« transition alimentaire ». Plus ou moins précoce et plus ou moins rapide selon les pays, cette
transition alimentaire se traduit par l’augmentation rapide de la consommation de viande et produits
carnés, de produits laitiers et d’œufs, de graisses animales, de sucre, de sel et, plus largement, de
produits transformés par l’industrie alimentaire. En guise d’illustration, il y a cinquante ans, un citoyen
espagnol mangeait à peine plus de vingt kilos de viande par an (21,8 kg en 1960) ; deux générations
plus tard, il en consommait six fois plus ! (111,6 kg en 2007).
Parallèlement, la transition alimentaire se caractérise par la baisse rapide de la consommation des
aliments traditionnels « de base », à savoir les céréales non raffinées, les légumes, les tubercules et les
légumes secs. Ces évolutions sont telles que les pays qui, au début des années 1960, avaient
l’alimentation la plus « méditerranéenne » - notamment la Grèce (incluant donc la Crète !), la Turquie
et la Tunisie – sont aussi les pays qui, en proportion, s’en sont le plus éloignés ! A titre d’exemple, la
Tunisie se situe au deuxième rang mondial (après l’Espagne) en termes de surfaces consacrées à la
culture de l’olivier. Mais les Tunisiens consomment de moins en moins d’huile d’olive de qualité, la
quasi-totalité de leur production (comme celle des oranges) étant aujourd’hui exportée vers les pays
d’Europe et du continent nord-américain. Quant à la Grèce, pays emblématique de la « diète
méditerranéenne », elle est aussi celui qui s’en est le plus distancié : une enquête publiée en 2009
(Angelopoulos) indiquait que 96,5 % des enfants grecs âgés de 10 à 12 ans avaient une alimentation
qui ne répondait plus aux critères du « modèle » méditerranéen ; et en 2011, Van Diepen, un chercheur
néerlandais, a montré que les étudiants hollandais consommaient davantage de céréales complètes,
de légumes et même d’huile d’olive que leurs homologues grecs.
Parmi les pays du Bassin méditerranéen, seuls l’Egypte, l’Algérie et le Maroc ont résisté et ont su
maintenir, peu ou prou, leur alimentation traditionnelle. Dans ces deux derniers pays, la situation
pourrait toutefois évoluer rapidement dans un sens négatif, avec l’implantation croissante de la grande
distribution.
Sanction de ces évolutions du régime alimentaire : la qualité nutritionnelle de la ration diminue et les
maladies chroniques liées à l’alimentation (obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires,
cancers…) ne cessent de croître. En 2009, selon l’OMS, un enfant crétois sur deux présentait un
surpoids et un citoyen grec sur trois était obèse !
A l’inverse, certains pays ou groupes de population non méditerranéens (pays scandinaves, Amérique
du Nord, Australie…) semblent entrés dans un processus de méditerranéisation de leur mode
d’alimentation. La diffusion par les médias du « modèle alimentaire méditerranéen » incite certains
citoyens de ces pays (surtout les personnes aisées et/ou éduquées) à accroître leur consommation de
fruits, de légumes, d’olives et d’huile d’olive… (et à réduire en parallèle leur consommation de viande
et de graisses). Ces aliments sont importés de pays du Bassin méditerranéen dans lesquels,
paradoxalement, ils sont de moins en moins consommés. Pour limiter ces importations, des pays
comme l’Argentine, l’Australie et même la Chine se sont mis, par exemple, à planter des milliers
d’hectares d’oliviers pour subvenir à la demande en forte croissance de leur marché intérieur.
Dans une perspective de prévention des pathologies liées à l’alimentation mais aussi de préservation
d’un patrimoine d’une très grande richesse (1), il nous paraît essentiel de sauvegarder les éléments qui
font de l’alimentation méditerranéenne traditionnelle bien plus qu’un régime alimentaire parmi
d’autres. Au niveau individuel, chacun d’entre nous peut tirer le plus grand profit à cultiver cet « art
de manger et de vivre ». La science a en effet clairement démontré combien celui-ci pouvait être
favorable à la santé, c’est-à-dire contribuer, pour reprendre la définition de l’OMS, à l’obtention d’un
« complet bien-être physique, mental et social ». Pour cela, rappelons-nous d’abord que le repas
méditerranéen traditionnel n’est pas consommé dans la précipitation et la distraction : il est pris au
contraire « en pleine conscience », et en lui consacrant le temps nécessaire pour qu’il soit un réel
moment de détente (notion de bien-être mental). La présence d’autres convives et le partage qu’elle
permet favorisent par ailleurs le bien-être social. Autres atouts du régime méditerranéen : les aliments
et plats qu’il propose sont variés (ce qui favorise l’obtention de l’équilibre nutritionnel) et ils