1
Iana Belskikh
Le sida: Création? Invention? Accident?
De nombreuses théories circulent à propos du sida, soutenant que celui-ci aurait été créé à des fins
complotistes. Un virus raciste, homophobe, une erreur scientifique, ou même encore un virus
apparemment inexistant: les théories les plus farfelues ne cessent d’être mises en avant. Mais il est
difficile à croire que de telles théories complotistes puissent tenir la route. En effet, les bases
scientifiques de ces suppositions sont inexistantes et leurs défenseurs ne jouent pas selon les règles
du jeu scientifique qui consiste à mettre sur le tapis des éléments mesurables et vérifiables.
Intéressons-nous à la véracité de ces théories, une par une.
Théorie du complot N°1: Le virus du sida a été créé par l’homme
Cette première théorie soutient que le virus du sida aurait été fabriqué par le gouvernement américain
(“Ce pathologiste américain soutient (...) par le gouvernement américain.” Le Nouvel Observateur, 23
juillet 2009) et que les agents de Santé du pays “auraient propagé les germes pathogènes via des
campagnes de vaccination” menées en Amérique et en Afrique, et tout cela “avec la complicité de
l’OMS”. Dans quel but? Pour éradiquer la race noire et les homosexuels. L’avocat en Droits humains
internationaux, Boyd Graves, aurait “porté plainte contre l’Etat fédéral pour obtenir des excuses du
gouvernement”, car il était persuadé par le fait que les statistiques, selon lesquelles 50% des noirs,
qui comptent pour 13% de la population, sont touchés par le sida, parlaient d’elles-mêmes. L’article
du Nouvel Observateur soutient que les populations afro-américaines ont des raisons d’être
“méfiantes” car, auparavant, les Etats-Unis, dirigés par Bill Clinton, avaient avoué avoir “inoculé la
syphilis dans les années 50 à des populations noires”. Le sida aurait été créé également contre les
homosexuels: à la suite d’une campagne de vaccination contre l’hépatite virale B pratiquée sur les
homosexuels à Manhattan en 1978, 93% d’entre-eux étaient morts du sida, une vingtaines d’années
plus tard. Les Noirs et les gays seraient donc les principales populations touchées par la maladie.
Le problème est que, bien que ces faits et ces chiffres soient justes, les explications qui les suivent
sont totalement fausses. L’homme a la fâcheuse habitude d’utiliser sa peur phobique de la maladie
(encore plus dans ce cas-car le sida est une maladie qui touche à la sexualité, à l’intimité et à la
pudeur) au profit de la création d’une théorie du complot totalement folle. La peur est le principal
moteur de ces fantaisies. Le fait que la population homosexuelle soit visée n’est pas étonnant: nous
passons presque tous par une période de remise en question sur notre orientation sexuelle, et ce
questionnement est souvent source de complexe et de peur refoulée, qui finit par ressortir sous forme
d’homophobie. Accuser le gouvernement américain de comploter contre les Noirs et les gays trahi
notre propre peur de ces deux communautés. Les chiffres élevés de contamination des populations
noires par le sida peuvent être en réalité expliquées par le manque de moyens de protection lors des
rapports sexuels, ou encore des conditions sanitaires très précaires, tout cela à la pauvreté et à
l’ignorance vis-à-vis de la maladie ainsi que de ses causes. Il est aussi intéressant de reprendre
l’argument opposé à la théorie du complot: “pourquoi aurait-on choisi volontairement un virus qui dort
pendant tant d’années?” (l.109-110 Le Nouvel Observateur, 23 juillet 2009). Il est vrai que si le
gouvernement américain avait réellement eu l’intention d’éradiquer les populations noires et
homosexuelles, pourquoi aurait-il choisi une maladie qui prend autant de temps pour tuer? Toute
cette théorie se rapporte aux partis d’extrême droite, terrifiés par l’idée que la population gay puisse
proliférer à tout va, sans avoir à cacher sa “différence”. Cette minorité homophobe et raciste s’en
prend à toutes ces populations qui diffèrent du “blanc hétéro vacciné”.
Le sida proviendrait également des spécialistes du sida, des épidémiologistes ou encore du Service
de la Santé Publique des USA, qui auraient créé le virus pour se faire “d’immenses profits”.(l.121-123
Le Nouvel Observateur, 23 juillet 2009) Mais même avec l’argent gag avec les trithérapies, il ne
2
serait pas possible de satisfaire les coûts des entreprises pharmaceutiques, du matériel nécessaire,
et encore moins les salaires des scientifiques et médecins.
Théorie du complot N°2: Le sida n’existe pas
Ces théories négationnistes soutiennent que le sida n’aurait jamais existé, qu’il n’aurait aucun lien
avec le VIH ou encore que c’est même possible de le guérir. En Gambie par exemple, le président
Yahya Jammeh prétend pouvoir guérir les séropositifs grâce à “des pouvoirs mystiques”. L’eau bénite
serait aussi un remède, ainsi que se convertir à l’Islam.(l.135-143 Le Nouvel Observateur, 23 juillet
2009) Tout cela bien sûr relève de la superstition la plus absurde. Les fondamentalistes chrétiens,
eux, soutiennent que le sida est en réalité une maladie créée par Dieu, qui servirait à punir tous les
pêcheurs, c’est-à-dire homosexuels, drogués et populations noires.(l.146-152) C’est de ces
suppositions que la corrélation gay/drogué fit son apparition. En réalité, les risques de transmission
chez les toxicomanes sont effectivement élevés, mais cela résulte de la contamination par partage de
seringues qui ont été en contact avec le sang de plusieurs individus, dont l’un aurait pu être infecté.
(Source: Wikipédia, Syndrome d’immunodéficience acquise) Pour ce qui est des homosexuels, ce
sont les conduites à risque fréquentes (oubli du port du préservatif, partenaires nombreux) qui
augmentent les risques de contamination. (Source: rtl.fr “Sida: les contaminations en hausse chez les
homosexuels en France”)
Pour certains scientifiques, comme Marc Griffths, Peter Duesberg ou encore le groupe de Perth, le
VIH ne serait pas responsable du sida et n’aurait aucun effet négatif sur le système immunitaire. Ce
serait, au contraire, les médicaments donnés aux patients qui provoqueraient leur mort.(l.168-170 Le
Nouvel Observateur, 23 juillet 2009) Les compagnies pharmaceutiques exploiteraient les malades, en
privilégiant le profit à leur guérison, et joueraient notamment sur la terreur que provoque le risque de
propagation de la maladie chez les gens. Ils renforcent leur théorie en prétendant qu’il n’y a aucune
preuve que le VIH est à l’origine du sida. En effet, ils soutiennent que personne n’a jamais su isoler le
VIH en tant que virus exogène et pathogène, et que bien que les trithérapies soient en partie
efficaces, elles ne guérissent pas les patients. Ces affirmations sont fausses: dans les années 2000,
la Déclaration de Durban a été signée par plus de 5000 médecins détenant un doctorat ainsi que des
scientifiques. Elle stipule que le VIH est bel et bien la cause du sida et que les preuves sont “claires,
exhaustives et non équivoques”. (Source: Wikipédia, Déclaration de Durban)
Enfin, d’autres négationnistes affirment que l’épidémie de sida en Afrique serait dûe à un “stress
chimique”, “nutritionnel” et “psychologique” (d’où viendrait l’appellation “sida africain”); la véritable
cause serait donc un “grave problème de nutrition” (l.197-206 Le Nouvel Observateur, 23 juillet 2009).
Or, comme nous l’avons rappelé tout à l’heure, les pays en développement comme ceux d’Afrique
manquent de campagnes de sensibilisation quant aux maladies sexuellement transmissibles et les
conditions économiques ne donnent pas la possibilité à chacun de se protéger lors des rapports, ce
qui augmente fortement le risque de contamination.
Théorie du complot N°3: Le virus est né d’un accident expérimental
La troisième théorie complotiste désigne comme coupable le scientifique Hilary Koprowski, qui aurait
pratiqué une campagne de vaccination contre la polio au Congo dans les années 1950: il aurait
vacciné plus d’un million d’Africains avec des vaccins à base de reins de chimpanzés. A cause du
manque d’hygiène de ces pratiques, le virus serait passé ainsi du singe à l’homme. Edward Hooper,
journaliste et ancien correspondant de la BBC affirme qu’”il existerait une proximité troublante entre la
localisation des premiers cas de sida et les zones de vaccination” (l.277-278 Le Nouvel Observateur,
23 juillet 2009), et que les cellules de reins utilisées pour les vaccins provenaient de singes
contaminés par le VIS (Virus d’Immunodéficience Simiesque). Or, Edward Hooper n’est qu’un
3
journaliste et en aucun cas un scientifique expérimenté qui serait en mesure de tenir des
informations vérifiées. C’est ce qu’a soutenu également la communauté scientifique, qui a même
tâché d’analyser un échantillon de vaccin anti-polio dans les années 2000 et n’a rien trouvé
d’anormal. Edward Hooper a contesté en soulignant qu’aucun des échantillons de l’époque n’a été
gardé et que les conditions hygiéniques d’aujourd’hui ne sont pas comparables avec celles de 1950. Il
accuse également la communauté scientifique de n’avoir pas voulu remettre en cause les pratiques
d’Hilary Koprowski, scientifique très respecté.
En réalité, le virus du sida a bien été transmis du singe à l’homme, mais cela s’est produit sous la
forme d’une progressive mutation du VIS porté par le singe. Le VIS aurait franchi la barrière des
espèces et se serait adapté à l’homme. Cette transmission a été provoquée par la chasse aux singes:
les morsures et les blessures lors du dépeçage ont exposé l’homme à du sang contaminé (théorie du
“chasseur de viande de brousse” Source: Wikipédia, Origine du virus de l’immunodéficience humaine)
La lente adaptation du virus à l’homme (le sida n’apparait qu’au XXème siècle) était due aux
populations ayant un mode de vie marginal, qui ne favorisaient donc pas la propagation. Les stocks
de vaccins restants analysés par des laboratoires ont démontré que les cellules de reins utilisées par
Koprowski provenaient de macaques, et non de chimpanzés, comme l’avait affirmé Hooper. Cela
remet en question la précision de journaliste. Une étude a notamment été publiée en 2004 dans la
revue Nature, dans laquelle on a démontré que les souches de VIS qui affectaient les chimpanzés qui
provenaient de la région où le vaccin fut préparé selon Hooper, étaient génétiquement différentes des
souches de HIV. Cela démontre que même si des cellules de chimpanzés infectés avaient été
utilisées, elles n’étaient pas à l’origine de la contamination de l’homme. (Source: rougeole-
épidémiologie.overblog.com “Le lien entre le HIV et le vaccin Polio discrédité (débunké)”)
Etre constamment à la recherche d’une personne à accuser est une des caractéristiques principales
d’une théorie du complot. Accuser Koprowski d’avoir créé le sida, la communauté scientifique de
mentir pour protéger ce-dernier, et Hooper de tenir des propos pas très sérieux étant donné son statut
de journaliste, montre comment les conspirationnistes cherchent toujours un coupable lorsque la
véritable explication manque.
Complot du sida: un complot économique
Comme nous avons pu le démontrer, les faits exposés dans l’article Le Nouvel Observateur, sont
pour la plupart justes, mais précèdent toujours une explication qui s’avère fausse. Le sida est une
maladie invisible, peu compréhensible, mystérieuse. Elle n’a pas de traitement et suscite chez les
gens une peur phobique: que ce soit la peur d’être contaminé, d’être “contaminé” par l’homosexualité,
par la même maladie que la population noire, droguée ou pauvre. A l’instar de la théorie complotiste
sur John F. Kennedy, le mystère nourris la théorie du complot du sida. Personne ne connaît vraiment
cette maladie, personne n’est informé des réelles causes et origines, donc l’humain a besoin
d’imaginer. Que ce soit des laboratoires morbides, des scénarios de fiction, de films catastrophes sur
les épidémies: l’imagination de l’homme grouille de théories plus absurdes les unes que les autres
pour apaiser son esprit. Le complot du sida diffère de tous les autres complots politiques que nous
avons pu étudier, car celui-ci est un complot économique. En effet, les conspirationnistes ont tenté de
faire croire à la création du sida en tant que génocide de la part des boîtes pharmaceutiques et du
gouvernement américain. L’OMS aurait voulu diminuer la population mondiale, le gouvernement
n’aurait pas voulu le bien-être de son peuple; c’était une soi-disant affaire de “un malade guéri est un
client perdu”.
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !