Lamproies, Raies), c'est l'hypophyse qui tient le rôle principal
alors que chez les plus évolués (Poissons plats), la commande nerveuse se serait ajoutée pus
substituée au contrôle humoral. C'est la commande nerveuse qui prédomine chez les Reptiles.
c) Les ombres inversées
La couleur d'un animal peut être différente sur sa face dorsale et sa face ventrale, généralement
blanche chez les espèces sauvages. L'ombre d'un objet quelconque a une importance sur
l'appréciation de la forme et de son volume. Si la partie située dans l'ombre est blanche quand la
partie éclairée est éclairée, la différence est moins sensible et l'objet semble plus plat et moins
visible. C'est par exemple le cas des Oiseaux et des Poissons éclairés d'en haut.
Le phénomène de l'ombre inversée est capitale pour la dissimulation des animaux : ainsi les
animaux vivant le ventre en l'air ont une face dorsale plus claire. C'est le cas de la chenille du sphinx
du peuplier (Sphinx ocellata) ou du poisson-chat du Nil. Chez ce dernier, le poisson à l'état jeune
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