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Le Courrier de l’Arcol (1), n° 4, décembre 1999
cative. Parallèlement, les taux de HDL plas-
matiques augmentaient (9).
D’autres anomalies génétiques, comme cer-
tains déficits de facteurs de la coagulation
(déficits en facteurs VIII et IX), peuvent
bénéficier de ce mode thérapeutique (2).
Seule la durée limitée d’expression du
transgène conditionne la réussite et la faisa-
bilité pratique de ce traitement.
À côté des maladies constitutionnelles, la
thérapie génique peut s’appliquer à la lutte
contre le développement ou la progression
de pathologies acquises. Or, du fait du
caractère multifactoriel de ces maladies,
leur prise en charge est beaucoup plus déli-
cate, et représente un défi bien plus difficile
à relever que le “simple” remplacement
d’un gène déficitaire.
La resténose après angioplastie concerne
35 % des 70 000 angioplasties annuelles
réalisées en France. Elle est fréquente, coû-
teuse, réfractaire aux thérapies classiques,
et du fait des améliorations techniques
actuelles, la thérapie locale est désormais
possible. Plusieurs phases successives
concourent au phénomène de resténose
après angioplastie. Durant les premières
heures, les processus inflammatoires et
thrombotiques dominent. Ensuite, durant
sept jours, l’activité de prolifération des
cellules musculaires lisses est majeure.
Enfin, la production de matrice extracellu-
laire clôt ce processus complexe. Cette cas-
cade d’enchaînements complexes est
modulée et contrôlée par de nombreux fac-
teurs, sur lesquels les produits des vecteurs
de thérapie génique peuvent agir. La cible
initiale de la lutte contre la resténose était
l’inhibition de la prolifération des cellules
musculaires lisses. Aujourd’hui, le remode-
lage vasculaire apparaît comme le principal
mécanisme responsable de la resténose (5).
Les différents mécanismes contrôlant le
remodelage ne sont pas encore parfaite-
ment connus. Les cibles, et donc les gènes
d’intérêt à surexprimer sont encore à défi-
nir. De nombreuses stratégies ont été tes-
tées avec des résultats expérimentaux
encourageants :
–Oligonucléotides antisens : c-myb, cdk2,
proliferating cell nuclear antigen ;
– Gènes suicides : thymidine kinase, cyto-
sine désamisase ;
– Gènes contrôlant la prolifération cellu-
laire : gène gax,retinoblastoma gene,pro-
téine p21, protéine p53 ;
–Cytokines et médiateurs cellulaires :
NO, fibroblast growth factor,vascular
endothelial growth factor (VEGF), cyclo-
oxygénase, agents antithrombotiques ;
–Anticorps : anti-TGF (transforming
growth factor) (1, 2, 4-6).
Le développement de l’athérosclérose
débute au cours de la seconde décennie.
Actuellement, il n’est pas possible de savoir
si la thérapie génique sera efficace ou réali-
sable dans la prévention primaire des
lésions d’athérosclérose. Cependant, elle
constitue probablement une stratégie de sta-
bilisation des plaques vulnérables (inhibi-
tion des métalloprotéinases, prévention de
la formation du thrombus), comme de limi-
tation de la progression de ces plaques
(inhibition de la prolifération ou de la
migration cellulaire, actions antioxydatives,
blocage des cytokines ou des facteurs de
croissance, correction de la dysfonction
endothéliale...) (2, 4).
L’injection de vascular endothelial growth
factor stimule la néo-angiogenèse sur un
modèle porcin d’ischémie myocardique
chronique (11). Le transfert de fibroblast
growth factor 5 améliore le flux sanguin et la
contractilité des segments myocardiques
ischémiques d’après Giordano et coll. (8).
Des études sont en cours, concernant la prise
en charge de cardiopathies ischémiques si-
tuées au-delà de toute possibilité de
revascularisation classique (intervention-
nelle ou chirurgicale), en stimulant la néo-
angiogenèse par la technique du transfert de
gène.
La maladie du greffon veineux est le talon
d’Achille des revascularisations myo-
cardiques chirurgicales. Malgré le dévelop-
pement de nouvelles techniques (artère
mammaire interne, gastro-épiploïque, ra-
diale), les greffons veineux sont encore
largement utilisés. Soumis à un régime
hémodynamique artériel, les greffons subis-
sent une adaptation aboutissant à la forma-
tion du thrombus, à une hyperplasie néo-
intimale et à un remodelage vasculaire.
Baker et coll. rapportent les différentes cibles
potentielles susceptibles de prévenir la mala-
die du greffon par thérapie génique (12).
Isner et coll. montrent l’intérêt du transfert
du gène VEGF par vecteur plasmidique, dans
le cadre des pathologies artérielles périphé-
riques. Ils obtiennent ainsi l’augmentation du
nombre de vaisseaux collatéraux, mais aussi
des vélocités sanguines enregistrées en péri-
phérie chez des patients en stade IV de la
classification de Fontaine et Leriche (13).
Conclusion
Aucun vecteur de thérapie génique ne pos-
sède toutes les qualités d’un vecteur optimal.
Cependant, la diversité des cibles potentielles
rend difficile la standardisation d’un vecteur
qui serait applicable à toutes les situations.
De nombreux problèmes théoriques et pra-
tiques devront encore être résolus avant que
la thérapie génique ne soit employée en cli-
nique courante. De nombreuses études sont
encore nécessaires pour confirmer la sécurité
et l’efficacité de la thérapie génique, dans un
premier temps chez l’animal, puis, à terme,
chez l’homme. Néanmoins, elle représente
un formidable espoir pour de nombreuses
pathologies, en particulier dans le domaine
cardiovasculaire. ■
Références
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tor 5 increases blood flow and contractile function
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